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64. Bonne journée

Arpentant seule un large couloir identique à celui l'ayant conduite jusqu'à la salle d'examen, Julia, qui a pu se laver, a retrouvé apparence humaine - sa peau n'est plus crasseuse et ses cheveux ont récupéré une brillance qu'ils n'avaient pas connue depuis fort longtemps.

Maintenant habillée d'une combinaison gris clair galbant parfaitement son corps athlétique, l'adolescente suit les indications d'un bracelet électronique qui fait office de guide. Passant devant un sas, Julia s'arrête tout net de marcher lorsque, de sa voix électrique singeant celle d'une femme, l'accessoire accroché à son poignet lui dit :

— Vous êtes arrivée. Bonne journée.

Consécutivement à un bip-bip en provenance du bracelet, la porte s'ouvre et Julia, qui se tient à l'embrasure, peut discerner au centre d'une pièce spartiate plongée dans le noir deux fauteuils mis côte à côte et simplement éclairés par un plafonnier.

Avançant vers l'un des sièges, la rouquine s'y installe et, après un instant où elle est restée là plusieurs minutes à patienter dans un silence absolu, son attention est attirée par un événement inattendu : au niveau de ses pieds, un chat au pelage gris tigré de blanc lui fait un rond de jambe avant de sauter sur le second fauteuil pour s'y rouler en boule.

Fixant émerveillée l'animal qu'elle pensait avoir disparu de la surface de la Terre, c'est d'une main hésitante que Julia vient le caresser délicatement. Au contact de sa peau avec le pelage de la bête, la survivante est immédiatement traversée par un sentiment de quiétude qu'elle n'avait jamais ressenti auparavant, du moins, pas en réalité.

À mesure que Julia fait danser le bout de ses doigts sur le museau du félin, qu'ils remontent jusqu'à ses yeux couleur turquoise, celui-ci se met à ronronner. Très vite, bercée par ce ronflement qui l'apaise, Julia se sent mieux au point de retrouver la parole :

— C'est donc toi qui voulais me voir ? demande-t-elle à l'animal.

Maintenant à son aise et sans qu'elle ne prête véritablement d'attention à sa provenance dans la pièce, une voix féminine dont le timbre paraît à la rouquine curieusement intime se fait entendre :

— Bienvenue parmi nous, lui dit l'inconnue.

Sans encore parvenir à associer cette voix à un visage, tout en continuant à caresser le chat, Julia lance sèchement à son interlocutrice cachée dans le noir :

— Qui êtes-vous ?

— Je suis l'une de celles et de ceux qui ont fondé dans cette ancienne base militaire cette colonie. Tout comme toi, moi aussi j'ai été l'un de ces produits issus du même abattoir pour êtres humains.

Sans avoir cillé, trop occupée à contempler l'animal merveilleux qu'elle caresse toujours, l'adolescente demande d'un ton monotone :

— C'est grâce à vous que j'ai pu obtenir toutes ces capacités ? Que j'ai pu déverrouiller les accès de cette installation ?

— Oui, répond sans plus de détails l'inconnue tapie dans l'ombre. Mais pour tout le reste, ce ne fut que le fruit d'un heureux hasard.

Julia observe et touche à présent la face intérieure de son poignet. Sous la peau, elle peut sentir le dispositif d'identification. Ne pouvant s'empêcher de repenser à cet Enzo qui lui en avait révélé l'existence, c'est tout en dévisageant dans le noir l'exacte position d'où provient la voix, qu'elle dit :

— Et de m'empoisonner avec ce « super-gène », ça faisait aussi partie de votre plan ?

— Oui, mais, contrairement à ce que tu sembles croire, ce plan n'avait pas pour objectif de te sauver toi ou même une poignée d'autres prisonniers.

— Pourquoi m'avoir aidée à m'enfuir dans ce cas ?

— Parce que tu es exceptionnelle, Julia. D'ici, j'ai pu suivre ton parcours et quand j'ai vu jusqu'où tu étais parvenue à survivre, j'ai décidé de t'extraire. Le jeu en valait la chandelle comme on dit.

À présent murée dans un silence la rendant belle, l'adolescente semble rongée par une intense réflexion, mais ses traits de visage n'en montrent aucune trace. Dévisageant toujours dans le noir l'exacte position où se tient son interlocutrice, Julia l'interpelle à nouveau en ne cessant de questionner davantage sa propre existence :

— L'attache moins bien fixée et le dysfonctionnement des caméras, c'était donc vous ?

— Oui, mais ce n'était pas entièrement de mon fait. Nous avons piraté la sécurité et le système de vidéo surveillance de l'abattoir où tu te trouvais. Malheureusement, c'était le maximum que nous pouvions faire.

