♕ chapitre 14
‧͙⁺˚*・༓☾ ☽༓・*˚⁺‧͙
— Bonne nuit Seungmin.
Chan le prit dans ses bras pour le serrer contre lui et lui tapoter le dos. Sous les discrets regards de Hyunjin et Minho, Seungmin répondit à son étreinte. Ils étaient si proches, si à l'aise ensemble, que cela en devenait parfois déconcertant. À Freyrior, il était plutôt rare d'être aussi peu formel avec une personne de haut rang, et même si Minho accordait quelques accolades à son prince, il ne s'imaginait pas lui parler sans un minimum de politesse, ou le taper comme s'il était un ami très proche. Certes, ils étaient amis, il était son confident et son pilier, mais il s'efforçait toujours d'être courtois et de ne pas dépasser certaines limites qu'il s'était fixées. Il désirait rester professionnel, c'était important à ses yeux.
Chan, lui, c'était autre chose. Mais que pouvait-il dire si son prince l'acceptait ainsi ? Il avait assimilé le fait qu'il se comportait de manière naturelle avec Seungmin - et avec lui aussi d'ailleurs -, mais il émettait toujours quelques récalcitrances. Il ne voulait pas entrer dans son jeu, devenir un peu trop familier avec lui.
Il en avait discuté avec Hyunjin, et ce dernier n'avait pas manqué de le taquiner sur le sujet. Peut-être que s'il ne voulait pas être trop aisé avec Chan, c'était parce qu'il avait peur de s'attacher à lui. Qu'il avait peur qu'un jour, il doive partir d'ici et le laisser. Mais dans le fond, son prince n'avait pas tort. Il avait cette peur de l'abandon, cette peur de la solitude. Cette peur de tomber dans les oubliettes. Et ça le tiraillait.
— Tu viens ? Faudrait peut-être les laisser à deux.
Minho déglutit en lançant un coup d'œil vers Hyunjin. Ce dernier semblait embarrassé par les paroles du valet, en témoignaient ses joues rouges et sa façon de se tenir, la tête rentrée dans ses épaules et les mains jointes devant lui.
— À demain, prince Hyunjin.
Il s'inclina pour le saluer et tourna rapidement les talons pour suivre Chan à l'extérieur de la bâtisse. Une fois la porte close, ils échangèrent un regard. Il fut intense, interminable, et le silence ambiant ne faisait qu'apporter une gêne supplémentaire. Le valet de Seungmin soupira et leva les yeux au ciel avant de reprendre son chemin. Avec lui, Minho ne savait plus sur quel pied danser. Un jour il était sympathique et bavard, le lendemain il se montrait froid et distant. Il n'y avait pas réellement d'élément déclencheur, il était juste lunatique et il fallait le prendre ainsi.
— Chan, attendez…
Minho pressa le pas pour le rattraper, l'homme s'arrêta net, et il lui fonça dans le dos. Il était plus grand que lui, plus imposant, et il recula d'au moins un mètre suite au choc. Il secoua la tête, ses omoplates étaient dur comme de la pierre. Chan se retourna, le regard impassible.
— Oui ? Un souci ?
— Non, juste que… Vous partez vous coucher ?
— Pourquoi tu veux savoir ça ?
Sa voix ne démontrait aucune émotion, tout comme son visage fermé. Rien. Absolument rien. Minho ravala sa salive et prit une profonde inspiration tandis que ses doigts s'entremêlaient. Il avait envie de passer du temps avec lui, même s'ils ne discutaient pas, il se sentait terriblement seul depuis qu'il était arrivé à Têhothen. Hyunjin avait ses devoirs, il fallait qu'il passe du temps avec son époux pour apprendre à le connaître, mais aussi pour s'habituer aux nouvelles coutumes de ce royaume. Même s'il le voyait chaque jour, qu'il s'occupait de ses cheveux et qu'ils passaient un peu de temps ensemble, ce n'était plus comme avant. Certes, Hyunjin avait besoin de lui, il aurait toujours besoin de lui, mais il avait aussi un nouveau rôle à jouer. Un rôle qui parfois n'incluait pas son valet.
— Je me disais que peut-être nous aurions pu marcher un peu.
Chan haussa un sourcil.
— Pour quelle raison ?
