Chapitre 10
—Methyst—
Je fus réveillé par Melody, ce matin-là. Elle semblait paniquée et essayait de me parler, mais je n'arrivais pas à capter la moindre phrase cohérente tellement il m'était difficile de me sortir des bras de Morphée.
-Monsieur !! Monsieur, on se réveille !!
-Quoi...?
-Monsieur, il y a eu une nouvelle attaque !!
-Pardon ?!
Cette fois-ci, je m'éveillais tout à fait, en proie à une soudaine panique en la dévisageant pendant quelques secondes. Elle continua :
-C'est Oscar Kemper, monsieur. Il a été attaqué tôt dans la matinée, ses domestiques l'ont retrouvé baignant dans son sang en train de délirer à propos d'un monstre !! Une partie de son manoir a été détruite par une explosion !!
Ainsi la personne qui nous avait attaquée avait frappé de nouveau... Je me suis levé en vitesse et ai gentiment raccompagné Melody pour pouvoir me préparer le plus rapidement possible, mon empressement ne s'étant brisé que lorsque j'ai fixé mon reflet. Toujours ce regard dur, mauvais, ce visage fermé, cet air renfrogné que je n'ai eu que rarement... J'inspirais à fond et quittais ma chambre, pour aller dans la salle à manger.
Mère et Père n'étaient pas là, ce qui n'étaient pas les cas d'Ann, Layton et Luke.
-Melody vient de me prévenir de ce qu'il s'est passé hier, dis-je sans préambule, en guise de salutation. Je suppose que Père et Mère sont partis le voir ?
-Tout à fait, répondit Ann en baillant ostensiblement.
-Ann, s'il te plait... C'est tout sauf élégant ce que tu viens de faire...
-Tu n'as pas à me dire quoi faire, rétorqua-t-elle.
Je retins un soupir et me tournais vers mes invités pour les saluer. Ils me rendirent mon salut, puis Layton prit la parole :
-J'ai découvert de nouveaux indices sur les lieux des précédentes agressions, hier, suite à l'attaque qui eut lieu à la mairie. Voici ce que j'ai trouvé, dans les décombres.
Il me montra un ensemble de deux petites poupées, accompagnée d'un petit bout de papier qu'il me tendit. Je les examinais en silence. L'une était une réplique à l'identique d'une petite sorcière. L'autre était celle d'un homme sans visage, qui n'était défini que par un sourire. Je pris le petit bout de papier et le lus en silence : "La sorcière s'était trouvée un amant. Elle l'aimait sincèrement. Mais lui, il ne savait pas ce qu'il voulait."
Je fixais le duo de poupées encore quelques secondes avant de les rendre à Layton.
-Qu'en pensez-vous ?
-Euh... Je... N'ai aucun avis. Ça ressemble à une... Une sorte de motivation pour une vengeance...
-Exactement.
-Le... Le seul problème étant qu'il n'y a pas de sorcières, ici... Et... Qu'il y en a pas eu ici depuis des centaines d'années...
Le professeur m'offrit un sourire amical :
-Précisément, en dehors de l'amitié qui lie toutes les victimes, il n'y a pas quelque chose que vous trouvez étrange ?
-Comme quoi, professeur, demanda Luke, aussi perdu que moi ?
-Un notaire, un archiviste et un maire. Ils ont tous les trois un métier plus ou moins en rapport avec l'administration. Je pense qu'ils cachent quelque chose.
-Pfff, c'est ridicule, nous interrompit Ann. Tout le monde sait que les sorcières n'existent pas, il faut être idiot pour y croire. C'est comme croire aux monstres ou aux démons, c'est une stupidité enfantine !
Je la fixais pendant quelques secondes en silence. Comment osait-elle dire ça ? Avait-elle la moindre idée de ce qui nous était arrivé lorsque nous nous sommes faits attaqués à la mairie ?! La moindre idée de l'abomination qui nous avait attaqué ?! Bon sang, si seulement elle savait à quel point cette... Créature était affreuse, menaçante et mauvaise !!
-Tu as tort, petite sœur, dis-je. Les monstres existent. En fait, au moins un de ces monstres existent. Je ne parle pas des monstres humains, je te parle de vrai monstre. J'en ai vu un. Le professeur l'a vu. Luke aussi l'a vu. Au cas où tu ne l'aurais pas compris, cette histoire n'a rien rationnelle. Je suis sûr que M. Kemper l'a vu aussi, comment comptes-tu expliquer son instabilité mentale qui s'est déclarée du jour au lendemain ?! Ce monstre existe !! Il l'a attaqué !!!
Ma sœur m'a dévisagé, dans un premier temps choquée que je me sois énervé, moi, le jeune homme toujours totalement calme, puis son regard se changea en mépris :
-Tu vas apprendre à me parler autrement espèce de-
-Allons, calmez-vous, intervint le professeur. Mademoiselle, votre frère a raison. Cette affaire n'a rien de normale, bien que je doute que l'instigateur de tout cela soit réellement un monstre. Et ce n'est pas en réfutant des hypothèses plutôt plausibles que nous réussirons à avancer dans notre enquête, encore moins si les arguments utilisés se résument à "c'est impossible".
