C'est aujourd'hui qui s'effondre, comme un château de carte,
cette journée est fébrile, chancelante et peu importante.

Mais c'est lorsque la bâtisse chute, que les larmes butent sur ses rouges joues.

Il s'enfuit dans un ouragan dévastateur.
Il répétait sans cesse " je déteste ma vie ".

J'en faisais partie. Alors j'en déduisais qu'il me détestait.

Toutes ces horreurs qu'il me balançait sonnait comme des fausses notes dans mes oreilles. C'était aussi désagréable qu'enchantant.

Et j'étais intolérant. Rancunier. Détestable. Incontrôlable. Et impulsif.

Destructeur.

Ma présence le détruisait.
Mon absence le détruisait.

Deux mois qu'on ne s'était pas vu. Deux mois que je ne pensais pas à lui.

Et vous savez quoi ? Ça ne me faisait rien. Même pas l'once d'une infime douleur.
Sauf aujourd'hui.
Parce qu'aujourd'hui, ça n'allait pas bien.

Sa solitude me manquait.
Ce que je l'aimais sa solitude. Il était mien. Sous mon emprise. Totalement docile. Je l'appelais, il accourait.

J'avais envi de lui dire qu'il me manquait. Est-ce que je l'aurais fait ? Évidemment que non. Car pour rien au monde je ne le lui aurais dit. Pour rien au monde je l'aurais reconnu.

Les seuls mots qui franchissaient la barrière de mes lèvres lui tranchaient la peau, et lui meurtrissaient le coeur. J'en étais conscient. Et je ne savais pas pourquoi ça sortait. Car je ne voulais pas vraiment le blesser.

Enfin, pas entièrement.

Et puis, si il me détestait c'était parce qu'il m'aimait. Je le savais.

Il me l'avait dit. Quand on baisait à s'en déboîter les hanches, et à s'en arracher des plaques de peau. Il me l'avait dit juste avant de me virer.

Il m'avait glissé ce je t'aime, aussi facilement qu'une lettre à la poste. Et rebuté, j'avais tapé dans le fond. Mon sang n'avait fait qu'un tour. Nerveux et désemparé, je n'avais rien trouvé mieux à faire que de fuir ses lèvres, alors qu'il ne réclamait que ça, jusqu'à ce que je me lâche dans un soupir égoïste.
Je ne l'avais pas fini. Non. Pourquoi je l'aurais fait ? Je ne l'avais pas touché. Qu'il se démerde.

C'était pour me venger.

Me venger de quoi ?

Me venger de m'avoir pris au dépourvu. Ses mots mielleux m'horripilaient. Il me donnait envie de vomir.

Alors ce que j'avais fait, c'était simplement me dégager de lui, le laissant là, haletant sur son matelas souillé, alors que je cherchai nonchalamment mes vêtements.

Et un sourire moqueur s'était dessiné sur mes lèvres lorsqu'il avait craché de sa voix brisée ces mots cassants qui ne m'atteignaient même pas. Ce "casse toi de là", qui retentissait comme une supplique contraire à ses dires.

La nuit abritait mes sentiments, ceux que j'ignorais royalement. Ceux que je redoutais.

Qui pouvait faire plus connard que moi, sérieusement ?

Je savais parfaitement ce que je faisais. Alors quand j'étais reparti de son appartement où mon passage était visible, où mon parfum était maître des lieux, j'inspirais gaiement l'odeur stérile de pénombre et de son hiver doux.

Le froid pénétra dans mes cheveux encore humides. Bien sûr que j'avais pris le temps de prendre une douche.

Je n'allais pas me barrer en culpabilisant et en laissant toute cette sueur sur moi.

De toute manière, il était trop tard pour culpabiliser. C'était comme ça à chaque fois.

C'était de sa faute. Il savait mes sentiments. Il savait très bien qu'ils n'existaient pas.

Son silence constant, je le brisais en un coup de rein.
Ses sentiments cachés, je les dévoilais en un baiser.
Ses émotions indéchiffrables, je les décelais en un regard.

D'un toucher précis, je le faisais marionnette.

D'une parole irréfléchie, il devenait obéissant et à ma merci. Ce qu'il pouvait être stupide.

Et pourtant.
Sa solitude, je l'aimais.
Sa faiblesse, je l'aimais.
Sa haine pour moi me rendait euphorique. Elle m'excitait. Elle me faisait ressentir des frissonnements incontrôlables.

Non ce n'était pas de ma faute si il m'aimait. C'était de la sienne.
Ce n'était pas de ma faute si il me détestait. C'était parce qu'il m'aimait.

Alors tu vois, Mark, quand je te dis que j'ai envie de te baiser. C'est juste pour baiser. Juste pour ton cul.