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Hyunjin tremblait de tout son être. Le poignard en main, il sentait son pouls battre jusqu’au bout de ses doigts. Sa respiration s’était accélérée, la sueur trempait sa nuque et son front. Il ne savait plus quoi faire. Il ne savait plus quoi penser. Il ne parvenait plus à ressembler ses idées, tout ce qui tournait en boucle dans son esprit était qu’ils allaient mourir. Ils allaient périr sous les lames aiguisées des mercenaires de Kryov. Les soldats aux alentours avaient sans doute été éliminés à en croire la quantité de sang présente sur les armes des deux colosses. Seungmin recula d’un pas, un bras en travers de Hyunjin.

— Ne bouge surtout pas.

— Qu’est-ce que tu comptes faire ? paniqua-t-il.

Seungmin déglutit avant de prendre une profonde inspiration. Les hommes s’étaient arrêtés, mais il savait qu’au moindre pas, ils n’hésiteraient pas à se jeter sur eux. Ils les analysaient avec attention, le regard noir et un mince rictus malsain placardé au visage. Leurs mains tatouées rappelaient celles de Chan. Ils étaient de son peuple et pourtant, il n’avait rien en commun avec ces hommes. Il n’était pas un barbare, il n’était pas comme eux, et ça, Hyunjin avait fini par l’assimiler.

Aujourd’hui, cela faisait encore plus de sens. Chan était différent des autres mercenaires de Kryov, il avait fui sa patrie et s’était conformé aux coutumes de Månerthia. Il était un homme bon, même s’il s’était longtemps méfié de lui. Là, il avait juste envie de le voir apparaître au loin. Il avait envie de se dire que quelqu’un était là pour leur venir en aide. Il était persuadé que le valet de son époux serait en mesure de battre ces mercenaires. Mais il n’était pas là. Tout le monde devait ignorer dans quelle posture ils se trouvaient.

— Prince Hyunjin, l’interpella un des hommes. Si vous coopérez, vous aurez la vie sauve.

Son rythme cardiaque s’accéléra encore et sa poigne se resserra sur le manche de la lame. Il avait les lèvres tremblantes, et les larmes étaient sur le point de couler. Il n’abandonnerait jamais Seungmin, il ne laisserait jamais ces hommes les séparer. S’ils devaient mourir, ils mourraient ensemble. Il était incapable de le trahir, il ne ferait jamais cet honneur à ses parents. Il l’aimait, plus qu’il ne les aimait eux. À vrai dire, il les détestait du plus profond de son cœur. Ils lui avaient tout volé. Ils avaient essayé de le condamner à une vie de servitude. Ils avaient fait naître en lui une culpabilité si grande qu’il pensait ne jamais avoir droit au bonheur. Et quand il avait touché ce bonheur, du bout des doigts, ses parents étaient présents pour le soustraire devant ses yeux.

— Hyunjin… souffla Seungmin sans se retourner vers lui.

— Non. N’y pense même pas.

Il avait perçu, dans la voix de son époux, qu’il était résigné. Et il ne voulait pas que Seungmin baisse les armes.

— Accepte, pour ta propre vie.

— Je ne flancherai pas. Ma vie, c’est toi. Et je sais parfaitement que mes parents ne me feront aucun cadeau. Ce n’est que retarder ma mort que de les laisser te tuer ici. Je préfère mourir à tes côtés s’il le faut.

— Ils ne feraient pas ça, tu es leur fils.

— Ils le feraient.

Seungmin soupira. Dans le fond, il le savait. Les souverains Hwang n’allaient pas s’arrêter à ça. Il avait bien compris qu’ils étaient prêts à tout, et que se débarrasser de leur propre fils n’allait pas être un problème. Ils étaient impitoyables.

— Avez-vous fait votre choix ?

La voix grave de l’homme résonna dans sa tête, il crut bien qu’elle aurait pu exploser. Il mourait de chaud, ses oreilles bourdonnaient, et sa vue se brouillait petit à petit. Il ne devait pas perdre ses moyens maintenant, il ne devait pas s’évanouir, mais chercher une solution pour fuir. Pour qu’ils puissent se sortir de là. Il était pessimiste quant à leurs chances de survie, mais s’ils pouvaient tenter quelque chose, ils devaient le faire.

— Hyunjin, il faut que tu partes.

— Je ne te laisserai pas.

— Tu fonces droit devant, à toute vitesse à travers la forêt. Trouve quelqu’un, n’importe qui.

— Je ne vais certainement pas t’abandonner ici.