Après avoir esquissé un sourire narquois, signe d'une assurance mêlée de décontraction qui ne lui ressemble pas, la rouquine vient s'installer plus confortablement dans son fauteuil. S'appuyant davantage contre le dossier, elle trouve, en croisant l'une sur l'autre ses jambes, la posture bien droite d'une véritable femme de pouvoir.

Sans se rendre compte que par mimétisme Julia a pris l'exacte même attitude de rigueur qu'avait la responsable aux cheveux blonds l'ayant torturée, elle demande :

— Depuis combien de temps vous nous laissez mourir pour servir de repas à ces monstres ?

— Malheureusement, depuis aussi longtemps que cette colonie existe, lui répond l'inconnue avant de s'avancer vers l'adolescente pour, entrant dans la lumière, révéler son identité.

Sans pour autant montrer d'une quelconque manière sa stupéfaction, ce n'est pas sa copie conforme que Julia dévisage à présent, mais une version plus âgée d'au moins une vingtaine d'années. Maintenant, elle comprenait mieux pourquoi cette voix qui avait été transformée par le temps et lui semblait si familière ne pouvait que l'induire en erreur.

— Si vous saviez depuis tout ce temps, pourquoi vous n'avez encore rien fait pour nous libérer ? demande alors la survivante que son éprouvant voyage a rendue méconnaissable jusqu'à avoir gommé la moindre hésitation dans ses prises de parole.

— Parce que nous ne pouvions pas nous permettre un tel risque. Pas tant que nous n'étions pas parfaitement prêts et, crois-moi, de la patience, il nous en a fallu, car cela fait seize ans que nous attendons ce moment. Avant même que tu ne sois conçue, des généticiens qui travaillaient dans l'un des laboratoires de fécondation in vitro de l'entreprise qui t'a élevée sont parvenus à modifier près de dix milles bébés-éprouvette. En plus de compétences spécifiques faisant de vous des soldats, cette modification génétique avait aussi pour objectif de vous rendre impropres à la consommation. Ces bébés, tu en faisais partie, et avec tes frères et sœurs, vous venez en quelque sorte, de vous réveiller d'un très long sommeil.

Ces révélations bien que tardives sur sa conception et son « utilité » n'ont pas surpris plus que de mesure Julia. Sans tergiverser, elle rétorque à son aînée de son air devenu supérieur en faisant elle-même les questions et les réponses :

— Vous vouliez les forcer à se débarrasser de nous et, lorsqu'ils le feront, vous serez là pour nous recueillir tous et, j'imagine, les soigner tout comme vous venez de le faire avec moi. C'est très malin, concède l'adolescente.

Avant de rajouter avec malice :

— Si toute fois vous arrivez à temps et que votre plan ne les ait pas déjà tous transformés en monstres ! C'est bien ça ?

Par son mutisme qui se prolonge anormalement, la version âgée de Julia trahit son étonnement quant à la clairvoyance de sa benjamine.

— Quand j'ai traversé les systèmes de ventilation, précise la rouquine, j'ai dû me battre contre des créatures. Leurs yeux étaient rouges, leur peau écaillée et elles avaient deux rangées de dents. C'est en rencontrant cette responsable de la qualité des viandes que j'ai compris ce qu'étaient vraiment ces créatures : des clones, tout comme nous, mais qui s'étaient transformés. Cette femme, elle conservait dans un immense aquarium des saumons aux proportions étranges, ceux qui sont à l'origine de tout. Les animaux sur qui ils avaient testé en premier ce « super gène ».

Dans la faible clarté du décor impersonnel où se déroule la rencontre, l'unique interlocutrice de Julia, cette jumelle de très exactement seize ans son aînée, répond en s'excusant à demi-mot :

— Je... Je ne savais pas que certains s'étaient transformés de la sorte. Il n'y avait aucune caméra de surveillance dans les systèmes de ventilation, mais, tu as dû t'en rendre compte, même si ici nous sommes déjà nombreux, ce n'était pas suffisant pour mener à bien une opération d'envergure. En utilisant à notre avantage la capacité d'élevage de cet abattoir, nous pouvions lever une véritable armée et, malheureusement, la seule solution pour y parvenir était de mettre au point une modification génétique qui vous rendrait impropres à la consommation pour ceux qui vous élèvent. Une sorte de copie de ce « super-gène ».

— Au risque d'accroître la dégénérescence qui a condamné la race humaine, ajoute Julia de son air impassible.

