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Chp 42 - Lev : le garçon aux loups (2)

Le calme du moment fut coupé par la voix chuintante d'Erik.

— Ulfasso... Pourquoi t'as tué Anton ? me demanda-t-il soudain.

Et il me regarda. Il attendait une réponse, que je n'avais pas.

— Je ne sais pas, avouai-je finalement. Je ne voulais pas le tuer.

Les yeux d'Erik brillaient de larmes, mais elles ne coulaient pas encore.

— Tu le regrettes ? reprit-il. Est-ce que tu regrettes ce que tu as fait, Ulfasso ?

Cette fois, ce fut à mon tour de baisser les yeux.

— Terriblement, admis-je.

— Moi, je regrette de n'avoir rien pu faire pour t'arrêter, dit-il. J'ai rien fait... Alors que j'avais compris dès le début comment ça allait finir.

— Ça ne sert à rien de ressasser, dis-je douloureusement. C'est du passé, Erik.

Il releva un terrible regard sur moi.

— C'était ton meilleur ami... Il t'aimait tellement ! Il voulait tout faire pour te sauver, et toi, tu l'as tué sans pitié. Il m'a raconté comment vous vous étiez rencontrés, votre serment d'amitié éternelle et tout. Il m'a dit qu'à l'époque, tu étais le plus timide et le plus gentil de la bande, et que tout ce qui comptait pour toi, c'était les liens qui vous unissaient. Que tu t'en fichais de la gloire, du pouvoir... Comment t'as pu changer à ce point, Ulfasso ?

Je me mordis la lèvre. Moi aussi, j'allais pleurer s'il continuait comme ça.

— Arrête Erik... J'ai pas changé. J'ai juste eu un moment de... (J'hésitai). D'absence, voilà.

C'était, comme d'habitude, une piètre excuse. Mais comment l'expliquer autrement ?

— Non, t'as pas le droit de te défiler, dit-il en agrippant ma gorge. T'as pas le droit, Ulfasso ! Tu nous dois toujours des réponses, à Anton, à tous les autres, et à moi !

Anton... Je me souvenais encore du regard qu'il avait levé sur moi. Ce regard... Ce n'était pas de l'horreur, ni de la peur, ni rien. C'était juste de la tristesse. Une tristesse sans fond, irrévocable, qui avait accompagné les derniers instants de cet homme joyeux qui toujours, savait garder le sourire et la tête haute.

Cette fois, je fondis en larmes, pour de bon. Je n'avais jamais pu pleurer la mort d'Anton, ni même celle de Roman. Ils avaient été les seuls amis dignes de ce nom dans ma vie, c'était mes frères, ma famille. Ils m'avaient pris sous leur protection alors que j'étais seul au monde, et j'avais été incapable de sauver l'un et étais allé jusqu'à assassiner l'autre, pris par mon propre égoïsme.

Erik en resta muet de stupeur. Il me fixait la bouche ouverte, et les yeux agrandis, alors que je m'épanchais honteusement. Ma tristesse redoublait d'autant plus que je la laissai couler devant Erik, ce brave garçon que j'avais tant martyrisé. S'il y en avait un face à qui je me devais de me retenir, c'était bien lui. Il avait beaucoup souffert de tout ça, à cause de moi.

— Anton... Il doit me haïr... Il a dû mourir en me maudissant, et c'est tout ce que je mérite. Tu as raison de venir me le rappeler régulièrement, Erik, je dois payer.

Erik resta silencieux un moment, écoutant religieusement le bruit de mes sanglots.

— Non, finit-il par s'écrier avec force, la larme à l'œil. Anton est mort dans mes bras, et avant de partir, il m'a dit que tu étais toujours son ami ! Il m'a dit, pardonne-lui, Erik, il ne sait pas ce qu'il fait. Nous nous retrouverons au ciel, Roman, Ulfasso et moi !

Mes larmes redoublèrent en entendant cela, et sans hésiter, Erik me serra dans ses bras. Je m'accrochai à lui comme un naufragé sur son radeau, ayant définitivement jeté ma fierté à la poubelle. À quoi elle me servait, d'ailleurs ? On n'a pas à être fier quand on commet des monstruosités telles que massacrer son plus proche ami.

— Anton était le meilleur d'entre nous, sanglotai-je sans honte aucune.

Erik acquiesça, enfouissant sa tête de hérisson dans mon cou.

— Pardonne-moi, continuai-je, trouvant un étrange réconfort à sombrer dans la déchéance. Pardonne-moi, Erik, d'avoir tué Anton, et d'avoir reporté ma rage sur toi et tous les autres !

