Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

##5 - Armand

Jones pouvait devenir un allié de poids pour le HMS Jolly et son équipage. Armand l'avait emmené discuter dans une auberge éloignée de la côte, bien loin de celle que Charlotte avait choisie pour s'éclipser. Son grand sourire rassurant ne disparaissait jamais de son visage lorsqu'il parlait de la mer.

« Je passe dix jours tous les trois mois ici, avec mes hommes. Ils adorent cet endroit... Mais on ne peut pas passer sa vie à dépenser son argent en rhum et en prostituées, Armand, tu le sais bien.

— Tu trouves assez de nourriture et d'alcool, en mer ? On essaie de pêcher des requins et de récupérer des alligators sur de petites îles, mais c'est rare.

— Tu n'as pas de terres à ton nom ? s'étonna Jones, les sourcils levés. J'ai trois petites îles où j'ai laissé quelques hommes pour s'occuper de chèvres et de porcs, tu dois absolument faire la même chose ! Je comprends que ce soit la misère sur ton bateau...

— Non, ça va, on s'en sort plutôt bien... C'est un miracle, d'ailleurs ! Pas de maladies, pas de famine, assez de rhum pour ne pas avoir besoin d'eau...

— Fais attention à toi en repartant, le prévint Jones. C'est toujours quand on remonte dans son navire après une semaine sur terre et qu'on se croit invincible que la tuberculose guette. Pas le scorbut, parce que nos hommes se nourrissent mieux en ville et repartent en forme, mais le reste... Ils attrapent des saletés après avoir fréquenté certaines femmes, et le résultat peut être terrible. »

Armand déglutit, très inquiet. Il ne tenait pas à ce que son équipage soit décimé par une infection quelconque ! Heureusement, Jones l'avait mis au courant à temps : il allait inspecter tous ses hommes avant l'embarquement. Pas de tuberculose chez nous ! Il ordonnerait qu'on nettoie le pont avec de l'eau de mer et du vinaigre, peut-être mélangés avec un peu de cognac français.

Après quelques heures de discussions autour d'un rhum de bien meilleure qualité que celui qu'il avait bu jusqu'à ce jour, Armand s'inquiéta pour sa sœur. Le capitaine comprit son petit manège en le voyant regarder autour de lui.

« Tu cherches quelqu'un ?

— Oui, le quartier-maître.

— Ne te moque pas de moi, répliqua Jones en éclatant de rire. Je sais très bien que tu parles de la fille. Tous mes hommes étaient fous, sur les trois navires. Qu'est-ce que tu fabriques avec ce joli minois ? Elle s'occupe de vous, tu acceptes ce genre de choses ?

— Pas du tout ! s'exclama Armand, le cœur battant de plus en plus vite sous le coup de la colère. Charlotte est ma sœur jumelle, personne n'a le droit de la toucher !

— Oh, je vois que Monsieur ne permet pas qu'on approche sa frangine...

— Elle se débrouille très bien tout seule. C'est elle qui a instauré cette règle. Les pirates ne savent pas se tenir sans lois précises. »

Jones rit doucement, puis s'arrêta brusquement en le regardant d'un air sérieux.

« Faut pas te faire de bile pour ça, Armand, ne va pas t'énerver parce que j'ai parlé de ta sœur. C'est juste inhabituel, et plutôt impressionnant ! Mes hommes seraient incapables de ne pas lui sauter dessus dans la journée pour lui faire du mal. Pourtant, ma charte interdit le viol, sur terre comme sur mer, et j'ai déjà dû faire exécuter cinq criminels à bord.

— Charlotte a fait respecter nos lois à sa manière, elle aussi...

— Une femme forte ! s'écria Jones, amusé et visiblement épaté. Et vous venez de quel pays ? Tu as un petit accent... »

Armand raconta à nouveau leur fuite du sud de la France pour rallier Londres, puis leur engagement dans la marine espagnole pour finir avec Fuentes.

