25. Incapable
En voyant se rapprocher d'elle la pointe de l'ustensile chirurgical qui la menace, Julia retient son souffle. Incapable de quoi que ce soit à cause de la sédation qui l'a rendue amorphe, elle ferme les yeux, se pensant proche d'une mort certaine.
Mais le bras-robot stoppe net sa descente. D'un mouvement rapide, il positionne la lame de bistouri au niveau du bas-ventre de la prisonnière prête à accoucher et qui, harnachée dans le fauteuil gynécologique, dort toujours le plus paisiblement du monde.
Julia, ne sentant pas la fin arriver rouvre alors les yeux et assiste, impuissante, au début de l'opération de césarienne. Pourfendant la chair pour créer un sillon horizontal d'exactement quinze centimètres, l'action du métal affûté n'a même pas fait ciller sa victime. Après cette première incision, un second bras-robot fait son apparition. Se déployant lui aussi par le haut de la cabine, il présente à son extrémité deux crochets chirurgicaux. Venant se placer à l'embrasure de la plaie ouverte, ils en écartent les bords pour permettre au premier mécanisme muni du bistouri de fendre l'utérus ainsi mis à nu.
La rouquine qui ne supporte plus la vue de ce spectacle gore s'écroule alors encore davantage sur le sol avant d'y vomir en abondance un mélange fait de bile et de la substance blanche qu'elle avait pu manger dans la cellule. Le visage à présent plus bas que terre, la bave aux lèvres et se battant tout ce qu'elle peut pour ne pas sombrer, Julia regarde à demi consciente du coin d'un œil, la suite de l'intervention.
Une fois l'utérus de la future mère ouvert dans un interminable écoulement d'hémoglobine, la main-bistouri se retire et, dans une rotation, sa lame laisse place à un simulacre de forceps. Les tenailles faites pour extraire le fœtus pénètrent alors par l'orifice béant formé dans le ventre de la captive toujours inconsciente.
Amenée progressivement à l'air libre, la moindre parcelle de corps du petit être est recouverte d'une substance épaisse, blanche et cireuse qui, dans l'habitacle carcéral du caisson plongé dans la quasi-pénombre, le fait briller comme le plus horrible des joyaux. Une fois le nouveau-né complètement sorti, le bras gardant écarté le passage vers ce maelstrom sanguinolant qu'est devenu l'intérieur du ventre de la prisonnière se retire. Ainsi libérée, son extrémité se transforme en une paire de ciseaux qui, avec précision, coupe le cordon ombilical dépassant allégrement des entrailles de la mère.
Pour quelques instants encore avant d'être emporté par le bras-tenaille, le nourrisson se trouve exhibé face à sa génitrice qui dort du plus profond des sommeils. Au bout de l'autre mécanisme articulé, le ciseau se mue alors en un fin stylet de plastique dont la pointe arbore une enveloppe chromée. Une fois en contact avec la peau du bébé, la tige lui délivre une légère décharge électrique qui le force à se réveiller. Ses voies respiratoires ainsi dégagées, les petits cris stridents du nouveau-né envahissent maintenant l'espace exigu de la plus singulière symphonie.
Sous l'effet prononcé de l'anesthésiant lui ayant été administré, l'événement apparaît à Julia semblable à l'un de ses rêves immaculés et lorsque le nourrisson disparaît dans la hauteur du caisson ayant donné la vie, elle perd connaissance. Sombrant dans une chimère hantée de visions enfantines, mais qui ici a été débarrassé du léger voile qui en troublait l'appréciation, ce songe se déroule peu avant le dénouement du précédent : celui durant lequel Julia se voyait enfant être kidnappée par un homme en habits sombres.
S'imaginant en spectatrice d'une réalité sur laquelle elle n'aurait aucune emprise, la rouquine se met alors à progresser dans un espace parfaitement aménagé de coin cuisine. Là, deux silhouettes indistinctes qui lui font dos : celles d'un homme et d'une femme d'une quarantaine d'années, s'activent et préparent un repas.
Anormalement étiré, un signal sonore en provenance du four marque la fin de cuisson d'un plat. Se déplaçant de quelques pas et laissant derrière elle l'évocation de couple parental, Julia se retrouve dans le salon accolé à la cuisine. Au centre de la pièce, une fillette aux cheveux flamboyants et au regard vert-émeraude attend sagement installée devant une grande table ovale.
Alors que rien ne semble pouvoir venir briser la perfection de ce tableau familial idyllique, un flash lumineux provenant du vestibule attire l'attention de chacun. Dans l'habitation, le « bip-bip » caractéristique en provenance du four rythme maintenant de la plus atroce des manières l'action qui va suivre.
Tournée vers la porte d'entrée qui a brutalement été soufflée par une explosion, la joie peinte sur le visage de l'enfant qui n'est autre que Julia lorsqu'elle était petite a laissé place à une grimace d'épouvante. S'accentuant à mesure qu'une imposante silhouette d'homme s'approche, le rictus de peur se transforme en un hurlement quand, couvrant de son ombre la juvénile figure tachetée de rousseur, l'étranger se jette sur sa proie pour la saisir.
En sursaut, Julia regagne l'exiguïté du caisson individuel où elle a trouvé refuge. La bouche devenue pâteuse, elle humecte ses lèvres de sa langue avant de relever le haut de son corps pour s'adosser contre la paroi près d'elle. Fixant son regard devant elle, la rouquine retrouve alors la jeune mère qui vient tout juste d'accoucher et est toujours retenue par les trop familières entraves de métal.
De l'entaille de plusieurs centimètres qui avait ouvert son abdomen rebondi, il ne reste à présent qu'un tracé cicatriciel légèrement bruni où le ventre a récupéré son aspect parfaitement plat. Mais autre chose attire particulièrement l'attention de Julia. Un système composé de deux ventouses semblables à des trayeuses électriques aspire maintenant le lait contenu dans les seins de la prisonnière, comme un nouveau-né aurait pu le faire en les tétant.
Malgré la douleur à sa cuisse qui la fait à nouveau souffrir, Julia qui a pleinement retrouvé ses esprits parvient à se mettre debout. De toute sa hauteur, en regardant la captive, elle peut enfin saisir l'atrocité de cette étape d'incarcération dont elle aussi aurait dû être victime.
Le procédé hallucinant comparable à la traite d'une vache lui donne à présent la nausée. La rouquine embrasse alors une vision encore plus effroyable qui lui glace instantanément le sang : chacune des détenues qu'elle avait pu côtoyer dans sa cellule, et chacune des filles qu'elle a vues harnachées dans ces cabines individuelles sont en réalité vouées à enfanter de la sorte et servir par la suite de source d'approvisionnement pour bébés.
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Merci beaucoup d'avoir lu ce vingt-cinquième chapitre. J'espère que vous l'avez aimé autant que les précédents. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à cliquer sur la petite étoile pour voter :) Je vais continuer de publier la suite au rythme d'un chapitre par semaine tous les dimanches matin vers 10 heures. Bises à toutes et à tous.
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