Chap. 2
Élémenta
Télékinésie
Télépathie
- Tinuviel – Saison 1, Mois 4 – J-150
Récapitulons.
Pour l'instant, c'était assez simple. Nous étions deux étudiants F.S venus pour un E.E.E qui devait se terminer à la moitié de la Saison 2, dans l'École de la Capitale d'A.E. Quand les mensonges se comptent sur les doigts d'une main, on s'y retrouve facilement.
Mais si vous regardez attentivement le nombre de jours qu'il nous restait, vous savez que nous ne tiendrons pas jusque-là.
Nous avions pris dans nos sacs, des vêtements de rechange pour pallier le problème engendré par le feu.
La création de nos profils avait été bien plus rapide que prévue, et nous pouvions commencer dès aujourd'hui. Le nom Narmolanya aidait grandement.
Les étudiants avaient eu tout le loisir de nous détailler tout à l'heure. Notre tour.
Aucun Évolué ne se ressemblait. Si bien qu'aussi interminable soit-il, ce couloir ne viendrait pas à bout de ma curiosité. Les archives concernant le fardage à l'époque des Humains sont très maigres.
Les artifices aujourd'hui était la norme. Un gros avantage pour nous. Les quelques différences physiques se justifiaient facilement.
Deux étudiants adossés au mur portaient des lunettes. Je dois admettre que j'enviais leur insouciance et leur problématique de vie, si cette dernière se résumait à quel accessoire factice choisir.
Contrairement aux Humains, les maladies ne nous atteignaient pratiquement plus. L'Évolution avait endurci nos corps. Nous en revenions à la surpopulation.
Et réussir à se sentir seuls, avec autant de monde autour n'était pas donné à tout le monde.
Les Évolués atteignaient tous les cent ans. Et nous ? Mes parents se plaisaient à répéter qu'un siècle dans la vie d'un Élémentaliste, n'était rien d'autre qu'un battement de cils.
Le Humains s'étaient trompés. Nous n'avions pas de membres bioniques. Rien de corporellement robotique non plus. Juste d'inutiles lunettes comme accessoires.
Nous avions un système enseignement sûrement proche du leur. Le nôtre était adapté aux Capacités. L'École apprenait les bases scolastiques, l'Histoire qui n'avait pas été perdue, autrement dit, pas grand-chose, et le contrôle des Capacités.
Il existait au moins quatre Écoles par lesquelles vous passiez obligatoirement :
- de vos deux ans à six ans,
- de vos sept ans à dix ans,
- de vos onze ans à seize ans,
- de vos dix-sept à dix-neuf.
La dernière, facultative, réunissait les individus de vingt ans à vingt-quatre ans. Nous étions dans cette École-ci.
Selon nos Bracelets, nous étions dans notre dernière année d'études permise, cela nous faisait vingt-quatre ans Évolués. Et en réalité ? L'âge Élémentaliste ne se demande pas.
Après quelques virages dans ces allées élégantes, les lèvres de mon frère bougeaient sans bruit, comme pour apprendre le refrain d'une mélodie par cœur.
- Dis-les à voix haute pour voir.
Je n'avais pas parlé assez fort pour que quelqu'un m'entende. Il me regarda comme s'il venait de mordre dans un citron :
- Ne compte pas sur moi. Je n'emploierai l'A.D que pour le strict nécessaire.
Je savourais ses dernières notes de notre langue maternelle avant de devoir la laisser de côté pour plusieurs heures. L'élémenta était sûrement la langue la plus prégnante des huit.
Plus difficile que de choisir nos prénoms bi annuels, j'avais longtemps buté sur l'emplacement des apostrophes.
Les Évolués, en plus du progrès de l'expérience de vie avaient dû faire face à une explosion de la fécondité. Plus d'individus. Qui vivent plus longtemps. Les noms et prénoms avaient fini par se ressembler. Pour éviter consanguinité et homonymie, avait été mis en place un système d'apostrophes. Chaque femme d'une même famille devait posséder l'apostrophe au même endroit. Idem pour les hommes.
Les noms de famille, eux, étaient composés des initiales des deux parents et de leurs années de naissance.
La sonnerie retentit. Un vrai ballet d'élèves entrant et sortant de salles débuta. Cette École comptait mille quatre cents élèves. Les couleurs épurées et la simplicité des espaces communs contrastaient avec les regards colorés, les chevelures multicolores et les silhouettes hétéroclites.
De nos jours exit la neutralité, et hourra à l'extravagance.