« Ils n'embauchaient que là-bas, le voyage a été bien long pour trouver un capitaine marchand qui voulait bien de nous.

— La Guerre de Succession a permis à presque tout mon équipage de vivre pendant une quinzaine d'années, mais dès qu'elle a pris fin... Plus de travail, plus rien.

— Ils nous ont traités comme des moins-que-rien, ils savaient qu'ils nous rendaient service en nous laissant travailler pour eux après la guerre...

— Les ordures. » acquiesça Jones, les yeux perdus dans le vague.

Armand se sentait rassuré par ce capitaine, grand et fort, compréhensif et respectueux. Il n'avait pas pu se faire des amis en-dehors de Jackson depuis le début de son aventure.

« Tu sais, on s'entend bien, poursuivit Jones en buvant une gorgée de rhum. C'est triste de se dire qu'on ne revoit jamais les gens qu'on apprécie. Je navigue depuis deux ans, et ma fin approche.

— Vraiment ? C'est pourtant une belle collection que tu as ! Trois navires, trois fois plus d'hommes...

— Et trois fois plus de chances de me faire repérer par la British Royal Navy. De sacrées sangsues ! Maintenant que je t'ai accompagné jusqu'à Nassau, ce sera encore pire. »

Armand se mordit la lèvre mais décida de ne pas s'excuser platement. Après tout, il ne lui avait jamais demandé de l'aider, n'est-ce pas ?

« Allez, va voir ta sœur, on se retrouvera ce soir ! Si tu ne te bagarres pas avec un grand gaillard tout droit venu de Jamaïque, tu vivras jusqu'au coucher du soleil. »

Armand rit et le salua poliment en laissant sa chope sur la table. Il s'apprêtait à rejoindre le HMS Jolly, persuadé que Charlotte ne dormirait pas ailleurs que sur sa couchette habituelle. Une auberge inconnue, entourée d'hommes mal intentionnés... Non, ça ne lui ressemblerait pas. Sa sœur ne prenait jamais de risques, ce qui changeait de la majorité des pirates.

« Armand ! C'est toi, Armand ! »

Il se retourna et vit que quelqu'un lui courait après dans le sable, un peu gauche, certainement recouvert de poudre blanche. Mais... qu'est-ce que c'est que ça ? Lorsque le jeune homme lui fit face, Armand sentit son cœur rater un battement. Ce n'était pas de la poudre.

« Excusez-moi, bredouilla-t-il, troublé. Vous êtes... très pâle ?

— Oh... Je sais. » dit simplement l'inconnu en regardant la paume cadavérique de ses mains.

Armand reconnaissait cette voix et cet accent du nord de Londres. C'est impossible... Pas ici, à Nassau ! Pas ailleurs que dans ma tête ! Et certainement pas avec ce visage creux et inhabituel...

« Tobias ? »

L'inconnu acquiesça, un grand sourire plaqué sur son visage blanc. Armand resta immobile, un poids glacé dans l'estomac, les épaules raidies par le choc. Il ne savait pas comment réagir, quoi lui dire, s'il devait le prendre dans ses bras ou s'enfuir. Il choisit la dernière solution, incapable de lui faire face.

« Armand, attends !

— Laisse-moi ! lui cria-t-il en trébuchant dans le sable.

— Tu te donnes en spectacle devant ton équipage ! »

Armand cessa immédiatement sa course, embarrassé. Effectivement, plusieurs de ses hommes le regardaient avec curiosité depuis l'auberge où ils s'étaient installés pour boire. Il prit une longue inspiration et fit face à Tobias, tentant de garder son calme.

« Charlotte t'adore, mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Est-ce que c'est clair ?

— Lottie était très contente de me revoir, tu sais ?

— Ne l'appelle plus jamais Lottie ! explosa Armand, fou de rage, en le saisissait par le cou. Tu t'es servi d'elle !

— Pourquoi j'aurais fait ça ? s'étonna Tobias, insensible à la douleur. Dis-moi pourquoi, au moins, parce que je ne vois pas de raison...

