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##21 - Armand

« Ching Shih veut savoir d'où nous venons, traduisit Matthews. Et sans mensonges. »

Armand croisa les bras et soupira intérieurement. Il n'aurait pas osé le faire devant elle : Ching Shih avait beau se consumer de curiosité à leur égard, elle n'était pas pour autant inoffensive. Entourée de trois marins et de son époux Cheung Po Tsai – possiblement son propre fils adoptif selon Matthews –, elle leur avait promis la décapitation s'ils ne lui obéissaient pas au doigt et à l'œil.

Je ne vois pas comment lui dire ce que nous faisons ici sans qu'elle ne le prenne mal. Elle va croire qu'on se moque d'elle... Bien sûr que je dois lui mentir, je n'ai pas le choix !

Mais avant qu'il ne puisse trouver une bonne histoire à lui raconter, Ching Shih reprit la parole. Armand attendit patiemment la traduction de Matthews. Les veines au niveau de ses tempes menaçaient d'exploser tant il était concentré sur les paroles de la pirate chinoise. Il sait qu'il ne pourra pas lui faire répéter trois fois la même chose.

« Ching Shih dit qu'elle possède plus de six escadres de quarante jonques et qu'aucun navire ne nous a aperçus jusqu'à aujourd'hui. Elle imagine que nous ne venons pas de ce monde et ne s'attend pas à une explication rationnelle. »

Armand hocha la tête et échangea un regard avec Kadi, assise à l'écart en tailleur. La jeune femme s'était incrustée sans un mot en les suivant dans la cale, imaginant sans doute que Ching Shih serait plus sympathique en présence d'une autre femme. Je ne pense pas que ce soit le cas, mais ça valait le coup d'essayer...

« Nous venons de 1720. » lâcha Armand sans quitter Ching Shih des yeux.

Il ne cilla pas, espérant lui faire comprendre que ce n'était pas une plaisanterie. Matthews émit un petit bruit étranglé. Si, Matthews, tu dois le lui dire. Le plus tôt serait le mieux. Si Tobias panique et nous laisse ici... Lorsque Ching Shih cessa de le fixer, Armand s'autorisa à regarder autour de lui.

Contrairement aux clichés qu'il avait imaginés, rien ne rappelait la Chine dans cette cale. Ching Shih ne s'était pas embarrassée de vases et autres porcelaines précieuses : elle n'avait sans doute pas besoin de transporter autant de richesses. Sa flotte monstrueuse est une preuve suffisante... Six escadres de quarante jonques ? Elle doit contrôler la mer tout entière ! Armand ne pouvait imaginer une situation pareille dans les Caraïbes. Même en débordant de prétention, il n'avait pas la poigne nécessaire à un tel exploit. Ching Shih devait être un monstre.

« Elle ne te croit pas, décréta Matthews en regardant fixement ses genoux.

— Je peux lui prouver que nous venons du passé. »

Ah bon ? Est-ce que je le peux vraiment ? Armand se retint à grands renforts de grimaces intérieures de se gratter le menton, refusant de laisser transparaître ses doutes. Que pouvait-il lui dire, très sincèrement ? Ses vêtements ne suffiraient sans doute pas à prouver quoi que ce soit – il aurait pu les voler à son grand-père, après tout.

« Je ne sais pas ce qu'il se passe en Europe actuellement. » déclara Armand.

Matthews secoua lentement la tête de gauche à droite en écarquillant les yeux, alarmé.

« Je sais que c'est nul, mais traduis quand même ! »

Le capitaine britannique soupira longuement et se tourna vers Ching Shih comme s'il se préparait à une exécution. Sans surprise, la pirate chinoise toisa Armand du haut de tout son mépris et le traita de menteur, ce que Matthews n'eut pas besoin de traduire.

« Attends, j'ai quelque chose à lui dire, fit Armand en fronçant les sourcils. Il n'y a aucun moyen de lui montrer que nous venons du siècle précédent, aucun. Si elle veut savoir ce que nous faisons ici, je pense qu'elle devrait nous l'expliquer elle-même ! Selon elle, si personne ne nous a vus arriver, d'où venons-nous ? »

Matthews pinça les lèvres puis traduisit sa provocation. Armand se concentra sur la légère odeur d'humidité qui flottait dans la cale pour ne pas avoir l'air inquiet devant Ching Shih. Est-ce que les pirates du XIXème siècle vivaient comme lui ? Au milieu de la crasse et des maladies, remplis d'alcool jusqu'à n'en plus pouvoir pour oublier qu'ils mouraient dans l'année à venir ? L'équipage chinois lui semblait plus terrorisé par son capitaine que malheureux. Ils ne connaissent pas la faim et la misère, impossible sous la houlette de cette femme !

Ses pensées n'eurent cependant pas le loisir de se focaliser sur autre chose : Ching Shih éclata d'un rire sec, sans joie. Aucune expression n'atteignit le visage de Cheung Po Tsai, toujours aussi imperturbable, mais il s'était départi de la tension sourde qui immobilisait ses bras depuis de longues minutes. Manifestement, il y a de quoi se détendre.