La salle de notre premier cours était enfin vide. L'heure avait sonné. Le stress est réputé pour brouiller les sens. Entendre devient complexe, comme si nous étions très loin dans l'eau. Au contraire, en milieu inconnu, mon esprit à moi se réveillait dans toute son intensité. Trois cents places. Deux entrées réservées aux étudiants, une sur le côté de l'estrade dédiée au professeur. Et une seule grande fenêtre carrée au plafond qui ne semblait pas pouvoir s'ouvrir.
Très rapidement, d'autres élèves prirent place.
Nous avions choisi des places assez proches de l'estrade pour être éloignés des futurs bavards du fond, mais suffisamment reculées aussi, pour ne pas être sollicités par le professeur en tant que nouveaux. Deux chances sur trois cents. Nous devrions être tranquilles.
Sauf que non. Évidemment.
L'inattendu, à son habitude, ne vint pas par là où l'attendait.
Une main se dirigeait vers moi. Elendil n'était pas concerné. Il respirait la tranquillité, autant que la curiosité, quant à ce qui allait suivre.
J'étais dos à l'Évoluée qui avait manifestement décidé d'entrer en communication avec moi. Je savais que c'était une fille. La main que je sentais arriver sans la voir, était bien trop frêle et petite.
A la dernière seconde mon frère prit la tablette que j'avais entre les doigts. Je trouvai ses gestes étonnamment naturels malgré l'urgence de la situation. Dans ma comédie, je ne pouvais pas casser ma tablette. Elle, pouvait bien sûr se briser. Moi, en revanche, je ne pouvais pas m'en racheter. Chaque objet, coûteux en ressources, cassé, entraînait une sanction sous forme de Crédits.
Bref, j'avais champ libre pour feindre l'étonnement.
Main sur mon épaule :
- Excuse-moi, vrais cheveux ou Injection ?
La surprise engendrée par la découverte de ce visage n'avait rien de simulée. Mon cerveau prit la décision d'enregistrer pour toujours le visage de cette Évoluée. Cela allait constituer ma première erreur.
Une fille boulote, dont les cheveux, bouclés et châtains, venaient parfaitement encadrer une mine enfantine. Ses yeux marron, presque orange n'étaient pas d'une taille démesurée ou dotés de cils d'une longueur indécente. Mais la complexité de leur couleur les rendait hypnotisants.
Sa question faisait référence aux Injections et à la difficulté de déterminer ce qui reste de corporellement naturel chez quelqu'un. Les scientifiques étaient capables de modifier notre apparence physique de manière temporaire. Ainsi, une petite Injection et hop, on se retrouvait avec des sourcils verts et une langue bleue.
Du mauvais goût, avec un zeste de kitsch.
- Oui ce sont les miens.
Ma voix avait eu quelque chose de mécanique, alors que ses yeux pétillaient à mesure qu'elle touchait, mèche par mèche, mes cheveux attachés.
Chez moi, les relations étaient régies par des règles plus complexes. J'avais depuis longtemps appris que chez Évolués, quelques secondes suffisaient pour qu'un contact physique s'établisse.
- Tu ne viens pas d'A.E ?
- On vient d'arriver, on est F.S, en E.E.E jusqu'au mois 4.
Après quelques allers retours du regard, entre mon frère et moi, elle me glissa à l'oreille :
- Tu dis « on », tu veux dire que tu es avec l'Apollon à côté ?
Le Dieu mythologique à ma droite tapotait un rythme sur la table avec ses longs doigts fins. Ce n'est qu'en abandonnant une part de soi à la musique, que les sons deviennent vivants. S'il voulait le rester, il devait faire plus attention.
Mon genou heurta le sien. Il utilisait sa main droite.
Bien qu'elle ait chuchoté, l'ouïe d'Elendil lui avait permis d'entendre sa question. Je le sentis esquisser un sourire, à peine perceptible.
- Non, pas du tout c'est mon frère.
Son visage s'illumina :
- Il y a quelqu'un à côté de toi ?
- Seulement sa mauvaise humeur. Répondit mon frère qui avait rapidement brisé son vœu de silence.
Le temps d'une respiration semblait lui suffire pour pianoter un message ET escalader la table pour rejoindre notre rang :
- Moi c'est au fait ! Mon parangon de féminité est en retard, mais elle est prévenue. D'ailleurs, je peux ?
De quoi parlait-elle donc ? Quelque chose était en retard, ça c'est bon j'avais saisi. Mais le lien avec son désir d'échanger nos coordonnées m'échappait. Grâce au Bracelet, un semble contact dermique suffisait.
Elendil hésita beaucoup moins que moi. Refuser aussi brusquement, éveillerait plus de méfiance. Face ouverte, nous tendîmes nos bras.