— Pour notre fortune ! Pour récupérer l'argent de nos parents, alors qu'on n'avait plus rien ! »

Armand desserra son étreinte, de plus en plus anxieux en ne voyant pas la moindre trace apparaître sur la peau de Tobias. Il avait pourtant essayé de l'étrangler ! Il ne ressent plus rien...? Son ancien ami le toisait avec fièvre et mélancolie, comme si ce qu'il lui avait dit n'était pas surprenant.

« Je n'ai jamais voulu de votre fortune, c'est un malentendu. »

Le capitaine regarda ses chaussures, partagé entre la honte et la colère.

« C'est ce que j'ai envie d'entendre, murmura-t-il. Je ne sais pas si je dois te croire, mais j'ai envie de penser que tu ne nous voulais aucun mal. Toutes ces questions... Te servir de Charlotte pour en savoir plus sur notre passé...

— J'ai toujours été curieux, c'est tout. »

Armand se frotta la joue, penaud. Il m'a manqué, horriblement manqué, mais je ne lui donnerai pas la satisfaction de l'entendre. Tobias l'avait inquiété à plusieurs reprises, à Londres. Lorsqu'il avait appris qu'il avait volé le premier baiser de Charlotte pour lui faire avouer ce qu'ils aimaient manger le soir de Noël, Armand avait pris la décision de trouver du travail sur un navire marchand. Il n'avait pu laisser sa sœur se faire manipuler de la sorte sous ses yeux plus longtemps.

« Je vais te faire monter sur le HMS Jolly pour en discuter, mais uniquement si tu me promets que tu n'as pas de maladies contagieuses.

— Moi ? Non, je vais très bien. »

Armand fit la moue, plus que sceptique. On ne peut pas dire qu'il ait l'air en pleine forme, non plus. Mais, pour être honnête, ce dont souffrait Tobias ne ressemblait ni au scorbut, ni à la tuberculose. Personne ne devenait aussi pâle en tenant sur ses deux jambes. Son sentiment fut confirmé en le regardant grimper sur le pont par la corde à nœuds sans effort : Tobias était le même, mais blanc comme la craie. Peut-être que je ne dois pas m'inquiéter pour lui. Vivement que Jackson arrive, il saura me conseiller ! Le quartier-maître était plutôt doué pour diagnostiquer toute sorte de maux : il avait sans doute déjà croisé quelqu'un comme Tobias.

Le capitaine ne souhaitait pas rester avec lui plus longtemps que de raison, mais il ne pouvait pas le laisser seul à Nassau. J'en suis physiquement incapable. En voulant trouver un endroit tranquille, Armand croisa Charlotte et une jeune femme noire affreusement mutilée, ce qui le cloua sur place. Elles faisaient face à un petit coffre, assises en tailleur. Mais qu'est-ce que c'est que cette blessure horrible ?

« Qui lui a fait une chose pareille ?

— Son maître, répondit Charlotte. Kadi s'est enfuie grâce à Tobias. C'est bien que tu l'aies amené ici, il était plutôt doué pour se bagarrer à l'épée avec toi.

— Hm..., grogna Armand, irrité qu'elle s'entende toujours si bien avec lui. Et qu'est-ce que vous faites ?

— Je lui apprends à crocheter des serrures. C'est plutôt efficace ! »

Armand regarda Kadi enfoncer ce qui lui servait de main au fond de la serrure et tourner dans tous les sens, concentrée, jusqu'à entendre un cliquetis satisfaisant. On utilise les gens comme outils, maintenant ? Sur mon navire ? Il se sentit submergé par la honte en voyant cette pauvre fille servir de crochet humain, puis se souvint qu'il acceptait des marins sur le HMS Jolly pour moins que ça. Cordonnier, tailleur, pêcheur... Chacun avait son utilité. Kadi les aiderait à récupérer les richesses contenues dans les coffres les plus coriaces, sans se sentir réduite au rang d'outil pour autant. Elle sera comme les autres, et Charlotte la protègera.

