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Une affreuse douleur opprimait sa poitrine. Elle lui écrasait le cœur, ses côtes se resserraient, et Hyunjin avait la sensation qu'un poids appuyait sur sa cage thoracique. Il le sentit remonter pour atteindre son cou. Il fut encerclé par de puissantes mains, des doigts griffus et couverts d'une substance visqueuse et chaude. Il grimaça sous la souffrance qu'il ressentait. Sa mâchoire se crispa, il voulait crier, hurler, mais il n'y parvenait pas. Il avait la tête qui tournait, la vision floue, et l'air peinait à s'insinuer jusqu'à ses poumons. Celui qui le tenait était fort, trop fort. Dans un effort surhumain, Hyunjin attrapa les poignets de l'inconnu. Ils étaient frêles, et il crut même comprendre qu'en réalité, il ne s'agissait que d'os partiellement décharnés. Il émit un grognement et, malgré sa vue brouillée, il discerna quelqu'un se pencher par-dessus son visage. Il écarquilla les yeux et ne put qu'émettre un pitoyable grognement. Pourtant, il voulait crier à s'en briser les cordes vocales tant le spectacle le terrorisait. 

Son grand frère était là ; les mains autour de son cou, les pouces appuyant si fort sur sa trachée qu'il aurait pu la lui écraser comme pour rire. Il l'observait avec une haine sans pareille, lui qui avait toujours été bienveillant à son égard, qui l'avait aimé et soutenu autant qu'il l'avait pu. Son visage était presque méconnaissable tant il était ravagé. Il n'était qu'un corps en putréfaction et Hyunjin en eut un haut-le-cœur. 

— C'est ta faute… 

Il secoua négativement la tête alors qu'il cherchait à se débattre, il était cloué sur son lit. Il voulait bouger et il n'y parvenait pas. Une force extérieure l'en empêchait, ce n'était pas seulement l'action de son frère qui le paralysait, mais quelque chose de bien plus puissant. Il aurait aimé lui demander pardon, lui dire qu'il était désolé de l'avoir envoyé vers une mort certaine et pourtant, il était incapable de parler. L'air lui manquait et son cerveau n'était plus correctement irrigué. Il allait sombrer et peut-être que cette fois, lui aussi ne se réveillerait jamais. 

— Hyunjin… 

Il entendit une voix lointaine l'appeler et il ne put pas répondre. Il préférait sans doute se laisser emporter dans l'abîme, là où plus rien ne le tourmenterait, là où il serait enfin en paix.  

— Hyunjin, s'il vous plaît… 

Elle n'était plus qu'un écho et l'emprise sur sa gorge ne faisait que se resserrer davantage. Il suffoquait, ses oreilles bourdonnaient. Il avait froid et en même temps si chaud… Peut-être était-ce enfin le moment pour lui de se laisser aller, d'accepter qu'il devait partir et rejoindre son frère. 

— Hyunjin réveillez-vous ! 

Il sentit une autre main lui presser l'épaule et, d'un bond, il se redressa et ouvrit les yeux. Un cri impressionnant quitta sa bouche et des larmes se mirent à dévaler ses joues. Il plongea le visage entre ses larges mains, ses sanglots se firent de plus en plus bruyants et violents. Son corps soubresautait et sa voix cassée par l'émotion résonna à travers la chambre. 

— Hyunjin, je suis là, tout va bien. 

Seungmin était à ses côtés, la main toujours posée sur son épaule. Ils étaient dans la chambre qu'ils partageaient pour leurs noces, rien de tout ce que Hyunjin venait de subir n'avait eu lieu. Pourtant, il avait vécu un véritable cauchemar, tout avait eu l'air si vrai. Il avait eu l'impression d'étouffer réellement, d'être face à son grand frère et que ce dernier ne désirait qu'une chose : qu'il le suive dans la tombe. Il n'avait jamais rêvé de lui jusqu'à ce jour, malgré toute la culpabilité qui le rongeait depuis toutes ces années. 