La personne en question m'accrocha la tignasse, la main dans mon dos. Mon épaule était aussi humide de larmes que si on y avait versé un saut d'eau. Erik reniflait entre deux sanglots, me battant largement en intensité lacrymale.

— Si tu savais comme je suis heureux de t'entendre dire ça ! s'écria-t-il d'un seul souffle dans mon cou. Je n'osais même pas en rêver ! Je t'aime, Ulfasso, je t'ai toujours aimé !

Ces derniers mots furent carrément hurlés à mes oreilles.

— Moi aussi, je t'aime bien, admis-je imprudemment.

Le rêve de Fassa venait de se réaliser. La scène devait ressembler à un happy-end de Disney, dégoulinant de bonnes intentions, de bêtise et de larmes.

Erik se redressa soudain, et avant même que je puisse faire quoi que ce soit, il me roula une grosse pelle. En choc total face à cette situation imprévue, je fus incapable de réagir. Il me couvrit de baisers aussi brûlants qu'un dépressif glacial comme lui pouvait en donner, et il passa sa main sur l'affreuse cicatrice qu'il m'avait collée, presque tendrement.

— Désolé de t'avoir fait ça, Ulfasso, souffla-t-il en rougissant. Mais je suis heureux que la seule cicatrice que tu aies, ce soit moi qui te l'ai infligée. J'en suis même fier, puisque je suis l'unique personne à t'avoir vaincu... Et ça n'abime pas du tout ton corps magnifique. Il est si puissant, si beau...

Erik s'attaquait maintenant à mon torse, qu'il couvrait de ses baisers chauds et humides. Là, il allait vraiment trop loin.

— Oh là, du calme, fis-je en l'attrapant par les épaules, retrouvant soudain la raison. Personne ne touche à mon corps puissant et magnifique à part ma femme. Et laisse-moi te rappeler que tu ne m'as pas vaincu, Stormqvist. Sinon, on ne pourrait pas se parler.

— Je t'ai touché, en tout cas, dit-il d'un air sombre. Je t'ai combattu, et vaincu !

Je haussai un sourcil.

— Si tu appelles vaincre le fait d'attaquer quelqu'un dans le dos, puis de rameuter tout une bande à la rescousse, alors là, d'accord, précisai-je. Quant au fait de combattre à la loyale... Excuse-moi, Erik, mais les rares fois où on a croisé le fer, tu t'es retrouvé désarmé au bout de cinq secondes.

Erik me fit une grimace boudeuse.

— La façon dont tu te bats, c'est pas loyal, objecta-t-il. Alors aux grands maux les grands moyens... C'est pas toi qui me l'a appris, ça, peut-être ?

Je le fixai dans les yeux. Il n'allait pas lâcher l'affaire.

— D'accord, d'accord, cédai-je en levant les mains. Un partout.

Il ne me quitta pas des yeux, et son regard était toujours aussi obstiné.

— Non, un-zéro, insista-t-il. Je t'ai mis hors-jeu, et grâce à moi, tu ne gouverne pas le monde actuellement.

Je plissai les yeux.

Je gouverne le monde, Erik, susurrai-je. Mon entreprise se situe au sommet des classements Forbes, et des centaines de millions de personnes utilisent mes téléphones. Il suffit que je l'exige pour qu'on vire les clients d'un commerce quand j'arrive, et j'ai même réussi à faire réserver Disneyworld pour moi tout seul à Tokyo. D'ailleurs, avec ma fortune actuelle, je vais bientôt pouvoir me présenter aux élections en Finlande. Je rends mon tablier avec Novka, et je me lance dans la politique.

Ce projet que je mûrissais de longue date venait à présent de franchir mes lèvres, devant témoin. Et cela n'eut pas l'air de plaire au blond.

— Quoi, alors c'était ça ton plan ? s'écria Erik en plissant les yeux. Je ne te laisserais pas faire, et je ne voterai pas pour toi, je peux te l'assurer ! Je serais toujours là pour t'empêcher de nuire, Ulfasso, comme je l'ai promis à Chovsky !

Et dire que cinq minutes avant, il me couvrait de baisers... Je me penchai sur lui.

— Je croyais que tu m'aimais, Stormqvist ? lui murmurai-je.

Erik bafouilla.

— Pas au point de voter pour toi.

— Vraiment ? insistai-je.

Il rougit, puis releva la tête.

