Chapitre 22
Garp
Avez-vous déjà eu cette impression de ne plus rien contrôler ? Que votre vie vous échappait ? Qu'à chaque seconde qui passe, les choses vous glisse entre les doigts, et que malgré tous vos efforts, vous ne pouvez rien y faire ? Dans ces moments-là, on ne peut qu'attendre, laisser les choses se produire, les regarder passer. On se sent impuissant, mais il doit en être ainsi, peu importe ce que l'on essaie de faire. L'accepter, se préparer et subir ; c'est tout ce que l'on peut faire, et ça reste la meilleure solution. On se dit juste que la situation ne pourrait pas être pire.
Garp avait continuellement cette impression depuis quelques mois maintenant. Depuis qu'il s'est précipité chez Dadan, dépassant les limites de vitesse autorisées un bon nombre de fois. Il avait entendu dire que quelques hommes s'étaient rendus dans la forêt du Mont Corvo pour récupérer deux utilisateur de fruit du démon. Ace et Luffy. Il avait peur d'être arrivé trop tard, mais quand il a aperçu la petite cabane dans l'obscurité, vide de toute présence, il sentait que c'était fini. Qu'il ne pouvait plus rien faire.
-Ils se sont enfuit, lui avait déclaré Dadan. Tu n'as plus de raison de venir ici.
Elle l'avait chassé. Elle disait qu'ils n'avaient plus rien à se dire. Elle avait pris soin des gamins comme il le lui avait demandé. Sabo est mort ; Ace et Luffy ont dû partir ; sa mission est donc terminée. Garp n'a pas insisté, parce que Dadan pouvait faire tous les efforts du monde, elle n'arriverait toujours pas à cacher ses yeux rouges et ses larmes. Elle ne voulait plus rien avoir à faire avec lui, et il allait respecter sa décision. Elle en avait déjà assez fait et il ne voulait pas l'impliquer plus.
Des affiches n'ont pas tardé à faire leur apparition. Bientôt, les exploits de Luffy, Ace et de tous les compagnons se sont répandues dans toutes les bases de la Marine à travers l'ensemble du pays. Garp était à la fois fier d'eux et terriblement inquiet, un mélange d'émotion qui ne le laissait pas tranquille. Chaque jour qui passait était plus difficile à vivre que le précédent. Il était au courant de l'identité du père d'Ace, et savait que si jamais le gouvernement l'apprenait, c'était fini pour lui. Quant à Luffy, il était du genre à se mettre dans les embrouilles, mais cette fois la moindre erreur pouvait lui être fatale. Il lui était impossible de faire face en sachant tout cela.
Sengoku lui avait annoncé personnellement la mort du Shichibukai Crocodile, lui avouant que s'il n'était pas mort des mains de Monkey D Luffy, il était tout de même celui qui l'a vaincu. Garp avait éclaté de rire, faisant s'énerver son ami contre lui. Mais au fond, il n'était pas si amusé. Sengoku le savait, mais il n'a rien dit. Après avoir battu Crocodile, Luffy était devenu l'un des ennemis les plus redoutables des Shichibukai. S'ils avaient la moindre occasion de l'éliminer, Garp savait qu'ils n'hésiteraient pas. Il n'était plus question de le capturer maintenant, mais de l'abattre.
Au plus grand dam de Garp, Luffy avait maintenant son nom d'inscrit dans la liste des Révolutionnaires qui causent le plus de problèmes. La liste noire, les têtes à avoir en priorité. Ceux que les Shichibukai veulent voir mort à tout prix. Une liste qui n'a rien avoir avec le classement des primes. Monkey D Dragon, Edward Newgate, Marco le Phoenix, Eustass Captain Kid... Toutes ces personnes étaient également sur la liste, pour des raisons plus qu'évidentes.
On ne peut pas défier un Shichibukai sans en subir les conséquences. La moindre action menée contre eux et la sentence proclamée sera la mort. Si par chance on parvient à s'en sortir, alors notre visage sera imprimé sur des centaines d'avis de recherche. Plus l'on commet de crimes, plus la prime augmente, mais provoquer délibérément un Shichibukai peut nous propulser tous en haut de la liste des criminels à arrêter encore plus rapidement.
Garp savait que plus son petit-fils et son fils étaient recherché, plus il pouvait avoir des ennuis. Il portait le même nom de famille que le chef de l'armée Révolutionnaires et celui qui a vaincu le Shichibukai Crocodile. Les hommes qui ont toujours servi sous son commandement avait une confiance aveugle en lui. Mais d'autres ne lui faisaient pas confiance. Et pour lui, les dirigeants eux-mêmes ne lui faisaient pas confiance. Garp était persuadé que si Sengoku n'était pas l'Amiral en chef, il aurait été rétrogradé tout comme Aokiji, ou alors envoyé dans un petit village perdu dans un coin reculé du pays pour « surveiller ». Une excuse pour ne plus l'avoir dans les pattes.
-Je ne garderai pas mon poste éternellement, lui avait dit Sengoku. Bientôt, nous ne serons plus de la partie.
Garp se repassait en boucle ces quelques mots dans sa tête. Ce n'était qu'une question de temps, et il avait l'intuition que du temps, il n'en avait pas beaucoup. Le moment de sa totale impuissance arrivait bientôt. Il perdra son titre de Vice-Amiral, d'une manière ou d'une autre, et il ne pourra plus les protéger. Plus personne ne croyait en lui, et ce qui se déroulait chez lui en ce moment en était la preuve concrète. Une poignée de soldats qui n'étaient pas sous ses ordres se trouvaient chez lui, retournant toute sa maison.
-Nous sommes navré de devoir faire ça, affirme l'un d'eux.
-Ce sont les ordres de vos supérieurs.
-Il ne s'agit que d'une formalité. Je suis sûr de ne rien trouver ici.
Garp acquiesça, les laissant fouiller les moindre recoins de sa demeure. Il ne saurait dire ce qu'ils cherchaient. Sans doute des preuves qu'il était un espion pour les Révolutionnaires. Une preuve qu'il les avait trahis pour aider sa famille de sang. Garp était innocent, celui qui menait le groupe semblait penser la même chose. Il avait sur le visage une expression de profond ennui, attendant que cette mascarade se termine enfin. Après plusieurs longues minutes, ses hommes revinrent vers lui, une main sur le front pour faire le salut officiel.
-Rien à signaler monsieur !
-Bien. Nous partons dans ce cas.
-Oui monsieur !
Alors que tous se précipitaient dehors, presser de partir, le capitaine fit de nouveau face à Garp.
-Nous sommes convaincu qu'un espion se trouve dans la Marine.
-A cause de ce qu'il s'est passé au QG des Révolutionnaires ?
-Entre autres incidents. Vous êtes soupçonné à cause de votre famille, mais ce n'est rien de sérieux. Vous ne serez pas arrêté.
Le vieil homme ne répondit pas. C'était inutile, car ce jeune capitaine ne pouvait rien lui dire qu'il ne savait déjà. Il n'en voulait pas à Dragon ni à Luffy de vivre leur vie comme ils le voulaient. Même si ça lui causait des problèmes. Il voulait juste qu'ils soient tous les deux en sécurité. On pouvait l'accuser d'être un traitre, le soupçonner autant que possible ; mais si ça permet à son fils et à son petit-fils de rester en vie, il le supportera autant que possible. C'était valable pour Ace aussi. Tant que l'attention est sur lui, alors ils laisseront cet enfant innocent tranquille. Le capitaine s'inclina devant lui, à la fois pour le saluer et pour s'excuser.
-Nous allons vous laisser maintenant, Vice-Amiral Garp.
Quand la porte claqua, le laissant seul, sa maison était dans un sale état. Un véritable désordre sans nom envahissait la pièce. Les meubles renversés, ses affaires étalés sur le sol, une preuve que rien n'a échappé à leur vigilance. Ils ont retourné chaque recoin de cet endroit pour prouver qu'il n'avait rien à se reprocher. Garp n'était pas, et ne sera jamais, un traitre du gouvernement. Cependant, rien ne pouvait empêcher la souffrance.
