Prologue
Élémenta
Télékinésie
Télépathie
« Tous les chemins mènent à Rome » disaient les Humains.
Vivre après eux, même en tant qu'Élémentaliste est une chose étrange. Nous avons incontestablement ce qu'ils nous ont involontairement laissé. Nous sommes leurs descendants. On ne peut nier leur existence et leur héritage. Un sentiment de malaise naît des restes de leur passage sur Terre.
Les cataclysmes ont été tels qu'il reste autant de leurs traces, que de choses disparues. Le feu a brûlé la faune et la flore. L'eau a submergé des continents et ses technologies. Les siècles ont mangé les langues et les traditions.
Les Évolués ont dû accepter ce cadeau de vie, tout comme le fardeau de responsabilités qui allait avec. Le passé appartient au passé comme on dit.
Et l'imminence de notre arrivée est elle bien présente.
Notre destination se trouvait droit devant nous. Littéralement. L'humidité de l'air me criait que la pluie venait. Je voulais sentir les gouttes sur mon corps. Les Élémentalistes à l'instar des Renégats et des Évolués mangeaient de la nourriture. Mais en très petite quantité. Notre vraie source d'énergie provenait des Éléments. Ils étaient nous, et nous étions eux. Très poétique dit comme ça, certes. Il s'agissait d'un point de vue pratique de nous lier aux Éléments régulièrement.
L'École où nous avions rendez-vous se trouvait au centre d'une place en forme d'étoile. Nous marchions sur une des cinq avenues qui y menaient. Au sol, de discrètes lentilles projetaient des images en relief d'arbres faméliques. Pour des yeux non aguerris, il était dur de distinguer une végétation holographique, d'une vraie. Passer la main dans les illusions était un bon moyen de déceler le vrai du faux, pour commencer. Ensuite, la nature n'avait pas tendance à placer tous ses arbres à exactement trois mètres les uns des autres. Les vraies plantes de notre temps jaillissaient à des endroits aléatoires.
La pluie. Enfin. Des récupérateurs d'eau se détachèrent des Structures que nous longions. Comme si chacune se munissait d'une dizaine de tubas pour respirer sous cette eau.
« Rien ne se perd, tout se transforme ». Le gaspillage était puni et chaque ressource soigneusement récoltée et redistribuée avec parcimonie.
Je sentais les gouttes toucher mon cuir chevelu. Mes cheveux bruns qui cascadaient jusqu'à mes coudes n'allaient pas tarder à devenir noirs.
J'allais imiter mon frère qui marchait si je ne voulais pas ressembler à un chien mouillé.
Curieux comme certains mots étaient restés, alors que leur équivalent réel, non. Le mot sonnait si bien. Mais c'est tout ce qu'il en restait : un mot prononcé sûrement différemment à l'époque des Humains.
Les Humains en disparaissant avait tant emporté avec eux. Le mal qu'ils avaient fait leur avait survécu. Ils avaient été un vecteur de vie. Mais trop d'abus avait poussé la nature à se rebeller. Sans être pleinement destructrice pour autant. Elle nous avait laissé une ultime chance. Ou bien était-ce un avertissement.
A l'horizon se tassaient de lourds nuages gris. Un coup de tonnerre gronda, comme si le ciel grognait pour exprimer son mécontentement. Un éclair apparut au loin, me forçant à plisser les yeux. Contre quoi n'était-il pas d'accord ?
Je savais qu'en m'arrêtant mon frère le sentirait. C'est donc sans surprise qu'il se retourna. Je regardais toujours le ciel, mais je devinais son sourire bienveillant.
Elendil était mon frère jumeau. Une relation symbiotique nous unissait. J'anticipais ses réactions mieux que je ne comprenais les miennes ! Il était aussi mon parfait opposé, plus vivant que la vie elle-même.
Allions-nous vraiment faire ça pour la troisième fois ?
- Regretter c'est souffrir deux fois !
Son ton naturellement guilleret se ressentait, tout le temps. Y compris par esprit. Nier ne servait à rien.
- Ton insouciance me fatigue. Laisse-moi enfiler un sourire qu'on soit assorti.
Il fit la moue. Mes lèvres s'incurvèrent toutes seules. Il détestait cette langue.
Les Élémentalistes parlaient l'élémenta. Une langue comprise par eux-seuls mais reconnaissable parmi toutes. Pour une raison très simple.
La xénophobie des Évolués n'avait d'égal que notre sectarisme. Aussi, jusqu'à mes dix-huit ans je n'avais pu voir aucun autre Territoire, ni apprendre aucune langue des sept existantes.
Croyez-moi, je me suis bien rattrapée.
