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Ce fut avec beaucoup de regrets que Hyunjin prépara son arc et son carcan. Il n'avait pas pu éviter cette nouvelle partie de chasse, c'était un événement important au palais et son absence aurait pu faire parler au sein de la cour. Il n'avait pas envie d'animer les conversations ou d'éveiller des soupçons. Ça ne lui plaisait pas, il ne se reconnaissait pas dans cette activité et il était déjà angoissé à l'idée de devoir monter à cheval pour galoper après des animaux. Il n'osait pas en parler à Seungmin, il s'agissait tout de même d'une coutume de Månerthia et il avait peur de l'offenser. Et puis, il essayait de lui adresser le moins possible la parole.

Ils avaient couché ensemble deux jours auparavant, et même s'il se sentait touché par les mots que son époux avait eus, il avait l'impression qu'il ne les méritait pas.

Seungmin l'aimait.

Dans le fond, il savait que lui aussi ressentait quelque chose de très puissant, de l'amour peut-être, de l'admiration pour sûr. Mais il ne pouvait pas lui avouer, c'était déplacé. Déplacé par rapport à ce pour quoi il avait été marié à lui. Il voulait rapidement tomber enceint pour que tout ça soit enfin terminé, et cette pensée l'écœurait. Comment pourrait-il élever un enfant seul tout en sachant qu'il aurait tué son autre parent ?

— Hyunjin, vous êtes prêt ?

Il sortit de ses réflexions quand Seungmin s'approcha de lui, accompagné de son valet. Il leva les yeux vers ce dernier et afficha un petit sourire gêné. Il finirait bien par s'habituer à sa présence et à sa carrure intimidante. Quand il remarqua Minho prendre place à ses côtés, il en fut presque soulagé.

— Oui, j'ai tout.

Seungmin acquiesça, les lèvres légèrement étirées et les pommettes colorées. Ils n'avaient pas parlé de cette nuit-là, où ils avaient consommé leur mariage, et le moindre regard qu'ils se lançaient se concluait par un embarras partagé. Ils ne s'étaient même pas embrassés depuis, ils avaient simplement passé le lendemain à se prélasser dans leur demeure ou sur la terrasse pour profiter du soleil. Que pouvaient-ils se dire de toute façon ?

Alors qu'un silence étouffant pesait sur eux, un haut-gradé de l'armée déboula dans l'armurerie.

— Les montures sont presque prêtes prince Seungmin, nous pourrons bientôt y aller.

Il le remercia et l'homme quitta la salle après s'être incliné. Seungmin était lui aussi harnaché de son arc et de ses flèches, et cela lui donnait l'air encore plus sérieux. Il paraissait tellement mature, tellement plus virile que ce que Hyunjin était.

— Tout va bien ? s'inquiéta-t-il.

Hyunjin déglutit tout en replaçant une mèche rebelle derrière son oreille. Minho avait beau lui avoir attaché les cheveux, il y avait encore quelques récalcitrants.

— Oui, ne vous en faites pas. Tout va bien.

Seungmin afficha un petit rictus avant de se tourner vers son valet, ce dernier fit un mouvement de tête.

— Nous allons voir si les chevaux sont prêts ainsi que les autres participants. À tout à l'heure, annonça-t-il avant de tourner les talons.

Minho soupira un bon coup lorsqu'ils ne furent plus que tous les deux, et Hyunjin se laissa tomber sur un des bancs en bois, non pas sans laisser échapper une plainte de douleur. Sa première nuit d'amour avec Seungmin avait été agréable et il s'était montré très tendre avec lui, mais il ressentait toujours une petite gêne au niveau de son bassin. Il n'osait rien dire, il n'osait pas le montrer, de peur que le jeune homme se fasse du souci plus que de raison. Ce n'était pas grand chose, et ça allait finir par passer.

Les épaules affaissées, la tête basculée en avant, il regardait ses pieds engoncés dans de hautes et épaisses bottes en peau. Une main délicate se posa sur son épaule et il releva les yeux pour les ancrer dans ceux de Minho.

— Qu'y a-t-il ?

Il expira longuement.

— Rien…

Minho s'éclaircit la gorge et s'assit à ses côtés.

— Vous pouvez tout me dire Hyunjin. Quelque chose vous tracasse ?

— Non, ce n'est pas important.