— Vous avez fait un cauchemar, c'est tout… 

Les paroles réconfortantes de Seungmin ne furent pas suffisantes pour que ses pleurs ne cessent. Hyunjin était tout bonnement incapable de s'arrêter. Il était trop secoué par cette vision d'horreur, par le visage déformé et squelettique de son frère.

Il passa une main sur son cou, il avait mal. Il toussa si fort qu'il crut vomir. Son époux lui caressa le dos, espérant faire passer son mal-être, mais Hyunjin peinait à cesser de sangloter. Il se trouvait ridicule de se montrer ainsi. Encore une fois, il prouvait à quel point il était faible et vulnérable, à quel point il était misérable. Il avait conscience que Seungmin n'allait pas le juger, mais il ne pouvait s'empêcher de penser à ses parents et au fait que, s'ils le voyaient ainsi, ils ne se priveraient pas pour lui faire des remarques désobligeantes. Il n'était qu'un pauvre prince incapable qui devait se racheter auprès des souverains pour tout le mal qu'il avait causé. Finalement, il n'était rien de plus qu'un pantin qu'il fallait utiliser, alors à quoi bon jouer les durs ? Il se laissait manipuler, c'était tout ce qu'on lui demandait, et peut-être qu'enfin, avec Seungmin, il pouvait laisser cette partie imparfaite de lui se manifester sans honte. 

Il renifla et chercha à se blottir contre le torse de son époux. Ce dernier battit des cils à plusieurs reprises, pris de court par ce geste qu'il n'imaginait pas possible jusqu'alors. Il referma les bras autour des épaules de Hyunjin et le serra assez fort pour lui faire comprendre qu'il était là pour lui. Il le berça doucement et ses pleurs finirent par s'amenuiser. 

Les jeunes mariés avaient passé une semaine ensemble et, même s'ils s'étaient rapprochés une fois grâce aux fleurs, ils n'avaient pas passé de cap supplémentaire. Ils s'étaient embrassés ce jour-là, puis plus rien. L'entente entre eux était cordiale, Seungmin continuait à se promener dans les jardins mis à leur disposition et Hyunjin l'accompagnait parfois. Ils partageaient ces quelques instants, discutaient de plantes, et bien souvent, le prince de Freyrior tombait de fatigue avant son mari. Ils dormaient ensemble, mais tout en se tenant éloignés l'un de l'autre. L'ambiance était étrange, parfois bon enfant, parfois tendue. Hyunjin n'était pas facile à apprivoiser et en général, il érigeait lui-même des barrières entre eux. Il savait qu'il ne devait pas s'attacher, il n'en avait pas le droit. Seungmin devrait disparaître tôt ou tard, il devrait s'en débarrasser mais avant ça, il avait le devoir de porter son enfant. 

Cependant, comment pourrait-il voir plus loin avec le jeune homme ? Il se dégoûtait déjà d'avoir osé l'embrasser en sachant qu'il était question de l'assassiner, alors comment allait-il pouvoir faire l'amour avec lui ? Comment allait-il être capable de se donner à son époux, de tomber enceint, pour ensuite le tuer ?

Il étouffa un nouveau sanglot, perdu face à toutes ces questions qui se bousculaient dans son esprit. Il subissait trop de pression en ce moment alors que tout ce qu'il avait toujours désiré était de vivre une vie paisible, entouré de fleurs colorées, de papillons qui virevoltaient et d'oiseaux qui chantaient. Il ne demandait pas la lune, simplement du calme et de la sérénité. Et même un peu de tendresse. Il se sentait terriblement seul et égaré. Minho lui manquait, il n'avait plus cette épaule sur laquelle se reposer et il se sentait coupable d'utiliser Seungmin de cette manière. Il aurait dû le repousser, se montrer encore plus distant avec lui, mais le jeune prince était si gentil à son égard qu'il ne savait plus comment réagir. Dans le fond, il appréciait qu'il s'inquiète pour lui, qu'il cherche à ce qu'il se sente en sécurité auprès de lui. 

