Surprise par cette intervention qui l'a mystifiée sur place, dans un moment suspendu dans le temps, Julia, qui prend peur, rebrousse chemin et se met à courir. Très vite, elle voit que du côté opposé à celui où est apparu le soldat qui la menace de son lourd fusil, le chef en costume cintré qui était après elle la vise de son arme. En ultime recours, Julia se jette alors au sol.

Actionnant son impressionnant arsenal, le soldat nouvellement arrivé tire dans un tumulte assourdissant et, regardant passer au-dessus d'elle la rafale, Julia comprend vite qu'il est venu pour l'aider dans son évasion et non le contraire.

Face à un tel déluge de violence létale qui s'abat sur lui et perfore tout sur son passage, le chef qui cherche à tuer l'adolescente n'a d'autre choix que de se mettre à l'abri. Rampant à présent sur le sol alors que les tirs n'ont toujours pas cessé, Julia rejoint son sauveur. Relâchant la gâchette de sa mitrailleuse, ce dernier lui tend une main amicale et l'aide à se relever. Puis, il lui dit d'une voix filtrée au travers de son casque de protection ce qui ne permet pas de déterminer s'il s'agit d'une fille ou d'un garçon :

— Viens avec moi. Une navette nous attend.

Prenant la tangente, après une course effrénée au travers d'un dédale de couloirs tous identiques entre eux, le duo de fuyards arrive devant un sas associé à un panneau de commande. Appliquant la face intérieure de son poignet contre la surface de lecture, le soldat allié de Julia déverrouille l'accès et le passage s'ouvre sur un extérieur silencieux où cogne l'ardente lumière d'un soleil en plein zénith.

Aveuglée par le puissant halo, mais parvenant tout de même à suivre son sauveur, Julia avance à présent sur une large plateforme cernée par la mer. À peine l'adolescente a-t-elle le temps d'humer l'air marin qui pénètre ses poumons que, dans son dos, un engin volant fait son apparition. Immédiatement attirée par le vrombissement de ses moteurs, Julia se tourne vers lui et le fixe de son regard devenu écarlate.

Restant en position stationnaire, Julia voit que sur l'un des flancs du vaisseau un hayon ouvert laisse la montée possible et, sous les ordres du soldat qui l'accompagne, elle se précipite pour se jette à l'intérieur.

Déboulant sur la plateforme, l'homme en costume cintré lancé à la poursuite des fugitifs braque le canon de son arme et il tire, mais trop tard : le vaisseau qui s'éloigne n'est devenu qu'un minuscule point à l'horizon qui finit par disparaître.

Dans l'espace réduit de l'engin volant, Julia est invitée à suivre celui ou celle qui l'a in extremis exfiltrée et sauvée d'une mort certaine. Demandant à son hôte de s'asseoir sur un siège et faisant de même, le soldat retire son casque de protection. La survivante qui découvre le visage de cet inconnu n'en croit pas ses yeux - elle se trouve maintenant en tête-à-tête avec son exacte copie, ce qui semble être son propre clone du même âge et qui, à la manière d'un miroir, lui renvoie son reflet à la différence que celui-ci arbore une chevelure coupée court, à la garçonne.

Sans qu'elle parvienne à sortir de sa bouche le moindre son, Julia dévisage, à la fois fascinée et intriguée, sa « jumelle » alors que cette dernière saisit une petite mallette rouge et, l'ouvrant, en extirpe un pistolet à injection intradermique déjà prêt à l'emploi.

— N'est pas peur, c'est pour ton bien, dit à la rescapée cette nouvelle amie, cette « sœur ». C'est fait pour dissiper les effets du « super-gène ».

Toujours incapable de parler, Julia, qui se remémore les paroles de celle qui l'avait dévorée : « Tu es contaminée par notre super-gène », tourne la tête vers une surface de métal réfléchissante. S'y voyant, elle découvre à son tour que ses yeux sont devenus intégralement rouges et que ses iris et ses pupilles y forment une masse unique et noire.

Prenant peur, mais ne le montrant d'aucune manière, l'adolescente détourne le regard de cette vision d'horreur et, dévisageant sa presque copie, acquiesce d'un simple hochement de tête en guise d'acceptation.

Sans plus tarder, le clone applique sur l'épaule de Julia l'embout du pistolet et, appuyant sur la gâchette, une injection est faite. Quasi instantanément après l'inoculation de l'antidote, les globes oculaires de la survivante ont repris leur aspect primaire d'un blanc laiteux très légèrement nervuré et, chassant l'obscurité les ayant pervertis, ses iris ont retrouvé leur couleur d'origine vert émeraude.

— Dans peu de temps, nous arriverons au QG, lance la copie aux cheveux courts à son homologue. Là-bas, tout te sera expliqué. Ne sois pas inquiète, tu es maintenant en sécurité.

Alors que cette sœur s'éloigne d'elle pour rejoindre le cockpit du vaisseau, s'appuyant contre le dossier du siège où elle est assise, Julia retrouve pour un moment un calme qu'elle n'avait jamais vraiment connu. Bercée par les légères secousses de l'appareil qui la transporte vers ce qu'elle suppose être son avenir, elle se laisse aller à contempler au travers d'un hublot la mer qui se prolonge à l'infini et se confond presque dans la distance avec un ciel d'un bleu turquoise.

Par la lucarne, la rescapée peut bientôt voir un banc de dauphins qui, sautant hors de l'eau, semblent suivre le vaisseau et saluer sa bienvenue. Émerveillée par ce présage qui a fait apparaître sur son visage buriné par les épreuves un large sourire, Julia colle son front contre la vitre pour mieux observer les mammifères marins jusqu'à ce qu'ils aient disparu de son champ de vision.

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Merci beaucoup d'avoir lu ce soixante-deuxième chapitre. J'espère que vous l'avez aimé autant que les précédents. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à cliquer sur la petite étoile pour voter :) La suite ce jeudi.