Attrapant une chaise, il la remit sur ses quatre pieds et se laissa tomber dessus avec un soupir las. Il n'avait pas la motivation de ranger tout ce désordre maintenant. Il pourra s'en occuper plus tard. De toute façon, il vit tout seul, alors ça n'a pas d'importance. Bien qu'aujourd'hui, la solitude lui pesait bien plus que d'habitude. Il lui arrivait parfois d'imaginer comment serait sa vie si Luffy n'avait pas dû fuir le gouvernement, s'il avait pu garder Ace avec lui sans qu'il ne soit en danger, si Sabo était encore là. Ce n'était rien de plus que des rêves. Ces pauvres enfants sont nés avec une destinée dont ils ne peuvent se défaire. Ça fait bien longtemps que Garp a accepté la triste vérité. Qu'il savait qu'un jour ils finiraient par se faire prendre.
Tant de fois dans le passé, ça a failli se produire. Tant de fois il a reçu un appel de Dadan, et il a vraiment cru que c'était fini, qu'ils avaient été retrouvés et emmenés. Ou même pire, tués. Il se levait chaque matin en se demandant si aujourd'hui serait le dernier jour où son petit-fils serait vivant. C'était un une peur qu'il ne voulait plus avoir à supporter. Parmi tous ces souvenirs, il y en a un en particulier qui l'a profondément marqué. Le souvenir de la nuit où il a compris que si l'un de ces enfants tombait, ils tomberaient tous, mais qu'ils l'avaient accepté. La nuit où il a réalisé quel poids ces enfants avaient sur les épaules, un poids trop lourd pour leur jeune âge.
Ce fut aussi la nuit où il a compris que rien de ce qu'il dirait ne changerait les choses.
Il était chez lui, chose assez rare, quand il a reçu un appel de Dadan. Elle semblait inquiète, bien qu'elle fît de son mieux pour ne pas le laisser paraître. Elle ne s'était pas embêtée de salutation ou autres formules de politesse. Elle lui a simplement demander de venir immédiatement, lui expliquant brièvement la situation. Garp n'avait pas tardé à monter dans sa voiture, se précipitant vers le Mont Corvo. Il ne lui fallait qu'une heure ou deux pour y aller, peut-être moins s'il ignore le code de la route. Tout le long du trajet, il se répétait les quelques mots de Dadan avant qu'elle n'ait raccroché.
Il s'était passé quelque chose ce soir. Les trois enfants n'étaient pas rentrés, et elle s'était inquiétée qu'ils se soient attirés des ennuis. Elle est allée les chercher en ville. Quand elle est arrivée, il y avait un attroupement devant l'une des maisons d'une famille de nobles. Un quartier de la ville était dédié aux résidences secondaires des nobles. Dadan s'est approchée, et elle a vu le désastre de ses propres yeux. La belle bâtisse était dévorée par les flammes. On a sorti les habitants de l'incendie, mais c'était trop tard : ils étaient morts.
Elle a retrouvé les trois enfants qui s'étaient cachés un peu plus loin. Luffy et Sabo étaient blessés, mais rien de grave. Ils étaient placés aux côtés d'Ace de sorte à pouvoir le protéger, et ils essayaient de lui parler pour le faire réagir. Quant à Ace, il était recroquevillé sur lui-même, regardant ses mains comme si elles allaient s'enflammer brusquement. Sans doute grâce à ses capacités de Logia, il n'avait pas la moindre blessure. Il est resté silencieux jusqu'à ce que Dadan les ramène à la maison, et depuis il n'avait pu dire qu'une seule chose.
-Je veux voir Garp.
Le vieil homme arrêta sa voiture a proximité de la maison, claquant fortement la portière. Sa colère n'avait fait qu'augmenter tout le long du trajet. Le rideau qui servait de porte d'entrée fut tiré brusquement, mais à la place de Dadan, c'est Sabo qui se précipita vers lui, le torse bandé et la joue enflée, un bel hématome déjà visible sur sa peau pâle. Il avait l'air au bord des larmes, même s'il essayait par tous les moyens de rester calme. Il jeta à Garp un regard suppliant.
-Ne fait rien à Ace, s'exclame-t-il. Ne soit pas en colère contre lui, s'il-te-plaît !
-J'ai parfaitement le droit d'être en colère !
-C'était un accident ! Il ne voulait pas ce qui est arrivé ! Ils ont attaqué Luffy... Il voulait juste nous protéger !
Garp secoua la tête et pénétra à l'intérieur de la petite maison, ignorant les supplications de Sabo. Le petit blond le suivit, essayant de le convaincre d'arrêter. Il répétait encore et encore que ce n'était pas la faute d'Ace, mais Garp ne voulait pas le croire. Il était trop attaché à son frère pour être objectif. Ace avait commis un acte dangereux et si le vieil homme était en colère, c'est parce qu'il avait peur. Si quelqu'un les avait vu, alors ce serait fini. Le gouvernement viendrait les chercher, et il ne pourra rien faire pour les sauver.
Dans la pièce principale, Ace était assis sur une chaise, le regard perdu dans le vide. Luffy se tenait debout à ses côtés, les lèvres pincées pour empêcher le moindre gémissement de lui échapper. Son visage était inondé de larme. Il avait un bandage autour de la tête et un pansement sur la joue gauche. Ses mains étaient sur la cuisse de son frère, comme pour le retenir s'il voulait se lever. Il tourna la tête quand Garp arriva, et il renifla bruyamment. Dadan s'approcha de lui, à la fois soulagée et contrariée par sa présence. Elle ouvrit la bouche pour parler, puis se ravisa, ne sachant pas vraiment quoi dire.
-Qu'est-ce qu'il s'est passé, grogne Garp.
-D'après eux, ces nobles s'en sont pris à Luffy. Ils n'avaient pas vraiment de raison, ils voulaient juste se défouler.
Ace avait refusé de s'expliquer, mais Sabo avait fait de son mieux pour rapporter ce qu'il s'est passé. Ils se trouvaient près de la maison quand ces gens ont commencé à leur faire des reproches. Les trois enfants ne comprenaient pas ce qu'ils avaient fait de mal. Luffy s'était pris un coup en essayant de protester, et il était tombé sur la tête. Sabo a voulu le défendre, pour finalement être blessé à son tour. Mais quand l'homme s'en est pris à Ace, la canne qu'il tenait et qu'il a utilisé pour le frapper est simplement passé au travers de son corps. Ses flammes étaient apparues, alors que tout son être lui criait « danger ». Son pouvoir a compris qu'il était attaqué et il s'est déployé pour protéger Ace. Trop en colère à cause de la souffrance de ses frères, le petit brun n'a rien fait pour empêcher le désastre, laissant son feu brûler vif cet homme, sa famille et sa maison.
-Il n'a rien dit à part qu'il voulait te voir, murmure Dadan en jetant un coup d'œil à Ace.
-Pourquoi ?
-Il veut que tu l'emmène avec toi. Loin d'ici. Il pense qu'il est trop dangereux. Tu dois le raisonner !
-Dadan...
-Je refuse d'accepter ça !
Elle pouvait passer pour une femme insensible et désintéressée, mais en vérité elle s'est attaché à ces enfants. Elle s'occupait d'Ace depuis qu'il était bébé, il n'a toujours connu qu'elle. Sabo est arrivé quand il avait cinq ans, et Luffy était là depuis peu. Pourtant, elle les aimait autant tous les trois et elle ne pouvait se résoudre à en abandonner un en chemin. Si Ace part, Luffy et Sabo ne s'en remettront pas. Elle-même ne s'en remettra pas et elle sait qu'Ace sera malheureux.
Dadan se sentait aussi un peu coupable. Il y a plusieurs mois, elle et Ace s'étaient disputés. Ce n'était pas nouveau, car le jeune garçon avait son caractère et elle-même était têtu. Ils passaient la plupart du temps à se crier dessus. Mais cette fois, c'était plus violent que d'habitude, et Ace avait perdu le contrôle de son pouvoir. Elle a été blessée au bras droit parce qu'elle n'a pas su se reculer à temps. Quand il l'a remarqué, une expression d'horreur est apparue sur son visage, et il ne l'a plus approché pendant des jours entiers. Elle ne lui en a jamais voulu, mais lui ne se l'est pas pardonné. Parfois, il regarde son bras comme si les marques de brûlures étaient encore là.
-Ce n'est qu'un enfant, insiste-t-elle. Il ne peut pas être jugé comme un adulte !
