Chapitre 20
—Lucy—
Je suivais Descole en courant le plus vite possible, une forme d'adrénaline mêlée à de la frustration alimentant mes veines tandis que mon épaule me lançait, notamment à cause de mon sac, que j'avais enfilé dans la précipitation et qui avait tendance à glisser de mon dos.
Je ne sais pas où nous allions, mais toujours est-il que je faisais confiance à mon complice. Personne ne nous suivait, et les villageois que nous croisions devaient être effrayés et surpris par nos présences, mais cela ne nous empêchait pas de courir comme si nos vies en dépendaient.
Nous finîmes par arriver en forêt, où nous ralentîmes l'allure. À bout de souffle, je finis par laisser mon sac choir au sol en massant mon épaule douloureuse.
-Ça va aller, demanda Descole ?
-Ne... Vous inquiétez pas, ça va aller, répondis-je.
Je l'entendis soupirer. Bien sûr que je mentais, pourquoi il prend la peine de poser des questions auxquelles il connait déjà les réponses, pour montrer qu'il s'inquiète ?! Je continue de trouver cela stupide, mais bon...
-Où allons-nous, le questionnais-je après avoir repris à peu près mon souffle ?
-Au Bostonius.
-Qu'est-ce-que le Bostonius ?
-Vous verrez quand nous y serons. Prévenez-moi quand vous serez prête à repartir.
Il s'est assis dans l'herbe en posant son bagage derrière lui, en regardant devant lui. Je me reposais un peu, puis demandais :
-Je vous ai entendu discuter avec le professeur Layton, tout à l'heure. C'est votre frère ?
Descole tourna la tête vers moi, sans répondre. Son masque m'empêchait de deviner l'expression de son visage. Puis il répondit :
-En effet, c'est mon jeune frère.
J'avais envie de continuer de le questionner, mais le ton de sa voix m'en dissuada, tant il était froid. Je finis par me redresser en mettant correctement mon sac sur mon dos et lui demandais :
-On y va ?
Il se releva à son tour et nous commençâmes à marcher dans un silence complet. D'un côté, cela me permettait de réfléchir un peu aux derniers évènements.
Certes, j'étais toujours frustrée de ne pas avoir réussi à mener ma vengeance à bout, mais il y avait quelque chose qui me perturbait : ses réactions par rapport à moi. Elle n'avait pas été aussi méprisante et agressive que ce que je m'attendais, ce qui aurait été la réaction la plus logique face à quelqu'un qui souhaitait sa mort. Au contraire, elle avait eu des réflexes presque... Maternelles.
Peut-être que c'est parce que je ressemble à Methyst. Peut-être que c'est parce que je ressemble à mon géniteur. Je ne sais pas, à vrai dire, mais toujours est-il que cela me perturbait. On aurait dit que je l'intriguais et que je lui faisais pitié en même temps. Et pourtant, elle avait vu à quel point j'étais déterminée à la tuer. Cette femme était un cas particulier.
Salomé Beckett, il faudra que j'ai une discussion avec vous avant de vous tuer. Cependant, j'en suis au point où je ne sais même pas si je veux encore la tuer.
Cela me ramenait à la promesse que j'avais fait à Maman, sur son lit de mort. Je crois que je me souviendrais de ce jour toute ma vie.
Je n'avais jamais vu Maman aussi faible, elle pouvait à peine bouger les bras, et respirer lui était visiblement difficile. Elle était allongée sur le canapé de notre pièce à vivre, étant donné qu'elle refusait de retourner dans sa chambre.
"C'est trop bruyant, à cause des démons familiers qui y dorment, se justifiait-elle. Avant, ils me rassuraient, mais maintenant, ils m'empêchent de dormir. Ils font trop de bruits."
Et quand j'entrais dans sa chambre, des petites voix venant de partout me demandait comment elle allait, si elle allait encore vivre longtemps...
Mais quand elle fut sur le point de mourir, les familiers ont quitté toutes leurs places habituelles pour nous rejoindre dans le salon. Je tenais la main de Maman, et elle la serrait avec toute la force qui lui restait, ses yeux étaient plantés dans les miens, remplis de la détermination farouche que je lui connaissais depuis toujours. Sa voix n'était plus qu'un murmure affaibli, lorsqu'elle me murmura l'histoire qui entourait ma naissance. Elle m'avait parlé de mon père, elle m'avait dit qu'elle avait été chassée de la ville à cause d'un groupe d'instigateurs qui voulait la voir disparaitre et d'une femme de son âge qui était amoureuse de lui. Elle était enceinte de moi lorsqu'elle avait réussi à s'échapper, et elle voulait que je m'occupe de ceux qui l'avaient fait souffrir, vu qu'elle en avait été incapable.