Cette fois, le valet souffla d'agacement. Hyunjin avait toujours eu tendance à se confier à lui, même s'il était là pour le servir il était aussi son ami. Il était une des seules personnes qu'il côtoyait à qui il pouvait parler de ses craintes, et Minho tenait à ce rôle plus que tout. Que son prince reste silencieux ne lui plaisait pas.

— Écoutez, je vous connais depuis longtemps maintenant, vous savez bien que je ne vous jugerai jamais.

— Je le sais Minho mais…

Il s'arrêta. Il ne pouvait pas tout lui avouer. Il ne pouvait pas parler de ses parents et de la tâche ingrate qu'ils lui avaient confiée. Il se demandait même comment ils avaient pu oser se reposer sur lui pour une telle chose. Ils savaient qu'il était faible, qu'il n'était pas téméraire, et ils auraient dû se douter qu'il allait flancher. Qu'il allait avoir peur. Mais après tout, ne voyaient-ils pas cela comme un moyen pour lui de se racheter ? Ils voulaient que leur fils prouve qu'il pouvait être à la hauteur. Qu'il pouvait devenir celui qu'ils voulaient. C'était une manière de le façonner à leur image, de le faire grandir, pour qu'enfin il trouve le courage d'être un homme digne de ce nom. Il était celui qui reprendrait le trône, qui portait leur nom, alors il devait se conduire de façon à garantir la réputation de Freyrior. Celle-ci était déjà bien entachée auprès des royaumes voisins.

— Nous l'avons fait, avoua-t-il d'une voix basse.

Minho se tourna vers lui d'un bond, les yeux écarquillés.

— Comment ?

— Seungmin et moi…

Il inspira à pleins poumons et se redressa.

— Nous avons couché ensemble.

L'expression du valet ne changea pas, elle était figée dans une stupeur démesurée.

— Et vous ne me le dites que maintenant ?

Hyunjin hocha la tête. Il avait vu Minho la veille, et ce matin-même, mais il n'avait pas osé lui en parler de peur de l'embêter avec ses histoires et ses angoisses.

— C'est pour cela que vous vous comportez étrangement alors. Je veux dire, avec votre époux.

Si Minho l'avait remarqué, Seungmin aussi. Et Hyunjin se sentit soudain coupable d'avoir joué les indifférents avec lui. Constatant que son visage s'était contrit, Minho lui caressa affectueusement le dos en l'observant avec tendresse et compassion.

— Vous en aviez envie, non ?

— Oui, très.

Aussitôt, le prince de Freyrior piqua un fard, envahi par une chaleur intense qui prenait naissance dans son ventre. Il y plaqua une main, comme pour la faire disparaître, mais les images de cette nuit surgirent dans son esprit. Il en avait eu très envie, à tel point qu'il en avait mouillé les draps. Seungmin avait été si doux avec lui, il était si beau et attentif à ses besoins. Il avait essayé de le détendre, de lui faire passer un bon moment, il lui avait dit qu'il l'aimait.

— Et… Est-ce que c'était bien ?

Ses joues n'en furent que plus écarlates et son corps un peu plus ardent. Il secoua la tête, ce n'était pas le moment de dessiner mentalement le corps nu de son époux.

— Il était très gentil avec moi, dit-il.

Minho sourit et intensifia les mouvements dans le dos de son prince.

— Je suis heureux de l'entendre alors.

— Merci de m'avoir conseillé, ce soir-là.

— Je vous en prie Hyunjin, il est de mon devoir d'être là.

Il échangèrent un sourire et la porte de l'armurerie s'ouvrit d'un coup sec pour dévoiler Chan.

— Tout est prêt, annonça-t-il.

Minho fit un petit mouvement de tête et se leva, incitant Hyunjin à le suivre. Ce dernier grimaça quand il dut se décoller du banc. Le valet lui prit la main et s'enquit de son état.

— Désolé c'est… encore un peu douloureux, murmura-t-il, honteux.

Compréhensif, il ne dit rien et l'invita à venir avec lui, une main toujours calée dans son dos. Ils sortirent et se dirigèrent vers les écuries à quelques mètres de là ; le roi Kim et une vingtaine de nobles attendaient près de leurs montures.