Garp reporte son attention sur Ace, surprit de croiser son regard. Le petit garçon avait un air déterminé sur le visage, mais il ne pouvait pas cacher l'immense douleur dans ses yeux, malgré tous ses efforts. Une de ses mains étaient posées sur celles de Luffy, les pressant doucement. Ce dernier avait arrêté de pleurer, mais sa lèvre tremblait comme s'il était sur le point de recommencer. Garp s'approcha d'eux mais avant qu'il n'ait pu dire quoi que ce soit, Luffy se dégagea de l'emprise de son frère pour se placer devant lui, les bras écartés.
-Je ne te laisserai pas l'emmener !
-Luffy, le sermonne Ace.
-Je ne peux pas te garder avec moi, avoue fermement Garp.
Le soulagement apparut dans les yeux de Luffy, brièvement. Il pensa que son frère allait rester avec eux, que Garp n'était pas d'accord pour l'emmener. Mais l'expression sévère sur le visage de son grand-père lui fit comprendre que ce n'était pas le cas. Ace se remit sur ses pieds, faisant face au vieil homme, essayant de lui prouver qu'il n'avait pas peur de ce qui allait lui arriver.
-Je peux t'éloigner d'ici, poursuit Garp. Dans un endroit où tu ne pourras faire de mal à personne. Mais tu resteras tout seul.
-Non, hurle Luffy. Tu ne peux pas l'emmener !
-Luffy ne fait pas l'enfant, grogne Ace. Tu dois me laisser partir !
Le plus jeune se tourna vers lui, les yeux pleins de larmes. Il se précipite vers Ace pour lui prendre la main, s'y agrippant de toute ses forces pour le retenir. Ace se figea un instant, puis essaya de se dégager, sans y parvenir. Luffy s'accrochait beaucoup trop fort. Mais il ne pouvait penser qu'à une seule chose : ses pouvoirs qui pouvaient se déclencher à n'importe quel moment et blesser son précieux petit frère. Son autre main fut saisie dans une prise plus douce et il aperçut Sabo qui lui souriait faiblement.
-Si tu pars, déclare le blond, alors on ira avec toi.
-Vous ne pouvez pas...
-Si tu ne veux pas, s'exclame Luffy, alors on s'enfuira pour te rejoindre !
Le feu à l'intérieur de lui s'apaisa enfin. Le sentiment de sécurité, la proximité avec ses frères, savoir qu'il était soutenu et aimé faisait toute la différence. Il n'avait plus besoin de se braquer, de se défendre. Ses flammes n'allaient plus blesser personne. Une seule larme coula sur sa joue alors qu'il baissait la tête, serrant les mains de ses frères en retour. Sabo entoura ses épaules d'un bras, l'attirant contre lui. Luffy s'accrocha à sa taille, enfonçant son visage dans le tee-shirt d'Ace avant d'éclater en sanglot. Garp et Dadan échangèrent un regard avant que le vieil homme ne soupire.
-Je vous laisse une dernière chance.
La dernière vision qu'il eut d'eux était celle de trois enfants enlacés ensemble. Luffy ne cessait de pleurer, alors que Dadan et ses hommes essayaient de le calmer. Sabo tenait ses deux frères contre lui, les entourant de ses bras pour les protéger. Il faisait rempart de son corps contre le monde extérieur qui voulait faire du mal aux deux personnes qui comptent le plus pour lui. Ace croisa le regard de Garp et un petit sourire bien trop rare s'étira sur ses lèvres alors qu'il murmurait un seul et unique mot.
Merci
Garp fut tiré de ses pensées par trois coups puissants à sa porte. Il faisait sombre, et sa maison était toujours dans un état déplorable. Il mit un moment avant de reprendre contact avec la réalité, et l'on frappa à nouveau. Il se leva précipitamment de sa chaise, passant une main dans ses cheveux blancs en se dirigeant vers l'entrée. Il entrouvrit la porte, apercevant un éclair de cheveux roux et il écarquilla les yeux de surprise.
-Dadan ?!
-Laisse-moi entrer.
Garp s'écarta, la laissant entrer. Elle parcourut le salon en désordre brièvement, mais ne fit aucune remarque. Il voulut lui dire que ce n'était pas lui qui avait mis tout ce bazar, mais ce n'était pas la peine de le préciser. Il referma la porte pour faire face à Dadan, attendant qu'elle parle. Elle avait les poings serrés, mais il ne saurait dire si c'était de colère, ou d'un autre sentiment qu'elle tentait en vain de maîtriser. Elle refusait de le regarder, et il décida de parler le premier.
-Tu n'aurais pas dû venir. Tu es recherchée toi aussi.
-Je m'en fou, hurle-t-elle. Dit-moi Garp, je t'en prie...
-Dadan...
-Dit-moi qu'ils vont bien ! Je t'en supplie, dit-moi qu'Ace et Luffy sont vivants et qu'ils vont bien !
Elle leva les yeux vers lui, remplis de larmes qui dévalaient librement ses joues. Elle semblait sur le point de s'effondrer. Elle ne pouvait plus se cacher désormais. Elle était trop inquiète pour eux. Ils avaient déjà perdu Sabo, elle ne pouvait pas accepter que l'un d'eux meurt à son tour. Elle n'avait pas de nouvelles d'eux alors elle était venue en demander à Garp. Le vieil homme s'approcha doucement, posant une main sur son épaule et murmura.
-Ils vont bien. Tous les deux.
Un sourire rassuré apparut sur son visage alors qu'elle tombait à genoux, soulagée. Elle s'autorisait cette faiblesse devant Garp, parce qu'il était le seul à pouvoir la comprendre. Le seul à savoir ce qu'elle ressentait vraiment. Le seul à savoir ce que ça fait de passer toute la nuit éveillé, se demandant si un jour ils auront la chance de revoir vivant ces deux enfants qu'ils aiment tant n'a jamais autant eu envie que le monde change que le jour où elle a compris ce qu'il faisait à ses garçons.
Elle était la seule à savoir que si Luffy demande tout le temps de l'attention, c'est parce qu'il a peur de se retrouver tout seul. Elle était la seule à savoir que Sabo restait debout le soir par peur que des hommes viennent lui enlever ses frères. Elle était la seule à savoir qu'Ace jouait un rôle de chef pour combler l'absence de son père. Elle savait tout d'eux, et ils savaient tout d'elle.
Quand ils sont partis, c'est une partie de son âme qu'ils ont emmenés avec eux.
Koshiro
Ça ne faisait que quelques mois seulement depuis que Zoro est partit, mais Koshiro avait l'impression que ça faisait des années. Son petit protégé est parvenu à s'enfuir du village avant que les soldats du gouvernement ne mettent la main sur lui. De ce qu'il en sait, il n'a pas été rattrapé ce soir-là dans la forêt. Lucci et ses hommes ont fait tout leur possible pour suivre sa trace et le capturer, mais ils sont revenus bredouille. Ils ont supposé qu'il reviendrait un jour dans son village natal.
Lucci et les hommes en costume qui étaient avec lui ont quitté le village car ils avaient d'autres choses à faire. Mais quelques dizaines de soldats sont restés pour tous les surveiller. Ils agissent comme s'ils avaient tous les pouvoirs, ne se gênant pas pour leur faire du mal et se moquer des habitants quand ils ne sont pas satisfaits de telle ou telle chose. Cette surveillance et cette oppression constante devenait difficile à vivre pour tout le monde. Mais pas un seul d'entre eux regrettait d'avoir sauvé la vie de Zoro.
Koshiro ne faisait pas exception, peu importe combien sa vie a basculé de manière irréversible depuis ce soir-là. Il a passé quelques jours à l'hôpital après son « interrogatoire ». Les médecins ont fait tout leur possible, mais ils n'ont rien pu faire. Tout le monde au village étaient proches les uns des autres, alors quand la nouvelle s'est répandue, ils étaient tous très tristes pour lui. Koshiro était peut-être le moins touché par ça, bien qu'il soit le principal concerné. Les enfants du dojo allaient bien et l'avaient accueilli avec émotion à sa sortie de l'hôpital. Il n'y avait aucune raison qu'il se sente mal. Ce n'est pas son état physique qui l'empêchera d'éduquer ses élèves à l'art du sabre.
Même en fauteuil roulant, il était capable de leur donner des cours.