Minho baissa la tête, laissant un discret soupir s'échapper de sa bouche. Vraiment, ce n'était pas chose facile que de le cerner ou de se faire comprendre. Ils avaient pourtant passé quelques soirées tous les deux depuis que Minho était arrivé au palais. Ils se retrouvaient au kiosque au milieu de l'eau, entourés de l'orangeraie, la lune apportant ses rayons réconfortants qui filtraient à travers le toit de verre. Leurs conversations étaient succinctes, voire inexistantes, mais cette présence était rassurante. Elle comblait un vide, le temps d'une heure, de quelques minutes. Un mot, un regard, un geste, Minho n'était pas exigeant, il voulait seulement un peu de compagnie. Il ne pouvait pas trop se plaindre, les domestiques du palais étaient tous très avenants avec lui. Ils lui demandaient souvent s'il ne manquait de rien, s'il avait besoin de quelque chose, et il avait l'impression d'être un prince parfois tant ils étaient aux petits soins. Cependant, ce qu'il désirait était l'attention d'une personne.
Il ferma les yeux et serra les poings. Il pouvait bien en vouloir à Chan pour être lunatique, il n'était pas mieux que lui. Il agissait comme un indécis, et c'était bien pour cela que lui aussi, il se mettait des barrières. Il voulait aller vers Chan, il voulait s'en rapprocher, mais ce n'était pas aussi simple que ça.
— Minho, tu commences à m'agacer.
Le concerné ouvrit de grands yeux.
— Comment ?
— Tu sais ce que tu veux ?
Il aurait pu répondre « Oui » de but en blanc, mais cela aurait amené d'autres questions auxquelles il n'avait pas vraiment envie d'apporter des réponses.
— Je veux simplement marcher un peu, jusqu'au kiosque où nous nous retrouvons d'habitude.
— C'est un rendez-vous ?
Ses pommettes s'empourprèrent aussitôt. Il remercia la nuit pour les dissimuler.
— Non, enfin… Non !
— Pas besoin de te mettre dans des états pareils. Allez.
Il empoigna la main de Minho et le traîna d'un pas décidé jusqu'à l'endroit qu'il désirait aller. Le valet se laissa faire, sans broncher, même si l'emprise de Chan était un peu douloureuse. Il n'osa rien dire, il savait qu'il ne faisait pas exprès d'être si brusque avec lui, il ne sentait tout simplement pas sa force. Ils traversèrent les jardins, l'orangeraie, et le pont. Une fois sous le toit de verre, il le lâcha et Minho se massa le poignet, une grimace déformant ses lèvres.
— Ça te va comme ça ?
Il leva les yeux vers Chan et acquiesça.
— Quoi ? Je t'ai fait mal ? demanda-t-il en faisant un petit signe de tête en direction de sa main.
— Un peu.
— T'es fragile.
— Je suis seulement moins fort que vous.
Chan haussa les épaules et s'appuya sur la balustrade. Il resta fixé sur un point au loin, et Minho le rejoignit. Il se positionna à côté et lâcha un long et profond soupir. L'endroit était calme, seuls les clapotis de l'eau et le son des insectes nocturnes venaient briser le silence de leur agréable mélodie. Les rayons de la lune se reflétaient sur le sol, comme des cristaux lumineux.
— Ils sont mignons, tu trouves pas ?
— Qui ça ?
— À ton avis ! Nos princes !
— Ah… Oui, plutôt.
Minho était un peu ailleurs. Son esprit ne cessait de vagabonder çà et là, de penser à Chan alors qu'il était juste à côté de lui. C'était étrange, assez agréable, mais vraiment inexplicable.
— Hyunjin te parle de Seungmin ?
— Hm, un peu. Enfin, c'est normal. Et Seungmin ?
— Beaucoup trop, rit Chan. Il se pose tellement de questions, il est fatigant à force.
— Mon prince aussi se pose beaucoup de questions.
— À quel sujet ?
C'était délicat d'aborder cela avec Chan. Il ne voulait pas balancer toutes les craintes de Hyunjin comme ça, surtout en sachant que celui-ci avait un peu de mal avec le valet de son époux. Il essayait de ne pas avoir peur de lui, de ne pas se méfier, mais il avait toujours de l'appréhension quand il le voyait et qu'ils étaient forcés de passer du temps ensemble. Minho faisait tout pour le rassurer, il lui expliquait qu'il était quelqu'un de bien, juste un peu rustre.
— Promettez-moi de ne rien dire.
— Une tombe, assura Chan.
Son expression rassurait Minho. Il avait l'intime conviction qu'il pouvait lui faire confiance.
— Il se demande ce que Seungmin ressent pour lui. Et il n'arrive pas non plus à savoir ce que lui ressent pour Seungmin. Il est un peu perdu, ça ne fait pas longtemps qu'il est là et qu'ils sont mariés.
Le valet du prince Kim lâcha un grognement en se redressant. Minho l'observa, et il prit une nouvelle fois conscience d'à quel point il était imposant.