Hyunjin n'était pas très à l'aise en compagnie de tous ces hommes aux carrures impressionnantes. Il avait l'impression d'être un gringalet à côté d'eux, et même Minho - qui pourtant avait une bonne musculature - paraissait frêle. Seungmin avait seulement dix-neuf ans mais il le voyait déjà marcher sur les traces de son père, devenir un roi imposant et charismatique, mais droit et bienveillant. Il avait hérité de la sensibilité de sa mère, de sa beauté, de son intelligence et de son ouverture d'esprit. Nul doute qu'il serait un souverain courageux et dévoué.

Seungmin se tourna vers lui et lui adressa un petit signe de la main auquel il répondit. Il était beau quand il souriait, quand il prenait son air timide, mais séduisant. Tout était naturel chez lui. Il ne jouait pas. Il ne mentait pas. C'était cette sincérité qui le rendait merveilleux aux yeux de Hyunjin. Quand il lui avait dit « Je vous aime », il avait ressenti toute sa candeur.

— Prince Hyunjin, votre cheval.

Un garçon d'écurie lui avait apporté un bel étalon noir à l'ossature robuste et aux muscles saillants. Doucement, il avança une main vers lui et lui caressa le chanfrein. L'animal cligna des yeux à plusieurs reprises, appréciant visiblement les attentions de son futur cavalier. Hyunjin en eut le visage rayonnant de bonheur. Il ne lui fallait pas grand chose pour s'émerveiller.

— Il vous plaît ?

La voix de Seungmin lui caressa les tympans et il se tourna vers lui, le sourire aux lèvres. Il vit ses yeux s'embraser, son ventre se tordit.

— Il est… magnifique, souffla-t-il.

— J'imagine que vous êtes déjà monté à cheval ?

— Oui, ça m'est arrivé quelques fois, mais il y a un moment.

— Ai-je besoin de vous guider ?

Hyunjin secoua la tête de gauche à droite. Il n'était pas un novice, il se souvenait des bases et savait qu'il avait un bon équilibre. Il espérait juste ne pas trop avoir perdu depuis le temps, ce n'était pas le moment de se ridiculiser avec tous ces hauts placés autour de lui. Il avait peur du jugement, constamment, et même s'il savait que Seungmin n'était pas comme ça, il avait toujours des incertitudes qui le torturaient. Certes, les habitants de Månerthia et plus particulièrement de Têhothen lui avaient été dépeints comme des personnes ouvertes d'esprit, mais il restait sur la réserve. Chan avait été accepté, avec tous les préjugés qu'il pouvait traîner, mais il était la parfaite incarnation du mâle, contrairement à lui. Son apparence féminine et son hypersensibilité lui avaient toujours valu des remarques désobligeantes de la part de ses parents. Il avait du mal à s'accepter, et à admettre que les autres puissent aussi l'accepter tel qu'il était.

Avec l'aide de Minho, il grimpa sur son cheval. Il réfréna un gémissement de douleur quand son postérieur entra en contact avec la selle. Elle avait beau être de qualité, il n'appréciait pas cette sensation qui venait d'assaillir son bassin. Il n'avait pas imaginé que cela soit si désagréable après coup. Il avait fait l'amour avec Seungmin l'avant-veille, il n'avait même pas pensé à cette partie de chasse et au fait qu'il allait devoir monter à cheval. Il regrettait un peu d'avoir fait les choses dans cet ordre. Il en avait eu très envie, comme son époux, et avec lui il avait tendance à lâcher prise sans trop penser aux conséquences ou à l'avenir. C'était ce qui le terrifiait le plus dans cette relation : il cédait à ses désirs les plus profonds.

Il essaya de se caler le plus confortablement possible, mais rien n'y faisait. Sa position était gênante. Il jeta un bref coup d'oeil en direction de Minho, ce dernier allait attendre leur retour avec Chan.

Le groupe démarra au pas jusqu'à ce qu'il rejoigne la lisière de la forêt. Les températures étaient agréables. Le soleil, haut dans le ciel, filtrait à travers les feuillages denses et verdoyants. L'atmosphère paisible, le souffle du vent, la lumière chatoyante, la mélodie des oiseaux et l'odeur de la nature. Hyunjin ferma les yeux un court instant, inspirant les fragrances qui lui faisaient oublier ce pour quoi il était là.