Ils étaient en fin d'après-midi, et les leçons d'aujourd'hui étaient terminées. Les enfants étaient dehors pour jouer, le laissant seul dans le dojo. Peu d'entre eux osent s'entraîner après les cours, sans doute par peur d'être remarqué par les soldats et emmenés. Pourtant, aucun n'a pu se résoudre à abandonner totalement les leçons, aussi bien les enfants que les adultes. Koshiro avait parfois bien du mal à les convaincre de le laisser un peu seul. Il était encore capable de se débrouiller. Enfin, ses élèves n'étaient pas les plus difficiles à ce sujet-là...
-Koshiro-san !!!
Quand on parle du loup. Le vieil homme fit pivoter son fauteuil, faisant face à la porte d'entrée qui s'ouvrit sur une silhouette. Un jeune homme se précipita dans la pièce, un immense sourire sur le visage. Il portait un long manteau vert, un tee-shirt noir et un short jaune. Un bandeau rouge était noué autour de son bras droit et il portait un sabre à sa ceinture. Il s'accroupit à côté du fauteuil de Koshiro.
-Vous êtes encore tout seul Koshiro-san.
-J'ai besoin de silence pour méditer.
-Méditer ou déprimer ?
-Ton inquiétude est infondée Yosaku.
Le jeune homme éclata de rire, sincère. Il savait que Koshiro n'était pas du genre à broyer du noir seul dans son coin. Il s'était remit de ce qu'il s'est passé ce soir-là. Ce n'est pas pour autant qu'il allait le laisser seul. Il avait besoin d'aide. Avec son fauteuil roulant, il ne pouvait plus vivre comme avant. Il s'était fait la promesse de prendre soin de lui, s'installant dans le dojo, prêt à aider Koshiro à n'importe quel moment. Et il n'était pas le seul à avoir prit cette décision. Koshiro regarda autour de lui, un doux sourire sur les lèvres.
-Où est Johnny ?
-Partie faire des courses pour le dîner de ce soir, explique Yosaku.
-J'aurai pu m'en occuper.
-Vous dites ça à chaque fois ! Laissez-nous vous aider !
Koshiro haussa les épaules alors que Yosaku se redressait, prenant les poignées de son fauteuil pour le conduire à l'extérieur. Les deux garçons étaient des amis proches de Zoro. Quand ce dernier les a prévenus que le gouvernement allait venir le chercher, il leur avait demandé de prendre soin de Koshiro et des autres habitants pour lui. Quand ils sont arrivés, le village était en feu et le vieil homme était dans un sale état à cause de Lucci. Ils sont intervenus pour le sauver, arrêtant du même coup l'attaque. Zoro s'était déjà enfui. Depuis, Johnny et Yosaku se sont installés avec Koshiro, protégeant les villageois du mieux qu'ils le pouvaient des soldats.
-Allons attendre le retour de Johnny !
-Il t'a peut-être acheté des fleurs.
-J'ai peur de savoir ce que vous insinuez Koshiro-san...
-Je ne suis qu'un vieil homme sénile.
-Vous dites ça quand ça vous arrange !
Quand ils arrivèrent à l'entrée du dojo, ils aperçurent Johnny qui arrivait vers eux, des sacs de courses dans les mains. Il accéléra en les voyant, le saluant joyeusement quand il fut assez près pour qu'ils l'entendent. Koshiro ne put s'empêcher de lui faire remarquer qu'ils n'avaient pas à faire tout ça pour lui et les autres. Rester ici faisait d'eux des cibles potentiels pour les soldats à la recherche de nouvelles victimes à martyriser.
-Zoro nous a demandé de vous protéger, proteste Yosaku. On ne peut pas vous abandonner dans cette situation !
-Je ne veux pas vous causer des problèmes.
-Ce n'est pas le cas. D'ailleurs...
Koshiro leva la tête vers Johnny, intrigué qu'il se soit arrêté en plein milieu de sa phrase. Les deux jeunes hommes échangèrent un coup d'œil nerveux. Ils semblaient hésiter à parler. Koshiro sourit et leur prit les mains, leur assurant qu'ils pouvaient être honnêtes avec lui et lui parler. Ils parurent rassurés par ces mots.
-On pensait demander l'aide des Révolutionnaires, explique Johnny.
-On a entendu dire qu'ils ont sauvé un village entier l'autre fois. Pourtant c'est Lucci qui surveillait.
-Ils pourraient faire la même chose avec nous !
-Nous ne pouvons pas les appeler, contredit Koshiro.
-Pourquoi ?!
-Zoro est avec eux. Je ne veux pas qu'il sache ce qu'il se passe ici, où il viendra lui-même nous aider et il se fera capturer.
Ils luttaient chaque jour pour protéger Zoro. S'il vient ici, tous leurs efforts n'auront servi à rien. Ils auront enduré toutes ces souffrances pour rien. Zoro représentait un espoir pour eux, ils n'avaient pas le droit de le mettre en danger pour se sauver eux-mêmes. Les soldats allaient finir par se lasser, et alors leurs problèmes seront réglés. Ils devaient être patient et ils seront récompensés. Yosaku fixa Koshiro avec tristesse. Johnny posa une main sur l'épaule de son ami pour le rassurer.
-Vous avez raison Koshiro-san. Mais nous ne pouvons pas...
Ils entendirent un hurlement et cessèrent immédiatement leur discussion, se précipitant dans la rue pour voir ce qu'il se passait. Il y avait un petit attroupement et ils s'approchèrent. Les gens s'écartèrent pour faire de la place à Koshiro. Ils virent un homme à terre, les mains sur la tête pour se protéger des coups. Penché au-dessus de lui se trouvait un soldat de la marine qui avait l'air très en colère. Il ne cessait de lui donner des coups de pieds, le traitant de tous les noms. Deux de ses compagnons attendaient à côté de lui, les bras croisés.
-Que se passe-t-il, s'inquiète Koshiro.
-Il parait qu'il vend des armes aux Révolutionnaires.
-Ils l'accusent d'être un traitre et veulent le punir.
Le soldat s'acharna de plus en plus, sans voir que sa victime avait perdu connaissance. Les gens autour faisaient de leur mieux pour se retenir d'intervenir, d'empêcher toute cette violence. Intervenir, c'est s'exposer au danger, c'est prendre le risque de subir la même chose. Ça n'arrêta pas Johnny cependant. Il fit signe à Yosaku de rester près de Koshiro et se précipita vers le soldat, dégainant son sabre sans une hésitation.
-Laisse cet homme, ordonne-t-il.
-Ne me donne pas d'ordre, cri le soldat.
Avant que Johnny n'ait pu porter le moindre coup, il se fit plaqué au sol par ses collègues. Il entendit le bruit d'une lame et hurla de douleur quand celle-ci lui transperça l'avant-bras. Yosaku hurla son nom, mais quand il voulu s'approcher Koshiro lui attrapa la main pour le retenir. Johnny cessa de se débattre, inspirant fortement, essayant d'oublier la douleur. Le soldat sortit son pistolet, ricanant en le pointant sur la tête de sa victime toujours inconsciente.
-Tu voulais que j'arrête. Dans ce cas je vais abréger ses souffrances.
Sans le moindre remord, il tira. La détonation résonna dans la rue, quelqu'un hurla de terreur. Puis le rire glacial du soldat brisa le silence alors qu'il s'éloignait avec ses compagnons. La foule resta un long moment immobile, avant de se disperser. Une poignée d'entre eux s'approchèrent de l'homme désormais mort pour s'occuper de lui, malgré leur cœur lourd de tristesse. Yosaku se précipita vers Johnny, les larmes aux yeux, le redressant pour regarder son bras.
-Je vais bien, souffle Johnny.
-Je veux qu'ils arrêtent, gémit Yosaku. Quand ce carnage va-t-il cesser ?!
Koshiro s'approcha d'eux, le cœur serré en entendant les pleurs de Yosaku. Johnny faisait de son mieux pour le réconforter, alors que lui-même n'était pas bien. Il jeta un coup d'œil vers l'homme, se sentant coupable et impuissant. Koshiro posa une main rassurante sur son épaule avant de murmurer.
-Vous êtes jeunes... Je suis sûr qu'un jour vous aurez la chance de vivre dans une monde meilleur.
Nojiko
Sa vie n'avait jamais été facile, et aujourd'hui ne faisait pas exception.