« Ching Shih est amusée par ton comportement, déclara Matthews après une longue discussion en chinois, car tu te permets de lui parler sans aucun respect et de la forcer à réfléchir. »

Armand déglutit aussi silencieusement que possible, espérant que ses yeux ne se vident pas de tout courage. J'aurais dû m'y attendre ! J'ai joué à l'imbécile !

« Elle considère que c'est une preuve suffisante de ton ignorance, car personne n'oserait lui adresser la parole ainsi. Elle veut tout savoir. »

Armand lui parla de Nälkäinen, du chantage, d'un dénommé Helmut Duffin que personne ne connaissait et qui devait établir un traité commercial avec elle.

« Idiot ! s'exclama Matthews lorsqu'il eut terminé son récit. Tu veux lui expliquer clairement que c'est un chantage ? C'est cela que tu appelles une manipulation ?

— Elle ne connaît pas cet homme ! Je ne peux pas amener le sujet naturellement !

— Je t'ai pris pour un fou, la première fois que tu m'as raconté cette histoire de pirate dans une caverne sous-marine. Tu ne peux pas te permettre de servir la même soupe à une femme qui peut nous décapiter à tout moment et qui se méfie de nous ! Tu ne comprends pas le chinois, mais je t'assure qu'elle utiliserait un vocabulaire plus respectueux avec un cafard !

— Et que veux-tu que je fasse ? s'énerva Armand en croisant les bras. Je ne sais pas comment ils vivent, je ne sais pas si un partenariat commercial pourrait les intéresser !

Bì zuǐ ! » hurla soudain Ching Shih en levant le bras droit d'un air menaçant.

Armand serra les lèvres, terrifié d'avoir dépassé les limites et de ne plus pouvoir retourner en arrière. Ne regarde pas la porte. Ne regarde pas Cheung Po Tsai. Ne regarde pas Ching Shih. Non, regarde-la ! Regarde Matthews ! Fais quelque chose ! La pirate chinoise sembla s'amuser de sa déconfiture et ordonna à Matthews de s'approcher d'elle.

« Ching Shih te croit, quand tu dis que nous venons d'une autre époque, à cause d'un détail précis. »

Manifestement, les temps avaient peu changé, depuis 1720. Ching Shih n'en avait pas cru ses yeux en voyant des Occidentaux intégrer fièrement une femme à leur équipage, et des hommes d'une couleur de peau différente mêlés aux autres marins. Armand n'avait pas étudié avec attention les pirates chinois avant de descendre dans la cale, mais il était normal pour les femmes de rejoindre des jonques de hors-la-loi. Sans jugement, sans traitement de défaveur. Charlotte adorerait voir ça.

« Ching Shih n'a jamais vu de bateau de Blancs ou les Noirs sont traités normalement, qui plus est avec une femme à la barre. Elle voudrait savoir s'il y en a d'autres à bord.

— Parle-lui de ma sœur... Dis-lui qu'elle se repose, pas qu'elle a la tuberculose, ça pourrait l'effrayer. »

Et elle aurait bien raison de s'inquiéter. Chaque minute qu'ils passaient en sa présence augmentait le risque de contaminer les milliers de pirates de Ching Shih. Armand avait entre ses mains le pouvoir de décimer la plus grande flotte dont il ait jamais entendu parler. Rien qu'en respirant.

Lorsque Matthews tenta de lui expliquer que Charlotte n'imposait pas plus sa loi à bord que le reste des pirates, y compris le capitaine et le quartier-maître, Ching Shih s'éventa avec scepticisme. Armand lui fit expliquer que personne ne possédait réellement le pouvoir sur un navire de hors-la-loi dans les Caraïbes.

« La flotte de Ching Shih n'est pas une démocratie, traduisit Matthews. Elle contrôle tout le monde avec Cheung Po Tsai, qui passe pour un demi-dieu.

— Un demi-dieu..., soupira Armand avec un pâle sourire. J'aimerais bien savoir qui peut croire à ce genre de choses. Il n'a rien de spécial.

— Pour notre salut, j'éviterai de rapporter tes paroles. » répliqua Matthews d'un ton réprobateur.

Cheung Po Tsai, un demi-dieu ? Ils ont besoin de s'inventer des pouvoirs surnaturels pour être respectés ? Certes, l'équipage de Ching Shih ne semblait pas souffrir des mêmes affres que le sien. Si les pirates chinois cultivaient en eux le scorbut ou la tuberculose, ils le cachaient très bien. En échange, ils vivaient dans la terreur, sous le joug d'une capitaine insubmersible. Chacun ses problèmes. Mes hommes ont choisi cette vie pour être libres, pas pour être riches.