« Bienvenue à bord, Kadi. Jackson te lira la charte plus tard, je pense que tu es assez intelligente pour la respecter.

— Est-ce que je devrai laisser les hommes me frapper, ici aussi ? s'inquiéta la jeune femme, braquant sur lui ses grands yeux noirs qui en avaient beaucoup trop vu à son âge.

— Jamais de la vie ! Tu es libre, ici, libre comme Charlotte. Libre comme un homme. »

Kadi lui adressa un petit sourire, lui faisant comprendre qu'elle le croyait à peine. Tu verras, Kadi, on est tous égaux.

Armand serra les lèvres et saisit Tobias par le bras sans ménagement.

« On a une discussion importante à avoir, Charlotte, tu nous excuseras.

— Évidemment. » acquiesça-t-elle, levant imperceptiblement les yeux au ciel.

Armand traîna son ancien ami jusque dans la pièce qu'il partageait avec Jackson et une dizaine d'autres pirates. Il lui montra du doigt l'une des couchettes et s'assit sur la sienne, lui faisant face. D'égal à égal. Tobias ne semblait pas à son aise, enfermé entre les quatre murs en bois de la cale. Un cercueil pour un cadavre.

« Explique-moi ce que tu fais à Nassau, ce que tu fabriquais dans les Antilles à sauver des esclaves mutilées, et pourquoi tu ressembles à un mort.

— Ce serait un peu long à raconter...

— J'ai tout mon temps, Tobias. Mon équipage boit jusqu'à l'épuisement sur la plage, personne n'aura besoin de cette chambre. Commence par le début et tout ira bien. »

Armand ne savait pas s'il était prêt à entendre l'histoire de son ancien ami, tout compte fait. Pouvait-il lui faire confiance ? Sa présence dans les Bahamas ne devait rien au hasard, alors pourquoi ? On ne peut pas retrouver quelqu'un dix ans plus tard, à trois mois de bateau de l'Angleterre... Tobias tramait quelque chose de louche et méritait toute sa méfiance.

« Quand tu as quitté le foyer pour orphelins, j'étais désespéré, je ne savais plus quoi faire de ma vie. Vous étiez mes seuls amis, je ne m'entendais pas avec les autres...

— Tu avais quatorze ans, rétorqua Armand, un âge suffisant pour vivre seul ! Tu n'exagères pas un peu ta détresse ?

— Je la sous-estime pour te ménager. »

Armand croisa les bras pour masquer sa gêne. Lorsqu'il vivait au foyer, il avait tout fait pour être apprécié de Tobias. Un grand gaillard maigre et charismatique, bien qu'un peu timide, réservé mais passionné lorsqu'Armand lui apprenait à se battre avec une épée... Il n'avait jamais oublié les soirées passées avec lui, lorsque Charlotte dormait à poings fermés. Ils se parlaient jusqu'à ce que le sommeil les emporte enfin. Armand chuchotait plusieurs fois le nom de Tobias en espérant obtenir une réaction, mais il disparaissait toujours avant lui dans le pays des songes.

Je ne sais même pas pourquoi je repense à tout ça. Il se trouvait ridicule, saturé de pensées parasites et de souvenirs joyeux qui ne laissaient plus qu'une trace douloureuse dans son cœur. Cette époque est révolue pour toujours.

« J'ai cherché le même travail que toi sans le savoir, peut-être parce que je t'avais entendu parler de ton intérêt pour l'océan. Après des années dans la marine marchande britannique, j'ai fini sur un négrier.

— Les bateaux qui transportent des esclaves ? J'aurais honte de travailler là-dedans.

— J'ai appris que les pirates attaquaient souvent ce genre de navires... Je voulais être pris dans un équipage de hors-la-loi et croiser encore plus de bateaux marchands pour augmenter mes chances de vous retrouver. »

Armand resta silencieux, interdit. Comment procéder ? Tobias avait sans doute perdu la raison depuis bien longtemps, pour dire des choses pareilles. Traverser la moitié de la planète pour le voir ? Mais pour quoi faire ?

