Un mot de trop
Des mots tels des vagues déchaînées, se jettent contre moi. Tes mots. Mais je ne dis rien, je reste figé sur place. J'encaisse. Tes bras se mêlent à tes phrases, accompagnent tes paroles, touchent mon visage. Une fois, deux fois puis trois. Je tombe à genoux comme pour prier, cela faisait longtemps que je n'avais pas prié. A cet instant, le temps s'arrête : je ne compte plus. Tout ne devient que muet et sourd. Seule l'image de toi me reste en tête : toi et tes lèvres, toi et tes gestes, toi et tes yeux remplis de colère. Je repense à tous ces moments avec toi : notre rencontre, nos rendez-vous, nos vacances ...
Ces souvenirs défilent, je ne peux les en empêcher. Tu as tout changé pour moi : de mes habitudes quotidiennes à mes espoirs prochains. Tes mots, ton moyen de prêcher, étaient sacrés. Tu m'as montré le monde, la vérité contrairement aux mensonges qu'on m'a racontés depuis que je suis né. Tu étais ambitieuse, qualité essentielle dans ce monde misogyne. Tu as bravé la tempête et m'as sauvé de ce naufrage qu'était ma vie, sauvé de la noyade, sauvé de moi-même. Pour la première fois de ma vie, on m'a montré que tout était possible : tout, absolument tout. Mais non par des discours, comme ceux que j'entendais autrefois dans ce lieu sain mais par des actions, des faits. Je t'ai donné toute la confiance que j'avais, et tu m'as emmené au bout du monde, à travers l'océan Indien et l'Amérique Latine. Un nouveau départ. Une nouvelle vie. Effaçant mes erreurs passées, mon éducation. Une nouvelle croyance est née en moi : en toi.
Mais voilà qu'à présent tes mots de haines sont dirigés contre moi, tes idéologies aussi. Qui t'as changée ? Pourquoi ton combat est dirigé contre le mien ? Tes mots m'ont fait grandir, évoluer vers une meilleur version de moi-même. Aujourd'hui ils me mangent, me dévorent, me tuent, me consument petit-à-petit.
Une larme perle au coin de mon œil gauche, la seule que je te laisserai voir. Mon cœur se noie de chagrin immense, mon corps n'est pas brisé par tes coups mais par ton amour, de la vie qu'on a eu et que tu as gâchée en une seule minute. Jonchant au sol, tu me laisses là : par terre, tel un mort. J'ai pu apercevoir ton visage mais j'aurais préféré ne jamais le voir : il était neutre, sans aucune larme, aucun chagrin, aucun sentiment. Je ferme les yeux, pour oublier, ce moment où ma vie a basculé.
Je me réveille brusquement, enfin. Une heure, deux heures se sont écoulées ? Le temps, chose abstraite que j'ai arrêtée de compter. Je n'ai pas la force de me relever. Tu as puisé toute l'énergie que j'avais accumulée tout au long de ces années, en une seule fois. Tu ne m'as rien laissé. Tu as emporté avec toi mes mots, ma force, ma dignité, mon espoir. Alors, je me laisse tomber, encore une fois. Mais malheureusement mes idées noires reviennent, des images de toi, de tes mots, de tes gestes, encore et encore.
Je me relève, d'un seul coup et je cours pour fuir ces souvenirs. Comment a-t-on fait pour en arriver là ? Je t'ai tout donné et toi, tu me l'as volé. Je pleure des larmes invisibles qui me détruise, des poignards s'enfonçant dans mon cœur à chaque minute de plus. J'arrive finalement à une rue déserte, totalement déserte. Tout à coup, je me mets à crier, encore, toujours plus fort, la rage que j'ai en moi. Les mots que je n'ai su te dire, remplacés par mon silence, un silence lourd, un silence de regret : le regret d'avoir cru en toi. Es-tu si différente de ceux que j'ai fui toute ma vie. Es-tu vraiment celle qui m'a frappé et s'est enfuie sans se retourner.
Ma course reprend, encore et toujours contre ma vie qui n'est qu'échec. Je tombe encore plus bas, toujours de plus haut. J'en veux tellement au monde, à nous, peut-être à toi, je ne sais pas. Peut-être que ce n'était qu'une passade, un dérapage du droit chemin que tu m'indiquais. Un murmure se fait entendre, amené par le vent. Je le suis, désespéré. Je me retourne, face à la mer, calme, comme apaisée. Alors, je m'assis sur le sable, formant avec mon corps une trace : une trace sur cette plage. Je suis seul mais pour la première fois, je n'ai pas peur, pas peur du tout. Je suis seul pour la première fois de ma vie et je me laisse aller.
Rien ne pourra changer aujourd'hui.
Rien ne pourra me faire oublier.
Rien ne pourra guérir ce que tu m'as infligé.
Les raisons de tes actes me sont inconnues mais, malgré ça, je t'aime encore, et cela me tue.
Face à la mer, tout me paraît plus facile. Le courage m'accompagne dans mes pas. Je vole au-dessus de l'épreuve. Une légèreté enfantine me porte, me hisse, m'emporte au loin, là où les ailes ne me sont de plus aucune utilité.
Peut-être que j'arriverais un jour à ce pays-là.
Face à la mer, ma décision est prise. Tu ne vaux plus rien. Un fantôme de mes cauchemars. Tu n'existes plus. Tes mots ne pèsent plus bien lourd, ma raison l'emporte largement.
Peut-être qu'un jour, ma vie ne tournera plus autour de toi.
Face à la mer, une nouvelle vie s'offre à moi. Toute neuve, même pas déballer. Elle n'attend que moi et ma chance légendaire. Personne ne la connaît, une pièce unique, juste pour moi.
Peut-être que dans quelques années, je pourrais l'utiliser.
Mais dès que je me retourne, les vagues vaillantes et guerrières disparaissent de mon esprit et mon courage aussi par la même occasion. Un chat retournant à son propriétaire. Je marche sur le chemin de sable, apeuré, j'avance encore, toujours apeuré. Le cercle vicieux continue, toujours plus vite, emportant mon courage, ma dignité, ma raison : ma vie entière.
Un sursaut d'audace, d'espoir me prend ; je me retourne face à la mer où je suis toujours plus fort. L'océan majestueux, accueillant, beaucoup plus que toi, me tend ses bras. Pour la première fois de ma vie, j'ai décidé d'être maître de mes choix. Chevalier de la table ronde ou chef de la meute des loups, je cours vers la mer. Seul recours possible, seule possibilité à mes yeux. Je sors de la spirale infernale pendant un instant.
Je suis ... libre.
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