Nojiko a perdu ses parents très jeunes. Heureusement, elle a rencontré Belmer qui a décidé de prendre soin d'elle et de Nami. Elles n'avaient pas assez d'argent pour vivre correctement, et c'était dur certains jours. Les villageois faisaient de leur mieux pour les aider, tout le monde était gentil avec eux et malgré les difficultés elles étaient heureuses toutes les trois. Du moins, jusqu'à l'arrivé de ce noble appelé Arlong, de ces hommes et de ces taxes.
Belmer est morte, Nami a été emmenée et Nojiko s'est retrouvée toute seule dans leur petite maison. Gen a fait de son mieux pour l'aider, l'accueillant chez lui pour manger et dormir, lui achetant ce dont elle avait besoin et l'aidant avec les mandariniers pour qu'elle gagne de l'argent et puisse payer sa part et survivre. Quand elle fut assez grande pour s'occuper d'elle-même toute seule, elle est restée dans la maison qu'elle a toujours connu.
Parfois, Nami venait lui rendre visite, passant même une nuit ou deux avec elle. Elle s'inquiétait toujours de savoir si Nojiko avait de quoi vivre convenablement, qu'elle avait assez d'argent pour payer Arlong, pour manger, s'acheter des vêtements et d'autres produits de première nécessité. Nojiko pouvait toujours lui répondre honnêtement. Elle allait bien. Elle n'était pas la plus à plaindre des deux. Elle n'était pas obligée de risquer sa vie tous les jours, de voler, de côtoyer tous les jours un homme cruel et machiavélique. Nami, elle, y été obligée.
Elle a vu sa sœur subir un peu plus chaque jour l'oppression d'Arlong, venant pleurer dans ses bras parce que Nojiko était la seule personne avec qui elle pouvait être totalement honnête. La seule à qui elle pouvait montrer ses peurs. La seule à qui elle pouvait parler de toutes les choses affreuses qu'elle vit constamment. Chaque fois qu'elle rentre blessée, elle vient directement chez sa sœur et Nojiko s'occupe de la soignée. Elle faisait attention à toujours sourire devant Nami, faisant même des blagues dans l'espoir de la rassurer.
Elle s'en voulait de laisser autant de responsabilités à sa sœur. Elle devait supporter tellement de chose. Elle avait pris la décision d'être celle qui allait apporter à tous les villageois leur liberté. Elle faisait tant d'efforts pour gagner de l'argent afin de racheter le village à Arlong. Beaucoup trop d'efforts. Nojiko avait été témoin de la réaction de Nami quand tout son argent a été volé par cet homme abjecte, quand elle a compris qu'elle devait tout recommencer à l'infini, qu'aucun d'entre eux ne sera jamais libre. Nojiko avait son quotidien, une vie stable et elle gérait bien. Elle pourra supporter cette situation, mais elle ne voulait pas cette vie pour Nami.
Puis un soir, Nami a assassiné Arlong et ses hommes.
Quand sa sœur est venue chez elle pour le lui dire, Nojiko avait eu bien du mal à y croire. Avant qu'elle n'ait vraiment pu comprendre ce qu'il se passait, Nami avait dû partir. Elle a pris toutes les affaires qu'elle pouvait prendre avec elle, un peu d'argent et elle a fui le village. Elle les a tous libéré, mais au prix de sa propre liberté. Partout où elle ira, elle sera recherchée pour meurtre. Nojiko n'avait pas pu dormir cette nuit-là, beaucoup trop inquiète à l'idée que le gouvernement parvienne à retrouver sa sœur et à l'arrêter.
Puis une rumeur à circuler dans tout le village : Nami faisait partie des révolutionnaires. Il n'y avait pas d'avis de recherche à son nom pour le moment, mais ils avaient entendu parler d'une jeune femme qui pouvait contrôler la météo, et qui avait joué un grand rôle dans la défaite du Shichibukai Crocodile. Cette nouvelle n'a rassuré ni Gen, ni Nojiko. Pourtant, ils ne pouvaient plus douter maintenant.
La jeune femme aux courts cheveux bleus sentit une terrible migraine venir lorsqu'elle entendit le bruit fracassant d'une assiette brisée, suivit d'un petit gémissement coupable. La tête d'un soldat émergea de derrière le comptoir qui sépare l'espace cuisine et l'espace salon. Il avait l'air désolé, tenant la moitié d'une assiette dans sa main.
-Elle m'a échappé, bredouille-t-il.
-Ce n'est rien, soupire Nojiko. Elle n'a aucune valeur. Pas même sentimentale.
Le jeune homme paru rassuré, lui promettant de nettoyer lui-même sa bêtise. Nojiko lui répondit qu'il n'était pas obligé mais il insista. Lui et ses collègues avaient reçu l'ordre de fouiller la maison après que le gouvernement eu découvert que c'est ici que Nami vivait. Ils avaient perdu toute envie de fouiller quand ils ont compris combien Nojiko était pauvre. La maison était quasiment vide, elle n'avait que très peu d'affaires. Ils avaient déjà fait le tour de la propriété, plantation de mandarines comprise, en à peine un quart d'heure, et ils n'étaient pas très nombreux.
-C'est inutile, chuchote l'un d'eux.
-Tais-toi, le sermonne son collègue.
-On cherche quoi exactement ?! Elle ne possède rien !
-Elle connait un Révolutionnaire. Elle pourrait lui communiquer des informations.
-Elle n'a même pas de téléphone !
Ils lui jetèrent un coup d'œil nerveux, mais elle fit semblant de ne rien avoir entendu de leur conversation. Ils n'avaient pas tort de la soupçonner. Si elle le pouvait, elle aiderait Nami sans hésiter. Mais comme ils l'ont si bien fait remarquer, elle n'avait aucun moyen de communiquer avec elle, encore moins pour le faire sans être grillé par le gouvernement. Elle n'avait même pas assez de biens pour qu'ils mettent le bazar quand ils fouillent, en dehors de cette assiette brisée que le coupable a ramassé lui-même.
-Vous en avez encore pour longtemps, demande Nojiko.
-Non, la rassure l'un d'eux. Nous allons partir.
-Pardonnez-moi si je peux paraître froide, mais je suis épuisée.
-Nous comprenons. Ce genre de procédure n'est facile pour personne.
Elle acquiesça. Au moins, elle avait eu la chance de tomber sur de jeunes recrues sympathiques, qui essayaient de rendre tout cela le plus agréable possible. Devoir s'en prendre à d'honnêtes personnes ne leur faisait pas vraiment plaisir. Ça donnait l'impression que l'on ne pouvait faire confiance à personne, que n'importe qui pourrait être un traitre. Se retrouver tout seul quand le monde va aussi mal, voir chaque personne autour de nous comme un ennemi potentiel, c'est dur. Que l'on soit du côté du gouvernement ou des Révolutionnaires ne fait aucune différence.
Après avoir échangé avec eux quelques formules de politesse, Nojiko les raccompagna à la porte. Ils s'attardèrent quelques peu, lui posant quelques questions. Pas toutes sur Nami. Ils s'intéressaient aussi à comment elle vivait, assurant qu'ils voulaient simplement l'aider. La jeune femme se sentait touchée par l'attention. Ils faisaient parti de ces rares personnes à avoir rejoint la marine dans l'intention réelle de protéger le peuple. Si seulement c'était le cas de tout le monde. Finalement, ils s'excusèrent de l'avoir retenu aussi tard et prirent congé.
Nojiko attendit qu'ils soient loin avant de prendre son manteau. Elle n'avait que moyennement envie de rester seule chez elle après cette petite fouille. Elle avait besoin de parler à une personne en particulier. Elle s'éloigna rapidement, prenant un chemin de terre qui contourne la plantation de mandarines pour rejoindre une petite falaise qui surplombe la plage. Elle empruntait régulièrement ce chemin quand elle était enfant, un peu moins à l'adolescence. Elle s'y rendait malgré tout chaque semaine, sans faute.
Même si elle avait grandi, elle avait encore besoin de parler à sa mère.
Ils avaient fait une tombe à son nom dans un endroit reculé où les hommes d'Arlong ne vont jamais, afin qu'elle repose en paix. Tout le village avait assisté à son enterrement, et même Nami s'était arrangé pour venir. Toutes les deux, elles allaient ensemble sur la tombe de leur mère adoptive. Néanmoins, la jeune rousse n'est pas venue depuis un moment, et elle ne pourra pas le faire avant longtemps. Ça n'empêchait pas d'autres visites. Quand Nojiko arriva, elle remarqua une silhouette familière devant la tombe de Belmer.