Suite à ces paroles, le professeur se leva :
-Luke, Methyst, je pense qu'il est temps que nous continuions cette enquête.
Nous quittâmes la salle à manger en laissant Ann seule, plantée comme la plante verte sans cerveau qu'elle est. Une fois sortis, Luke demanda :
-Si j'ai bien compris, nous allons demander à accéder aux archives, professeur ?
-En effet. Mais d'abord, j'aimerai vérifier quelque chose à la demeure de M. Kemper.
-On... On ne pourra pas y accéder comme ça, vous savez, intervins-je...
-Pas d'inquiétude, j'ai un plan à proposer.
~.~.~.~
À peine quelques minutes après être arrivés au manoir d'Oscar Kemper, nous nous divisâmes en deux groupes. J'étais censé faire une diversion en discutant avec les domestiques au sujet de ce qu'il s'était passé tandis que le professeur et Luke devaient jeter un coup d'œil aux débris de l'explosion, s'ils n'avaient pas été encore ramassés, ce dont je doutais fortement.
Cependant le professeur voulait essayer, partant du principe que les domestiques n'auraient touché à rien à cause de la police. Il savait qu'ils étaient allés enquêter dans la matinée, et il était probable qu'ils aient pu oublier quelques petits détails.
Le majordome accepta de raconter sa version des faits au fils du principal collaborateur de son patron. Il venait à peine de se réveiller lorsqu'il avait entendu un coup de feu à l'étage, suivi de cris de douleur. Lorsqu'il avait voulu monter vérifier ce qu'il s'était passé, une explosion avait retenti de l'autre côté de la maison. Il s'y était précipité, avec d'autres domestiques, pour constater un immense trou dans le mur. C'est alors qu'une fois assuré que la maison n'allait pas s'écrouler, il était retourné voir son patron, et l'avait découvert en train de délirer à propos d'une bête monstrueuse, les jambes criblées de plaies créant une mare de sang sous lui.
J'étais horrifié par ce récit. Je reconnaissais bien la patte du monstre auquel j'avais déjà eu affaire. Après l'avoir remercié pour ces informations et avoir appris l'endroit où se trouvait Oscar Kemper et son état suite à cela, je suis reparti, espérant que que le professeur et Luke avaient fini par trouver des indices intéressants.
Nous nous sommes rejoints à l'entrée de la propriété où nous venions de nous rendre. Layton tenait un nouveau couple de poupées dans la main et me le tendit. La sorcière avait un visage triste, et était retenue à l'homme qui souriait par un simple fil.
-Euh... Où-où vous l'avez trouvée ? La police n'est pas tombée dessus ?
-Elle était cachée dans une sorte de trou entre deux décombres. Je doute que la police l'ait fouillée en détails, répondit le professeur en me tendant les objets.
J'examinais les poupées et trouvais un petit bout de papier enroulée autour de la sorcière : "Il a fini par la laisser seule, abandonnée à ses tourments jusqu'à ce qu'elle en meurt, laissant au cruel le soin de vivre une vie rangée".
Je tendis le bout de papier au professeur, qui repartit de plus belle dans ses réflexions après avoir lu ce qu'il s'y trouvait.
Je me tournais vers Luke, qui était occupé à jouer avec un chat errant. J'eus un petit sourire attendri. Puis je me tournais vers Layton, qui semblait avoir terminé son examen. Il me demanda de rapporter la version des faits que j'avais appris du majordome, ce que je fis immédiatement. Puis je fixais de nouveau les deux poupées, pendant quelques secondes, avant de demander :
-Ce... C'est tout ce que vous avez trouvé ?
-Oui, malheureusement les coupables n'ont pas laissé d'autres traces.
-Attendez professeur, vous avez bien dit "les" coupables, questionna Luke en levant un sourcil de perplexité ?
-M. Kemper a été attaqué dans sa chambre, où un cri a été entendu. Quelques secondes plus tard, l'autre extrémité du manoir est partie dans une explosion.
-Le coupable aurait pu tout simplement utiliser une bombe à retardements, proposa l'enfant.
-Nous savons qu'il n'agit pas seul depuis l'attaque de l'archiviste, avança le professeur. Lors de cette attaque, la fontaine du centre-ville a été détruite à l'aide d'une bombe. Les villageois ont fait état d'un docteur de la peste qui se tenait debout sur un toit à l'instant où la bombe a explosé, au moment même où un prétendu monstre a attaqué sa victime. Nous savons que la bombe est un moyen pour les coupables de reporter l'attention sur autre chose que leurs victimes. De ce fait, cela semble incohérent que la même personne ait pris la peine de disposer une bombe puis ait attaqué M. Kemper seule, alors qu'elle aurait eu les moyens de s'occuper de lui seule pendant que son complice aurait fait sauté l'autre partie du bâtiment.
-C-cela semble cohérent, fis-je...
Luke approuva. Le professeur nous offrit un visage déterminé et un sourire plein de confiance :
-Maintenant, direction les archives.
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