29. Il doit forcement y avoir un remède
Sans qu'elle puisse l'anticiper, dans un rictus qui, combiné avec ses yeux rouges percés de noir, rendent son visage démoniaque, Kylian donne à Julia un puissant revers de main.
S'écroulant sur le sol, la joue en feu, après un instant de sidération, la rouquine se redresse, mais le garçon est déjà sur elle. Il la saisit fermement par sa chevelure flamboyante et, comme si elle n'était rien, d'un mouvement aussi brusque que rapide, la projette contre une structure d'usine.
Vrillant de sa hauteur, Julia s'effondre, se retrouvant face contre terre, mais se sachant en grand danger, elle se relève immédiatement. À peine debout, elle voit Kylian fondre sur elle. Balançant ses poings pour la frapper, il lui porte une série de coups qu'elle parvient de justesse à éviter.
Se découvrant de nouveaux talents, c'est dans une gestuelle millimétrée digne des meilleurs combattant en arts martiaux que l'adolescente anticipe maintenant chacune des attaques de son adversaire.
L'échange ne semble pas vouloir prendre fin lorsque, ripostant enfin, Julia donne à Kylian, en plein visage, un furieux coup de tête qui le fait reculer. Sonné, chancelant, et du sang ruisselant de ce qu'il reste de ses narines, le garçon marque une sérieuse pause dans son assaut. En plus d'être enfoncée, l'arête de son nez cassée forme à présent un angle droit.
Même si Julia comprend bien que les ardeurs de son adversaire à vouloir la tuer se sont pour un temps apaisées, elle a la certitude qu'il n'en a pas terminé avec elle. Cependant, alors que la probabilité d'un second round ne fait aucun doute, la rouquine prend le risque de tenter de raisonner la bête humaine qu'est devenu son ami :
— Kylian, c'est moi : Julia. Je sais que tu ne veux pas vraiment me faire de mal. Que tu es malade comme l'ont été Hugo et Léa. Alors, je t'en supplie, si tu me reconnais et comprends ce que je te dis, il faut que tu essaies de te calmer pour que je puisse t'aider à aller mieux. D'accord ?
Après un renâclement, suivit d'un crachat fait de glaires et de sang en guise de réponse, Kylian se remet à avancer vers sa proie d'un pas lent, mais déterminé. Dans le dédale de machineries d'usine, tout en reculant à l'aveugle pour continuer de faire face au danger, Julia cherche à nouveau à nouer le dialogue :
— Kylian, il faut que tu m'écoutes. Il n'est pas encore trop tard. Je suis certaine qu'il existe un moyen de te guérir. Il doit forcement y avoir un remède pour que tu redeviennes comme avant.
Traversant un défilement de corps suspendus par les pieds où la gorge a déjà été tranchée, Julia bute contre la rigole de récupération du sang. Atterrissant sur ses fesses, c'est sans quitter du regard celui qui la prise pour cible qu'elle se relève et continue de marcher à reculons.
Tentant une ultime fois de raisonner son ancien compagnon de cellule, la rouquine s'apprête à réitérer ses injonctions quand Kylian, qui à son tour enjambe la fosse, se jette sur elle. Prise en chasse, Julia, faisant preuve d'une vitesse et d'une agilité bien supérieures à celle de son poursuivant, ne tarde pas à le distancer.
Passant une cloison qui semble délimiter la première section de l'usine où les corps sont acheminés avant d'être saignés à blanc, la rouquine cesse de regarder par-dessus son épaule et, ce faisant, ralenti soudain son pas, jusqu'à stopper.
Là où Julia se trouve à présent, le vacarme qui régnait précédemment a laissé place à une véritable cacophonie. Découvrant la suite d'un procédé insensé que jamais, même dans ses pires cauchemars, elle n'aurait cru possible, l'adolescente se retrouve encerclée de centaines de milliers de mécanismes autonomes allant du simple bras-robot à des ensembles beaucoup plus complexes de machinerie. S'étendant aussi loin que l'œil peut voir, ces esclaves de ferrailles tranchent, pourfendent et vident de leurs entrailles les cadavres qui défilent devant eux.
C'est ainsi qu'une fois égorgés, les corps sans vie de filles et de garçons sont tout simplement décapités par une sorte d'immense couperet. Désolidarisées du tronc, les têtes sont évacuées dans un trou et le reste de la dépouille toujours suspendue par les pieds est amené pour l'étape d'éviscération où tout ce qui constitue le système digestif est enlevé.