« Maintenant que je suis devant toi, qu'est-ce que ça t'apporte ? lui demanda-t-il avec un mauvais pressentiment.

— J'ai fait une bêtise en voulant vous aider, et je voulais vous demander votre aide.

— Notre aide ! répéta Armand, incrédule. Tu libères des esclaves, tu résistes à un étranglement sans broncher, tu voyages sans encombre, et c'est toi qui as besoin d'aide ? Je devrais plutôt te demander des conseils...

— Écoute-moi, Armand ! Je me suis mis dans une situation inextricable. Je n'ai pas encore réussi à trouver de solution et vous aurez peut-être de bonnes idées à me proposer. »

Tobias lui prit la main, et Armand se vit déjà pendant au bout d'une corde. Ce qu'il avait eu honte de ressentir pour son ami en pleine adolescence à Londres menaçait de sortir de sa cage, plus puissant que jamais. Lâche-moi, lâche-moi tout de suite ! Mais il ne parvint pas à bouger d'un pouce. Tobias semblait chercher d'intimité et plaqua sa paume contre son torse glacé.

« A-arrête, bégaya Armand, paralysé de stupeur. Ce n'est p-pas l'endroit !

— Ne fais pas ta vierge effarouchée, soupira Tobias, ce n'est pas du tout ce que je compte faire. Écoute. »

Armand ferma les yeux, concentré malgré la chaleur qui brûlait ses joues. Il pouvait entendre le clapotis tranquille de l'eau contre la coque du HMS Jolly, les mouettes au loin, sa sœur qui discutait avec Kadi, le souffle calme de Tobias.

« Je ne sens rien, qu'est-ce que tu me veux ? Charlotte pourrait entrer, ou pire, un autre membre de l'équipage... »

Il entrouvrit les paupières et comprit brusquement ce que son ami voulait lui faire comprendre. Il n'osait pas y croire.

« Tu n'as pas de... Ton cœur ne bat pas... ?

— Je ne suis pas vivant, Armand. »

La main du capitaine chercha en vain la moindre trace d'un pouls, de quelque chose de tangible, de tiède, d'humain, mais Tobias restait désespérément froid comme la neige londonienne de décembre. Dans quelle galère s'était-il fourré ? Encore une sale journée pour le HMS Jolly. Après la British Royal Navy, les cadavres sur pied.

« Tu te moques de moi, c'est un tour de magie, rétorqua-t-il, incrédule. Tu cherches mon attention, c'est tout. Personne ne revient de l'au-delà !

— Je n'y suis même pas allé. Je vais te raconter ce qu'il m'est arrivé, ne t'inquiète pas.

— Je ne suis pas sûr de vouloir le savoir. Lève-toi et dégage de mon navire.

— Quoi ? s'exclama Tobias. Tu ne peux pas me laisser comme ça, enfin ! Je n'arrive pas à m'en sortir, la mission que je dois remplir est impossible à mener seul !

— Ce n'est pas mon problème, j'en ai de plus importants que toi. »

Tobias se redressa en un clin d'œil et le força à se lever pour lui faire face. Il posa un doigt gelé contre sa poitrine et lui assena :

« Je te faisais confiance ! Je ne suis plus capable de pleurer depuis qu'on m'a tué, mais je le ferais sans hésiter !

— Évidemment, puisque tu as passé ta vie à nous manipuler, Charlotte et moi ! Ça t'amuse de tenter d'en connaître plus sur nous, de fouiner comme une épouse trahie et de nous faire du chantage ? Tu as toujours été comme ça ! Tu nous faisais confiance, toi ? Ce n'était pas mon cas, Tobias. Toujours à nous fixer comme un espion...

— Tu ne me détestes pas à ce point.

— Je suis parti d'Angleterre à cause de toi ! »

Les traits de Tobias s'effondrèrent sous le choc, comme si plus aucun muscle ne supportait son visage. Il se laissa tomber sur une couchette, ses longs cheveux s'agglutinant devant ses yeux.