— Vous vous sentez mieux ? murmura Seungmin. 

Hyunjin hocha faiblement la tête et chercha à se blottir davantage dans les bras de son époux. Son esprit lui disait d'arrêter, mais son corps avait besoin de sa chaleur et de son affection. Il était tiraillé, pris entre deux feux. Il s'agrippa à la veste de Seungmin, aussi fort que possible, avant de relever la tête pour le regarder droit dans les yeux. Ses iris ambrés semblaient s'enflammer dès que leurs regards se croisaient, et Hyunjin en restait à chaque fois subjugué. 

— Je… Pardonnez-moi… 

Il se détacha de lui, comme reprenant peu à peu conscience de ce qui se passait. Il ne voulait pas tomber pour sa beauté et sa gentillesse. Il ne pouvait pas, car la chute n'en serait que plus douloureuse. Pourtant, il avait envie d'y retourner, d'à nouveau plonger, de se laisser engouffrer par les sensations qu'il ressentait quand Seungmin l'observait de cette manière si singulière. Il avait l'impression de compter pour lui, de ne pas être qu'une pièce rapportée qu'il était forcé de traîner à cause de leur union. Non, avec lui, il se sentait spécial, et cela ne faisait qu'accroître la piètre opinion qu'il avait de lui-même. Il allait tout envoyer valser pour ses parents, pour les satisfaire, pour obtenir leurs grâces. Il s'en voulait d'être aussi fragile, de ne pas avoir assez de courage pour s'opposer à eux. 

— Hyunjin, si vous avez besoin de vous confier, sachez que je suis là pour vous écouter. 

— Ne vous en faites pas, tout va bien. 

Seungmin vint lui saisir une main. Il exerça une faible pression dessus, et Hyunjin fut obligé de le regarder dans les yeux. 

— Je vous ai promis de tout faire pour que vous vous sentiez bien ici. Je prendrai mon rôle très à cœur, vous êtes mon époux et… 

Le prince de Freyrior se pencha et ne résista pas à l'envie de s'emparer de ses lèvres. De sa main libre, il s'était accroché à sa tunique et la serrait aussi fort que possible entre ses doigts. Il ferma les yeux, fronça les sourcils, alors qu'il tentait de se concentrer sur ce qu'il ressentait. Il avait peur de ne plus rien contrôler, de se laisser aller alors qu'il devait garder la tête sur les épaules et son objectif à l'esprit. La main qui se cala dans sa nuque le fit frissonner. Il ne se savait pas si sensible de cet endroit, même si Minho le lui avait bien des fois effleuré en le coiffant. 

Il pressa davantage ses lèvres à celles de Seungmin, ce dernier sembla enclin à répondre à son geste. Il remua doucement les lippes contre celles de Hyunjin, cherchant à instaurer un échange que le jeune homme ne parvint pas à refuser. Il avait envie de ce baiser, de se sentir aimé, de partager cet instant de tendresse, de recevoir de l'affection. Il en avait besoin, et Seungmin était celui qui pouvait lui en donner. 

Leurs bouches, bien que timides, se mouvaient l'une contre l'autre dans une danse lente et coordonnée. Leur échange n'était pas très franc, un peu maladroit, mais plus poussé que les quelques bisous qu'ils s'étaient donnés.

Hyunjin avait l'esprit sens dessus dessous, son conjoint prenait les choses en main et il se sentait à la fois vulnérable et plein de forces avec lui. C'était étrange, nouveau, mais loin d'être désagréable. Ils finirent par se détacher d'un commun accord, sans doute pour ne pas aller trop loin et se laisser emporter par un sentiment dont ils n'étaient pas certains. Ils avaient passé une semaine enfermés rien que tous les deux, ils n'avaient pas pu sortir, ils n'avaient vu personne, cela devait jouer sur leur comportement. Et Hyunjin, même s'il trouvait le jeune homme à ses côtés très plaisant, n'avait pas pour projet de coucher avec lui maintenant, sur un coup de tête. Il n'était pas encore assez sûr de lui pour se donner, même s'il savait qu'il finirait par en passer par là.

