Figé dans une expression marquant à la fois leur scepticisme face à la question d'Hugo et leur hésitation à y répondre, le petit groupe de prisonniers constitué de Julia, Kylian, Léa et Enzo s'est muré dans un silence abscons.

Agacé, le blondinet leur jette :

— Putain, mais vous avez peur de quoi à la fin ? Puis, s'adressant plus particulièrement à Kylian et Julia, il leur demande :

— Il s'est passé quoi avant qu'on arrive ?

Voyant qu'aucun des deux « anciens » ne va parler, il vise Julia et lui dit :

— C'est à cause de ça que tu es recouverte de sang ?

La rouquine tressaille, mais ne répond rien, les mots du garçon ayant réveillé en elle des souvenirs encore à vif qu'elle était parvenue à écarter de ses pensées.

— Hugo, c'est juste une mauvaise idée, intervient Kylian.

— Non, y a autre chose et c'est pour ça qu'avant que cette lumière n'apparaisse, tu nous as mis en garde. On est tous dans le même bateau alors, expliquez-nous maintenant.

S'avançant pour sortir de sa position avachie, Kylian marque la pause puis il s'adresse à voix basse au petit comité pour ne surtout pas être entendu par le reste du groupe de prisonniers :

— Avant votre arrivée, cette lumière à tué l'un des nôtres, comme ça, sans aucune raison. Julia a tenté de lui parler, mais ça n'a servi à rien.

Stupéfaits, Enzo, Léa et Hugo s'échangent des regards d'inquiétude.

— Ils ont peut-être voulu faire un exemple ? lance Hugo. C'est vrai quoi, on devrait déjà être en train de chercher un moyen de sortir d'ici, d'échafauder un plan et au lieu de ça, on discute.

— Tu as raison, lui répond Kylian, mais il est encore trop tôt pour agir intelligemment. On n'a aucune idée de là où on se trouve, on ne sait pas ce qu'on nous veut et, crois-moi, ces cloisons ne céderont pas simplement en frappant dessus.

— Donc on attend que cette lumière tue quelqu'un d'autre ? C'est ça ?s'énerve Hugo dont l'air angélique ne colle plus du tout avec sa soudaine agressivité.

— Non, lui rétorque Kylian, c'est pas ce que je dis, et parle plus doucement s'il te plaît. Ça ne servirait à rien de faire paniquer les autres. Je pense simplement qu'il faut être patients et agir au bon moment. Ne pas se jeter bêtement dans la bataille sans connaître notre adversaire.

— Si cette lumière est capable de tuer sans raison, enchaîne Hugo, alors tu peux être certain que ce qui nous attend va être pire encore.

— Pire que la mort, t'es sûr de toi là ? rétorque Enzo tout en fusillant du regard le blondinet qui, se tournant vers lui, le dévisage à son tour, menaçant.

— Ouais, ça pourrait être pire que la mort.

— Comme quoi, gros malin ? Nous affamer ? assène alors le métis aux yeux bleus dont la réponse cinglante a scellé au sein du petit rassemblement un terrible constat.

Sans vraiment penser à mal, Enzo venait de toucher une corde devenue extrêmement sensible. Depuis un moment déjà et sans jamais avoir osé l'évoquer, tous les prisonniers pouvaient sentir au creux de leur abdomen une légère sensation de faim. S'accentuant de minute en minute, cette gêne s'était petit à petit transformée en un tourment qui n'avait de cesse de les ramener vers des considérations beaucoup plus primaires : quand allaient-ils manger ?

Voyant bien que la torpeur vient de regagner le petit groupe et ne voulant pas laisser chacun s'y enfoncer davantage, hésitante, presque effrayée à l'idée des réactions qu'elle pourrait susciter, Julia sort de son mutisme :

— Ne me demandez pas comment je sais ça, mais notre perte de mémoire, je... Je crois... Non, je suis sûre qu'il s'agit d'une amnésie rétrograde.

Le clan dévisage presque instantanément Julia qui, troublée par les regards insistants qu'elle vient pourtant de provoquer, se complaît à nouveau dans la lâcheté d'un silence.

Alors que le maigre auditoire attend l'explication d'une vérité restée en suspens, Enzo intervient :

— Julia, tu comptes nous en dire plus, j'espère ?

Osant à peine fixer longuement les yeux de ses codétenus qui la dévisagent toujours comme si elle était une bête curieuse, et voyant bien que même Kylian ne lui viendra pas en aide, Julia comprend qu'elle n'aura d'échappatoire que la parole.

— C'est... C'est le propre de l'amnésie rétrograde, commence-t-elle. On peut oublier des événements précis de son existence ou des périodes plus larges, mais elle n'est jamais totale. Dans mon cas, j'arrive à me souvenir de ce dont nous souffrons tous. J'imagine qu'avant mon enlèvement je devais... Je sais pas, envisager de faire des études de médecine ou un truc comme ça.

— Attends ! réagit Enzo. Qui a parlé d'un enlèvement ? Si ça se trouve, on a tous signé pour une émission de télé-réalité à la con ou un bail du genre.

— T'es sérieux ? s'énerve Kylian. On nous séquestre, on nous efface la mémoire et pour toi, ça ressemble à un jeu ?

Puis, baissant d'un ton pour ne pas être entendu des autres :

— Sans compter que deux des nôtres ont été tués avant votre arrivée !

—Justement, renchérit Enzo, ça pourrait être une mise en scène, des trucages comme dans un film.

— Attendez ! s'offusque Léa. Je croyais qu'il n'y avait eu qu'un seul mort dans votre groupe, que c'était à cause de la lumière, et là Kylian, tu viens de dire qu'il y 'en avait eu deux ?

Trahi par son lapsus, le garçon est forcé de s'expliquer :

— Ça ne s'est pas passé ici, dans cette pièce. C'était avant. Dans le couloir.

— La machine qui était dernière nous ? demande alors Léa qui connaît pourtant déjà la réponse. Ce à quoi Kylian acquiesce par un simple hochement de tête.

— Donc les traces de sang sur moi, pour toi, c'est bidon ? lance sèchement Julia à l'attention d'Enzo.

— Non Julia, c'est pas ce que je voulais dire, mais l'idée ne t'a pas traversé l'esprit ? Que tout ça, là, c'était peut-être faux ? Et par « faux », il faut comprendre truqué. Comme dans un canular.

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Merci beaucoup d'avoir lu ce septième chapitre jusqu'au bout. J'espère que vous l'avez aimé autant que les précédents. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à cliquer sur la petite étoile pour voter :) Je vais continuer de publier la suite au rythme d'un chapitre par semaine tous les dimanches matin vers 10 heures. Bises à toutes et à tous.