Le son du cor le rappela à la réalité. Les cris des hommes firent écho dans le labyrinthe émeraude, annonçant leur venue. Son cœur se serra quand les premiers cavaliers se lancèrent au trot pour s'engouffrer entre les arbres. Sans un mot, Seungmin lui indiqua qu'ils devaient se mettre en route, et ils talonnèrent leurs montures pour s'élancer à la suite des autres.

Hyunjin serra les poings sur les rênes alors qu'il tentait de se soulever en rythme avec son cheval. Il n'avait aucune envie d'être balloté dans tous les sens, et surtout aucune envie de raviver cette douleur qui le tiraillait toujours. Il suivit Seungmin dans la profondeur des bois, ils avaient perdu de vue le peloton principal, mais ils entendaient leurs voix et leurs rires s'élever au loin. Toute cette agitation le mettait mal à l'aise, et il ne pouvait pas imaginer comment les animaux se trouvant dans les parages devaient se sentir.

Il grimaça à plusieurs reprises quand ses fesses heurtèrent la selle ; il peinait à continuer à se caler sur la cadence des foulées. Il avait peut-être repris un peu de poids, un peu de muscle avec les entraînements, mais il n'en restait pas moins fragile. Les efforts physiques prolongés l'épuisaient. Il fut soulagé lorsque Seungmin fit ralentir son cheval pour le remettre au pas.

— Vous avez du mal à suivre, n'est-ce pas ?

Hyunjin acquiesça, les joues légèrement rouges. Seungmin lâcha un faible rire, ses yeux disparaissant derrière son euphorie.

— J'ai bien compris que tout ça, ce n'est pas vraiment votre tasse de thé.

— Désolé…

— Ne vous en faites pas. Vous avez le droit de ne pas aimer ça. Vous avez le droit de me dire si cela ne vous plaît pas, nous pourrons toujours trouver des excuses pour les prochaines parties de chasse auxquelles nous serons conviés.

Il essaya de faire bonne figure, mais il était terriblement embarrassé d'avoir été percé à jour. Seungmin savait tout, même ce qu'il ne disait pas. Il était alerte de chaque geste, et il les interprétait avec brio. C'était assez déconcertant de voir à quel point il était capable de le cerner, de deviner quand quelque chose le perturbait.

— Hm, vous n'êtes pas à l'aise sur votre cheval ?

À cette remarque, Hyunjin se tortilla légèrement sur la selle, et il ne put s'empêcher de grigner. Cette fois, Seungmin stoppa sa monture près de son époux et le força à en faire autant. Il l'observa avec attention, les cils battant lentement comme pour comprendre ce qui n'allait pas. Hyunjin, quant à lui, gardait la tête basse pour ne pas dévoiler à quel point son visage pouvait être écarlate. Seungmin se pencha pour lui saisir une main et le forcer à lever les yeux dans sa direction.

— Que se passe-t-il ? Vous semblez avoir mal quelque part.

Hyunjin se détourna de lui une énième fois, il voulait juste fuir.

— Est-ce que…

Un silence, et Seungmin sembla réaliser quand son époux gigota de gauche à droite pour se replacer de la plus confortable des manières.

— Oh. C'est à cause de moi ? Je suis désolé, j'aurais dû me douter que le cheval était une mauvaise idée dans ces circonstances ! Je suis vraiment navré de vous avoir fait mal. 

— C'est juste encore un peu sensible, marmonna-t-il.

— Attendez.

Seungmin mit pied à terre pour aider Hyunjin à en faire autant. Il n'allait pas le laisser là indéfiniment alors qu'il souffrait. Il reprit sa main dans la sienne pour la caresser avec son pouce.

— Veuillez m'excuser, j'aurais dû être plus attentif.

— Ça va aller.

— Nous pouvons marcher doucement, ils ne chassent jamais dans ce coin alors nous ne serons pas dérangés.

Hyunjin fut étonné que Seungmin lui adresse un clin d'œil. Main dans la main, ils avancèrent d'un pas lent. Les chevaux, sur leurs talons, baissaient la tête de temps en temps pour mâcher des petits arbustes ou des baies. Le lierre et les imposantes racines rendaient le chemin un peu moins praticable que la route principale qui traversait les bois, mais plus ils s'y enfonçaient , mieux Hyunjin se sentait. Il profitait du calme, les voix au loin s'étaient tues et l'ambiance sécurisante de la nature était revenue. Il entendait les oiseaux siffler et cela lui faisait un bien fou, il se sentait vivant.