Je lui avais promis que j'y arriverai, et je l'avais vue sourire. Elle m'avait dit que je ressemblais à mon père, et que cela lui plaisait, que grâce à cela, j'avais plus de chances de vivre discrètement malgré mon "démon", contrairement à elle. Elle m'avait dit qu'elle m'aimait, qu'elle espérait que j'arriverais à vivre plus longtemps et plus heureuse qu'elle, après cette dernière volonté, et m'avait dit que quelqu'un à qui elle tenait beaucoup m'y aiderait. Elle eut tout juste la force de me demander de fouiller la maison pour plus d'informations avant de cesser définitivement de respirer.
J'ai fondu en larmes quand j'ai senti sa poigne se desserrer, mais je ne voulais pas la lâcher. Je forçais les doigts sans vie à se resserrer autour de ma main, encore et encore, la vision brouillée par les larmes et le corps secoué de violents sanglots. Je refusais de regarder les yeux de Maman, les yeux vides et morts qui étaient remplis d'une forme particulière de vie jusqu'au dernier moment. Je ne le voulais parce que cela m'aurait confirmé qu'elle était bien partie, que j'avais perdu la seule personne que j'avais jamais aimé jusqu'à maintenant. Et bordel je ne voulais pas ça !!
-Lucy ?
La voix de Descole me sortit de mes souvenirs, et je levais les yeux devant moi, pour voir que mon complice me dévisageait.
-Q-q-quel est le problème, demandais-je ?
-Tu pleures.
Je passais mes mains sur mon visage et soupirais en me murmurant que j'étais une petite idiote émotive. Descole se rapprochait de moi et me forçait à le regarder dans les yeux. Il n'eut aucune réaction pendant quelques secondes avant de m'attirer contre lui, me serrant dans ses bras pour me calmer. Je me laissais aller à mes sanglots pendant ce qui me semblait être une éternité, avant qu'il ne prenne la parole :
-Ça va aller, d'accord ? Tu n'es plus seule, je suis là, avec toi, et je ne te laisserai pas tomber. Je sais que ta mère te manque, mais tu arriverais à vivre sans elle. C'est toujours difficile, surtout au début, mais maintenant que je suis là, je te soutiendrai autant que je le pourrai. Compris ?
Je hochais la tête de haut en bas, frénétiquement, en essayant de me calmer un peu.
D'après ce qu'il m'avait dit, Maman l'avait aidé lorsqu'il avait besoin d'aide. Mais qu'est-ce-qu'elle a fait exactement pour qu'il souhaite m'aider à ce point ?
Une idée traversa mon esprit. Et si c'était de l'empathie ? Je retins un rire sans joie. Comment on pourrait avoir de l'empathie envers moi ? C'était stupide. Stupide et impossible. Je ne suis pas quelqu'un d'appréciable, et je le sais. Pourquoi lui m'apprécierait ? Il était loin d'être aussi peu appréciable que moi.
Je redressais ma tête et le regardais en tentant un petit sourire :
-Oui, j'ai compris. On y va ?
Il me lâcha et nous continuâmes notre marche. Encore une fois, je n'osais pas prendre la parole, mais nous arrivâmes rapidement dans une sortie de petite clairière, dans laquelle se trouvait ce qui ressemblait à un dirigeable.
-C'est le Bostonius, devinais-je ?
-En effet, répondit Descole. Raymond doit nous attendre à l'intérieur.
Je n'eus pas le temps de demander qui était Raymond, Descole prit les devants et ouvrit la porte du dirigeable pour nous faire entrer. Un vieil homme nous salua et nous débarrassa de nos affaires.
J'observais la pièce dans laquelle je me trouvais. C'était élégant, et aurait pu passer pour un salon plutôt luxueux s'il n'y avait un poste de pilotage non loin de l'entrée.
-Va t'asseoir, je vais chercher de quoi m'occuper de ton épaule, me dit Descole avant de partir.
Plutôt que de m'asseoir, je m'allongeais. Et malgré toutes les informations et questions que mon cerveau se plaisait à ressasser, l'épuisement prit le dessus. Je m'endormis sans m'en rendre compte.
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