Tous les jours, à cinq heures, Laurence va courir dans le parc à côté de chez elle. Ça lui fait du bien. Ses enfants et son travail lui prennent beaucoup d'énergie, elle a besoin de se détendre et de décompresser. Tous les jours, entre deux foulées, Laurence passe devant un banc. Ce banc est toujours occupé par le même garçon. Il est toujours au rendez-vous, tous les jours. Il a l'air d'avoir plus ou moins quinze ans, Laurence n'est pas très physionomiste. Et il ne fait rien. Il n'écoute pas de musique, ne lit pas, ne joue pas avec son portable. Non. Il a les yeux dans le vide et il regarde droit devant lui. Quand Laurence passe à côté de lui et qu'elle lui dit "bonjour", il lui répond machinalement. Et ils font ça tous les jours. C'est devenu un rituel pour Laurence et l'inconnu du parc.
Aujourd'hui donc, Laurence court dans le parc. Il est cinq heures. Il est cinq heures et Laurence passe devant le banc. Le banc est inoccupé. Le banc est vide. Vide. Comme le cœur de Laurence. Son instinct de mère lui dit qu'il s'est passé quelque chose, et que cet enfant ne viendra plus jamais égayer sa journée. Laurence continue sa course, et passe sous le grand platane, où elle a pour habitude de regarder les feuilles de l'arbre. Mais ce n'est pas le feuillage qui retient son attention.
C'est un corps.
Le garçon s'est pendu. Laurence n'a plus que ses yeux pour pleurer, elle n'a plus que sa voix pour hurler sa détresse. Sa souffrance. Et sa peur.