Car ça existe encore
Consigne : À partir d'une photographie de Gilles Caron, placez-vous dans l'esprit d'une des personnes présentes sur la photographie, et écrivez un récit au point de vue interne.
Je filme ce pauvre gosse qui souffre, qui se tord de douleur par terre. J'ajuste bien l'objectif : il faut tout voir. Les os saillants au point de transpercer la peau, la position du gamin qui tente de vivre malgré tout, qui essaye de se relever sans y arriver. Il faut que tout le monde sache ce qu'il endure, qu'on essaye de nous le cacher mais que ça existe encore, ça existe et c'est horrible. Le pire, c'est qu'ils en ont pris l'habitude, les Biafrais. Ça ne les intéresse même plus, leur regard fuit, il est fixé au loin vers l'appareil photo de Gilles, parce que ça c'est intéressant et que ça ne fait pas mal au cœur. Ils tentent de se cacher la vérité, les enfants, les adultes, avec leur désintérêt évident. Ils y arriveraient presque, à se persuader que c'est normal, la guerre, la famine, la mort. Mais ce n'est pas normal. Je le sais parce qu'il y a ce petit garçon aux yeux brillants de larmes qui regarde son copain qui n'a plus la force de se rouler par terre parce que c'est devenu trop dur de vivre. Il y a ce petit garçon qui n'a pas peur de prendre conscience de la réalité, il y a Gilles dont l'appareil photo témoigne avec nous et je suis là, je filme cette souffrance sous toutes les coutures, en zoomant et en dézoomant. Je filme parce que ça devient ma raison de vivre de prouver au monde que les hommes sont encore des brutes, des bêtes qui font souffrir des enfants, des innocents qui ne pourront plus jamais jouer, plus jamais. La prochaine fois, c'est promis Maman, je finirai ma soupe. Je finirai ma soupe et j'ai désespérément envie de vivre.
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