-Gen-san, s'exclame-t-elle.
-Oh Nojiko !
Elle courut pour le rejoindre, n'hésitant pas une seconde avant de lui sauter dans les bras. Le vieil homme était comme un père pour elle, ayant toujours prit soin de Nami et elle en l'absence de Belmer. Ils étaient tous les deux très proches et les deux enfants avaient pensé qu'un jour ils sortiraient ensemble. A cause d'Arlong, ça ne restera à jamais qu'un rêve de petite fille. Ils s'assirent tous les deux par terre devant la tombe, laissant le silence s'installer une minute alors qu'ils rendaient hommage à Belmer.
-Comment ça s'est passé ?
-C'était rapide. Ils sont vites partis.
-On a de la chance. Le fait que Belmer ait vécu ici et qu'elle ait été dans la marine nous préserve de la colère du gouvernement.
Nojiko acquiesça. C'était difficile à croire après autant d'années passées avec Arlong les surveillant et les manipulant. Ils n'arrivaient pas encore à réaliser qu'ils étaient libres et que tout allait bien. Peut-être parce que Nami n'a pas pu revenir près d'eux. C'est comme si tout n'était pas encore terminé. Gen enroula son bras autour des épaules de Nojiko, l'attirant contre lui.
-Je ne suis pas rassuré, avoue-t-il.
-Pourquoi ?
-Je n'aime pas te savoir toute seule. J'ai peur qu'il t'arrive quelque chose.
-Je ne risque rien...
-Je préfèrerai que tu viennes chez moi. Si tu es d'accord.
Avec un sourire rassurant, la jeune femme hocha la tête. Gen se détendit visiblement, content que Nojiko ait accepté. Il sera plus serein de la savoir en sécurité avec lui. Ils restèrent quelques minutes de plus devant la tombe, parlant de choses sans grande importance à Belmer, lui racontant la vie tranquille qu'ils mènent désormais et lui rapportant le peu de nouvelles qu'ils ont de Nami. Puis ils reprirent le chemin de terre pour rejoindre le village, enlacé comme les serré un père et sa fille. Pouvoir compter l'un sur l'autre était important. Ils espéraient que Nami avait avec elle des personnes en qui avoir confiance et qui prendre soin d'elle.
Zeff
Si l'on demandait son avis à Zeff, il dirait que le plus dur pour un parent c'est de ne pas savoir où est son enfant, comment il va et s'il est même vivant. Beaucoup de rumeurs circulent sur différentes personnes qui ont rejoint récemment les Révolutionnaires circulent. Les clients qui viennent au Baratie le mettent au courant de tout, mais il n'y a rien sur Sanji. Il y a bien quelque chose sur un garçon blond qui a causé quelques problèmes dans un train, mais pas de description précise de lui. Zeff avait de plus en plus de mal à supporter de ne pas avoir de nouvelle de son garçon.
Sanji n'avait pas eu une enfance facile, et Zeff était le mieux placé pour le savoir. Il a été persécuté par ses frères, ignoré par sa sœur et son père, et il a perdu sa mère qui était la seule personne à lui témoigner un peu d'amour et d'affection. Il a passé de longs mois dans une cellule avec un casque sur la tête. Seul dans un cachot froid et silencieux, Zeff comprenait pourquoi ce jeune garçon était brisé quand il l'a recueilli chez lui. Il était petit et fragile, agissant comme si à la moindre erreur il allait être renvoyé chez les Vinsmoke. Il avait fallu tellement de temps à Zeff pour gagner sa confiance.
Lui et tous les cuisiniers du Baratie avaient fait de leur mieux pour que Sanji se sente bien dans sa nouvelle maison. Ils s'étaient montrés enthousiaste, ne lui laissant pas seul un instant. Ils voulaient tout lui montrer, tout apprendre de lui et lui prouver qu'ils n'étaient pas ses ennemis. Aucun d'entre eux n'allait lui faire du mal. Zeff leur avait expliqué que Sanji aurait besoin de temps pour comprendre qu'il ne risquait plus rien, qu'il arrive à faire la différence entre ici et son ancienne maison.
Il ne l'avait pas vu grandir. Et aujourd'hui il avait du mal à réaliser qu'il n'était plus avec lui. Du jour au lendemain il s'est retrouvé avec un gamin dans les pattes, et du jour au lendemain la maison était devenue silencieuse. Il ressentait un manque et il ne parvenait pas à le cacher. Les cuisiniers du Baratie avait remarqué sa tristesse et faisaient de son mieux pour lui remonter le morale, bien qu'eux aussi étaient inquiet pour Sanji. Il y avait souvent des disputes ici, mais tous aimaient l'adorable petit blondinet qu'ils avaient vu ce petit garçon timide et réservé devenir ce jeune homme insouciant et sûr de lui qui excellait dans le domaine de la cuisine.
Au début, alors que Sanji n'était partit que depuis quelques jours, il arrivait que certains clients lui demandent où il était passé. Aux habitués, il expliquait qu'il l'avait envoyé dans un lieu sûr, à l'extérieur du territoire, pour les rassurer. Aux autres, qui n'avaient pas besoin de savoir, il leur répondait qu'il ne travaillait plus ici. Il ne voulait rien dire qui pourrait conduire le gouvernement jusqu'à lui. Ou alors, qui pourrait conduire la famille Vinsmoke jusqu'à lui.
Il n'avait jamais reparlé avec Judge Vinsmoke depuis le jour où il est allé chercher Sanji chez lui. Maintenant qu'il est mort, ça ne risque pas de se produire. Quant à ses enfants, il n'avait aucun intérêt à leurs parler. Il voulait marquer une séparation nette entre Sanji et son ancienne famille, et pour cela il devait lui aussi couper tout lien avec eux. De toute façon, il n'avait rien à leur dire de particulier. A dire vrai, il les détestait pour tout le mal qu'ils ont fait à Sanji.
Il savait qu'il devrait arrêter de penser à lui, que ça ne l'aiderait pas. Mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Il le considérait vraiment comme son fils et la séparation était dur. Ils n'avaient pas le choix, c'était pour son bien. Il avait cruellement envie de le voir, d'avoir de ses nouvelles d'une quelconque façon. S'il le pouvait, il appellerait Dragon, ou n'importe lequel de ses hommes pour lui demander si Sanji allait bien. Peut-être qu'il pouvait trouver un moyen de rencontre à nouveau Ivankov. Il était difficile à localiser, réputé pour être partout à la fois, tout en demeurant insaisissable. Ce n'est pas pour rien que le gouvernement le recherchait. Zeff avait eu de la chance de pouvoir le contacter une fois, il ne croyait pas une seule seconde pouvoir le faire à nouveau.
-Chef Zeff !
Le vieil homme sursauta. Il ne s'attendait pas à être tiré de ses pensées si brusquement. Il releva la tête, apercevant Patty à la porte de son bureau. Il était l'un des premiers à l'avoir rejoint pour travailler avec lui. C'était un homme de confiance et l'un de ses plus proches amis. Il le connaissait par cœur et il pouvait dire ce qu'il pensait juste à son expression. A ce moment-là, Zeff pouvait dire que Patty était contrarié par quelque chose.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Quelqu'un veut vous parler. C'est urgent.
-Qui ?
-Si je vous le dis, vous n'irez pas.
Zeff fronça les sourcils, mais accepta quand même de le suivre. Il se rendit dans la grande salle, où sans surprise presque toutes les tables étaient occupées. Patty l'emmena vers un coin plus calme de la pièce, où trois personnes étaient confortablement installées. Avec leurs coupes de cheveux originales aux couleurs voyantes, Zeff n'eut aucun mal à reconnaître la fratrie Vinsmoke et leva les yeux au ciel. Pourquoi diable avaient-ils décidé de venir lui casser les pieds ? Patty lui jeta un regard encourageant et repartit vers les cuisines, laissant Zeff rejoindre seul la table.
-Qu'est-ce qui vous amène ici ?
-On avait des questions à vous poser, déclare Ichiji.
-Dépêchez-vous, je n'ai pas beaucoup de temps à vous accorder.