— Oui. Aussi terrible que cela puisse paraître, à l'époque où nous avons lancé cette opération, nous n'avions aucune autre alternative et trop peu de temps pour faire mieux. Notre copie de ce« super-gène » était suffisante, mais instable.

— Et après ? réplique Julia qui, décidément, ne laisse aucun répit à cette copie plus âgée qu'elle. Quand des milliers d'entre nous transformés en soldats vous auront rejoint, que se passera-t-il ?

— Nous pourrons attaquer l'abattoir d'où tu t'es échappée et ce n'est qu'un début. Partout sur Terre, d'autres colonies comme la nôtre existent et des actions similaires sont en cours. Nous partageons tous l'espoir que, si nous gagnons ces batailles et prenons le contrôle de suffisamment d'abattoirs, nous pourrons offrir à l'humanité une seconde chance.

— Pour qu'elle puisse faire quoi ? intervient Julia. Il n'y a plus de surface cultivable, plus d'espèces animales à élever. Pourquoi vouloir nous donner un nouveau départ s'il n'y a plus rien pour se nourrir ?

Celle qui aurait pu être désignée comme étant la grande sœur de Julia s'avance maintenant vers le second fauteuil. Prenant dans ses bras le chat qui s'y trouve endormi, elle s'assied. Après avoir caressé l'animal peu farouche, elle le pose au sol et, s'éloignant pour disparaître dans l'obscurité, ce dernier laisse derrière lui les deux clones se faisant face avec presque deux décennies de décalage dans le temps.

— Ce que tu as pu apprendre dans cet abattoir était vrai, mais en partie seulement. Il y a des régions oubliées du monde, des endroits où la vie a repris son cours « normal ». C'est là où certaines de nos colonies se sont installées, mais en faisant table rase des erreurs du passé – pour cohabiter avec la faune et uniquement se nourrir de la flore au lieu de la détruire pour en tirer profit. Voilà quel est notre objectif pour l'humanité. Tu l'as compris, l'endroit où tu te trouvais était construit dans le sous-sol et il communiquait avec un centre commercial, des habitations aussi. Tu ne le sais pas, mais c'est dans les profondeurs de la Terre que l'Homme a été forcé de se réfugier il y a de cela plus d'un siècle et il n'y a qu'une seule et uniquement raison à tout cela : que ceux qui dirigent puissent garder dans l'ignorance cette population et préserver leur hégémonie.

Sans bouger pour autant de sa posture de rigidité cadavérique, Julia, qui découvre une réalité dont elle n'avait cerné que les prémices, écoute à présent son aînée avec une attention toute particulière.

— En réduisant l'alimentation à une seule et unique ressource, les élites corrompues par les lobbies agro-industriels sont parvenues à asservir de manière totale la population du monde entier. En supprimant toute alternative autre que celle de consommer de la viande humaine, les puissants pouvaient enfin maîtriser l'avenir de l'Homme et en infléchir la moindre des aspirations. Ceux qui refusaient de se soumettre ou ont tenté de révéler la vérité au grand jour étaient soit tués soit emprisonnés.

— Mais qui sont ces « puissants » dont vous parlez ? rétorque alors Julia à l'attention de sa jumelle plus âgée.

— Ceux qui jadis fabriquaient des pesticides et des semences toujours plus résistantes. Ceux qui ont rendu toute agriculture impossible en épuisant les sols. Les mêmes qui ont pollué l'air et l'eau des océans. Les mêmes qui ont transformé le climat et entraîné la fonte des glaces, immergeant ainsi les terres pour forcer une population toujours plus nombreuse à s'entasser dans des habitations sous-terraines dont ils contrôlaient l'accès. Ce sont encore les mêmes qui, en voulant faire plus de profit, ont créé ce «super-gène » pour augmenter la rentabilité d'espèces animales vouées à l'élevage industriel. Les mêmes qui, lorsqu'ils ont compris que malgré tout l'or du monde ils ne parviendraient jamais à quitter cette planète pour en coloniser d'autres, l'ont modelée à leur image et de la façon la plus cynique qui puisse exister.

Ce pamphlet dit comme s'il avait été craché au visage de Julia, c'est après une courte réflexion que l'adolescente trouve les mots et lance à son aînée :

— Alors quoi ? Vous voulez repeupler la Terre de personnes comme nous ? Éradiquer le reste de l'humanité et ne manger que de l'herbe ? Un bourreau pour en remplacer un autre, c'est bien ça ? Vous avez fait de moi et de milliers d'autres des soldats : est-ce que ce sont nos compétences que vous comptez utiliser pour sauver l'espèce humaine ? Les mêmes qui ont aidé à l'oppresser et à l'asservir ?