« À cause... de moi ?

— Quand je t'ai vu embrasser Charlotte pour obtenir des informations sur notre famille, j'ai su que tu ne nous voulais pas du bien, cracha Armand avec hargne. Pour qui tu te prends, Tobias ? Tu étais retors à quatorze ans, alors aujourd'hui... Je ne peux pas croire un seul mot sortant de ta bouche. Prends ton baluchon et dégage d'ici. »

Tobias secoua la tête.

« Non, je reste. Je peux vous aider, vous pouvez m'aider, alors je reste.

— J'exécute mes ennemis, et tu en fais partie, déclara Armand en dégainant son sabre. Ma vie est bien trop dangereuse pour prendre des risques inconsidérés, et je protègerai ma sœur jusqu'à mon dernier souffle. Pars ou prépare-toi à mourir. »

Tobias cligna simplement des yeux, toujours assis, et pencha la tête sur le côté. Armand serra les dents, terriblement déçu. Il aurait cent fois préféré le voit décamper et garder les mains propres, mais il devait respecter son propre code d'honneur. Il regarda le jeune homme cadavérique, son menton imberbe, ses yeux sombres : peu de changements depuis Londres, si ce n'étaient sa couleur de peau et la longueur de ses cheveux.

Armand se força à croire qu'il s'agissait d'un inconnu et murmura :

« Dernière chance.

— Jamais. »

Armand hocha la tête avec lenteur et enfonça la pointe de son sabre dans le torse de Tobias.

Son ami resta hébété quelques secondes, sans qu'une seule goutte de sang ne perle de sa poitrine. Il se leva et fixa l'arme plantée au milieu de son corps. Armand lâcha son sabre et tomba en arrière, épouvanté et submergé par la honte. Tobias le regardait avec tristesse, comme s'il avait douté que son ami puisse le poignarder sans hésiter. Il arracha l'arme de son torse et la jeta par terre, immaculée, propre comme au premier jour.

« Je t'ai dit que j'étais déjà mort, Armand. »

Le capitaine se recroquevilla sans le quitter des yeux. Il va me tuer. Maintenant que j'ai voulu l'exécuter, il va me tuer pour se venger. Il avait provoqué la colère d'un mort-vivant et il allait devoir en assumer les conséquences. Quelle honte... Transpercer Tobias sans regarder en arrière... Le Jolly Roger l'avait rendu inhumain.

Tobias s'agenouilla devant lui et lui prit les mains. Il ne tremblait pas, contrairement à Armand.

« Je ne t'en veux pas, tu as eu peur et je le comprends. Tu me crois, maintenant ?

— Est-ce que c'est de la sorcellerie ? bredouilla Armand. Je suis désolé... Je suis tellement désolé... »

Armand se mit à sangloter, ce qu'il voulait éviter à tout prix en public, même devant Charlotte. Il avait essayé d'assassiner le seul ami qu'il s'était fait en Angleterre, bien qu'il se soit méfié de lui à plusieurs reprises. Leurs duels pour s'amuser, leurs soirées à discuter, leurs regards à la dérobée pendant les longues journées de travail... J'ai honte... J'ai honte de tout, je n'arrive même pas à discerner le plus grave... On lui avait appris qu'il se marierait avec une femme, certainement pas qu'il rêverait d'un garçon de son âge au lieu de séduire l'une des nombres filles intéressées par son air volontaire et son courage.

Mais il ne le lui dirait jamais. Même si par miracle Tobias partageait son attirance inhabituelle, ils ne pourraient pas la vivre au grand jour. La vie privée n'existait pas, sur un navire. Il n'y a aucune solution.

« Je te pardonne, Armand, je te l'ai dit. Enfin... si tu acceptes de me garder sur ton bateau et de m'aider, bien sûr. »

Armand leva la tête et lui adressa un sourire tordu par les larmes. Évidemment, Tobias.

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro