I
I
la robe
C'était par un beau matin que nos deux petites Suzanne et Adélaïde se promenaient dans le bosquet ; elles s'apprêtant justement à rentrer par une telle chaleur.
SUZANNE. — Adélaïde ! Adélaïde ! Viens donc voir, papa nous a envoyé une caisse d'Angleterre. Viens vite, je suis dans le vestibule !
ADÉLAÏDE. — À la bonne heure ! Demandons à notre tante si elle nous permet de l'ouvrir.
SUZANNE. — À quoi bon, c'est à nous de décider ; c'est notre père tout de même l'oublies-tu ?
ADÉLAÏDE. — Que tu es impatiente... Fais comme cela te chante, moi, je préfère attendre.
Suzanne, l'entêtée, n'écouta point ça sœur. Elle se hâta de défaire de papier recouvrant la caisse et de découvrir la magnifique robe enfermée dans ce coffre.
Ce fut une robe en mousseline, avec un corsage au cou orné de jabot. Elle était brodée et de couleur lila.
Un chapeau extravagant comportant de multiples panaches multicolores l'accompagnait, suivi d'une crinoline bouffante.
Les yeux de Suzanne pétillaient d'admiration face à ce majestueux vêtement. Elle se persuada que cette robe était pour elle, par pur égoïsme.
Elle l'essaya.
SUZANNE, se pavanant. — Regarde donc, toi qui voulais attendre, tu n'as pas pu voir cette magnifique robe que papa m'a offerte.
ADÉLAÏDE. — Comment sais-tu qu'elle est à toi ?
SUZANNE. — Je le sais, c'est tout. Papa a toujours eu une petite préférence pour moi. Et puis, je l'ai vue la première !
ADÉLAÏDE — Te voilà bien sûre de toi... Pourtant, papa ne serait pas fier de toi s'il t'entendait parler ainsi.
SUZANNE. — Oh, tu m'ennuie. Tu n'es jamais contente ! Si tu dis cela c'est que tu es jalouse.
Adélaïde soupira, laissant place à un silence dans la conversation.
Elle finit par disposer, avant l'arrivée de Marie, la bonne des deux sœurs.
« Eh bien, j'accourais à l'entente de vos cris pour ouvrir le colis, mais je vois que vous n'avez pas perdu de temps..., fit Marie étonnée. »
Suzanne haussa les épaules, puis continua de chantonner en tournant dans sa belle robe.
Mme d'Auzac qui passait par là aperçut la petite Suzanne se paonner.
MADAME D'AUZAC, avec effroi. — Oh la vilaine ! Retirez immédiatement cette robe elle n'est point à vous !
SUZANNE. — Oh je vous en conjure ma tante, permettez-moi de la garder. Elle est si belle... Et d'abord, pour qui est-elle ?
MADAME D'AUZAC. — Non Suzanne. C'est votre père qui l'a lui-même dit. Et pour ce qui concerne le propriétaire de la robe, ce ne sont pas vos affaires.
SUZANNE. — Où cela ? D'où savez vous cela ? Et pourquoi ne dois-je point le savoir ?
MADAME D'AUZAC. — Là, regardez.
Mme d'Auzac tendit une enveloppe de papier à Suzanne. Elle la pris avec hésitation et la déplia.
Elle la lut avec appréhension :
« Ma chère belle-sœur,
Je vous envoie ce luxueux cadeau de Londres. Il n'est ni pour Adélaïde, ni pour Suzanne. Enfin, il est uniquement pour l'une des deux. Offrez ce présent à celle qui se montrera la plus sage, la plus intelligente et la plus bonne, et, interdisez la robe à la première bêtise.
Adieu, je vous embrasse,
Louis de Bouville. »
« Votre père annonce ici que la robe était pour celle qui serait la plus sage, appuiya Mme d'Auzac. Vous avez bien prouvé, par votre égocentrisme et votre égoïsme que vous ne la méritez nullement. Par conséquent, elle reviendra à votre sœur, Adélaïde. »
La petite Suzanne fondit en larmes, de chagrin, mais aussi de rage.
Elle ne pouvait s'en vouloir qu'à elle-même.
On offrit donc la belle robe à Adélaïde, qui fut bien surprise, enchantée mais confuse à la fois. Elle était peinée par sa pauvre sœur qui s'en voulait à en mourir. De surcroît, elle voulut lui donner, mais Mme d'Auzac lui défendit.
Une autre fois, Suzanne sera moins égoïste.
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