Restée silencieuse dans un terrible aveu, la grande sœur à laquelle Julia s'oppose à présent esquisse en guise de réponse un léger sourire. Dévoilant au grand jour l'impossible réconciliation qu'il existe entre essayer de réussir et s'en donner les moyens, la cadette dit à sa benjamine :

— Tu désapprouves notre stratégie et je te comprends, mais non, nous ne voulons pas tuer ces gens. Notre but est au contraire de les libérer de cette emprise et, dans un second temps, de les soigner. Malheureusement, nos véritables ennemis, ceux qui ont transformé méthodiquement l'humanité pour la contrôler et en faire profit, ne nous laisseront pas faire. C'est d'eux que nous voulons nous débarrasser.

— Comment pourriez-vous aider ces milliards d'hommes, de femmes et d'enfants s'ils n'y sont pas parvenus par eux-mêmes ? questionne alors la survivante.

— Mais parce qu'ils n'ont jamais pu le faire auparavant. Depuis que les gouvernements ont autorisé l'élevage humain, toutes les activités de génie génétique sont strictement encadrées. Ces abattoirs n'ont jamais eu de raison d'être, pas plus que ces immenses centres commerciaux où on ne peut acheter que de la viande humaine. Ces gens sont prisonniers tout comme tu l'étais et leur existence est bien trop profitable à ceux qui exploitent cette unique faiblesse qu'est devenue la leur : le besoin de se nourrir de congénères sains. C'est du fascisme à une échelle jamais atteinte dans l'histoire de l'humanité tout entière.

Soufflée par l'implacable réalité, Julia demande plus intriguée que jamais :

— Vous n'êtes pas une simple évadée de cet abattoir, n'est-ce pas ? À part vous, je n'ai vu que des clones de mon âge alors qui êtes-vous ? Qui êtes-vous vraiment ?

Percé au grand jour et marquant une courte pause avant de dire sa vérité, ce clone adulte de Julia continue en toute transparence à livrer ses révélations :

— Avant de lancer toute cette opération, il fallait en confirmer la viabilité. Je suis ce que l'on appelle « le patient zéro ». Je suis le premier enfant sur qui on a testé la même modification qui t'a transformée, toi et des milliers d'autres avant d'en annuler les effets. Vois-tu, il y a près de trente ans, c'est la femme qui m'a élevée comme sa fille qui, malgré le contrôle strict des autorités, est parvenue à isoler l'expression de ce « super-gène » qui a condamné l'humanité au cannibalisme. Elle savait qu'à terme, elle serait capable d'en contrer les effets, mais révéler tout cela l'aurait fait tuer et ses recherches auraient été détruites. Il lui fallait donc un plan. Un plan qui lui laisserait à la fois le temps de finir ses expérimentations et les moyens de se faire entendre auprès de la population le jour venu.

La grande sœur de Julia se stoppe. Soudain pensive, elle détourne son regard de celui de sa benjamine. Les sourcils froncés, émue aux larmes, elle semble à présent s'être perdue dans des souvenirs douloureux. Essuyant ses pleurs, elle reprend ses explications :

— J'avais à peu près ton âge quand ma mère, aidée d'une poignée d'autres scientifiques, a décidé de lancer cette opération qui, aujourd'hui, est arrivée à son terme. Avant de trouver refuge ici, ils ont modifié le plus grand nombre d'embryons possible et cela sans que personne d'autre qu'eux ne soient au courant. Ces embryons, je te l'ai dit, tu en faisais partie, mais, en fuyant, ils ont aussi emporté avec eux le plus de nouveau-nés qu'ils pouvaient. Presque deux cents. Ce sont ces filles et ces garçons qui ont le même âge que toi que tu as pu voir en arrivant.

Après un silence interminable durant lequel les deux clones qui se font face se dévisagent avec quasiment deux décennies d'écart, la version adulte dit à sa version adolescente :

— Crois-moi, j'aurais préféré te présenter les choses autrement, mais l'abattoir duquel tu t'es échappée évacuera bientôt nos frères et sœurs. Pour cette opération, nous avons besoin plus que jamais d'une personne comme toi. Quelqu'un d'hors-norme. Une leader. Une guerrière. Alors, maintenant que tu connais toute la vérité, vas-tu nous aider à changer le destin de l'Homme ?

Alors qu'elle dévisage son aînée, Julia ne répond rien. Ce faisant, elle peut lire dans les yeux de cette grande sœur toute la complexité d'une émotion humaine : celle d'un être prêt à partir en guerre et qui n'a pas peur d'y laisser sa vie.


FIN

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