Rapidement remis de cet épisode aussi bref qu'inattendu, les prisonniers retrouvent un semblant de quiétude. Même s'ils n'en ont pas encore la preuve formelle, tous peuvent sentir au plus profond de leurs tripes que la cellule dans laquelle ils sont vient de se mettre à bouger.

Enzo, le métis aux yeux bleus qui a déjà tenté d'interroger les prisonniers plus anciens, se rapproche de Kylian. Le saluant, ainsi que Julia et Léa qui se trouvent tout près, il lui demande :

— C'était quoi cette lumière ?

— Ils n'en savent rien, intervient Léa. Ils sont arrivés justes avant nous.

Enzo dévisage l'Asiatique, dédaigneux, puis il lance au garçon à la peau noire :

— J'imagine que vous avez déjà cherché un moyen de sortir d'ici ?

Resté indifférent jusque-là à la présence d'Enzo, Kylian lui répond en lui montrant ses deux mains aux phalanges meurtries. Contrarié, Enzo détourne son regard de Kylian et le pose sur Julia. Il remarque à son tour sa peau très pâle maculée de sang.

— Et elle, il lui est arrivé quoi ? Demande-t-il.

— Crois-moi, dit Kylian avant de s'interposer entre Enzo et Julia, il vaut mieux que tu ne cherches pas à savoir.

Alors qu'Enzo perce de ses yeux bleus ceux beaucoup plus sombres de Kylian, ce dernier est interpellé par l'un des nouveaux arrivant. À peine est-il parvenu à engager la conversation, qu'immédiatement après un autre des détenus lui adresse la parole.

Voyant bien le désarroi dans lequel tous les prisonniers se trouvent et ne pouvant plus faire face à l'afflux de questions qui l'assaillent, Kylian attire sur lui toutes les attentions :

— Écoutez-moi. Écoutez-moi tous, s'il vous plaît, lance-t-il à voix haute.

Dans la cellule qui ne laisse à présent que très peu d'espace pour se déplacer, tous les détenus se tournent vers Kylian et ils le dévisagent, impatients.

— Pour les nouveaux, je suis désolé, mais notre groupe n'était là que quelques minutes avant votre arrivée. Nous n'en savons pas plus que vous sur ce qu'il se passe. Nous ne savons pas ce qu'est cette lumière, ce qu'elle nous veut, ou encore comment sortir d'ici. Mais s'il vous plaît, et c'est aussi valable pour ceux de mon groupe, que personne ne risque de tous nous mettre en danger en voulant agir seul. Il faut en apprendre plus avant de faire quoi que ce soit.

— Donc on va attendre, sans rien faire ? Lance alors Hugo, un blond au visage angélique qui, comme pour défier Kylian, se fraie un chemin parmi les captifs et se rapproche de lui.

— Tu nous as prévenus qu'on risquait de mourir avant même que cette lumière n'apparaisse. Ça veut dire que tu en sais plus que ce que tu veux bien nous dire. Et, de toute façon, renchérit le blondinet tout en dévisageant froidement celui à qui il s'adresse, pourquoi on t'écouterait ? Qui a décidé que tu serais notre chef ?

Kylian s'apprête à lui répondre quand, attirant l'attention de chacun, une légère lueur perce au travers des interstices creusés dans les parois de la cellule. Dansant à la surface des corps d'adolescents aux silhouettes athlétiques, ces brefs instants de clarté confirment aux captifs que, oui, la boîte dans laquelle ils sont retenus prisonniers est en train de se déplacer. Se précipitant vers les cloisons pour s'y agglutiner, seuls ceux qui en sont les plus près peuvent observer ce qui se trouve au-delà de celles-ci.

Accompagné de Julia, jouant des coudes pour se frayer un chemin, Kylian s'approche de l'un des murs et, après quelques secondes passées à scruter l'horizon au travers des interstices, le duo échange un regard marqué par le plus profond des questionnements. Défilant sous leurs yeux, des rouages de mécaniques indistinctes semblent composer les parties d'une structure d'usine qui s'étend bien au-delà de la boîte les retenant prisonniers. La profusion d'éclairages artificiels et l'absence totale d'ouverture permettant à la lumière du jour d'entrer là où ils se trouvent, laisse aussi à penser qu'ils sont soit dans en sous-sol, soit enfermés dans un abri quelconque.

— On nous déplace, lance alors Julia à Kylian. Mais pour aller où ?

Sans pouvoir détourner son regard de cette découverte, le garçon ne parvient même pas à formuler une simple hypothèse. Finalement, et dans un grincement accompagné d'une forte secousse, la cellule stoppe sa progression.

L'arrêt soudain fait vaciller ceux qui n'ont pas pu prendre appui contre un mur ou qui ne se sont pas accrochés à un voisin. S'entraidant comme à leur habitude, Julia et Kylian sont quant à eux parvenus à rester bien droits. Pensant être arrivés au bout du trajet, ils échangent un énième regard quand ce premier à-coup est suivi d'une violente rotation.

Dans la cellule dont l'exiguïté a condamné chacun à devenir le portant d'un autre, le mouvement fait s'effondrer comme des dominos l'ensemble des captifs. S'extirpant à peine de cet épais manteau de corps enchevêtrés où certains manquent de suffoquer, Kylian ressent soudain les effets d'une forte secousse accompagnée de crissements de rouages métalliques qui s'entrechoquent. Le tremblement cesse après un puissant bruit de verrouillage magnétique.

Dans la cellule redevenue parfaitement immobile s'élèvent à présent les plaintes de ceux qui, en chutant, se sont blessés. Kylian, qui est déjà debout, aide Julia à se relever, une scène anodine sur le moment, mais qui n'échappe pas à Enzo qui observe le couple de loin.

Alors que certains détenus peinent encore à se remettre de la déferlante de violences qu'ils viennent de subir, la même voix de robot, celle qui dans le tunnel leur avait intimé l'ordre d'avancer, retentit pour les accabler d'une nouvelle injonction :

—Maintenant, vous dormir !

-

Merci beaucoup d'avoir lu ce cinquième chapitre jusqu'au bout. J'espère que vous l'avez aimé autant que les quatre premiers. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à cliquer sur la petite étoile pour voter :) Je vais continuer de publier la suite au rythme d'un chapitre par semaine tous les dimanches matin vers 10 heures. Bises à toutes et à tous.