Seungmin lui caressa la joue et essaya de replacer une mèche argentée derrière son oreille. Cependant, Hyunjin se recula assez violemment quand il le vit approcher la main de sa chevelure. 

— Non… Il n'y a que Minho qui soit autorisé à les toucher. 

— Excusez-moi, je ne voulais pas vous faire peur. 

Hyunjin secoua la tête et baissa les yeux. 

— Désolé, je suis ridicule. 

— Non, vous avez le droit de ne pas me laisser faire ça. Nous avons chacun nos limites, je me dois de respecter les vôtres. 

— Vous êtes si gentil, soupira Hyunjin. 

Un petit rire s'éleva dans la chambre. 

— Je dirais que je suis un humain décent. Je n'ai aucune envie de faire quelque chose qui vous mettrait mal à l'aise. Je vous respecterai comme il se doit Hyunjin. Vous êtes mon époux, certes pour une union politique, mais cela ne me donne en aucun cas le droit ou le pouvoir de vous blesser. 

— Merci. J'ai vraiment de la chance d'être marié à quelqu'un comme vous. 

Il prit son courage à deux mains et vint donner un nouveau baiser au prince de Månerthia. Quand leurs lèvres se scellaient, il sentait une agréable chaleur s'éprendre de son ventre, de ses épaules, de son crâne. Il avait la sensation de relâcher toutes les tensions accumulées en lui.

Il allait initier un nouvel échange un peu plus langoureux lorsque la porte s'ouvrit à la volée. Ils sursautèrent de concert et se détachèrent aussi vite que possible, comme s'ils avaient été pris la main dans le sac. Deux domestiques étaient là et se confondaient en excuses, les joues rouges de les avoir trouvés si proches dans leur lit nuptial. 

— Nous allons vous laisser ! s'exclama l'une d'elles en détournant le regard. 

— Nous aurions dû frapper avant, pardonnez-nous, mais les souverains étaient impatients de vous revoir ! 

Leur semaine de noces était terminée, leurs parents avaient sûrement demandé à ce que quelqu'un leur indique qu'ils pouvaient enfin quitter leur cocon. 

Seungmin alla chercher la main de Hyunjin, il le sentait paniqué.

— Ne vous en faites pas, nous étions simplement en train de discuter. 

Si Hyunjin n'avait pas été aussi perturbé, il aurait probablement ri de la réponse de son mari. Ils ne faisaient pas réellement que ça, discuter, mais ils n'étaient pas non plus dans une position délicate. Ce n'était qu'un baiser, rien de plus. Les deux femmes ne pouvaient s'empêcher d'être gênées et de continuer à s'excuser. 

— Hm, vos parents… ils vous attendent dans le salon royal et nous ont demandé de vous y conduire après un brin de toilette. 

Seungmin acquiesça et se leva. Il emporta Hyunjin avec lui, il ne lui avait pas lâché la main. Cependant, ce dernier s'était figé. 

— Nous y allons ? 

Hyunjin déglutit avant de hocher la tête. Il se rendait compte qu'il allait revoir ses parents, et que cette semaine loin d'eux l'avait grandement apaisé même si le spectre de leur intransigeance planait toujours au-dessus de lui. Maintenant, il craignait qu'ils ne lui posent la question fatidique, à savoir s'il avait bien couché avec Seungmin. Et il était déjà terrifié à l'idée de devoir leur mentir, mais il n'avait pas le choix. Jamais il n'oserait leur avouer qu'il avait été faible au point d'être incapable d'offrir son corps à son époux. 

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