04. Explosion de rage
Observé par le reste de ses congénères toujours massés dans un coin de la pièce, Kylian se met à suivre les traces de sang laissées sur le sol par la disparition du cadavre de Lucas. Une fois arrivé à l'endroit exact où elles s'arrêtent, il s'accroupit pour tenter d'y voir quelque chose.
Effleurant la surface du mur qui ne comporte aucune césure apparente, Kylian glisse autant qu'il le peut ses doigts dans les interstices. Y cherchant un système, quoi que ce soit permettant de déclencher l'ouverture d'un passage, ses attentes sont vite déçue et après une forte expiration signifiant son dépit, il se redresse. Surprenant le reste des prisonniers, il cogne d'un grand coup d'épaule le mur lui barrant la route.
La soudaine explosion de rage de Kylian a réveillé en chacun de ses codétenus un profond sentiment d'insécurité qui s'amplifie à mesure qu'il frappe à plusieurs reprises la paroi. Puis, sans marquer de pause et utilisant ses coudes et ses poings, il martèle de coups la cloison, mais rien n'y fait. Il n'est même pas parvenu à en déformer la surface.
Les phalanges à présent meurtries par des entailles et le souffle rendu court par l'effort, Kylian se détourne du mur. Il s'y adosse et marque une pause avant de se laisser glisser jusqu'au sol pour s'asseoir.
Après plusieurs secondes passées à fixer le vide, Kylian relève la tête et regarde un à un les autres prisonniers. Arrêtant finalement son tour d'horizon sur Julia, il la dévisage, imperturbable. C'est alors que la jeune fille rousse parvient à voir dans ce miroir de l'âme que sont ses yeux toute la complexité d'une émotion humaine : celle d'un être empli de désespoir qui se prépare au pire.
Ce bref instant d'accalmie est soudain rompu par un bruissement reconnaissable entre tous : celui d'une ouverture qui vient de se former dans l'un des murs de la pièce. Par un tunnel identique à celui qu'avaient traversé les captifs, accompagné par l'éclairage jaune clignotant qui s'y trouve, un flot ininterrompu de nouveaux prisonniers se précipite dans la boîte métallique déjà remplie de moitié.
Rapidement, l'endroit devient presque trop exigu pour tous les contenir et, à peine le dernier a-t-il franchi le seuil du passage, que celui-ci se referme dans un claquement sec.
Dans la cellule règne à présent un calme effrayant. Avec l'arrivée de ce nouveau groupe composé lui aussi d'un nombre égal de filles et de garçons, le doute n'est plus permis et chacun peut en venir à la même conclusion : ceux qui ont été rassemblés dans cette boîte sont bien là par la volonté de quelque chose qui les dépasse tous.
Comme les anciens, les corps des nouveaux semblent eux aussi avoir été fabriqués à partir de moules de mannequins de vitrine : leurs silhouettes sont athlétiques, leurs muscles saillants et tous ne sont habillés que de sous-vêtements identiques de couleur blanche.
Cette vision d'adolescents au physique parfait et quasi nus donne soudain à Julia une étrange sensation de perfection dictatoriale. Comme si le tournage d'une publicité pour Calvin Klein allait bientôt commencer.
S'extirpant du groupe de nouveaux venus, Enzo, un métis aux yeux bleus, essaie d'engager la conversation avec les détenus plus anciens, mais Kylian, qui se trouve tout près, lui lance un regard désapprobateur.
— Pas maintenant, murmure-t-il à Enzo, après, quand la lumière sera partie.
À peine Enzo est-il parvenu à comprendre l'injonction de Kylian sans en connaître encore le sens, que la prémonition se réalise. Le rayon flamboyant déchire l'obscurité de la pièce, aveuglant tout un chacun.
Kylian élève alors la voix et s'adresse aux nouveaux venus :
— Quoiqu'il se passe, ne bougez pas et ne tentez rien ! Laissez-vous faire ! Ou vous mourrez !
Avec cette entrée en matière qui a tétanisé tout son auditoire, Kylian a surtout attiré sur lui l'attention de la lumière. L'ayant pris pour cible, elle lévite rapidement jusqu'à lui et, l'agressant de sa virulente clarté, l'éblouit encore davantage avant de finir par s'en détourner. Après quoi, elle vient éclairer un à un les prisonniers tout juste débarqués pour dévoiler dans le sillage de son rayon leurs organes et leurs structures osseuses. Une fois ce scanner complété, le phare disparaît dans un battement de cœur.
Bien que la tension soit subitement retombée, l'atmosphère reste chargée de peur et d'une incompréhension totale. Alors qu'une grande partie des captifs peine encore à retrouver la vue, Léa, une nouvelle d'origine asiatique, se rapproche à tâtons de la silhouette de Kylian.
— Mais qu'est-ce que c'était ? Lui demande-t-elle de sa voix fluette.
Croisant le regard de cette inconnue aux yeux en amande, le garçon lui répond :
— On n'en sait rien. On est arrivé ici juste avant vous.
Aux côtés de Kylian et Léa, Julia n'en mène pas large. Encore sous le choc de la mort de Lucas à laquelle elle a assisté de beaucoup trop près, elle semble avoir été vidée de toute substance. Léa, qui la dévisage et voit son regard vitreux, remarque alors l'étrange seconde peau qui par endroits recouvre son corps et son visage : un mélange d'éclaboussures de sang frais, de giclées plus anciennes qui, en coagulant, ont formé une croûte ainsi que de la gélatine qui stagnait sur le sol du tunnel.
Léa a à peine le temps de se questionner sur les origines de cette couche immonde qu'un bruit mécanique résonne au travers des parois et attire son attention de même que celle de tous les prisonniers. Chacun regarde à présent dans la direction d'où leur est parvenu le son et, après un léger à-coup, suivi d'un court silence, une forte secousse qui ébranle la pièce où ils se trouvent les fait tous vaciller.
Julia, qui chancelle, bascule vers l'arrière, mais Kylian, toujours bienveillant à son égard, la retient d'une solide étreinte avant de l'aider à se redresser. Alors qu'ils échangent un regard et même s'ils ne peuvent en avoir la certitude, tous les deux comprennent que la boîte qui les retient prisonniers vient de se mettre à se déplacer horizontalement.
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Merci beaucoup d'avoir lu ce quatrième chapitre jusqu'au bout. J'espère que vous l'avez aimé autant que les trois premiers. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et à cliquer sur la petite étoile pour voter :) Je vais continuer de publier la suite au rythme d'un chapitre par semaine tous les dimanches matin vers 10 heures. Bises à toutes et à tous.
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