Libre comme un oiseau
Les paysages défilaient à travers la fenêtre de la voiture, Sarah les observa tristement, mais un sourire apparut tout de même sur le visage de cette jeune fille : le monde était si beau. Un environnement pourtant si courant fut un moment de bonheur pour Sarah. Mais des larmes coulèrent sur ses joues blanches, pâles, démunies de couleur. Chaque respiration la rongeait, petit à petit, l'empêchant de vivre, de rire, de d'embrasser, de partager les joies du quotidien.
« Hey, mon cœur, ça va ? demanda Coralie.
— Oui, ne t'inquiète pas ! Tout va bien ! Rassura Sarah en lui montrant son plus beau des sourires.
— Sarah, tu n'as pas besoin de faire semblant devant moi. Répondit-t-elle. Je ne sais pas ce que tu vis mais tu sais que je serai toujours là pour toi. »
Sarah observa sa femme qui conduisait. Elle sait qu'elle sera toujours là pour elle, mais elle ne pouvait pas lui dire ce qu'il y avait dans son esprit car c'était tellement confus qu'elle-même ne se comprenait pas. Tout ce mélangeait, celle qu'elle était avant et celle qu'elle était devenue à cause cette chose, ce truc indéfinissable qu'elle avait dans son cœur et qui l'empêchait de rester elle, Sarah Dolmard.
Ce trajet, de la France en Suisse, le dernier de sa vie, était la route qui l'emmenait vers la liberté. Cela faisait si longtemps que Sarah ne vivait plus, qu'elle n'appréciait plus, elle n'était qu'un robot auquel on faisait des examens, des test, des chimio ... Quand elle avait réalisé que jamais elle ne guérirait, quelque chose la frappa d'une puissance inimaginable, elle bien crut qu'elle n'allait jamais se relever mais Coralie avait été là : chaque jour, elle lui répétait combien elle l'aimait, elle l'aidait à se lever, à se laver, supportait ses colères, ses larmes, ses mots violents. Coralie ne l'avait jamais abandonnée, même quand sa décision ultime fut prise elle l'avait soutenu, aidée, accompagnée à chacun des rendez-vous. Sarah ne la remercierait jamais assez pour cela.
Les épouses étaient bientôt arrivées, Coralie ne disait plus rien. Elle avait tellement peur, elle était terrifiée de vivre sans sa femme ; rien que de l'imaginer, sa respiration se coupait mais elle devait accompagner Sarah jusqu'au bout car c'était son choix et elle devait la soutenir. Zurich apparût sur un panneau, Coralie lâcha alors une main du volant et prit celle de Sarah, elle en avait besoin.
« La dernière ligne droite » murmura Sarah.
Des larmes coulaient à présent sur les joues des deux jeunes femmes, ce fut le cœur serré qu'elles entrèrent dans la maison bleue. Elles furent accueillies par un homme qui les invita à aller s'asseoir. Il prit alors la parole pour leur expliquer le procédé, comment cela allait se passer, il posa ensuite plusieurs questions à Sarah, sur sa vie, son mariage, son enfance. Sarah parlait, souriait, et pour la première fois, elle parla de sa maladie en riant. Elle expliqua que pour la première fois depuis deux ans, elle avait le dessus, elle avait le choix. Coralie resta muette, l'écoutait parler, elle regardait son visage blanc, ses cheveux châtains, son corps frêle, son être tout entier souffrait, car elle allait la perdre.
Quand la discussion avec le membre de l'association fut terminée, le couple alla dans le jardin et regardèrent le ciel. Ce fut à ce moment-là que Sarah dit, difficilement :
« Quand tu seras triste ou que tu ne pourras plus avancer, regarde le ciel et je serais là pour t'aider. Je t'aime plus que tout et rien ne pourra me l'enlever. Tu m'as soutenu plus que personne, tu fus la seule de mon entourage qui accepta ma décision et je t'en remercie. Je sais que peut-être que tu trouves ça égoïste mais je ne peux pas vivre avec celle que je deviens, celle où la maladie domine, décide, me définit car je suis plus que ça : je suis Sarah, j'aime nager et peindre, je cours très mal et je suis éperdument romantique .... Et surtout je t'aime plus que ma propre vie.»
Coralie regarda Sarah une fois sa tirade finie et fondit en larme. Elles se serrèrent dans les bras et se dirigèrent vers la chambre. Coralie ne lâcha pas une seule seconde la main de sa femme, elle la regarda dans les yeux tout au long du processus. Sarah but le liquide et une 30 seconde plus tard ses yeux se fermèrent à tout jamais.
Tout d'abord, l'épouse resta muette, elle ne réalisait pas. Sa femme était morte. Elle se le répéta plusieurs fois quand enfin elle sourit et pensa "Tu ne souffres plus, tu es libre Sarah, libre comme un oiseau". Elle tourna vers l'accompagnateur et lui murmura :
« Merci. Grâce à vous, elle est libre, elle ne souffre plus. »
L'homme chuchota un de rien et s'en alla, la laissa quelques instants seule avec Sarah. Un chagrin envahit son cœur, ses membres étaient paralysés, sa vie n'avait plus d'importance. Elle pensa à l'avenir qu'elles auraient eu si cette maladie n'avait pas touché sa femme. Où seraient-elles ? A Grenoble ou à Montréal ? Seraient-elles en train de manger une glace ou de boire des bières sur la plage ? Tant de question se bousculaient dans sa tête, Caroline devait les arrêter pour ne pas devenir folle. Elle lâcha la main de Sarah et l'embrassa une dernière fois. Elle fit signe à l'homme qu'il pouvait commencer les démarches pour emporter le corps.
Quelques jours plus tard, Coralie atterrit à Tokyo. Elle se dirigea vers Shinjuku Goyen, le célèbre parc impérial. Elle s'assit sur un banc face au plan d'eau. Elle regarda le ciel, d'un bleu éblouissant, la journée était parfaite. Elle prit son souffle et commença son discours :
« Voilà, c'était ton rêve ! Aller au Japon, dans ce parc célèbre ! Alors j'y suis allée pour toi. Tu ne pouvais plus prendre l'avion à cause de ta maladie mais tu m'as fait promettre de t'emmener par n'importe quel moyen. Je réalise aujourd'hui que je vais être confronté au choix le plus dur de mon existence : vivre sans toi. Je ne sais pas comment faire, tu ne me l'as pas appris, il n'y a pas non plus de mode d'emploi, ni de réponse sur internet, pourtant j'ai cherché mais ça n'existe pas.
« Je me rappelle du jour où tu m'as annoncée que tu voulais mourir digne et sans douleur, ne pas vivre l'agonie. Je suis restée figée au tout début, je n'y croyais pas mais tu m'as confirmée m'expliquant la procédure. Je ne voulais pas mais je me suis rappelé la promesse qu'on s'était faite "s'aider quoi qui se passe, quoi qu'il arrive, même si c'est la mort". C'est alors que j'ai commencé mes recherches et de fil en aiguille c'est devenu plus concret. Ta maladie devenait de plus en plus douloureuse et je supportais de moins en moins ta souffrance, c'est égoïste, je sais mais je suis malheureusement beaucoup moins courageuse que toi. On est arrivé à la maison et je t'ai écouté parlé ; cela m'a rappelé avant ta maladie ...
« Mais il ne faut pas que je pense à ta maladie car comme tu le disais toi-même ce n'est pas ça qui te définit, tu es unique et jamais je ne t'oublierais et je vais réaliser ton rêve. Ne t'inquiète pas pour moi, pars tranquille je me débrouillerai. Tu es libre, libre comme un oiseau ! »
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