Son amie arriva. Pas si en retard que ça finalement. Une jeune femme plutôt grande, du nom d'Adel'heid. Les Injections lui procuraient des cheveux d'un argent si étincelant, que je frôlais l'hémorragie rétinienne quand je m'aventurais à la regarder.
Très amies, elles n'avaient besoin de personne pour alimenter leur conversation. Jusqu'à ce que :
- On ne vous entend pas beaucoup. M'eta a manqué à tous ses devoirs en oubliant de nous présenter. Adel'heid I86K50.
Elle se pencha vers mon frère. Drôle de proximité corporelle pour s'enquérir d'un simple prénom.
M'eta s'inclina à son tour :
- Si tu étais arrivée à temps, nous aurions eu tout le temps d'échanger prénoms et banalités. Avant de lui répondre, demandez-vous si vous voulez donner votre identité à une fille dont les parents ont presque quarante ans d'écart. C'est peut-être une tueuse en série.
- Tu as eu l'air de ne pas en tenir compte toi M'eta. Je vais te faire confiance. Si elle nous tue, tu l'auras sur la confiance.
- Conscience.
- Moi c'est P'aul V87A87. Le correcteur automatique, c'est E'milie, ma sœur.
Au moins, aurai-je eu le droit à nos prénoms F.E prononcés par mon frère avant la fin de la matinée. Avais-je fait exprès de ne pas répondre plus tôt ? Peut-être.
Pleines de vie, et pipelettes étaient les expressions qui caractérisaient le mieux ces deux filles. Exactement l'image que je m'étais forgée des étudiantes Évoluées au fil des années.
Leur apparente popularité nous aidera à un moment, j'en étais sûre. Plutôt que d'être à l'affût de tous les conciliabules suspects, j'espérais que consciemment, ou non, elles nous apporteraient des informations sur de potentiels Roches et Anti-Élémentalistes.
L'heure du repas ne tarda pas à sonner.
Rappelez-vous. Les animaux n'ont jamais existé pour nous. Alors l'alimentation se faisait sans. La Distribution de Ressources à l'École (DRE) était simple : une machine scannait nos Bracelets pour voir la quantité journalière déjà distribuée de céréales et féculents, fruits et légumes. Aucune assiette ne ressemblait à une autre qui dépendait chacune de nos Crédits et du rationnement.
La nourriture représentait une belle économie de Crédits pour nous.
Être un Élémentaliste présentait des avantages, qui, auprès des Évolués, se transformaient en inconvénients. Un repas journalier nous suffisait amplement. Mourir par inanition était presque impossible.
Il fallait donc la jouer fine et organiser notre alimentation, méthodiquement. Refuser d'échanger nos coordonnées semblerait aussi curieux que de ne jamais manger.
J'avais beau me forcer à m'alimenter, des regards se posaient sur nous à outrance. Ils allaient de la haine à la jalousie. Même en faisant des efforts, l'Élémentalisme ne se cachait pas facilement. Notre beauté était un don permanent de la nature et non quelque chose qu'une Injection temporaire permettait.
Question admiration, Adel'heid ne se défendait pas mal non plus. Son visage, délicatement ciselé et auréolé de boucles argentées, ne manquait pas d'attirer l'attention. Ou était-ce son décolleté ? Je vous assure. Je me posais vraiment la question.
La pause à la DRE touchait à sa fin. Adel'heid, ses hormones et un Évolué s'éclipsèrent. Le cours suivant promettait pourtant d'être intéressant : connaissance et maîtrise des Capacités.
L'École 5 était facultative. Mais tous ces cours étaient obligatoires. Allez comprendre la logique ? Celui que nous allions suivre était le plus important. L'enseignement des Capacités dès le plus jeune âge évitait tout refoulement, ou peur, à l'égard de ces performances hors du commun.
Et, puis cela permettait de répertorier les niveaux de Capacités, tout en évitant de tomber dans une apocalypse où chacun réglait ses propres comptes.
Les espaces dédiés à l'entrainement des Capacités comportaient une succession de petits éléments disposés de part et d'autre. Objets qui, selon les exercices demandés par le professeur, prenaient plus ou moins vie. Ces derniers avaient été eux-mêmes créés par les étudiants lors du cours de MTD (Modélisme Tri-Dimensionnel).
Les parois de ces murs permettaient aux Évolués d'utiliser leurs Capacités. Contrairement au reste du bâtiment, conçu dans le même matériau que les Colliers.
Perdue dans mes réflexions, mon regard atterrit sur les écrans incrustés aux murs, qui diffusaient toutes sortes d'informations.