— Je vais gagner du temps.

Les doigts de Seungmin s’enroulèrent autour de la dague de chasse qu’il portait à la ceinture. La lame était à double tranchant, très aiguisée et d’environ trente centimètres. Il s’agissait d’un modèle forgé par le plus talentueux des artisans de la capitale, un objet que Seungmin avait reçu pour son dernier anniversaire de la part de son père. Et il savait la manier à la perfection.

— Je ne peux pas, marmonna Hyunjin d’une voix tremblante.

L’étau se resserrait. Les deux hommes allaient perdre patience et ils finiraient par se jeter sur eux. Seungmin souffla un bon coup, comme pour montrer qu’il était déterminé, et il renforça sa poigne sur le manche de son arme.

— C’est peut-être notre seule chance de nous en sortir tous les deux.

— Ils vont nous attraper et…

— Je t’aime et je ferai tout pour que nous nous retrouvions, l’interrompit-il. Je te le jure.

Hyunjin déglutit. Il avait envie de lui accorder toute sa confiance, mais il savait que la situation allait être compliquée. Son époux avait beau jurer, il n’arrivait pas à rester optimiste. Pour lui, tout était fichu. S’il partait, s’il fuyait, Seungmin mourrait.

— Seungmin, je t’en prie…

— Je te l’ordonne. Fuis, dépêche-toi, et trouve de l’aide.

Ce n’était plus le moment de réfléchir. Hyunjin sentait à quel point son époux était résolu et même s’il n’avait aucune envie de le quitter sans savoir ce qui adviendrait de lui, il devait agir.

Il inspira à pleins poumons et Seungmin lui laissa la voie libre. Il lui jeta un bref regard, Hyunjin acquiesça d’un mouvement de tête. Il fixa la forêt plus loin, un point précis qu’il ne devait pas perdre de vue. Il allait s’y engouffrer, sans hésitation, sans flancher, car il devait les sauver. S’il y avait encore un espoir de vivre, de s’en sortir, il devait tout tenter. Franc sur ses appuis, il s’élança le plus rapidement possible, le poignard toujours fermement entre ses doigts. Il ignorait comment il était capable de courir aussi vite, sans doute l’adrénaline qui le poussait dans ses derniers retranchements.

Il regarda par-dessus son épaule quand les voix gutturales et le bruit des lames s’entrechoquant s’élevèrent dans la clairière. Seungmin venait de parer un coup et de riposter, et Hyunjin en eut le cœur un peu plus fou. Il était terrifié à l’idée que son cher et tendre ne périsse, mais il fut obligé de se reconcentrer sur sa course. Il essaya de tenir le rythme, de respirer convenablement, mais la forêt était dense et humide. L’air devenait de plus en plus irrespirable, le chemin de moins en moins praticable. Les racines hors de la terre rendaient sa procession complexe. Ses jambes tremblaient, ses pieds étaient douloureux. Il faiblissait. Le souffle court, il n’eut d’autre choix que de prendre quelques secondes pour récupérer, au risque de s’évanouir. Une main plaquée contre un imposant tronc, il baissa la tête et observa ses orteils meurtris.

Il ignorait combien de temps il avait couru, mais plus aucun son ne parvenait à ses oreilles. Il s’était considérablement éloigné de la clairière et, par conséquent, de Seungmin.

Il devait continuer. Il ne devait pas abandonner.

Il tenta de déglutir, sa bouche était déjà affreusement sèche. Peu importe, ce n’était pas le moment de faire des manières. Il renifla et s’essuya le nez d’un revers de la manche avant de reprendre sa route. Il devait trouver quelqu’un, n’importe qui, pour qu’il puisse rentrer au palais et prévenir les souverains d’une attaque. Et tout ce qu’il pouvait espérer était que Seungmin soit encore en vie lorsqu’ils le retrouveraient. Ou qu'il ait réussi à fuir lui aussi.

Il se hâta entre les arbres, faisant fi du supplice que subissaient ses pieds. Il avait conscience qu’ils étaient fragiles, qu’il risquait de sévèrement se blesser, mais cela lui était égal. Hyunjin accéléra la cadence et une douleur lancinante s’éprit d’une de ses chevilles, celle qu’il avait déjà foulée par le passé. Il serra les dents pour oublier à quel point il avait mal, à quel point il était sur le point de s’effondrer.

Il s’était surestimé.