Ichiji lui sourit, amusé. Apparemment, que Zeff n'ait pas envie de lui parler ou même de le voir ne le gênait pas plus que ça. Son frère Niji semblait plus embêté, fronçant les sourcils et croisant les bras sur son torse. Il ne fit pas de remarque pourtant, laissant son aîné mener la discussion. Yonji quant à lui ne faisait pas attention, regardant autour de lui avec une réelle curiosité. Ichiji lui fit signe de s'assoir mais le vieil homme refusa d'un signe de main. Il n'avait pas l'intention de sympathiser avec eux.
-Dites-moi juste ce pour quoi vous êtes venus.
-Ça risque d'être un peu long.
-Je peux rester debout.
-Comme vous voulez.
Zeff regarda autour s'attendant à voir leur sœur Reiju débouler d'on ne sait où. Peut-être s'était-t-elle rendu aux toilettes en l'attendant. Ichiji remarqua son air interrogatif et l'informa que leur chère sœur aînée n'avait pas daignée faire acte de présence pour le déjeuner. Zeff savait lire entre les lignes. Reiju n'avait pas souhaité avec une conversation avec lui, et sans doute elle n'approuvait pas que ses frères soient venus ici. La discussion risquait d'être déplaisante dans ce cas. Après avoir vérifié qu'aucune oreille indiscrète n'était là, Ichiji ne perdit pas de temps en politesse.
-On sait que vous avez envoyé Sanji chez les Révolutionnaires.
-Et alors ?
-Pourquoi ? Il risque de leur donner les recherches de notre père.
Si Ichiji avait prit la décision de confier ces précieux rapports d'expériences à leur jeune frère, c'était pour éviter que quiconque mette la main dessus. Ce n'était certainement pas pour que Sanji les refile à ce criminel, Monkey D Dragon. C'était un secret qui devait rester au sein de leur famille. Ni les nobles, ni le gouvernement, ni les Révolutionnaires ne doivent disposer de ces recherches. Zeff fronça les sourcils et ne pu s'empêcher de répondre avec un certain agacement dans la voix.
-Sanji ne ferait jamais une chose pareille. Il ne veut pas qu'un autre enfant vive la même chose que lui.
-Et s'il en a parlé à quelqu'un ?
-Je le connais, il ne prendrait pas ce risque.
Ichiji ne paru pas convaincu, mais il n'insista pas. Il ne voulait pas que Zeff s'énerve plus et ne mette fin à la conversation. Ils avaient encore des choses à se dire. Le vieil homme s'assura une nouvelle fois qu'aucun client ne les écoutait. Il ne voulait pas que tout le monde sache qu'il avait envoyé Sanji chez les Révolutionnaires. Ils le sauront quand il aura un avis de recherche à son nom.
-Je l'ai envoyé là-bas pour sa sécurité. Big Mom est à sa recherche.
-C'est vrai qu'elle ne risque pas de le retrouver, acquiesce Yonji.
-Je sais que vous ne vous inquiétez pas de son sort. Mais les recherches de votre père sont en lieu sûr.
Zeff ne connaissait pas leur avis sur les expériences de Judge Vinsmoke, et honnêtement il ne voulait pas le savoir. Ce que pense Sanji de tout cela est tout ce qui compte. Il était d'ailleurs de son avis. Personne ne devait obtenir ces documents. Il y aura forcément d'autres échecs comme Sanji, d'autres expériences ratés qui auront pourtant des sentiments. Des enfants qui naîtront en étant normaux et qui en paieront le prix. Il ne voulait pas voir d'autres gamins traumatisés comme l'a été Sanji.
-J'ai un service à vous demander, reprend Ichiji.
-Je me demande bien ce que je peux faire pour vous.
-C'est trop dangereux pour nous de contacter Sanji alors si vous le voyez... Vous pourriez lui donner ceci de notre part ?
Il sortit de sa poche un objet qu'il tendit à Zeff. Le vieil homme reconnu tout de suite de quoi il s'agissait et il se tendit brusquement. Il n'y connaissait rien à la technologie créée par la famille Vinsmoke, mais Sanji lui avait déjà parlé dans le passé de certaines choses. Plus particulièrement de cet objet que Ichiji avait eu l'audace de lui présenter. Une chose particulière qui appartenait à Sanji mais qu'il n'avait jamais pu tenir entre ses mains. Il repoussa doucement la main d'Ichiji.
-Je pourrai le revoir, mais les chances sont minces et je ne veux pas prendre de risque alors je ne le ferai pas. Et je refuse de lui donner ça.
-C'est important qu'il l'ait.
-Il n'en voudra pas.
-Il pourrai en avoir besoin. Cet objet saura assurer sa sécurité.
-Il ne l'utilisera jamais.
-Insistez.
-Non. Il ne veut pas et je respecterai sa décision. Range-moi ça.
Ichiji paru sincèrement déçu alors qu'il replaçait l'objet dans la poche de sa veste. Niji regardait Zeff avec un air désapprobateur. Yonji alternait entre ses frères et le vieux cuisinier, sans savoir quoi en penser. Ichiji était le seul des trois à croire que Sanji accepterait de récupérer ce qui lui revient. Niji préférait ne pas prendre le risque de trimballer cet objet partout, et encore moins d'attirer l'attention sur eux ou sur Sanji en organisant une rencontre. Yonji, lui, savait que leur frère ne voudrait rien posséder qui le lierait à leur géniteur ou à eux trois. Et il ne pouvait pas le lui reprocher. Zeff passa ses doigts le long de sa moustache en soupirant.
-Je sais que vous pensez aussi à lui. Mais il ne voudra rien qui vienne de vous ou de son père.
-Tu peux essayer de le convaincre. C'est pour son bien.
-Peu importe ce que je dirai, il ne m'écoutera pas. Même moi je ne pourrai pas le faire changer d'avis.
-Je comprends... Merci quand même.
Il se leva avant que Zeff ne puisse dire quoi que ce soit, faisant signe à ses frères d'en faire de même. Niji s'empressa de se mettre debout, attrapant sa veste. Il ne voulait pas s'éterniser plus longtemps ici. Yonji jeta un coup d'œil nerveux à Zeff, comme s'il voulait lui dire quelque chose. Mais finalement il se ravisa et enfila son manteau. Ichiji s'excusa pour le dérangement, promettant qu'ils ne viendraient plus l'importuner ainsi. Ils commencèrent à s'éloigner.
-Ichiji, le rappelle Zeff.
Le rouge se tourna vers lui, un sourcil levé. Il était intrigué que le vieil homme ait encore quelque chose à lui dire Leur présence avait l'air de l'énervé, il ne pensait pas qu'il voudrait les supporter plus longtemps de son plein gré.
-Qu'est-ce qu'il y a ?
-Je voulais savoir si ce n'était pas trop difficile de reprendre la place de ton père.
Il en voulait vraiment aux trois frères pour tout ce qu'ils ont fait à Sanji, mais il n'était pas non plus ignorant. En mourant, Judge a laissé à ses fils, et plus particulièrement à Ichiji, beaucoup de choses à gérer. L'aîné devait s'occuper de son entreprise, de ses ennemis et surtout de protéger les secrets familiaux. Sanji en faisait partie. Ce ne devait pas être évident pour lui et Zeff n'avait pu s'empêcher de lui poser la question. Le jeune homme lui sourit et haussa les épaules.
-Le plus dur, ce sont les mauvais choix que je ne peux pas réparer.
Zeff ne sut quoi répondre, mais de toute façon la sonnerie d'un téléphone vient interrompre l'instant. Ichiji s'excusa pour l'interruption et le salua avant de se diriger dehors, ses deux frères sur les talons. La porte claqua derrière eux au moment où il décrocha, empêchant Zeff de savoir qui était à l'autre bout du fil. La conversation semblait animée, et il vit Yonji lever les yeux au ciel. Sans doute que l'interlocuteur d'Ichiji n'était nul autre que leur tendre grande sœur. Ils avaient presque l'air d'une famille normale, se disputant pour des choses futiles comme le ferait de vrais frères et sœurs.
Patty s'approcha de Zeff, visiblement inquiet. Il demanda à son patron de quoi ils avaient parlé. Il s'inquiétait de ce que Ichiji avait pu lui dire, déclarant qu'il n'hésiterait pas à aller lui régler son compte s'il l'avait menacé. Zeff savait qu'il était surtout curieux de savoir s'il avait obtenu des informations sur Sanji. Lui et Carne regrettait vraiment qu'il ait dû partir. Zeff lui assura qu'ils avaient eu une conversation tout à fait normal et civilisé puis demanda à ne pas être dérangé. Patty acquiesça, laissant Zeff retourner à son bureau et se plonger dans un nouveau souvenir.
