Bel Ami (pastiche)
Georges Duroy sortit du Starbucks Coffee® en recomptant sa monnaie. Décidément, on ne peut plus faire confiance à personne de nos jours, pensait-il, le monde part vraiment en vrille.
Malgré son prénom passé d'âge, Georges était ce qu'on appelle communément un beau gosse. Il se redressa, fit ressortir ses abdominaux sculptés par la musculation, passa sa main dans ses cheveux à la manière de ces youtubeurs bad boys dont il avait studieusement écouté les conseils de séduction, et commença sa chasse aux femmes célibataires.
Georges parcourut la terrasse du restaurant du regard. La gent féminine manquait cruellement de qualité, selon lui. Les quelques femmes qui étaient attablées avaient bien envie d'être coupables d'adultère, cependant elles n'étaient pas à son goût. Seule à une table, une prof approchant à grands pas de la cinquantaine, avec un style vestimentaire qui laissait à désirer. Aujourd'hui, elle portait une robe à fleurs qui semblait sortir du fin fond d'un grenier. Deux femmes au physique très quelconque, qui s'ennuyaient visiblement, accompagnaient leur mari, qui lisaient impassiblement l'exemplaire du Monde du jour. Ce n'était pas aujourd'hui que Georges trouverait la perle rare.
Georges s'éloigna du restaurant à grands pas en envisageant mentalement la suite de sa journée : il lui restait quinze euros : c'était assez pour deux kebabs avec supplément fromage fondant. Mais en même temps, se dit-il, étant donné que Khaled réduisait ses prix pour les happy hours, il pourrait autant s'offrir deux kebabs normaux et deux shots de vodka le soir. Il lui resterait assez d'argent pour se payer un tacos, chez Ramza. La crème de la crème... Georges salivait rien qu'à cette idée, alors il se mit à marcher vers la place du Tertre.
Il marchait de la même façon que quand il faisait son service civique : il se redressait et semblait gonfler ses pectoraux, la tête droite, fusillant du regard ceux qui osaient se mettre en travers de son chemin. Il rajustait sa casquette à l'envers NY avec un dédain particulier, comme si le monde devait être soumis à ses yeux bleu glacier.
Georges passa devant la vitrine d'un magasin muni d'un miroir sans tain. Il en profita pour s'admirer quelques instants. Même s'il ne s'était pas acheté beaucoup de vêtements depuis qu'il était au chômage, il était tout de même assez séduisant dans son polo imitation Lacoste. Il adorait sa haute stature, sa silhouette athlétique, ses cheveux blonds et son regard fier. Georges correspondait parfaitement aux canons de beauté en vigueur. Satisfait, Georges, reprit sa marche.
Il faisait bien trop chaud pour un mois de juin. Georges se mit à raser les murs pour profiter de l'ombre, mais il se ravisa : les effluves désagréables d'égouts et de cuisine le prenaient à la gorge. Georges n'allait pas sentir bon s'il continuait à marcher sur les trottoirs. Il s'éloigna vers le Sacré Cœur, sortit son déodorant de son sac et se vaporisa généreusement les aisselles.
Les peintres-à-touristes, échevelés, attendaient patiemment un touriste un peu stupide qui accepterait de se faire arnaquer. Les touristes et les passants, eux, marchaient avec leur Panama sur la tête, bouteille d'eau en main.
Cependant, Georges avait oublié ses Ray Ban et souffrait de la chaleur. L'idée lui vint d'aller trouver un coin d'ombre au square Léon, dans le quartier de la Goutte d'or. Georges désespérait : quand était-ce, la dernière fois qu'il avait serré une jeune femme dans ses bras ? Georges rêvait d'amour tendre et de baisers volés. Il l'emmènerait au mur des je t'aime, place des Abbesses, et ils échangeraient tous les deux un long et doux baiser. Il imaginait déjà leur rencontre : eux deux se bousculant, elle faisant tomber ses livres, lui l'aidant à les ramasser, et là, le coup de foudre et une histoire d'amour passionnée.
Cela faisait longtemps que Georges l'attendait, elle, la déesse de ses nuits. Tous les jours, il rodait dans les parcs à la recherche d'une jeune femme romantique, en vain. Parfois pourtant, Georges parvenait à ne pas passer la nuit seul, mais la magie s'arrêtait à l'aube pour le laisser plus seul que jamais.
Sans argent et en transe, Georges se consolait auprès des femmes aux mini jupes et aux collants filés. Elles passaient derrière lui et lui chuchotaient d'une voix aguicheuse "Qu'est-ce que vous faites ce soir, beau gosse ?". Mais Georges n'avait que faire des péripatéticiennes : il préférait des baisers sincères, et les caresses forcées ne le satisfaisaient plus.
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