PDV LUXIA:

- Allô, papa ? C'est Luxia.

- Oui, ma fille ? Que ce passe-t-il?

- Eh bien... j'ai raté le bus et je voulais savoir si tu voulais bien me ramener à la maison...

- Sérieusement? La première semaine de cours ? Comment tu as fait ?

- Euh... J.. j'ai mis un peu trop de temps à ramasser mes affaires, et j'ai ensuite tout fait tomber, et voilà quoi...

Mensonge n°1 de Luxia Shirushi. Le deuxième jour de cours. Parfait.

- Eh bien, tu es sacrément lente ma fille, je ne te savais pas comme ça...

- Oui... donc, du coup ? Tu peux venir ?

- Bien sûr, mais je suis encore au travail ; je mettrai un peu de temps.

- Pas grave ! Merci ! Bonne soirée, à toute à l'heure !

- À toute à l'heure, bisous ma fille.

Je raccrochai, puis tends l'appareil à Marc. A ma grande surprise, il le range dans son sac sans plus de cérémonie.

- Mais... Tu n'appelles pas tes parents ?

- Non, grogne-t-il, ma mère travaille et mon père est trop occupé à autre chose. En tout cas, le résultat est que je rentre à pied.

Il commence à s'éloigner, le sac sur une épaule, style "bad boy solitaire", et, je ne sais pas pourquoi, cela me touche tellement que je lui crie :

- Si tu veux, mon père peut te ramener !  Il a tout son temps !

Il se retourne, et je lis la surprise  dans son regard. La même qu'il doit voir dans mes yeux.

Mais enfin Luxia, qu'est-ce qui t'a pris? Tu ne l'aime pas ! Ce n'est ni ton ami ni ton petit copain NI MEME UN POTE, qu'est-ce que tu fous ?!

PDV MARC :

- Si tu veux, mon père peut te ramener !  Il a tout son temps !

Je me retourne, extrêmement surpris. Je croyais qu'elle me détestait ! Visiblement non... D'ailleurs, qu'elle soit si gentille avec moi me réchauffe le coeur, plus que cela n'aurait dû... J'ai l'impression qu'elle me comprend... Mais c'est absurde ! Personne ne peut me comprendre ! Surtout pas elle !

- Euh, eh bien, si tu veux... je lui réponds.

Je suis le premier surpris par ma réponse.

MAIS MAAARC !!! QU'EST-CE QUE TU FOUS ?!! C'ÉTAIT PAS ÇA QU'IL FALLAIT LUI RÉPONDRE! FALLAIT LUI DIRE NON !!!! me hurle une voix intérieure.

Mais c'était trop tard. Et puis... je n'avais pas envie de faire tout ce chemin seul...

Luxia me sourit timidement, en rougissant.

- Alors, qu'attends-tu? Viens ici, on va attendre ensemble !

Je la rejoins, en laissant tout de même un mètre d'écart entre nous. On ne sait jamais... et puis, cette attirance que j'ai pour elle ne devrait pas exister d'abord.

Nan mais oh.

Un intense silence s'installe entre nous. Aucun de nous ne sait que dire.

Puis, au bout d'une éternité ou deux, je décide d'ouvrir la bouche.

- Qu'est-ce qui t'est arrivé ? Dis-je en désignant ses cheveux encore humides malgré la température assez élevée.

- Oh, ça... un rendez vous dangereux, on va dire. Les toilettes sont un danger public pour moi.

Je devine ce qu'il s'est passé immédiatement. J'ai connu ça aussi, les shampooings dans les toilettes. Une humiliation quotidienne, un plaisir pour les bourreaux, un dégoût pour soi même et le monde entier pour la malheureuse personne qui se prend les foudres des autres.

- Et... ça va ? je lui demande. Pas trop.. salie ?

- Ne t'inquiète pas, j'ai l'habitude, me répond-elle en souriant. Dans mes plus lointains souvenirs ça a toujours été comme ça.

- Et ta mère ? Pas trop secouée après... ce qu'il s'est passé?

- Tu veux dire... quand elle est morte ?

- Je ne voulais pas le dire aussi... explicitement mais.. oui.

- J'ai eu beaucoup de mal à m'en remettre et pour ne rien arranger, ma meilleure amie de cette époque m'a trahie et à quitté mon école.

- Oh... Désolé pour toi.

- T'inquiète, c'est de l'histoire ancienne. Je m'en suis remise... je crois.

Non, elle n'y croit pas du tout et ça se voit. La blessure est encore à vif, même si elle veut se persuader du contraire.

- Moi aussi j'ai une blessure...

Attendez une seconde. C'est bien  ma voix qu'on vient d'entendre ??

Visiblement oui, puisque Luxia se tourne vers moi, surprise. Pour ne rien arranger, ma langue déliée continue de livrer tout un roman sur ma vie.

- Tu sais, je ne veux pas être un footballeur. C'est mon père qui a choisi pour moi. Moi, je n'étais pas assez fort pour résister! Du coup, je suis devenu le gentil toutou à son papa pour le grand plaisir de tout le monde... Je me déteste. Je suis faible.

J'ai une envie soudaine.

Me donner des gifles.

- C'est pour ça que je t'ai dit hier qu'on était dans le même bateau, parce que je croyais que ta mère t'avait aussi forcée. Mais je crois que j'ai tort, tu as l'air de vraiment aimer la danse.

Elle ouvre la bouche pour me répondre, quand on entend un moteur de voiture qui se rapproche. Elle se lève et se dirige vers la route. La voiture s'arrête devant elle. Je la vois discuter avec le conducteur, qui est visiblement son père, puis elle me fait signe de venir. Je lui obéis donc, et elle ouvre la portière en me signifiant de passer pour m'asseoir. Je le fais puis elle s'installe à côté de moi. Son père me demande où j'habite, je lui donne mon adresse, et Luxia me regarde étrangement.

- On habite dans le même quartier !

Allons bon.

- Super, les enfants, fait son père, comme ça vous pourrez vous voir ! Et puis, ça me fait un plus petit détour.

Il redémarre et le voyage se passe dans le plus grand silence, surtout pour Luxia qui a l'air plongée dans ses pensées. Des fois j'aimerais beaucoup savoir ce à quoi elle pense. À la danse ? A moi ?

QUOOOI ?? MAIS C'EST QUOI CETTE PENSÉE ??!! TAIS TOI SALE VOIX CHELOUE !!!

Bref. Donc c'est dans le silence le plus total que nous arrivons chez moi. Je descends, Luxia et son père me font un signe de la main, je sors mes clés de mon sac, j'ouvre le portillon et rentre enfin.

Je vais dans ma chambre, traçant devant mon père affalé sur le canapé, lance mon sac sur ma chaise de bureau, et je s'effondre sur mon lit.

Encore une journée super-bizarre .. et quelque chose me dit que ce ne sera pas la dernière.