51. Plutôt crever
Ses yeux toujours braqués sur ceux de son unique interlocutrice, Julia vient de comprendre que rien - absolument rien - ni ses pleurs ni ses suppliques ne la sortiraient de cette impasse et qu'elle devrait, tôt ou tard, tout raconter de son périple.
Après une nouvelle bouffée prise sur sa cigarette dont l'odeur nauséabonde a maintenant envahi tout l'espace, la blonde aux cheveux tirés en arrière par sa queue de cheval lance à sa prisonnière :
— Alors ? Je vous écoute.
— Pourquoi ? Pourquoi je vous parlerais ? lui répond Julia d'un air de défiance. Pour que vous arrêtiez les prochains qui, comme moi, réussiront à s'évader ? Plutôt crever.
Sans avoir lâché du regard l'adolescente et après avoir encore tiré une bouffée sur sa cigarette qui touchera bientôt à sa fin, celle qui n'a toujours pas révélé son véritable rôle dans cette entreprise dit de son ton monotone :
— Permettez-moi de vous corriger : vous ne vous êtes pas « évadée » comme vous semblez le croire puisque vous êtes là, devant moi. Et, pour être parfaitement honnête avec vous, vous n'êtes pas non plus en mesure d'exiger quoi que ce soit, pas même votre propre mort. Maintenant, je comprends bien qu'en refusant de vous confier à moi vous ne pensez pas à mal, mais vous vous trompez sur mes intentions. Je ne cherche que votre bien-être, votre bien-être à tous. Alors, soyez raisonnable et aidez-moi à mieux faire mon travail et, s'il vous plaît, dites-moi comment vous êtes parvenue à vous échapper.
Marquant une hésitation avant de formuler sa réponse, Julia, certainement pour prouver sa détermination, crache à sa geôlière :
— Je m'en fous de ce que voulez. Je ne vous parlerai pas, ni à vous, ni à qui que ce soit d'autre.
L'échange aussi bref que stérile a comme creusé une tranchée si profonde entre les deux « adversaires » que, durant plusieurs secondes, la rouquine et la blonde se regardent en chiens de faïence. Ce n'est qu'après avoir tiré une ultime bouffée sur sa cigarette, que celle que rien ne paraît pouvoir perturber se lève. Ce faisant, d'un geste surprenant de rapidité, elle jette au loin son mégot qui, dans une giclée de cendres incandescentes, rebondit sur le sol avant de venir y mourir.
Puis, refermant sa veste de son bouton unique, l'étrange geôlière se glisse délicatement dans le dos de Julia avant de saisir d'une main le mécanisme de muselière. Elle s'apprête à rabattre l'entrave qui fera taire définitivement sa prisonnière quand cette dernière la stoppe en lui disant d'une voix fébrile :
— Attendez. Je vous en supplie.
La blonde retient son geste à mi-chemin entre la parole et le silence. Julia, qui déglutit, poursuit alors sa demande :
— Est-ce que... Est-ce que vous pouvez au moins me dire si l'enfant, celui que j'ai amené avec moi, va bien ? Est-ce qu'il est... Est-ce qu'il est encore en vie ?
— Pourquoi devrais-je répondre à votre question alors que vous refusez de répondre à la mienne ? assène du tac au tac dans une logique imparable l'interlocutrice de Julia.
Déconcertée, Julia reste bouche bée et, sans plus attendre, sa geôlière replace le bâillon métallique qui se verrouille dans un claquement sec. Néanmoins, après une hésitation qui semble marquer le remords, la blonde concède à la captive :
— Ne vous inquiétez pas, il va bien.
Mais, alors que les traits de visage de Julia se sont détendus, qu'une larme de soulagement s'est détachée du coin de l'un de ses yeux pour venir rouler paisiblement le long de sa joue, la blonde ajoute :
— Je suis certaine que, quand il aura votre âge, il fera un excellent steak.
À peine ces mots d'un cynisme sans borne ont-ils été jetés au visage de Julia, que l'adolescente tente de se sortir du carcan d'acier qui la retient et la muselle. Mais une fois encore, ne parvenant pas même à en ébranler la structure, elle retrouve tout son calme, ses efforts étant devenus vains et surtout douloureux.
Perçant d'un regard fou l'horrible personnage dont l'attitude cruelle lui évoque maintenant un mur infranchissable, Julia ne peut que prêter attention au monologue dans lequel cette dernière s'engage :
— Je vais être parfaitement honnête avec vous. L'entreprise pour laquelle je travaille appartient à un secteur où la concurrence est extrêmement féroce. Elle est même souvent déloyale et si j'avertissais ma hiérarchie du fait que l'un de nos produits a échappé à notre surveillance et bien...
La femme se coupe soudain et marque la pose, le signe d'une introspection qui ne lui ressemble pas. Après encore quelques secondes d'une attente qui, pour Julia, est devenue insoutenable, elle poursuit ce qui a pris des allures de requiem :
— Ce ne serait pas bon. Pas bon du tout pour moi.
Toujours dans le dos de Julia, hors de son champ de vision, la blonde sort de la poche extérieure de sa veste un petit objet. À peine plus gros qu'un dé à coudre, l'extrémité pointue apparaît suffisamment longue pour être plantée dans l'épiderme de la peau.
Tout en continuant de lui parler, la femme approche sa main « armée »de la nuque de Julia :
— J'ai besoin de savoir comment vous vous êtes échappée, mais, avant d'envisager des méthodes plus radicales, et croyez-le, je suis disposée à avoir recours à la violence si cela est nécessaire, laissez-moi vous expliquer où se situe véritablement le nœud du problème. Si après cela vous refusez toujours de me parler, eh bien sachez que l'injection que je m'apprête à vous faire vous y contraindra.
Ces mots dits dans un confortable dédain, sans plus d'explications, la blonde presse entre ses deux doigts la coque souple de la capsule dont la pointe plantée de quelques millimètres à peine dans la nuque de Julia lui inocule un sérum de vérité.
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Merci beaucoup d'avoir lu ce cinquante et unième chapitre. J'espère que vous l'avez aimé autant que les précédents. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à cliquer sur la petite étoile pour voter :) La suite arrive mercredi. Bises à toutes et tous.
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