C'était il y a quelques mois, mais Zeff avait l'impression que c'était hier. Tout était encore si clair dans sa tête. Il se revoyait assit à la table de la petite cuisine qu'ils avaient dans leur appartement au-dessus du Baratie. Il avait reçu plus tôt dans la journée un appel d'Ichiji et il devait maintenant rapporter à Sanji les paroles de son frère. Il avait dû annoncer lui-même à son petit protégé la mort de son père Judge Vinsmoke. Quand il l'a fait, Sanji est resté très silencieux, ce qui n'a pas manqué de l'inquiéter.
-Ça va Sanji ?
-Qu'est-ce qu'Ichiji t'a demandé d'autre ?
-Sanji...
-Dit-moi. S'il-te-plaît.
Il n'y avait aucune émotion dans sa voix, sur son visage ou dans ses yeux. Sanji semblait parfaitement insensible à la nouvelle, comme si la mort de son géniteur ne l'intéressait pas. Il n'était pas triste, il n'était pas soulagé, il était juste déconnecté de la réalité. Zeff décida de ne pas le forcer, parce que ça n'a jamais marché avec lui. Il se contenta de lui dire qu'Ichiji voulait lui confier discrètement les recherches de leur père, profitant que tout le monde croit Sanji mort pour qu'il les mette en lieu sûr. Si on lui demandait son avis, Zeff dirait que c'est une très mauvaise idée.
-Tu n'es pas obligé de faire ça Sanji.
-Je sais que tu t'inquiètes, mais je vais bien.
-Alors que décides-tu ?
-J'irai à l'enterrement, puis je m'enfuirai chez les Révolutionnaires avec les recherches. C'est le seul moyen que j'ai de ne pas vous mettre en danger.
Zeff secoua la tête, montrant son désaccord, mais il n'essaya pas de le faire changer d'avis. Il savait que même lui ne pourrait pas le convaincre. Quand il avait pour objectif de protéger ceux qu'il aime, Sanji était têtu. Rien ne pouvait le faire reculer, pas même la mort en personne. Le vieil homme avait peur qu'un jour, il ne finisse vraiment par le perdre.
-Tu as l'intention de laisser leur confier les recherches de ton père ?
-Non. Je préfère m'assuré moi-même qu'elles ne seront plus jamais utilisées.
-Je vois.
-Je vais aller me reposer maintenant.
Sanji était partit dans sa chambre sans se presser, comme il l'aurait fait n'importe quel autre soir. Mais Zeff le connaissait mieux que personne, alors il l'a suivi. Il s'est adossé contre la porte, sans faire de bruit, pour écouter ce qu'il se passait à l'intérieur. Il n'eut pas à attendre longtemps, et il sentit son cœur se briser en entendant les sanglots de Sanji. Il était devenu fort et courageux, n'hésitant pas à se lancer dans une bagarre. Il semblait n'avoir peur de rien, mais quand Zeff le regardait, il revoyait encore ce petit garçon timide et effrayé qui vivait constamment avec l'impression d'être inutile, de ne pas avoir sa place. Judge Vinsmoke lui a fait du mal, beaucoup trop. Tout l'amour de Zeff n'était pas suffisant pour effacer cette erreur. Ichiji savait que lui non plus ne pourrait rien changer à ça. Et pourtant, au plus profond de lui, Zeff savait que, malgré tout ce qu'il lui a fait, Sanji aimait encore son père biologique.
Tout ce qu'il rêvait d'avoir, il ne pourra jamais l'obtenir.
Enfant, il était arrivé à Sanji de se confier à lui à propos de Judge. Une seule fois. Il lui avait parlé de tous les efforts qu'il a fait pour être apprécié par son père. Il lui a parlé de tous les reproches qu'on lui faisait continuellement. Il lui a parlé de tout ce qu'il subissait à longueur de journée sans jamais broncher. Il lui a avoué avoir tout supporter pour que son père voit qu'il était fort. Il savait qu'il était dangereux pour sa famille car les nobles en avaient après lui. Ils voulaient l'utiliser pour faire tomber les Vinsmoke.
-Si je prouve à père que je suis capable de leur résister, alors peut-être qu'il m'aimera.
C'est avec ce genre de pensée qu'il a grandi. Il a vu ses frères et sa sœur recevoir de l'amour et des félicitations qu'il ne pouvait pas rêver avoir un jour. Il voulait avoir ce genre d'attention. Il voulait que son père l'encourage et l'aide à progresser. Il voulait qu'il le prenne dans ses bras comme il le faisait avec les autres. Mais il ne faisait qu'être puni, repoussé et insulté. Un enfant avait besoin d'amour pour se développer, mais Sanji a été obligé de grandir sans cela.
-Tu ne devrais pas faire ça pour que ton père t'aime, lui avait dit Zeff.
-C'est important pour père.
-Mais ce n'est pas bon pour toi.
-Ce n'est pas grave. Je voulais le rendre heureux.
Zeff s'est efforcé de changer les choses dans l'esprit de Sanji. Il lui faisait des câlins quand il avait peur, le réconfortait quand il se blessait, ne lui criait dessus que lorsque c'était nécessaire, sans jamais oublier de lui dire qu'il faisait ça parce qu'il l'aimait. Il n'était pas doué avec les autres alors parfois il se contentait de lui tapoter la tête. Ça ne valait pas les attentions de Judge, mais c'était le mieux qu'il puisse faire. Au moins, Sanji était content de ça.
Parfois, Zeff lui demandait s'il voulait retourner dans sa famille, et Sanji répondait toujours qu'il était mieux ici avec lui. Il aurait pu être heureux que le petit garçon ait comprit que l'environnement dans lequel il a évolué jusqu'à présent était mauvais pour lui, mais Zeff savait que ce n'était pas le cas. Si Sanji disait ça, c'est parce qu'il pensait qu'il était un boulet, qu'il n'apportait que des problèmes à sa famille et que s'il était ici c'était pour le bien des autres et non son propre bien.
Il ne saurait dire s'il le pensait encore aujourd'hui, mais il espérait que non.
En grandissant, Sanji ne pleurait plus, et il ne parlait plus de sa famille. Il agissait comme s'il n'avait toujours connu que le Baratie. Il ne cherchait plus de l'affection, bien que Zeff continuait de lui en donner régulièrement. Ils se disputaient plus souvent, normal avec un adolescent. Mais Zeff voyait bien que Sanji l'aimait et tenait à lui. C'est aussi pour ça qu'il est parti chez les Révolutionnaires. Il disait que son destin était lié à toute cette histoire de guerre, et qu'un jour il serait plongé dedans. Il ne voulait pas les entraîner avec lui, alors il a préféré partir. La mort de son père n'a été que l'élément déclencheur de cette décision.
Le voir partir a été la chose la plus douloureuse que Zeff ait vécu de toute sa vie. Voir son fils renoncer à la liberté, à la sécurité, à ses proches ; ça lui faisait mal. Il lui avait demandé ce qu'il faisait de « All Blue », et Sanji lui a répondu que certains rêves ne pouvaient pas être réalisés. Que son fils ait abandonné ses rêves pour sauver ce monde pourri dans lequel ils vivaient faisait perdre au vieil homme tout espoir en l'humanité. Il avait le sentiment que la vie de Sanji était définitivement gâché, malgré tout ses efforts pour lui en offrir une qui vaille le coup.
Il ne pouvait qu'espérer que, où qu'il soit, son fils allait bien.
A suivre
Petit chapitre un peu spéciale, comme je vous l'avait dit la dernière fois. Je trouvais important de montrer aussi ce que ressentent les familles pendant la guerre. J'ai aimé développer leurs sentiments. J'ai vu Garp dans vos propositions pour les quatre personnages du chapitre, ainsi que les Vinsmoke (il me semble). Bravo à ceux qui avaient trouvé ! Je n'ai pas pu m'empêcher de donner une meilleure vision des Vinsmoke dans ce chapitre.
On reprend le cours normal de l'histoire dans le prochain chapitre. Je vous réserve encore un peu de Kid X Law, un moment intense et surtout, vous saurez quelle mission Luffy a décidé de faire. Préparez-vous, car ce n'est que le début de ce que je vous prépare...
A bientôt pour le chapitre 23 !
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