Deux ans qu'il trime pour trouver un travail. Il en a bavé. Et il regrette. Il regrette d'avoir "eu la flemme" de faire ses études. D'avoir tout foutu en l'air avant d'avoir commencé.
Oui, il regrette sa stupidité. Son adolescence capricieuse.
Sa famille.
Qu'il a abandonné pour un caprice dont ils n'avaient pas les moyens. Le Japon...
Et il n'ose pas aller les retrouver. Par peur d'être renié.

Deux ans qu'on lui a dit qu'elle n'avait plus qu'un mois à vivre.
Deux ans qu'elle a arrêté la clope et qu'elle vit. Qu'elle profite en attendant son heure. Qui ne vient pas. Deux ans qu'elle se rend compte de la chance qu'est la vie, et qu'elle a peur.
Un peu.
De mourir sans avoir eu le temps de vivre normalement. Sans s'être marié. Sans avoir eu d'enfants. Et même de petits enfants.
Deux ans qu'elle maudit les inventeurs de la cigarette, tout en sachant que cela n'y changera rien.

Deux ans qu'il à gagné à l'Euromillion, et qu'on essaie de lui faire croire que c'est une ignominie. Alors qu'il partage, qu'il donne.
Deux ans qu'il n'est plus si riche que ça et que son argent part en fumée. Que ceux qui en ont besoin continuent à toquer.
Deux ans qu'il travaille comme un forcené pour continuer à donner.
Qu'il s'affame. Qu'il maigrit. Et que personne ne lui vient en aide.
Ni ses amis. Ni les pauvres auxquels il a donné bien plus que raisonnable.

Deux ans qu'elle a arrêté l'alcool et qu'elle fait la fierté de sa famille. Que les dinners chez ses parents s'enchaînent pour fêter des broutilles.
Qu'elle est heureuse, et que son monde est rassuré.
Que sa sœur s'est mariée, que son frère l'a nommée maraine.
Qu'elle est reconnaissante à la vie pour ses cadeaux.

Deux ans qu'elle est née, et qu'elle découvre la vie. Qu'elle joue avec sa sœur, sa famille. Qu'elle apprend à parler et à marcher, en suscitant des cris d'admiration de son entourage.
Qu'elle pleure et qu'elle rit. Qu'elle communique par des onomatopées de plus en plus développées.

Deux ans qu'elle se dit qu'elle partira. Loin. Qu'elle se le promet.
Qu'elle ment à sa mère pour la rassurer.
Qu'elle se promène devant son immeuble à la recherche d'un client.
Qui n'a pas l'air trop méchant, qui l'oubliera le lendemain et qui ne l'obligera pas à se regarder dans un miroir.
"Ce n'est que pour un soir" se dit-elle depuis deux ans.
Deux ans qu'elle garde son gosse dans un coin de son cerveau comme but. Pour se rassurer, elle s'imagine le lendemain les rejoindre en Amérique, avec un billet d'avion acheté avec son argent.
Deux ans qu'elle hésite à dire la vérité à sa mère, pour qu'elle vienne la sortir de cet enfer.

En deux ans, tout peut arriver.
Mais chaque histoire sera oubliée. Tôt ou tard. Et souvent bien vite.
Vous n'en connaîtrez sans doute jamais la fin. Peut être sont-ils morts ?
Peut être qu'il aura rejoint sa famille et qu'elle lui aura pardonné. Peut être qu'il finira à la rue.
Peut être qu'elle vivra. Peut être qu'elle mourra.
Peut être que son affreuse besogne sera terminée. Qu'elle aura rejoint son fils. Et sa mère.
Peut être que l'on se souviendra de vous.
Ou peut être pas.
Dans deux ans, le monde aura-t-il ouvert les yeux sur toutes les abominations que l'espèce humaine à causé ?
La guerre de Syrie sera-t-elle terminée ?
La famine aura-t-elle disparu ?
Ou la population aura-t- elle atteind un pic irrécupérable de pollution, de pauvreté, de surpopulation ?
Dans deux ans, serez vous toujours présents ?

Texte de