— Si tu me laisse t'embrasser encore, osa-t-il sans vergogne, je m'occuperais même de ta campagne électorale, et je dirais aux fans de Nevernight de voter pour toi, à la fois en interview et en concerts.

Je me tâtai. Vu le succès hallucinant que rencontrait leur groupe (mais qui, selon moi, était plutôt dû à Fassa qu'à Erik), ce n'était pas négligeable. Et puis bon, embrasser Erik, ça ne durerait pas longtemps. Il me suffisait de fermer les yeux, d'oublier son parfum très musqué et l'odeur de son gel capillaire.

— D'accord, lâchai-je. J'ai ta parole d'honneur ?

— Tu as ma parole, Ulfasso, répondit-il en souriant de toutes ses dents.

Je pensai qu'il allait fermer les yeux et mettre la bouche en cœur, me permettant de lui poser un smack rapide, mais au lieu de ça, il me fixa en entrouvrant la bouche, la lèvre humide.

— Mets tes mains autour de moi, m'ordonna cet enfoiré. Je veux un vrai baiser, Ulfasso, comme tu ferais à Fassa.

— Si seulement t'étais aussi sexy qu'elle... fis-je sombrement.

— Te défile pas. Allez, j'attends !

Il me donnait des ordres, en plus. Je posai mes mains sur lui à regret, sentant la dureté de sa musculature sous mes doigts.

— Attends... et ton copain ? T'en fais quoi, de Konosuke ? Ça ne te pose aucun problème de le tromper ?

Erik me regarda, très ferme.

— Konosuke et moi avons conclu un pacte de non exclusivité. Il couche ailleurs, et moi de même, parce qu'on se voit peu. D'ailleurs, on n'est pas un couple, on est des potes.

— Drôles de potes, si tu veux mon avis.

— Je m'en fous de ton avis. Allez, au boulot, me tança-t-il.

Je me sentis très nerveux, surtout que son comportement soudainement autoritaire m'impressionnait. Erik le remarqua, car il eut un demi sourire, et me caressa la joue.

— Suffit Erik, menaçai-je. Je ne suis pas gay.

— Allez, fais pas ta chochotte. Plus vite ce sera fait, plus vite ce sera fini. Les votes, Ulfasso... Pense aux votes. Satisfaire l'électeur a un prix.

Justement, je ne voulais ni faire la chochotte ni la pute. Mais bon, il avait raison. Ce n'était pas grand-chose.

Je fermai les yeux, et me penchai sur lui. Il attrapa ma lèvre avec une voracité terrifiante, me fourrant d'office sa langue râpeuse dans la bouche. C'était horrible, je savais que j'étais en train d'emballer un mec. Mais j'essayai de me convaincre que c'était Fassa, et lui attrapai la tête pour lui rouler un gros patin. Comme ça, il allait être satisfait, et ne plus me faire chier.

Enfin, il me relâcha. Il s'écarta pour me regarder, en s'essuyant la bouche du revers de la main. C'était la première fois que je le voyais comme ça : une vraie pute homo, à la fois viril et provocateur. C'était très dérangeant.

— T'embrasse bien. Un peu brutal, mais ça me plait. Je me demande si tu baise aussi bien que t'en as l'air.

— N'y compte même pas, Stormqvist, grondai-je entre mes dents. J'ai promis à Fassa que je garderai ma queue dans mon pantalon, et j'ai l'intention de tenir ma promesse jusqu'à demain.

Erik remonta le col de sa veste, bougeant les épaules.

— J'imagine la tête de Fassa si elle apprenait ça... Elle serait sûrement très choquée, dit-il en prenant une mine faussement compatissante. Son prince charmant qui embrasse son meilleur pote... Elle te quitterait sur le champ, je pense.

— Si tu dis un mot à Fassa... commençai-je d'une voix blanche.

— T'inquiète, je lui ne dirais pas, lança-t-il avec un sourire. Pas si tu vires ce futal et me laisse regarder le fabuleux engin que tu caches dessous. Juste regarder.

— Alors là, dans tes rêves ! hurlai-je. Qu'est-ce que tu vas me sortir, après ? Tu vas me demander de te sucer ? Je ne céderais pas au chantage.

Erik soupira.

— Un Spetsnaz ne négocie pas, hein.... Je veux juste mater, c'est tout. Après, j'estimerai qu'on est quittes. C'est peu cher payé pour tout ce que tu m'as fait, non ?

Je baissai la tête. Déjà que je me sentais merdeux par ce qu'il venait de me raconter...