— Seungmin se pose exactement les mêmes questions. Est-ce que ton prince l'aime ? Est-ce que c'est possible de tomber amoureux si vite ?
— Je pense que oui, c'est possible.
Il se souvenait parfaitement de ce qu'il avait éprouvé pour Jamee, de cet amour fort et indomptable, de ces sentiments impossibles à réfréner. Il l'avait aimé très fort, et très vite. Mais un élément était différent, ils s'étaient choisis, ils s'étaient trouvés. Ils n'avaient pas été promis l'un à l'autre, ils n'avaient pas été forcés de se marier. Un mariage politique pouvait-il aboutir sur une relation aussi forte que celle qu'il avait vécu avec Jamee ? Il n'en savait rien. S'il avait eu la réponse, il l'aurait tout de suite donnée à Hyunjin.
— T'es déjà tombé amoureux ?
Minho hocha la tête, les joues rouges.
— Ah ouais ? Et ?
— Comment ça « et » ?
— Raconte-moi.
Il papillonna des cils.
— Pourquoi ? Vous ne savez pas ce que ça fait ?
Le visage de Chan se ferma. Il reprit sa position initiale, les bras croisés sur la balustrade, le dos voûté.
— Si. Je sais ce que ça fait.
Il venait de prononcer ces mots d'un ton monotone, quoi qu'un peu nostalgique. Un silence prit place, insupportable et interminable. Minho ne s'attendait pas à ce que l'ambiance devienne aussi glaciale d'un seul coup. Il avait touché un point sensible, mais Chan lui avait tendu le bâton pour se faire battre. L'homme soupira.
— Est-ce différent là d'où tu viens ?
— L'amour ?
— Oui. Comment c'était chez toi ?
— Je n'en sais rien. Je n'ai aimé quelqu'un que lorsque je suis arrivé à Freyrior, pas avant.
— Elle était comment ?
Minho sourit.
— Il était quelqu'un de bien.
Chan se redressa, l'air surpris, et l'autre valet laissa filer un léger rire. C'était amusant de voir les réactions quand il annonçait que l'élu de son cœur avait été un homme. Il était plutôt courant que deux hommes s'aiment, se marient, aient des enfants, rien de bien étrange, mais tout le monde s'imaginait que lui, il n'aimait que les femmes. Il avait du succès auprès de la gent féminine, c'était un fait. Cependant, il n'avait eu qu'un seul et véritable amour, et il s'agissait de Jamee.
— Que lui est-il arrivé ?
— C'était un marchand itinérant. Je savais qu'il ne resterait pas toujours à Lucéo, mais j'ai voulu croire qu'il le ferait pour moi. Je n'étais pas prêt à le suivre, et il n'était pas prêt à rester.
— Alors il t'a vraiment laissé ?
— Je n'aime pas dire qu'il m'a laissé, car on pourrait aussi dire que je ne l'ai pas suivi. Alors il a continué sa route, et moi la mienne. C'est comme ça.
Son visage si étincelant se mua en un sourire triste. Il passa une main sur ses yeux pour les essuyer, il ne voulait pas laisser les larmes dévaler ses joues.
— Enfin, voilà comment c'était d'aimer.
— Hm, je vais finir par croire qu'aimer c'est souffrir.
Encore une fois, le ton de Chan avait changé. Sa voix se faisait plus rauque, plus faible, moins assurée. Et Minho avait envie de creuser davantage, de voir ce qui se cachait derrière cette carapace dure comme de la pierre. Chan était un homme imposant, intimidant, un peu brute aussi, mais qui lui inspirait confiance. Il était bon, il le sentait, alors il voulait le découvrir coûte que coûte, découvrir qui était réellement celui que son prince surnommait « le barbare ».
— C'est faux. Aimer, ce n'est pas souffrir. Aimer c'est beau, et c'est agréable.
Chan pouffa de rire.
— C'est en partie vrai. Mais quand les choses tournent mal, il n'y a que souffrance et tourment.
— Pourquoi pensez-vous cela ?
Le valet du prince Kim lui lança un regard, un regard empli de mélancolie et d'amertume. Il pouvait y déceler de la tristesse, mais aussi de la colère. Encore une fois, il s'aventurait sur un terrain dangereux, mais c'était à croire que Chan voulait qu'il emprunte ce chemin tortueux.
— Vous avez envie d'en parler ?
— Je n'en sais rien… T'es prêt à m'écouter ?