« Demande-lui si son commerce est florissant. Dis-lui que je respecte énormément sa flotte et que je suis jaloux. »

Le regard de Ching Shih s'assombrit. Armand rassembla tout son courage pour ne pas reculer. Passer pour un lâche et abîmer ses vêtements sur le plancher parsemé d'échardes ne faisait pas partie de ses plans. Il serra les dents en attendant la traduction de Matthews, qui le surprit.

« Elle dit que tout va bien.

— C'est faux, regarde sa tête...

— Je ne la pousserais pas dans ses retranchements, si j'étais toi.

— Qu'est-ce qu'on peut faire ?

— Attendre. Sympathiser. »

Armand acquiesça. Effectivement, ils n'avaient pas d'autre choix.

« Dis-lui que j'aimerais visiter sa jonque principale pour discuter un peu.

— C'est plutôt suspicieux... Nous sommes à peine des invités sur ce navire, elle pourrait nous décapiter !

— Nous ne venons pas de la même époque, elle sera forcément intéressée. »

Armand, quant à lui, avait perdu depuis bien longtemps l'excitation de voyager dans le temps et l'espace. Après quelques minutes à New York, entouré de véhicules bruyants et rejetant une fumée grise nauséabonde, il n'avait plus rêvé que de s'acheter une maison sur une île déserte pour y vivre avec Tobias. Tobias... Ce n'est pas le moment de penser à lui.

Ching Shih força Matthews, Armand et Kadi à marcher devant elle, et le capitaine pirate pouvait presque sentir la lame pointée dans sa direction par Cheung Po Tsai au creux de ses reins. On n'ira nulle part de notre plein gré, c'est sûr. Ils les menèrent devant la statue blanche et habillée de vêtements rouges et verts d'une femme, devant laquelle une lampe brûlait.

« Tin Hau, expliqua Matthews. La Déesse de la Mer. »

Ching Shih s'impatienta soudain, désireuse de leur expliquer quelque chose de capital. Armand patienta, curieux, mais ce qu'elle leur confia ressemblait plus à une justification qu'à une véritable information.

« Ils ne sont pas religieux pour un sou mais aiment l'idée d'être protégés par cette déesse.

— Personne ne fait semblant d'être athée sur le HMS Jolly tout en priant en secret, s'étonna Armand.

— Tu n'en sais rien. Chacun vit selon ce que son cœur lui dicte. »

Armand fit la moue. Peut-être que Matthews avait raison, après tout. Qui était-il pour affirmer que son équipage ne croyait pas en Dieu ? Lui-même n'avait jamais pu rester concentré plus d'une minute pendant la messe, lorsqu'il vivait encore avec ses parents, mais ce n'était pas le cas de tout le monde. Il se promit de poser la question à ses hommes lorsque ce cauchemar prendrait fin.

Tandis qu'ils se dirigeaient vers l'avant de la jonque, les pirates chinois s'écartaient sur leur chemin avec crainte. Manifestement, Cheung Po Tsai leur inspirait une terreur démentielle. Personne ne doutait du statut de demi-dieu du protégé de Ching Shih.

« Pourquoi..., soupira Armand à voix haute. Je ne comprends pas. Nos hommes ont pris la mer pour être libres et ils le sont, autant que faire se peut. Le danger, la maladie, ce sont des choses qui existent aussi dans la marine marchande... Mais devenir hors-la-loi pour vivre sous le joug d'un couple de capitaines ? Quel est l'intérêt ? »

Ching Shih ne sembla pas outrée par sa question.

« Les Chinois deviennent pirates pour l'argent, uniquement l'argent.

— Dis-lui qu'ils s'en sortent bien mieux que nous... »

La pirate chinoise ne parut pas flattée de ce compliment. Elle savait déjà de quoi il retournait : effectivement, sa flotte contrôlait presque toute la Chine par des accords commerciaux établis à travers le pays. Les villages qui venaient en aide aux pirates recevaient leur protection éternelle et devenaient intouchables.

Matthews pinça discrètement le bras d'Armand pour l'empêcher de poser la question qui lui brûlait les lèvres. Son regard sévère et effrayé le poussa à lui obéir, même s'il avait terriblement envie de le gifler. C'est bon, c'est bon, je ne parlerai pas d'Helmut Duffin. Pas tout de suite, en tout cas.

Ce fut finalement au tour de Ching Shih de poser des questions. Elle refusa l'invitation étrange de Matthews de visiter leurs deux navires. Évidemment qu'elle ne veut pas y aller... À quoi s'attendait-il ?

« Est-ce que tu comptais lui montrer tous les tuberculeux cachés dans la cale ? marmonna-t-il entre ses dents.

— Il fallait simplement lui retourner la politesse.

— Si elle avait accepté, j'aurais sauté sur mon bateau et je t'aurais laissé planté ici, en 1809. »

Matthews frémit, ce à quoi Armand ne se serait pas attendu. Une insulte,une grimace, une bravade, mais pas cette vulnérabilité insupportable. Lecapitaine britannique avait immédiatement représenté pour lui une forceinamovible, le danger suprême, puis leur seule chance de survie en Chine. S'ilperdait la face, qu'allait-il leur rester ? 

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