Lettre à Thomas:

Cher Thomas,

Tout à l'heure, tu nous a fait une frayeur : tu as commencé à respirer trop rapidement, ton visage a encore blanchi et tous tes muscles se sont contractés. Tous les médecins ont cru que c'était la fin, que tu allais partir, et m'ont dit de te dire au revoir.

J'ai refusé.

Après presque sept semaines d'attente, tu ne pouvais pas me quitter comme ça. Tu devais rester, et il était hors de question que j'accepte ta mort. Alors je t'ai fixé des heures durant, et ta respiration s'est stabilisée. 

Ta délicate figure a repris des figures et tu t'es détendu. D'après une infirmière, cette réaction ne pouvait être causée que par un rêve - ou un cauchemar - particulièrement éprouvant.

C'était elle, n'est-ce pas ? Tu as rêvé d'elle ?

Oh, Tommy, je suis désolée... 

Tout ce que tu dois subir, c'est affreux. Rien qu'à revoir ton visage, à discerner la peur présente, je me suis doutée de ce que tu avais vu.

Mais je sais que tu te bats. Je le sens, sans pouvoir te dire comment. Et je sais que tu gagneras.

Tu m'as fait reprendre goût à la vie, Thomas. Tu m'as fait comprendre que pour être heureux, il fallait souffrir. 

C'est peut-être idiot, mais j'ai l'impression que chaque instant où nous sommes séparés est la promesse d'une éternité de bonheur. Quand tu reviendras, on pourra vraiment profiter. On aura mal ensemble, mais on se réconfortera.

Je me souviens de notre rencontre. À vrai dire, je la revois toutes les nuits. Tu m'as sauvé ce jour-là, Tommy. À quelques instants près, je serais morte. C'est peut-être le destin, que tu sois venu à cet instant là ?

J'aime à croire que ce n'était pas un hasard. Parce que ça voudrait dire que j'ai longtemps souffert pour mieux te trouver. Peut-être est-ce cela que nous faisons, tous les deux. Souffrir pour mieux nous retrouver.

Mais là, ça devient un peu long. Vraiment. Tu n'as pas bougé depuis des semaines, et certains médecins pensent que tu ne vas peut-être plus jamais le faire.

Moi, je sais que c'est faux. Tu m'as dit de garder espoir. Je le fais. Espérons juste que tu aies eu raison.

Je ne suis pas sortie depuis des jours. Il faut dire que je ne te quitte plus. J'utilise un lit de couchage, la douche de ta chambre et les toilettes du couloir. Je ne sens pas la rose, je te l'accorde. Mais peut-être que la puanteur finira par te réveiller, et qu'on pourra aller se laver ensemble.

La première fois que je t'ai vue, j'ai remarqué ton odeur de cigarette. Ni désagréable, ni appréciable. Désormais, chaque fois que je sens le parfum amer du tabac, je pense à toi. Je pense au goût de tes lèvres sur les miennes. Et je frissonne. 

Elles me manquent, tes lèvres.

Tes yeux me manquent.

Tes bras me manquent.

Ton sourire me manque.

Ton rire me manque.

Tu me manques, Thomas. Tu me manques tellement que ça en devient douloureux.

Souffrir pour vivre. Vivre pour souffrir.

C'est toi qui me l'a appris, ça. Mais as-tu toujours raison ?  

Quand tu es parti, tu m'as dit que tu reviendrais bientôt. Vas-tu revenir un jour ?

Certains diraient que non, d'autres que oui.

Je dirais que c'est à toi de choisir.

Je t'en supplie, fais le bon choix. J'ai besoin de toi.

Hope, ton espoir