— Hm, je suis vraiment désolé pour ça.

Seungmin déglutit bruyamment et, au ton incertain de son époux, Hyunjin comprit qu'il culpabilisait énormément. Mais il ne devait pas, ils avaient tous les deux été d'accord pour se donner l'un à l'autre. C'était un choix qu'ils avaient fait ensemble, en toute connaissance de cause. Il s'arrêta pour se confronter à lui, ses prunelles tombant dans celles de Seungmin. Il lui saisit l'autre main et, bien qu'il soit un peu timide par rapport à la situation, il ne le lâcha pas des yeux.

— Je vous assure que vous n'avez pas à être désolé.

— Je voulais que ce soit agréable pour vous et…

Hyunjin pressa les lèvres aux siennes pour l'empêcher d'aller plus loin.

— C'était agréable.

Seungmin entrouvrit la bouche, mais il fut incapable de sortir un seul mot. La soudaine audace de son mari l'avait laissé pantois. Ils n'avaient pas beaucoup échangé depuis cette nuit-là, ils s'étaient même montrés un peu distants - par pudeur sans doute -, alors qu'il se comporte ainsi le surprenait autant que cela lui plaisait.

— Vous êtes sûr ? J'avais peur de… d'avoir fait n'importe quoi. Parce que vous sembliez vous éloigner et…

C'était bien la première fois que Hyunjin le voyait autant perdre ses moyens.

— Si ce que je vous ai dit cette nuit vous a mis mal à l'aise, j'en suis profondément désolé. Je comprendrai si vous ne ressentez pas la même chose, ce n'est pas grave. Je me suis peut-être emporté.

— Non, il me faut juste un peu de temps pour comprendre ce que je ressens.

— Oui, d'accord, bien entendu.

Hyunjin sourit. Il savait qu'il avait des sentiments pour Seungmin, ce n'était pas quelque chose qu'il niait, ça ne servait à rien. Cependant, avec tout ce qu'il avait en tête, tous ses doutes qui venaient l'assaillir, il ne pouvait pas se permettre de faire n'importe quoi. Il n'allait pas avouer qu'il l'aimait s'il n'était pas sûr de pouvoir le faire pour toujours. Il avait déjà l'impression de le trahir, il n'était pas nécessaire d'en rajouter. Lui aussi culpabilisait de cette situation, de ce secret qu'il devait garder, de cette mission qui lui avait été confiée.

— Je suis content que nous ayons pu en parler un peu, dit Seungmin suivit d'un soupir de soulagement.

— Je suis content aussi.

— Vous pouvez encore marcher un peu ?

— Oui, sans souci.

Ils échangèrent un regard entendu et, alors qu'ils venaient de reprendre leur route, Hyunjin manqua de tomber sur une racine qui sortait de terre. De justesse, Seungmin le rattrapa en passant un bras autour de sa taille.

— Tout va bien ?

Hyunjin grimaça. Il tenta de s'appuyer sur son pied droit, mais la douleur était si intense qu'il laissa échapper un gémissement.

— Que vous arrive-t-il ?

Seungmin était paniqué, ses mains s'étaient mise à trembler et son regard à jongler nerveusement d'un point à un autre.

— Ma cheville, je crois.

Il observa les alentours, le souffle court et la vision floue. Il ne savait plus où donner de la tête et il devait absolument se calmer s'il voulait agir correctement. Il se figea sur la sacoche accrochée à la selle de son cheval et le clapotis d'un cour d'eau à proximité vint effleurer ses oreilles.

— Je vais vous aider à marcher jusqu'à la rivière.

Hyunjin se laissa guider par Seungmin, le bras de ce dernier le soutenait pour lui permettre de ne pas faire reposer son pied meurtri sur le sol. Comme il l'avait deviné, un petit ruisseau traversait la forêt. Il demanda à Hyunjin de s'installer sur l'accotement ; il s'occupa de défaire sa botte le plus délicatement possible et il remonta son pantalon jusqu'à son genou. Le prince le regardait faire, silencieux et curieux. Puis Seungmin se releva, rejoignit son cheval, et extirpa une petite fiole de la sacoche avant de retrouver son époux.

— Je vais essayer de soulager la douleur, au moins pour le temps que nous rentrions au palais.

— Je suis désolé.