Minho hocha la tête. Il sentait que Chan en avait besoin, et il voulait être là pour le soutenir si c'était nécessaire. Après avoir inspiré, il se lança et raconta son histoire, celle d'un jeune homme follement amoureux d'une belle demoiselle entrée dans les ordres. À cette époque, il était au service d'un grand seigneur de Kryov et achevait pour lui des tâches peu alléchantes. Il était devenu son mercenaire. Il volait pour lui. Il tuait pour lui. Il lui avait juré fidélité, à lui, mais aussi au souverain divin de la nation. Il agissait au nom de leur dieu duquel il pensait recevoir les bénédictions. Il était apprécié, très estimé, et son maître lui traçait un avenir empli de richesses et de femmes. Et Chan y croyait, vraiment.
Jusqu'à ce qu'il fasse la connaissance de Zilya, une religieuse de laquelle il avait croisé le chemin par une froide nuit. Envoyé par son maître pour assassiner un groupe de malfaiteurs qui rôdaient en ville depuis plusieurs jours, il avait trouvé la jeune femme acculée dans une ruelle. Les hommes qu'il avait tués l'avaient intimidée et emportée avec eux. S'il ne leur avait pas ôté la vie sur le champ, qui sait ce qu'ils lui auraient fait. Chan l'avait ramenée à l'église et elle l'avait remercié avec une tasse de thé. Et ils s'étaient revus plusieurs fois, jusqu'à ce qu'ils s'avouent être tombés l'un pour l'autre. Ils avaient continué à se retrouver en secret, loin des regards, loin du lieu saint, plus dans l'intimité. Ils s'étaient aimés à en perdre la raison, à s'en couper le souffle. Ils s'étaient laissés envahir par l'amour, par la passion, sans barrière, sans retenue. Ils avaient imaginé leur avenir tous les deux, avec des enfants courant partout.
— C'est une belle histoire, fit remarquer Minho lorsqu'il s'arrêta.
— Si c'était la fin, oui.
Une minute s'écoula avant que Chan ne reprenne. La suite n'était pas si belle et si joyeuse. Les ordres avaient eu vent de leur relation interdite, et Zilya avait prévenu son amant aussi vite que possible. Une religieuse devait vouer sa vie au culte, et Chan avait péché en la déviant du droit chemin et de son engagement. Ils avaient fauté, tous les deux, pour s'être aimés d'un amour sincère. Ils connaissaient la sentence qui leur était réservée, une sentence irrévocable.
— Elle m'a dit de fuir très loin avant que l'église ne m'attrape, murmura Chan. Je voulais rester auprès d'elle, mourir auprès d'elle, mais elle m'a fait jurer de partir loin et de ne plus jamais revenir.
— Votre maître n'aurait pas pu vous sauver ?
— Mon maître était un homme qui accordait beaucoup d'importance au culte.
— Mais cela ne l'empêchait pas de vous faire tuer des gens.
— C'était pour le bien de notre royaume, c'était ce qu'il disait. Alors il n'allait pas s'opposer à l'église, il m'aurait jeté en pâture et se serait trouvé un autre mercenaire. Il n'était pas attaché à moi, mais au sale boulot que je pouvais faire à sa place. De toute façon, mon âme était déjà pourrie, j'étais voué à aller en enfer.
— Vous le croyez encore ?
Chan leva un sourcil.
— Vous croyez toujours que votre âme est pourrie et que vous irez en enfer à votre mort ?
— Je ne crois plus en ce dieu. Quel dieu d'amour et de bonté autoriserait ses fidèles à tuer en son nom et pour sa gloire ?
— Je n'en sais rien… Je ne crois plus aux dieux moi non plus.
— Minho, je suis désolé pour ce que mon peuple à fait subir au tien.
Le rouquin afficha un mince sourire tandis que sa main trouvait l'avant-bras de Chan. Il ne pouvait pas être tenu responsable pour quelque chose qui ne dépendait pas de lui. Certes, Kryov avait réduit Tähtary à l'esclavage, mais c'était la faute du gouvernement et de l'église. Chan était une victime de ce système, rien d'autre.
— Je n'ai aucune rancœur envers vous, dit-il en resserrant sa poigne. Je ne vous tiendrai jamais responsable de ce qui est arrivé aux habitants de mon pays. Vous n'êtes pas Kryov, et vous aussi vous avez souffert.
Chan fit un petit signe de la tête en guise de remerciement. Il ne pouvait pas parler, il en était incapable, et Minho n'avait pas besoin qu'il le fasse.
***
▶️ Hellooo !
Je suis contente de ce chapitre minchan (pas du tout parce que c'est mon otp 🙄), on en apprend un peu plus sur Chan et puis... peut-être que leur relation va avancer !
Le prochain, on reviendra sur Seungmin et Hyunjin.
Je vous dis à très vite 💜
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro