Chapitre second
Je quitte la maison de mon amie, Fleur. Des larmes commencent à perler au coin de mes yeux. Je la vois, malheureuse, et je suis impuissante. Je marche lentement sur le chemin qui mène à ma maison. Je n'ai pas envie de rentrer, de saluer ma famille, de faire mes devoirs. Je veux rester dehors, regarder la Lune et les étoiles qui commencent à apparaître, rêver d'en être moi aussi. Une étoile, une simple étoile, toujours là pour éclairer et réconforter ceux qui m'admirent. Étoiles, éclairez-moi.
Là, je l'aperçois. Une étoile volante. C'est Fleur qui les surnomme étoiles volantes, alors que leur nom officiel est étoile filante. Si elle était là avec moi en ce moment, elle me dirait de faire un vœu avant que la magie de l'étoile ne s'estompe mais je veux tellement de choses. Je veux l'aider, je veux qu'elle arrête de déprimer, je veux la secouer, je veux retrouver mon amie, celle qui ne dit rien comme tout le monde, qui rigole tout le temps pour un rien, d'un rire si pur que tous ceux qui sont dans la pièce au moment où elle éclate se retrouvent à l'imiter, sans vraiment savoir pourquoi ils rient. Je veux une Fleur épanouie, je veux une Fleur joyeuse avec sa chemise à carreaux fétiche, je veux la Fleur que je connais. Je pense très fort à tout ça, en espérant que l'étoile volante l'entende et vienne à mon secours, ou devrais-je dire à son secours ?
Puis, portée par les étoiles, je cours chez elle. Ma bonne conscience me souffle que je ne devrais pas, que je devrais rentrer chez moi, que mes parents vont s'inquiéter mais je lui mets une baffe et pars, une Fleur est fanée et sur le point de mourir, il faut réagir. Arrivée devant sa porte d'entrée, j'entre sans frapper. Son père me voit débouler comme une furie, il pourrait me faire sortir mais il me laisse passer. Je monte les marches quatre à quatre, puis me retrouve à tambouriner sur la porte de ma Fleur. Elle m'ouvre, je lui fais un énorme câlin, câlin que j'aurais dû lui faire il y a des semaines de cela. Elle trempe mes vêtements de ses larmes, je trempe les siens des miennes. Je me recule un peu, observe les cernes sous ses yeux, la morve qui coule de son nez et sans réfléchir, je pose mes lèvres contre les siennes. Je sens sa surprise, m'attends à ce qu'elle me repousse, pourtant, elle me sert plus fort encore dans ses bras. À ce moment là, on n'est plus Fleur et Cerise. On est juste une Fleur de Cerisier.
Les larmes ont cessé de couler.
Je murmure au creux de son oreille :
- Cerise...
Je me demande comment ai-je fait pour ne pas me rendre compte de mon amour à son égard plus tôt. Peut-être que j'étais tellement enfoncée dans l'idée que je devais aimer un homme que je n'ai même pas pensé à regarder celle que je connais depuis le CP ? Peut-être que si personne ne faisait de blagues idiotes sur les lesbiennes, les gays, et tous ceux qui ne font pas comme « tout » le monde, nous nous serions déjà trouvées depuis longtemps ? Car c'est un fait : même si Cerise est du même sexe que moi, je l'aime. Je l'aime. Je n'ai pas envie de la quitter, mais elle se dégage de mon étreinte.
- Je dois rentrer chez moi... le dîner, les parents... et je crois que tu devrais parler à ton père. Je... il me semble que vous avez beaucoup de choses à vous dire.
Sur ces mots, Cerise dépose un doux baiser sur mes lèvres et quitte la pièce.
Je reste quelques instants sur le lit, comme si j'essayais de comprendre ce qu'il m'arrive. Je crois que...Cerise n'est plus ma meilleure amie. C'est ma petite amie. Elle m'a dit que je devrais parler avec mon père. Je ne sais pas encore ce que je vais lui dire, comment va-t-il réagir ? Mais je quitte la pièce par la porte encore ouverte et descends les escaliers. Il est dans la cuisine, fait la vaisselle. Il m'entends arriver et se retourne. Je saute dans ses bras, et respire son odeur à plein nez pour la première fois depuis une éternité. Comme précédemment avec Cerise, des larmes inondent nos deux visages. Je lui dit que je l'aime, il me répond que lui aussi. En deux en trois mouvements, nous voilà tout les deux, allongés dans la pelouse de notre jardin à regarder les étoiles.
- Papa... je suis désolée. Désolée de l'avoir tué, de te l'avoir enlevée... mais... pourquoi ? Pourquoi ne pas m'avoir dit la vérité le plus tôt possible, pourquoi avoir retardé le moment fatal ? Pourquoi me le dire le jour de mes quinze ans ? Pourquoi m'avoir fait croire que c'était une imbécile qui nous avait abandonnés à ma naissance ? Pourquoi l'avoir fait passer pour ce qu'elle n'est pas ?
Mon père est en pleurs. Ça tombe bien, moi aussi.
- Parce que je suis lâche. J'avais peur de ton malheur et j'ai voulu le repousser, le plus possible. Seulement... Il fallait que je te le dise. Alors, le jour de tes cinq ans, j'ai pris une décision : je te laisserais encore dix années d'insouciance, et là, seulement... je te parlerais.
- Cela n'explique pas pourquoi l'avoir fait passer pour une lâche et ne m'avoir rien dit d'elle, hurle-je ! Toutes les représentations que j'ai d'elles se résument à la vielle photo sur le buffet, je ne connais même pas sa... son... sa phrase préféré, son livre préféré, son signe astrologique...
- « Dessine-moi un sourire » pour la phrase, me coupe mon père. Elle adorait « Le petit prince » et elle est née une nuit d'Août, pendant une pluie d'étoiles fil... enfin étoiles volantes, comme tu aimes les appeler. C'est donc une zodiaque. Il observe mon visage quelques instant. Et tu sais ce qu'elle te dirait là ?
- « Dessine-moi un sourire », réponds-je tout en souriant... mais mon attention est happée par une étoile volante qui trace son chemin dans le ciel. La tradition voudrait que je fasse un vœu mais je n'en ai aucun qui me vient à l'esprit alors je me contente d'admirer l'étoile.
Je commence à dessiner un sourire.
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