— D'accord, murmurai-je finalement.

Je me levai, et déboutonnai mon treillis. Erik me demanda de me déshabiller entièrement. Après quelques vaines protestations, je me retrouvai nu comme un ver devant lui. Je n'étais pas particulièrement pudique, mais bon...

— Allonge-toi confortablement, m'ordonna-t-il d'une voix douce.

Je relevai sur lui un œil inquiet.

— Qu'est-ce que tu vas me faire ?

— Tu ne peux pas t'imaginer comme je suis heureux que tu me demande ça. C'est vraiment le plus beau jour de ma vie, Ulfasso.

Je me tus donc. Inutile de continuer à lui donner satisfaction.

— J'adore ton corps, observa-t-il. J'ai fait des années de body-building en mangeant presque rien pour avoir le même, mais sur moi, ça fait pas pareil.

— Je te trouve bien musclé, pourtant, grimaçai-je en me souvenant de l'impression détestable que j'avais eu en touchant ce corps dur.

— Fassa doit bien s'amuser avec toi, prophétisa-t-il, les yeux braqués sur mon bas-ventre.

— Pour les femmes, c'est moins important que pour les mecs, ce genre de choses, appris-je à Erik. Je crois qu'il n'y a que les hommes que ça intéresse, la masse musculaire.

J'essayai de prendre le vocabulaire le plus médical possible pour le calmer. Mais c'était loin de le refroidir.

— Oui, moi, ça m'intéresse, murmura-t-il d'un air absorbé, sans quitter mon corps des yeux.

Je regardai le plafond, très mal à l'aise. J'avais l'impression d'être sur la table d'un docteur sadique.

— Ces beaux kiwis dans leur nid de platine, cette grosse saucisse bien épaisse... C'est magnifique, tu sais, fit-il, très inspiré.

J'aurais préféré qu'il m'épargne les métaphores culinaires. Avec toutes ses belles lettres, Erik pouvait faire mieux que qualifier mon pénis de « grosse saucisse », tout de même. Quant aux kiwis, n'en parlons pas.

— Désolé Erik, mais pour la poésie, tu repasseras. Je te croyais plus doué.

— Je préfèrerais que tu me durcisses tout ça, me lança-t-il en se tournant vers moi. Ferme les yeux, je vais te branler un peu.

— Tu n'y arriveras pas, Erik Stormqvist, lui répondis-je en luttant pour garder mon calme. D'ailleurs, je crois qu'à cause de toi, je vais être incapable de bander pendant une semaine.

Il me regarda froidement.

— Tant mieux, dit-il. Mais ferme les yeux quand même.

— Non.

— Avant, je fantasmais en t'imaginant en train de me choper, puis quand tu as trahi, j'ai pris peur et j'ai arrêté. Mais je rêvais toujours de toi. C'était des cauchemars, bien sûr, et je me sentais coupable... Ça m'a vraiment traumatisé, Ulfasso, ce mélange d'amour et de haine que j'avais pour toi. Ça m'a complètement démoli.

Ça l'avait rendu dingue, oui. Là, il me faisait vraiment peur.

— Arrête-toi, Erik, lui dis-je tout en pianotant sur mon portable pour m'occuper les mains et l'esprit. Je ne suis pas ton psychanalyste.

— J'en ai parlé à mon psy, continua-t-il. Quand j'ai rencontré Konosuke, les cauchemars avaient commencé à s'arrêter, mais suite à ta réapparition dans ma vie, ils ont repris. Et puis, je me suis remis à te parler, à avoir des rapports plutôt normaux avec toi. Là, mes rêves sont revenus, mais mes fantasmes ont changé. Cette fois, je t'imaginais soumis à ma volonté comme maintenant... Dans ces rêves, je te faisais découvrir le sexe homo, je t'initiais à des nouveaux plaisirs, que tu ne peux même pas imaginer... Et t'aimais tellement ça que tu te laissais faire, malgré la honte. Tu sais, ça peut être très bon, de se faire sodomiser. Ça stimule la prostate... Pour les hommes, y a rien de meilleur. Quant à le faire, bien sûr, tu connais la sensation...

Je reposai mon téléphone, et me redressai.

— Allez, ça suffit, lui dis-je en le poussant. Le petit jeu a assez duré. Tu t'es bien amusé, maintenant je remballe le matos et tu me fous la paix.

Je me rhabillai vite fait, l'esprit vide.