Pour ce faire, un bras-robot muni d'une lame de scie circulaire crée une profonde entaille dans le tronc tout en suivant une ligne droite allant du bas du ventre jusqu'aux épaules. Lorsque le puissant roulement cranté déchire la chair et tronçonne les os, la cage thoracique s'ouvre alors comme si on écartait les quartiers d'une orange.
Puis, dans un mouvement parfaitement coordonné, un nouveau mécanisme armé d'un scalpel se déploie. Il vient trancher les muscles et les ligaments pour permettre à une autre articulation munie d'une pince de retirer l'ensemble des organes dit non « nobles ».
Ainsi mis à nu, le cœur, les poumons, les reins et enfin le foie sont collectés par de multiples tentacules-robot qui, semblables à des pattes d'araignée, fouillent directement l'intérieur de la carcasse exposé à l'air libre. Récoltés tels des fruits ayant poussés sur un arbre, les organes sont immédiatement triés et mis dans des bacs prévus à cet effet.
Submergée par l'odeur de viande qui a envahi son nez, Julia est prise d'un haut-le-cœur. Elle ne parvient pas à se retenir et vomit le peu de bile encore contenue dans son estomac. Lorsqu'enfin elle se redresse, prenant appui sur ce qu'elle peut, Kylian qui l'a rattrapée surgit et l'attaque sans avertissement.
Esquivant in extremis un premier coup lourdement porté, le second accule la rouquine contre une structure d'usine. Grimaçant de douleur après sa percussion contre la surface de fer qui, en plus d'être glacial, laissera pour longtemps une marque sur sa peau, Julia se remet à peine que l'ogre qu'est devenu son ami lui bondit dessus.
Réussissant à se retirer au dernier moment, Julia voit fuser tout près de son visage le poing de Kylian. Cognant la ferraille d'un mécanisme, il l'écrase comme s'il s'agissait d'une vulgaire cannette de bière.
Bien que les os de ses phalanges soient à présent visibles sur sa main blessée et restée fermée, sans que cela paraisse le ralentir, Kylian attaque à nouveau. Évitant une autre série de coups, Julia, qui s'essouffle, décide alors de fuir une fois de plus le combat.
Sous le regard devenu encore plus fou de son poursuivant qui, lui, ne donne aucun signe de faiblesse, la rouquine se dirige vers un passage où, vidé de leur intérieur, chaque cadavre d'adolescent vient à y disparaître.
Arrivée à l'embouchure de ce conduit plongé dans le noir le plus total, c'est sans aucune alternative que Julia s'y engouffre. Faisant à tâtons ses premiers pas dans cette obscurité peu rassurante, elle stoppe net son avancée lorsqu'une boule de feu crachée dans un son effrayant de gaz entrant en combustion manque de la brûler vive.
Cette première clameur est suivie de toute une série d'autres qui, s'activant à intervalle régulier, permettent de voir le bout, mais aussi la forme tubulaire du passage où se trouve Julia.
Parcourue sur toute sa longueur d'ouvertures latérales, l'installation, quand elle fonctionne, projette d'énormes jets de flammes. Cette étape comparable à la flambée d'un abattoir porcin supprime alors le moindre poil à la surface des carcasses humaines qui défilent ici.
En quelques secondes, dans le goulot d'étranglement, la fournaise est devenue telle que de la sueur s'est mise à ruisseler sur la moindre parcelle de peau de Julia la faisant briller comme un astre un soir de pleine lune. Observant tout autour d'elle le procédé qu'elle redoute à présent plus que Kylian, elle se met à avancer d'un pas lent, mais bien assuré pour espérer atteindre l'autre extrémité du dangereux canal.
À peine arrivée à mi-parcours, ce sont des râles que peine à contenir Kylian qui attirent son attention. Se retournant, la rouquine voit son poursuivant apparaître à l'entrée du conduit. Enragé, de la bave et du sang aux lèvres, le garçon se met alors à courir dans sa direction sans prêter la moindre attention à ce qui se passe alentour.
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Encore merci beaucoup d'avoir lu ce vingt-neuvième chapitre. J'espère que vous l'avez aimé autant que les précédents. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à cliquer sur la petite étoile pour voter :) Je vais continuer de publier la suite au rythme d'un chapitre tous les dimanches. Bises à toutes et à tous.
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