15. Malgré l'horreur
Le dos appuyé contre l'une des parois de la cellule, Léa semble avoir perdu toute consistance. Le regard dans le vague, elle caresse d'un geste maternel la tête d'Hugo.
En position fœtale, le « survivant » endure les affres d'une agonie terrible. Les atroces mutilations qu'il a subies ont à jamais massacré son visage d'ange et son corps d'Apollon.
Malgré l'horreur qui a rendu tous les captifs atones, assis côte à côte, Enzo et Kylian veulent croire qu'une échappatoire reste encore possible.
— Toi aussi tu as vu ses yeux, lâche le métis. Je ne sais pas ce qu'il avait, mais si on l'a tous, il faut vite sortir d'ici.
— Julia m'a dit que ça ne venait pas de la nourriture, lui répond l'autre tout en regardant celle qu'il vient de désigner.
Près des deux garçons, la rouquine ne leur prête aucune attention. Elle dévisage depuis plusieurs minutes maintenant le couple formé par Hugo et Léa.
— J'ai beau chercher, il n'y a ni serrure, ni trappe, ni aucun mécanisme sur ces murs, relance Enzo. Ces parois sont amovibles, modulables, mais tout est actionné depuis l'extérieur. Notre meilleure chance de sortir, c'est quand ces ouvertures se créent lorsque l'un d'entre nous est emporté par les lumières.
Kylian, qui jette un regard sombre à Enzo, lui lance alors d'un ton froid et monocorde :
— Ce sont des drones, pas des lumières. On est pas dans Harry Potter. Et tu conseilles quoi ? Que l'un d'entre nous se sacrifie pour donner une opportunité au reste du groupe ?
Après un léger silence qui laisse à croire que « oui », ce serait une option viable, Enzo précise le fond de sa pensée :
— Non, je veux pas que l'un d'entre nous se fasse tuer, mais très franchement, pour l'instant, t'as mieux à proposer ?
Par son mutisme, Kylian semble avoir lui aussi cédé à ce constat : la solution évoquée par Enzo, même par dépit, paraît effectivement être la seule qui permettrait de créer une brèche assez grande dans l'une des parois pour qu'au moins l'un d'entre eux puisse s'échapper.
Alors que le silence reprend sa place, que dans la cellule seuls les râles diffus d'Hugo se font entendre rappelant à chacun que le pire reste à venir, frappé par un enthousiasme communicatif, Enzo se redresse sur son assise :
— Attends ! Je sais !
— Laisse-moi deviner, le coupe Kylian. Tu te portes volontaire ?
— Non, mais ces lumières... heu, excuse-moi, ces drones, il y a forcément une ouverture qui se crée à chacune de leur apparition.
— Ouais, d'accord, mais t'as vu la taille de ces trucs, ce sera jamais assez grand pour que l'un d'entre nous puisse passer, réponds Kylian, brisant ainsi l'élan d'Enzo à trouver une échappatoire à leur détention.
Puis, regardant vers Léa et Hugo, le garçon à la peau noire poursuit, énervé :
— Ça n'a aucun sens ! Il y a forcément une explication à tout ça. À quoi ça sert de nous garder en vie, de nous empoisonner, de nous torturer ?
— C'est un lieu de transition, lâche Enzo comme s'il savait déjà toute la vérité. Ceux qui nous retiennent ici nous stockent. Ils nous stockent avant de nous déplacer ailleurs.
— Nous déplacer ailleurs ? répète Kylian pour être certain qu'il a bien entendu. Mais pour aller où ? Pour nous faire quoi ?
— Ça, mec, j'en ai aucune idée, concède Enzo dans un aveu terrible.
Après un lourd silence qui pourtant aurait dû signifier la fin de la conversation, le métis aux yeux bleus est traversé par un éclair de génie. Une conviction qui le force à se retourner pour faire face à la cloison contre laquelle il est adossé. Là, il avance une main vers la surface métallique percée d'alvéoles.
Kylian, qui voit faire Enzo, lui dit :
— J'ai déjà essayé. J'ai tenté d'écarter ces trous, de cogner ces parois, mais ça n'a servi à rien.
Enzo, toujours très calme et concentré, plonge à tâtons les doigts d'une main dans l'une des percées du mur. Alors que Kylian regarde les légères entailles maintenant cicatrisées qu'arborent ses phalanges, l'autre lui dit :
— Si ces parois sont capables de bouger quand ces bacs en sortent ou lorsque ces lumières apparaissent ou qu'elles emmènent l'un de nous au-dehors, ça veut dire qu'on doit pouvoir les agrandir. Dans ce cas, la force brute ne sert à rien. On aurait beau frapper dessus jusqu'à s'en briser les os, elles ne bougeraient pas.
— Et tu sais ça comment, Einstein ? lui demande Kylian, dubitatif.
— C'est venu comme ça. J'imagine que je devais étudier ce genre de truc avant d'atterrir ici. Un peu comme Julia qui sait tout sur tout quand il s'agit de soigner les gens.
En parlant de l'adolescente, Kylian et Enzo réalisent qu'elle n'a toujours pas quitté des yeux le duo formé par Hugo et Léa. Prise au piège d'un mutisme qui ne lui ressemble pas, elle semble avoir perdu tout espoir. Pourtant, alors qu'ils auraient dû lui adresser la parole pour éviter qu'elle ne sombre dans une dépression plus grande encore, les deux garçons n'en font rien.
En continuant de fouiller de ses doigts dans la noirceur de l'alvéole qui perce la paroi, Enzo parvient à enclencher un mécanisme et un claquement retentit. Tirant à lui une petite section du mur qui se déploie, le métis réussit à former un passage assez grand pour y glisser un objet de la taille d'une grosse orange.
Pas peu fier de son exploit, Enzo échange avec Kylian un regard assorti d'un léger sourire d'excitation qui redonne immédiatement au garçon à la peau sombre un soupçon d'espérance.
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Merci beaucoup d'avoir lu ce quinzième chapitre jusqu'au bout. J'espère que vous l'avez aimé autant que les précédents. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à cliquer sur la petite étoile pour voter :) Je vais continuer de publier la suite au rythme d'un chapitre par semaine tous les dimanches matin vers 10 heures. Bises à toutes et à tous.
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