Quelques foulées plus tard, il s’écroula et se retint sur les mains pour ne pas foncer tête la première. Son poignard s’échoua à quelques centimètres. Il fut incapable de refouler les larmes qui menaçaient de couler depuis trop de temps désormais. Il n’en pouvait plus. Il était exténué, affaibli, et il avait peur de ne pas être en mesure de porter secours à son bien-aimé.

— Prince Hyunjin…

Son palpitant s’emballa de plus belle et ses sanglots se firent bruyants. Il tourna la tête, juste assez pour discerner une masse imposante et sombre derrière lui. L’accent que l’homme avait ne trompait personne, il s’agissait d’un mercenaire et, quand il sortit de l’ombre, Hyunjin comprit qu’ils n’étaient pas que deux. Ils étaient trois, et celui-ci l’avait suivi en attendant le moment opportun pour s’en prendre à lui. Il était pris au piège.

— Vous n’êtes pas quelqu’un de raisonnable.

Il tenta de se relever mais la main puissante de l’homme agrippa ses longs cheveux d’argent. Il les tira vers le haut, Hyunjin lâcha un gémissement de douleur sous la brutalité du geste. Son corps entier le faisait souffrir. Les larmes incessantes embuaient sa vue et plus il sanglotait, plus sa gorge s’avérait douloureuse.

— Lâchez-moi…

— Mauvaise réponse.

Le mercenaire renforça son emprise et enroula une partie de ses cheveux autour de son poing, tirant davantage sur son cuir chevelu. Hyunjin était presque résigné ; il allait mourir ici et maintenant. Il allait s’éteindre loin de Seungmin alors qu’il aurait préféré être à ses côtés jusqu’à la fin. Il en vint à penser que son époux avait souhaité les séparer pour qu’ils ne souffrent pas de la perte de l’autre, pour qu’ils échappent à d’horribles visions. Mais il lui en voulait. Il lui en voulait d’avoir pris la décision à sa place.

Il abdiqua, prêt à perdre la vie, et ses pleurs s’atténuèrent peu à peu. Sa vision ne fut plus aussi floue, son cœur s’apaisa presque. Il s’était fait une raison lorsque son regard se posa sur la lame à portée de main. Une puissante vague d’excitation le submergea et, sans plus réfléchir, il saisit le poignard et le glissa sur ses précieux cheveux pour se libérer. Les mèches argentées s’éparpillèrent sur le sol et, dans un élan de courage, Hyunjin planta la lame dans ce qu’il avait à proximité : l’arrière du genou de son assaillant. L’homme hurla de douleur et jura, une tache de sang se répandit presque aussitôt sur son pantalon.

— Tu vas me le payer sale…

Exalté par la peur et sans même prêter attention à l’endroit, Hyunjin asséna un autre coup. Il profita de la faiblesse du mercenaire pour se relever, tant bien que mal, et foncer à travers les bois. Peu importe s’il souffrait. Peu importe si sa cheville était sur le point de se disloquer. Il devait continuer. Encore. Encore. Juste encore un peu. Il ne voyait plus les arbres défiler autour de lui, il ne percevait plus aucun son à part son pouls complètement déréglé. Il était comme un animal traqué, prêt à tous les stratagèmes pour s’enfuir, prêt à courir jusqu’à épuisement. Il ne pouvait pas mourir, et il ne pouvait pas laisser Seungmin mourir. Il devait trouver quelqu’un, n’importe qui capable de leur fournir de l’aide.

Hyunjin ne s’arrêta pas une seconde malgré ses pieds déchirés, malgré son cœur fou. Puis la lumière, la bordure de la forêt, une route. Essoufflé, il leva la tête vers le ciel quand des craquements le firent sursauter.

— Jeune homme, tout va bien ?

Son seul espoir était là. Il se mit à pleurer, incontrôlable, à bout de forces. Un homme longiligne au visage à la fois paisible et inquiet s’approcha de lui en refermant la sacoche de cuir accrochée à son ceinturon. Hyunjin tenta de balbutier quelques mots, mais il n’y parvenait pas, entre la faiblesse qui l’envahissait et les sanglots qui le secouaient. Il s’effondra au sol et l’inconnu se précipita vers lui pour le placer de façon à ce qu’il puisse respirer correctement.

— Calmez-vous, je suis là, je vais vous aider.

— S’il vous plaît…

Hyunjin ferma les yeux et se laissa emporter, trop éreinté par les derniers événements.

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Bonjour (◕ᴗ◕✿)
Oui, je vous laisse encore sur un suspens de mort... Mais que voulez-vous, j'adore vous faire du mal 😌 Les choses vont vite se décanter maintenant !
À très vite pour la suite 💜