63. Visages familiers
Après un voyage de près d'une heure, Julia, qui depuis son sauvetage est restée parfaitement silencieuse, voit le sas du vaisseau l'ayant transportée s'ouvrir devant elle. Creusé dans le sous-sol, apparaît sous ses yeux un vaste complexe de base militaire qui, à en juger par l'usure ayant marquée ses fondations, semble avoir été construit il y a de cela plusieurs décennies.
Escortée par son clone aux cheveux coupés court, la rescapée découvre les prémices de l'édifice où de nombreux autres vaisseaux sont déjà stationnés. Dans ce complexe souterrain, travaillant main dans la main, des adolescents uniquement, garçons et filles, œuvrent à des tâches multiples et, au vu de leur effervescence, préparent une mission d'envergure.
Fixant ceux et celles qui croisent son chemin, Julia reconnaît les visages familiers de ses anciens camarades de cellule, mais alors qu'un sentiment de joie intense la submerge, elle est rattrapée par la dure réalité : constatant que certains des jeunes gens possèdent jusqu'à cinq jumeaux travaillant côte à côte, à n'en pas douter, elle se trouve en présence de clones qui, tout comme elle, ont dû être sauvés et recueillis ici.
Suivant sa réplique au travers d'un long couloir, Julia est conduite vers une salle dont le sas s'ouvre sur un intérieur de laboratoire médical. Au centre de la pièce où règne une clarté si vive qu'aucune ombre n'est apparente, un autre clone, cette fois-ci celui de Kylian, attend. En le voyant, Julia se précipite vers lui avant de se raviser pour, se figeant sur place, le fixer stoïquement.
— Une fois son examen terminé, le consul veut la débriefer ! lance la copie de Julia au nouveau Kylian qui acquiesce d'un hochement de tête.
Après quoi, l'adolescente aux cheveux coupés court sort de la pièce laissant la survivante seule face à cette rencontre d'outre-tombe.
— Tous ces visages familiers, ça doit te faire bizarre ? dit le clone de Kylian à Julia. Mais tu verras, tu finiras par t'y faire.
Alors que l'envie de se jeter dans les bras du « revenant » la submerge, Julia n'en fait rien. Elle dévisage toujours le garçon à la peau noire perdue dans ses souvenirs, bouleversée, en se tenant bien droite comme un piquet.
— Je suis l'un des docteurs de cette base. Si tu veux bien t'asseoir, je vais t'examiner, lui dit le « mort » de la voix la plus avenante qu'il puisse faire tout en désignant d'une main un fauteuil comparable à un siège de cabinet dentaire.
S'extirpant, non sans mal, de sa posture léthargique, se rapprochant timidement du fauteuil qui lui a été indiqué, Julia s'y assied avec appréhension. Une fois que l'adolescente y est confortablement installée, l'assise se met lentement à bouger pour prendre une position semi-allongée.
— Rassure-toi, ajoute le « docteur » tout en se déplaçant pour rejoindre un large pupitre de commande. C'est parfaitement indolore.
Sur la console derrière laquelle il se tient à présent, le nouveau Kylian manipule la surface d'un écran tactile et il démarre l'examen. Autour de Julia, sortant du sol, des capteurs associés à des lumières stroboscopiques se mettent à aller et venir dans l'air et, en quelques secondes à peine, leurs senseurs collectent toutes les informations nécessaires pour connaître dans le moindre détail l'état aussi bien physique que mental du patient.
Assistant sans bouger au ballet de ces modules électroniques qui virevoltent tout autour d'elle, Julia est soudain prise d'une angoisse. Se cramponnant aux repose-bras du siège, elle enfonce ses ongles dans la matière molletonnée, le procédé lui rappelant les drones et leurs lumières qui, dans sa cellule, les persécutaient elle et ses semblables. Mais la peur n'a pas le temps de s'installer - les capteurs d'analyse réintègrent leurs emplacements d'origine et Julia peut se détendre. Après quoi, le fauteuil reprend sa position initiale.
Regardant une série de chiffres et de graphiques apparus sur l'écran du tableau de commande, le clone de Kylian doué de compétences en médecine donne son verdict :
— Tues en parfaite santé et ton enfant va très bien lui aussi.
Alors que la rescapée accueille la nouvelle dans un mutisme devenu inquiétant, le « docteur » lui demande :
— Est-ce que tu veux voir à quoi il ressemble ?
Julia, qui n'a pas lâché un traître mot depuis son combat avec sa geôlière, ouvre alors la bouche pour répondre, néanmoins aucun son n'en sort - non pas qu'elle refuse de parler, mais elle n'en est tout simplement pas capable. Pour se faire malgré tout comprendre et avec emphase, Julia acquiesce d'un ample hochement de tête.
Quittant sa position, le clone de Kylian rejoint sa patiente et, une fois à son chevet, lui dit avec toute la compassion du monde :
— Ne t'inquiète pas, tu as dû subir un stress intense. C'est pour cette raison que tu ne parviens pas à parler. Rassure-toi, dans peu de temps, tout sera rentré dans l'ordre.
Sortant d'une poche de sa combinaison un ustensile de la taille d'un stylo, et, après avoir appuyé dessus, le « docteur »fait apparaître face à Julia l'hologramme du fœtus qui grandit en elle. À ce stade de la grossesse, le futur enfant a déjà un corps parfaitement formé et sa peau très fine laisse voir les vaisseaux sanguins. Parcourant la frêle enveloppe, ils semblent converger vers le cœur qui, lentement et régulièrement, bat de légères pulsations.
Utilisant son « stylet » pour faire tourner l'hologramme du fœtus, le clone de Kylian oriente sa tête pour que Julia puisse mieux voir son visage - ses lèvres sont dessinées et, dans le prolongement de son nez, ses yeux ont déjà pris la forme de ceux de l'un des anciens partenaires de cellule de la survivante.
Émue aux larmes par une excitation mêlée de mélancolie, Julia éclate en sanglots. Bouleversée par ce qu'elle vient de voir, elle se perd dans le regard de sa progéniture qui, d'ici quelques années, ressemblera exactement à celui de l'un de ses anciens partenaires de cellule : cet autre Enzo qui, après l'avoir sauvé d'une mort certaine, l'avait aidée à fuir et dont elle était tombée amoureuse.
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Merci beaucoup d'avoir lu ce soixante-troisième chapitre. J'espère que vous l'avez aimé autant que les précédents. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à cliquer sur la petite étoile pour voter :) La suite et fin de mon histoire arrive samedi. Je suis à la fois triste que ça se termine et aussi super excitée de partager avec vous ce dernier chapitre et de connaître votre avis dessus. Bises.
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