— Une précision, ajoutai-je en me tournant vers lui. Je ne suis pas « soumis à ta volonté ». Juste blessé, reconnaissant, et suffisamment patient pour te laisser t'amuser cinq minutes. C'était la première et la dernière fois d'ailleurs.

Erik me regarda dans les yeux.

— Si, tu l'es. Tu t'es soumis à moi. J'aurais pu te faire n'importe quoi. Tu te serais laissé faire.

Cette piètre tentative de domination me donna une subite envie de lui montrer réellement ce que voulait dire le verbe « soumettre ». Mais quelque chose dans son regard m'indiqua que c'était justement ce qu'il cherchait. Et surtout, j'avais donné ma parole à Fassa.

Tiens le coup, Liova. T'as envie de faire crier ce petit con à la gueule de chaton, mais c'est parce que t'as les couilles pleines depuis six mois. Garde de l'énergie pour demain. T'en aurais bien besoin.

— C'est ça. Vaudrait mieux dormir, maintenant. Je préférai qu'on soit partis avant l'aube. Demain, c'est mon mariage. Et toi, c'est là que tu dors.

Je lui montrai l'espèce de sofa pour enfant en face du lit.

— Je sais, murmura-t-il, je vais sur le canapé. Bonne nuit, Ulfasso.

— Bonne nuit, lui répondis-je sur un ton un peu âpre.

Il me regarda, puis se dirigea vers sa couchette. Mais il n'avait pas fait trois pas que je le rappelai :

— Ah oui, autre chose Erik : pas un mot de tout ce qui s'est passé aujourd'hui à quiconque.

Il se retourna.

— Tu feras quoi, si je parle ?

Je le regardai, sans sourire.

— T'as pas envie de le savoir.

— Je parlerai pas, admit-il.

— À la bonne heure. Bonne nuit, Erik.

Le cirque avait quitté la ville, mais les clowns, eux, étaient restés. Erik et moi, on en faisait partie.


*


Cette fuite à moto dans la neige à travers la Russie m'avait rendu parano. Et si Nikos et son frère nous avaient suivis ? En passant la frontière, je rallumai mon téléphone. Un message de Fassa m'attendait : elle devait rentrer de son week-end cohésion très tard ce soir.

「Tu fais quoi, Lev ? Rappelle-moi dès que tu peux.」

Merde.

Vu le nombre d'appels en absence, elle s'était inquiétée.

Mais je voulais sécuriser la zone avant son arrivée. À peine arrivé chez moi, je filai dans le bunker au fond de mon jardin. Erik me suivit mollement.

— Waouh, c'est la caverne de Ben Laden, là-dedans ! s'écria-t-il en avisant tout mon arsenal. Fassa est au courant ?

Je rallumai le système de sécurité, enfilai un nouveau gilet pare-balles, puis poussai Erik dehors sans ménagement, un container sous le bras. J'ouvris la boîte sur la table de ma cuisine, en sortant mon fusil d'assaut préféré, le SVD.

Erik ne se laissa pas impressionner.

— C'est quoi, cette arme ? me lança-t-il tout en ouvrant le frigo. Pourquoi tu prends ça et pas ton sabre pour avoir ces mecs ? Y en a un qui est à moitié mort, non ? Et tu crois qu'ils vont venir ici ?

Je descendis les escaliers, avant de lui arracher la bouteille de jus d'orange des mains.

— La moindre des choses, c'est de demander avant de se servir, Erik.

— Je peux avoir du jus d'orange, s'il te plait, Ulfasso ? singea-t-il en faisant une grimace.

— Non. C'est tout ce qui me reste pour le petit déj' demain. Prend de l'eau ou du jus de tomate.

Il reposa la bouteille en pestant, et prit autre chose.

— Alors ? Tu veux bien répondre à ma question ?

— C'est un fusil d'assaut, Stormqvist. Et si j'avais des têtes de missile à fission nucléaire sous la main, c'est probablement ce que j'utiliserais pour plomber ces mecs directement chez eux, sans avoir à les approcher de trop près. Je te rappelle que mon bras gauche est inutilisable. S'ils doivent attaquer, c'est qu'ils nous ont suivis : donc tout va se jouer maintenant.

Erik engloutit une grande gorgée de jus de tomate.

— Sympa pour la nature. Et j'ai bien remarqué que c'était un fusil. Je voulais juste savoir quel modèle.

— Pourquoi, tu veux t'acheter le même ?

Il le regarda, une moue sur les lèvres.

— Pourquoi pas, oui.