Une publicité, destinée à la culture générale des plus petits, était diffusée. Elle montrait, en comptine, une frise chronologique. Humains, Élémentalistes et Évolués se tenaient les mains et dansaient en ronde.
Si seulement.
L'Histoire a prouvé que les Terriens étaient difficilement disposés à partager le monde.
La mutation des Espèces prend des millions d'années habituellement. Mais pour les Élémentalistes et les Évolués ça n'aura pas pris autant de temps.
Un bond de géant avait été fait. Sans que personne ne l'ait vu venir. La troisième Guerre Mondiale s'était achevée. Les vainqueurs pensaient être victorieux. Mais les produits chimiques utilisés avaient modifié leur génome.
Et le changement ne s'était pas fait en douceur. La courte période où Humains et Évolués ont cohabité se résume aux mots holocauste et destruction. Quand une espèce se sait sur le déclin, elle fait tout pour survivre. Mais quand une espèce doit lutter pour ne pas disparaître aussitôt apparue, elle se bat aussi.
Le terme de guerre ne serait pas approprié. Car il sous-entend que les deux parties ont des chances égales de gagner. Face à des gens dotés de pouvoirs, même un savoir vieux de plusieurs siècles n'aura pas suffi.
Un flash informations passa. Malheureusement, aucun meurtrier ou hors la loi à arrêter. Je chercherai par moi-même après l'École.
Un rappel de la vie actuelle apparut. Comme si c'était nécessaire.
- Télékinésie : art de manipuler la matière par la pensée. A un niveau plus élevé, la téléportation se révèle possible (Borne 5).
- Télépathie : art du contrôle de l'esprit, par la pensée.
- Capacité : transmission héréditaire. Chaque nouveau-né arrive au monde avec la Capacité de son parent ayant la Borne la plus élevée. En cas de deux Bornes égales, l'enfant peut naître avec deux Capacités.
- Borne : à la naissance d'un Évolué sa Borne est de 1. La borne la plus élevée atteinte aujourd'hui par un adulte étant de 5,2. Aucune discrimination ne doit être pratiquée envers un Évolué en raison de sa Borne. La Borne mondiale moyenne est aujourd'hui de 4,2.
- Test sanguin : à ce jour, seuls les tests sanguins révèlent la borne d'un individu ou sa Race. Ces deux informations, ainsi que l'identité d'un individu, doivent être consignées dans son Bracelet.
- Élémentalistes : Race en voie d'extinction, antérieure aux Évolués dont la Borne peut atteindre les 8,5. A l'heure actuelle, seules les Roches permettent de...
La voix de M'eta me tira de mon visionnage :
- Tu sais. Ma mère pense que tout Évolué possède les deux Capacités. Tout est question de contrôle. Esprit ou matière, mais contrôle quand même. Chacun développe des préférences, mais devrait être capable de tout faire !
- Pour illustrer cette théorie, vous possédez les deux Capacités sans que ce soit héréditaire ?
Elle ouvrit la bouche mais la referma.
Vous connaissez la sensation d'être plein de silences qui crient au fond de nous ? Non ? Tant mieux. J'espère que vous ne la connaîtrait jamais.
- Grande-sœur, essaye d'être gentille. Ou ta version de gentille. Gronda Elendil. Et toi M'eta, tu es quoi ?
Les secrets ne sont pas gratuits. Ils ont un prix. C'était valable hier, et ça l'est aujourd'hui. Je n'avais pas cherché à être méchante. J'avais répondu.
- Moi je suis télépathe, Borne 4,4.
La fierté ressortait quand elle donna ses chiffres. Elle était de 0.2 au-dessus de la moyenne :
- Et vous, télek' ou télépathe ?
- « Télek », Borne 4,3. Répondit Elendil en copiant son abréviation.
Sur ces entrefaites entra la professeure, une petite dame aussi grande que large. Une peau très pâle, qui malgré ses bonnes joues, ne lui donnait pas bonne mine. Ses cheveux étaient tressés en une longue natte grise parsemée de mèches mauves. Elle tenait une tablette :
- Bonjour à tous. Lança-t-elle d'une voix forte et claire. Nous accueillons aujourd'hui deux nouveaux élèves, ici pour un E.E.E ...
La recherche de nos noms fut longue et gênante, autant pour elle que pour nous.
- E'milie et P'aul V87A87. Nous aurons donc seulement deux paires jumeaux en une seule classe !
Tandis que les regards se tournaient vers nous, j'avais comme souvent, l'impression que seuls ces faux noms nous reliaient à cette réalité.
Maintenant que vous avezcompris dans quel monde je vis, tenez-vous prêts parce que l'histoire commence.
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