— Vous n'y êtes pour rien.

Hyunjin haussa les épaules. Il s'en voulait d'être un tel poids pour Seungmin. Il était en train de tout gâcher, que ce soit cette partie de chasse ou leur moment ensemble. Il avait l'impression d'être un incapable, une petite chose fragile, et ça commençait à l'agacer. Il ne voulait pas qu'il le voit comme un faible et, même s'il était toujours aux petits soins avec lui, Hyunjin avait envie de lui montrer une autre facette de lui. Seungmin avait beau se montrer rassurant et conciliant, il avait toujours peur que chaque petit événement comme celui-ci ne finisse par le lasser. Peut-être serait-ce mieux ainsi. Peut-être qu'un morceau de lui désirait que Seungmin soit découragé par son comportement. Et d'un autre côté, il était rassuré qu'il soit si doux avec lui, en toutes circonstances.

— Hm, je vais déjà rincer votre pied et votre cheville avant d'appliquer l'huile. Ça risque d'être un peu froid.

— Allez-y.

À deux mains, Seungmin puisa de l'eau dans la rivière et la laissa couler sur la jambe de Hyunjin. Sa peau était lisse, pâle, Il réitéra l'opération à plusieurs reprises tout en prenant soin de ne pas le blesser plus qu'il ne l'était déjà. Il le massait délicatement en même temps, il le sentait crispé sous ses doigts. Il descendit sur son pied et avec habileté, il en toucha la plante. Hyunjin sursauta et lâcha un soupir de surprise.

— Je vous fais mal ?

— Non, c'était… c'était juste étrange. Et aussi agréable.

Seungmin sourit et appuya un peu plus fort pour sentir la peau fléchir sous son toucher. À chaque passage, Hyunjin tressaillit, mais plus les secondes passaient et plus il constatait qu'il se détendait.

— Cela vous fait du bien ?

Il ne répondit que par un léger son de gorge. Il avait fermé les yeux et profitait des attentions du jeune homme. Mais quand il sentit ses lèvres se poser au niveau de sa cheville et remonter le long de son tibia, il chercha à se reculer. Il battit des cils, le visage en feu, et Seungmin le lâcha aussitôt, comme s'il avait pris conscience de ce qu'il était en train de faire. Il toussa, et attrapa le flacon pour l'ouvrir et déposer quelques gouttes d'huile au creux de ses mains. Il les frotta vigoureusement entre elles et encercla la cheville de son époux pour la frotter lentement.

— Je n'aurais pas dû faire ça.

Hyunjin ne savait pas quoi dire ou quoi faire. Il ne pouvait pas prétendre que ce geste lui avait déplu, bien au contraire, mais il l'avait pris de court. Il ne s'attendait pas à ce qu'il ait ce genre d'attitude au beau milieu d'une forêt. Il trouvait cela extrêmement excitant, mais jamais il n'oserait le lui avouer.

— Vous savez, ma famille possède une petite maison dans ces bois, un peu plus loin. Il faut seulement suivre la route principale jusqu'à un grand chêne, et elle est dissimulée dans une clairière.

Ce soudain changement de climat avait presque attristé Hyunjin.

— Un jour je vous y emmènerai. Nous pourrons peut-être y rester une nuit ou deux.

Finalement, l'atmosphère était toujours la même, et cela le fit sourire. Ils étaient tous deux un peu embarrassés quand les choses devenaient plus sérieuses, plus sensuelles. Seungmin lâcha sa cheville après avoir fait pénétrer l'huile, puis il prit place à côté de lui. Il saisit quelques cailloux qu'il lança dans l'eau.

— Il y a un petit lac là-bas et la nuit, l'eau scintille sous les rayons de la lune. Vous verrez, c'est magnifique. Enfin, si vous voulez bien y venir.

— J'en serais ravi.

— Vraiment ?

— Oui, si c'est avec vous.

Seungmin baissa la tête tout en lâchant un petit rire adorable. Timidement, il glissa la main vers celle de Hyunjin pour entrelacer leurs doigts.

— Restons encore un peu avant de repartir.

Le prince de Freyrior soupira d'aise. Il aurait aimé rester là pour toujours.

•••

Ne sont-ils pas adorables 🥺
Pour le moment c'est encore chill... Mais pour combien de temps ?

À bientôt (｡•̀ᴗ-)✧