II - THOMAS
"Non. Pas encore." me dit Isabella, me glaçant le sang au passage.
Je chute dans un gouffre noir profond, trop profond. Je ne sais pas depuis combien de temps je tombe, une seconde, une minute, une heure, une éternité ? Je n'en ai aucune idée. Les ombres caressent mon cœur, et leurs murmures doucereux m'attirent. M'apaisent. M'endorment.
Ce n'était pas elle, ou du moins pas réellement. La Isabella que j'ai connu avant qu'elle ne s'en aille n'était pas comme ça, et même dans ses derniers instants, elle a tout fait pour me ménager. Elle savait qu'elle allait partir, mais elle voulait que je puisse vivre, alors qu'elle n'en avait pas eu la chance. Elle m'a quitté sans que j'en puisse l'en empêcher, afin de me libérer. La femme que j'avais face à moi était égoïste et rancunière, tout le contraire de mon ex fiancée.
Mais alors qui était ce ? Et surtout, qu'est-ce que ça veut bien dire, "non, pas encore" ? Je suis jeune, je vais me réveiller d'ici quelques instants, retrouver Hope, et tout ira bien !
Hope...
Je revois ses cheveux penchés au-dessus de mon visage. Je revois son sourire devant la mer. Je revois sa peur face à son père.
Plus que tout, je revois l'amour dans ses yeux.
La première fois que je l'ai vue, elle a dit qu'elle était une ratée. Je pense que dire ça est la plus grosse erreur qu'elle ait fait de toute sa vie. Elle est tout sauf une raté. Elle est forte, intelligente, courageuse, persévérante, drôle, mignonne. Et plus que ça, elle est mon espoir.
La vie nous a brisé, tous les deux. J'ai perdu ma fiancée et elle sa famille. Séparément, nous ne sommes que les moitiés, les vestiges, les ombres de ce que nous étions autrefois. Ensemble, nous sommes un. Nous nous complétons, et désormais mon existence n'a de sens que si elle est avec moi.
Mais je sais que c'est réciproque. Or, maintenant qu'elle est seule, j'ai peur qu'elle veuille me rejoindre. Mais elle ne peut pas. Parce que, même si elle est loin, je sais qu'elle est là, et c'est le seul lien qui me rattache encore à la vie.
J'ai trébuché, elle me soutient pour m'empêcher de tomber. Mais si elle lâche, alors nous chuterons tous les deux.
Le décor change une nouvelle fois. Je vole dans un ciel bleu azur, au milieu des cieux. La brise fouette mon visage, mes cheveux volent au vent. Je crie de joie, de bonheur, et ma voix se perd dans l'horizon couleur lapis-lazuli. Des oiseaux s'approchent et me suivent, m'entourant, m'accompagnant, comme pour me souhaiter du courage et me soutenir.
L'adrénaline parcourt mes veines, et je me sens grisé. Plus que ça, je me sens vivant.
Vivant...
Mort...
Suis-je mort, ou vivant ? Comment le savoir ?
Cette simple pensée ébranle le paysage, et des nuages arrivent en masse. L'orage se déclare soudain, et la pluie se met à tomber par énormes gouttelettes. Les cieux se grisent et deviennent noir. Noir comme le vide.
Je ne vole plus. Je tombe. Je tombe, au milieu d'un paysage apocalyptique. J'ai peur, et la crainte me noue l'estomac.
Et puis, soudainement, je l'entends. Je l'entends rire, chanter, parler, crier. Sa douce voix résonne comme une mélodie, comme un chant d'espoir.
Hope...
Non, pas Hope. Même s'il me semble l'entendre, je crois aussi reconnaître le timbre gracieux d'Isabella. Je deviens donc fou ?
Je me retrouve face à une jeune fille à la fois inconnue et familière. Elle a des cheveux blonds fins qui flottent dans la brise, et des yeux noisettes rieurs. Ses cheveux sont ceux d'Hope, mais ses yeux ceux d'Isabella. Elle a la même jupe en velours que mon ex fiancée aimait tant, mais la chemisette de la jeune orpheline.
Qui est-ce ? Hope ? Isabella ? Quand elle ouvre la bouche, la voix qui s'en écoule me brise le cœur, tant par ses paroles que par son timbre:
"Non, Thomas... putain, pourquoi tu ne veux pas comprendre que, parfois, les gens ne peuvent pas être sauvés ?"
Non. Pas encore. Je ne veux plus jamais l'entendre, alors pourquoi est-ce que ça me hante ? Je sens la peine monter alors que je revis pour la troisième fois cette scène. Mais cette fois, sa voix faiblit, et devient une autre, plus douce, tremblante, plus familière. La sienne.
"Tu me manques. Je t'en prie, bats toi ! Reviens moi, s'il te plaît. J'ai besoin de toi, Thomas, seule, je n'y arriverais pas. Je t'en prie, ne m'abandonne pas..."
J'aimerais tant ouvrir la bouche pour lui dire que je vais revenir, pour lui promettre mon retour. J'aimerais tant lui dire que je l'aime, lui dire que je vais me réveiller et la demander en mariage. J'aimerais tant la revoir une dernière fois, pouvoir toucher ses cheveux fins, ses lèvres douces, caresser ses joues délicates.
J'aimerais tant de choses.
Hope et Isabella. Elles sont là, toutes les deux, à attendre que je me réveille. Elles sont là, toutes les deux séparées par la barrière de la vie, avec le même objectif.
Pour elles, je dois revenir. Pour elles, je dois vivre.
Mais comment ?
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