— C'est un fusil de précision sibérien, le Snaïperskaïa Vintovka Dragunovna, ou SVD. Je ne pense pas que tu le trouveras dans le commerce.

Erik s'en empara immédiatement pour l'examiner. Je lui jetai un regard las, avant d'ouvrir le frigo pour y ranger la bouteille de jus de tomate qu'il avait sorti.

Un vrai gosse.

— Ne le démonte pas, lui demandai-je en le voyant tripoter la culasse.

— T'as toujours un arsenal pas possible, murmura-t-il en regardant le fusil. Fassa sait que tu gardes des armes pareilles chez toi ?

— Non, répondis-je. Et c'est encore une chose que tu ne lui diras pas.

Erik n'avait que cette phrase à la bouche : Fassa sait que tu lui cache des choses, patati patata ? C'était horripilant.

— Pourquoi tu te trimballes encore avec des trucs pareils ? insista-t-il.

Je posai mes deux mains sur la table, et le fixai dans les yeux.

— Écoute Erik, je suis un soldat de métier. La guerre, je n'ai jamais fait que ça dans ma vie, et d'ailleurs, je ne sais faire que ça. Alors, quand des pourris comme ces frères Nikolic débarquent pour me menacer, je me tiens prêt. C'est précisément la raison pour laquelle je garde des armes chez moi.

Il me détailla des pieds à la tête, les lèvres fermées.

— C'est pour ça que t'es en tenue de combat dans ton salon ? Ou c'est juste par nostalgie malsaine ?

— L'ennemi peut débarquer d'un moment à l'autre, Erik. Voilà pourquoi.

— J'imagine même pas la tête de Fassa si elle te voyait comme ça, dit-il en haussant les sourcils. Tu fais peur, Ulfasso. Comme d'habitude, remarque.

— Tu peux rentrer chez toi, Erik. N'oublie pas : pas un mot à Fassa. Demain soir, toi et moi...

— On fera comme si on ne se connaissait pas, je sais, grommela Erik en reposant son verre sur le bar américain. Tu sais quoi ? À force, je ne suis même plus sûr de savoir quelle version de l'histoire est la vraie. Qu'est-ce que je peux dire à Fassa, et qu'est-ce que je dois lui cacher.

Il n'avait pas tort. Mais même si j'avais décidé d'arrêter de mentir à Fassa, ce n'était pas à lui de lui dire.

— Je comprends ça, finis-je par lui dire. Tu veux un conseil ? Pour ne pas oublier, pour garder la tête froide et les idées claires. Focalise-toi sur quelque chose, ou quelqu'un. Moi, j'ai ce sabre, par exemple. Quand je le regarde, je me souviens.

— J'ai ça aussi, murmura Erik sombrement. Et t'es là, maintenant... tant que j'y pense, c'est pour ça que tu m'as gardé en vie, hein ? T'aurais pu me tuer mille fois, mais tu ne l'as jamais fait.

— J'ai besoin que tu sois là, quelque part, pour que je puisse me rappeler. Une preuve vivante, un rappel constant de ma culpabilité. Et aussi l'assurance qu'un jour, quelqu'un aura la capacité de me faire payer mes crimes. Mais une chose est sûre : si tu te mets entre moi et Fassa, si je la perds à cause de toi, d'une façon ou d'une autre... je n'hésiterai pas, cette fois. Cela en dépit de tout ce que tu représentes pour moi. Parce que maintenant qu'elle est là, dans mon univers, je veux vivre. Fassa, elle représente plus que ma rédemption. Je l'aime. Tu comprends ? C'est la première fois que je ressens ça. Je veux explorer ce sentiment.

— Je te renvoie la menace. Si tu lui fais du mal, si elle souffre par ta faute... moi non plus, je n'hésiterai plus. Allez, à plus. Tu m'appelles si y a un problème.

Je maugréai une réponse, impatient de le mettre dehors. La situation était vraiment devenue trop chaotique. Il fallait que tout revienne à la normale, et vite. Avant le retour de Fassa, en tout cas.

Mais les frères Nikolic ne se pointèrent pas. Nikos devait effectivement avoir succombé à ses blessures. Vers neuf heures du soir, je décidai de remballer. Je ne démontai pas le fusil, mais le planquai sous mon lit, enroulé sous un drap.

Si Fassa le remarquait – après tout, à partir du lendemain soir, elle allait dormir dans ma chambre -, ce serait trop tard pour faire machine arrière. 

De toute façon, il  faudra bien qu'elle accepte la vérité.

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