11. Repus
Repus comme si ce premier repas avait été leur dernier, la digestion a poussé les captifs à rejoindre l'éphémère réconfort d'un repos de quelques heures. Ils sont violemment sortis de cette inertie par le phare qui réapparaît aussi brusquement qu'il avait disparu.
Léa, qui est encore assoupie, en devient la cible privilégiée et, instantanément, alors que le phénomène lumineux la perce de son rayon, elle est prise d'un terrible mal de tête qui marque son visage d'une grimace de douleur.
— Debout. Vous debout ! Maintenant ! crache l'implacable éclairage de sa voix-robot. Vous, manger ! Sinon.
L'adolescente aux traits asiatiques, dont les paupières lourdes peinent encore à se soulever, voit apparaître au-dessus d'elle la silhouette encore mal définie d'Hugo. Se penchant sur elle, le blondinet la saisit par un bras et l'aide à se lever. Mais, à peine Léa a-t-elle trouvé une stature bien droite, qu'elle chancelle et vomit la mixture blanchâtre ingurgitée peu avant.
Se rapprochant de Léa, Hugo lui demande alors d'une voix avenante :
— Est-ce que ça va aller ? Je peux faire quelque chose ?
Tout en s'essuyant la bouche d'un revers de main, Léa remercie l'autre d'un hochement de tête avant de plaisanter :
— Je crois que je digère mal cette purée. Puis, elle continue en esquissant un franc sourire. J'aurais jamais dû en manger autant.
Mais, malgré ses traits angéliques lui donnant un air immature, Hugo n'est pas dupe. Sur le visage maintenant perlé de sueur de Léa, il voit bien que l'adolescente affiche les stigmates d'une fatigue intense et qu'elle tente de le cacher : ses yeux sont anormalement cernés, presque globuleux, et ses mouvements sont ralentis comme si elle portait sur ses épaules toute la misère du monde.
Julia, qui a assisté à la scène, s'approche discrètement du duo. La voyant avancer, Hugo lui barre la route et l'interpelle en lui murmurant à l'oreille :
— Je crois que c'est plus grave que ce qu'elle dit.
— Merci, Hugo, répond la rouquine en échangeant avec le blondinet un regard concerné. Je vais voir ce que je peux faire.
S'éloignant des deux filles, Hugo rejoint le reste de ses codétenus déjà amassés près des mangeoires remplies de la mixture blanchâtre. Dévorant le repas sans aucune retenue, les adolescents, devenus parfaitement dociles, ne sont même plus interpellés par la lumière qui les éclaire et lévite autour d'eux calmement.
Une fois Hugo à bonne distance, Léa se confie à Julia :
— Je me sens vraiment mal. Je... J'ai des courbatures et ces putains de nausées ne me lâchent plus. Qu'est-ce qu'il m'arrive, Julia ? Toi tu dois avoir une idée ?
Mais, au lieu de formuler la moindre hypothèse sur ce qui aurait pu causer ces symptômes, Julia se rapproche de la malade et, après une hésitation, elle lui murmure :
— Moi aussi, j'ai des courbatures et je me sens nauséeuse.
— Est-ce que ça vient de ce qu'ils nous donnent à manger ? demande alors Léa après avoir échangé avec la rouquine un regard qui transpire l'angoisse.
Julia fait non de la tête, mais dans ses yeux couleurs émeraude, l'autre comprend qu'elle ne lui dit pas tout.
— Si tu sais, tu dois me dire la vérité. S'il te plaît.
Alors que Julia dévisage toujours l'Asiatique et que sa réponse se fait attendre, près de l'une des mangeoires, une prisonnière attire l'attention de tout un chacun. Prise d'un haut-le-cœur, cette dernière régurgite à même le bac où elle vient de se servir en nourriture une petite quantité de purée. Créant tout autour d'elle de multiples réactions de dégoût, l'adolescente se redresse précipitamment pour s'éloigner avant de vomir le contenu de son estomac dans un coin de la pièce.
L'incident passé, Julia et Léa qui ont observé la scène finissent par se regarder l'une l'autre. Une expression d'effroi se dessine petit à petit sur le visage de Léa alors que Julia reste de marbre : elle sait déjà.
Après un court instant propice à la réflexion, Léa comprend et, frappée par la révélation bégaie comme si de dire tout haut ces mots pouvait leur faire perdre leur sens et surtout leurs conséquences :
— Nous...Nous sommes... enceintes ?
Puis, soudainement en panique la prisonnière ajoute d'une voix chevrotante :
— Mais...Mais com... Comment ? Et... Et depuis... Depuis combien de temps ?
Julia, qui malgré l'émoi de Léa, a gardé tout son aplomb finit par répondre, toujours à voix basse, pour ne pas être entendue du reste du groupe. Et avec son sens inné de l'expertise médicale, elle dit :
— À en juger par les vomissements, ça doit faire entre six et douze semaines, mais ça peut être beaucoup plus.
— M...mais on est enceinte de qui ? demande l'autre avant de réussir à articuler, plus accablée que jamais. Qu'est-ce qu'on va faire ? Est-ce qu'on en parle aux garçons ?
— Non, réagit immédiatement Julia. Il ne faut rien leur dire, ni à eux ni à personne.
— Même pas à Kylian ? parvient à lâcher Léa dans un souffle.
— Même pas à Kylian, répète Julia.
Avant d'ajouter :
— En tout cas, pas pour l'instant. Tôt ou tard, lui et les autres comprendront ce qu'il nous arrive et, fais-moi confiance, le plus tard sera le mieux.
Cherchant maintenant dans le vague des réponses qui n'existent pas, Léa semble en proie à une anxiété qui a creusé encore davantage ses traits de visage. Voyant que sa confidente s'apprête à perdre pied, Julia pose une main amicale sur son épaule. L'attirant à elle, elle lui dit, en ponctuant ses mots d'un mouvement de tête pour être bien sûr de se faire comprendre :
— Léa, tu ne dois rien dire à personne. Rien du tout. D'accord ?
Complètement inapte pour le moment à quoi que ce soit d'autre, Léa scelle avec Julia ce pacte de sororité en acquiesçant d'un simple hochement de tête.
À présent liées par ce secret, les deux prisonnières sont brusquement sorties de leur aparté par les sons d'une dispute qui montent en intensité et attire leur attention.
Près des bacs à nourriture, Hugo et Aroun, un garçon à la peau mate et aux traits indiens, en sont venus aux mains. Créant autour d'eux un mouvement de foule, personne ne semble capable pour l'instant de mettre fin à l'échauffourée.
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Merci beaucoup d'avoir lu ce nouveau chapitre jusqu'au bout. J'espère que vous l'avez aimé autant que les précédents. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à cliquer sur la petite étoile pour voter :) Je vais continuer de publier la suite au rythme d'un chapitre par semaine tous les dimanches matin vers 10 heures. Bises à toutes et à tous.
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