Et selon moi, l'A.D, langue parlée sur le Territoire de l'A.E, était de loin la plus belle langue, après l'élémenta.
L'extinction de la race Humaine avait réduit considérablement les continents. Dorénavant, il existait sept Territoires, se rapprochant plus de grandes villes, que de pays.
Pour les portions de terres qu'il restait, nous étions beaucoup. Le dernier recensement faisait état de plus de deux milliards d'individus.
Sur chaque Territoire, se parlait une langue différente. Sept langues en tout et pour tout. Plus l'élémenta.
Les langues étaient issues de mélanges entre les pays fusionnés. Par exemple, des pays que les Humains appelaient Italie et Espagne n'étaient plus, et avaient été couplés avec un troisième. Ils formaient à présent le Territoire F.E (FrancE). La langue F.S, chantante et rythmée, correspondait à un assemblage des trois. L'A.G, une langue plus rugueuse, à consonance scandinave, tient son nom de l'AnGlais. Ces deux Territoires avaient été nos précédentes escales.
Je pense que la volonté de se créer leur propre culture était importante pour les Évolués, d'où l'abolition des anciennes langues.
La paix semblait loin et proche à la fois. Chaque Territoire était sous la présidence d'un Édile.
Lors de l'apparition de ces « pouvoirs surnaturels » les polices de ce temps avaient tenté de faire face. Le concept d'Êtres Humains étant devenu obsolète, les lois avaient perdu tout leur sens.
Un consensus, qui surprend encore aujourd'hui quand on se fie à l'Histoire, a vu le jour. Un traité, interdisant la fabrication d'armements de destruction massive, avait été signé par tous les Territoires.
La Milice devait faire régner l'ordre, canaliser les Capacités et s'assurer que personne ne recherche les technologies perdues.
La surpopulation et l'économie des ressources étaient donc, comme vous l'aurez compris deux des grandes priorités de cette ère. Des règles étaient en place : les familles de plus de cinq membres étaient nourries avec un rationnement valable pour cinq personnes, quel que soit leur nombre réel, les remariages étaient interdits, chaque Évolué pouvait voyager autant qu'il le souhaitait entre les Territoires, mais ne devait, sous aucun prétexte, s'accoupler avec les personnes originaires d'un autre Territoire : les Capacités ne doivent surtout pas muter et le nombre d'individus doit rester contrôlé.
Venons-en à notre but. Depuis la mort de nos parents, il était simple : occire les Renégats et aider les Évolués.
Louable me direz-vous. Attendez de nous connaître. Il n'y a rien de tel qu'une mauvaise conscience pour pousser à la philanthropie. Seul un monstre peut tuer un autre monstre.
Les Renégats sont fondamentalement des Élémentalistes. Les Évolués ne font d'ailleurs pas la distinction.
Les Renégats. Leur nom est assez parlant pour ne pas à avoir besoin d'être explicité. Notre haine immémoriale était aussi tenace, que réciproque. Le terme de « guerre », lui-même, était devenu erroné. La guerre était devenue permanente.
Seuls les Élémentalistes et les Renégats connaissaient notre visage. Notre nom était lui, connu de tous. Chaque individu sur cette planète avait entendu parler de nous. Les enfants Évolués avaient grandi en écoutant nos légendes. Les jumeaux Narmolanya, les deux Êtres les plus puissants au monde.
Deux illustres inconnus, comme disait mon frère. Une Reine sans visage n'a aucun pouvoir. Ici, je n'étais pas souveraine.
La réalité me frappa d'autant plus, que nous étions arrivés à destination. Une grande Structure grise, constituée majoritairement de baies vitrées, se dressait devant nous. Notre lieu d'études pour les six prochains mois.
Avant de passer les portes ruisselantes de pluie de cette École, je mis mon Collier autour du cou. Je haïssais cette invention, pourtant nécessaire. Les Humains et les Évolués avaient travaillé ensemble, tout du moins, au début. Ils avaient souhaité contenir les Capacités.
Ils y étaient arrivés.
Synthèse de certains métaux. Maintien de ces derniers à l'état liquide grâce à la fusion. Ils avaient modelé de petites boules sphériques, qu'ils avaient ensuite enchaînées les unes aux autres. Ainsi avaient été créés les Colliers que l'on connaît aujourd'hui.
Pour faire simple vous pouviez émettre, mais pas recevoir. Le mettre était comme de se coucher dans un lit trop bordé. On pouvait se laisser bercer par le sommeil, mais on ressentait quelque chose de désagréable. Comme une étreinte non voulue.
Et c'est ainsi, que débuta une nouvelle partie de notre vie. Si j'avais su comment ça allait se passer, peut-être aurais-je agi différemment ?
Peut-être pas après tout.
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