Il nous proposa de nous rendre chez lui afin de discuter calmement. Eliot quelque peu hésitant, a finalement accepté de me suivre. 

Sans dire un seul mot, nous fîmes la route calmement à pied jusqu'à la demeure de Gareth. Durant tout le trajet, ce dernier n'a cessé de scruter les environs, à l'affût d'une éventuelle agression par l'homme qui nous avait précédemment attaqué. J'étais complètement perdu, je ne savais absolument pas à quoi m'attendre concernant les explications de Gareth, ce que nous avions vécu était hors du commun, et je commençais à croire qu'il n'était pas humain...

"Pas humain"... ah ! De toute ma vie je n'avais jamais imaginé sincèrement une seule seconde l'existence d'êtres surnaturels, mais là ... là pour moi tout était possible.

Nous arrivâmes enfin à destination au bout d'une vingtaine de minutes. Une fois devant la propriété de Gareth, j'envoyai un rapide SMS à ma mère afin de lui dire que j'étais encore au lycée pour un projet.  

- Entrez. Invita l'hôte des lieux.

Nous entrâmes, et vîmes le feu du poêle à bois qui chauffait et éclairait la pièce continuellement.

- Asseyez-vous là. Dit-il en pointant le canapé du doigt

Je m'installai sur le canapé calmement suivis d'Eliot, et scrutai les alentours, à commencer par la bibliothèque où les livres étaient installés. Je me demandais quelles sortes de livres pouvait-il y avoir là dedans ? Nous avions vu une sorte de répertoire de morts, mais quel était réellement l'utilité de ce livre ? Y'en avait-il d'autres ? Des pires ? Pourquoi ? Combien ? Trop de questions tournaient dans ma tête. Gareth perturba mes pensées.

- Bon, déjà ... je veux que vous me promettiez une chose. Déclara-t-il en s'asseyant sur un fauteuil en face de nous

J'hochai timidement la tête.

- Ce que je vais vous dire ici et aujourd'hui, ne dois être révélé à personne. Quand je dis personne, c'est pas même vos familles.

- Et pourquoi ? Demanda Eliot que se remettait encore de ses émotions

- Cela vous mettrait en péril vous, et vos familles.

- Et pourquoi accepter de tout nous dire si ça pourrais nous mettre en danger ? Dis-je

- Parce que ce que vous avez vu tout à l'heure, la chose à laquelle vous avez étés confrontés...

- La personne. Coupa Eliot d'un ton hésitant

Gareth le fixa du regard.

- La chose ; à laquelle vous avez étés confrontés, reprit-il, risque de vous causer des ennuis. Ou du moins c'est ce que je pense.

Ma respiration s'accéléra doucement, mais sûrement. Il parlait de l'homme qui nous avait attaqué comme ... une sorte de créature.

- Pou ..pourquoi la chose ? Bégaya Eliot

L'hôte poussa un soupir.

- Croyez-vous au Surnaturel ? Demanda-t-il

- Oh non ça y est ! Alors soit il a fumé, soit il nous a fait fumé ! Dramatisa mon ami

- C'était une question sérieuse. Insista l'homme

- Ça dépend .. répondis-je

- De ?

- Et bien ... on s'y est déjà intéressé auparavant ... mais on n'a jamais rien pu prouver. Et avec l'obligation en plus de devoir trier le vrai du faux sur internet...

- Sauf qu'internet regorge de personnes qui rêvent de toucher au surnaturel, mais qui n'en font pas parti. Ceux qui en font parti en revanche, cherchent à se cacher, ou du moins à ne pas crier leur existence au monde entier.

- Pourquoi ?

- La coexistence entre les humains et une autre ... espèce serait catastrophique. Mieux vaut qu'ils restent éloignés.

Je vis du coin de l'oeil les yeux d'Eliot  s'écarquiller. 

- Hum ... comment ça une autre .. espèce ? S'inquiéta mon ami

- Vous ... vous faites parti de cette espèce ... n'est-ce-pas ? Conclu-je

- Qu'est-ce qui te fais dire ça ?

- J'ai ... j'ai vu vos yeux tout à l'heure ... ils était comme illuminés ...

- À moins que je n'aie déliré, vous nous avez sauvé en vous déplaçant vous, et en nous déplaçant nous d'une vitesse ... juste impossible. Confia mon ami

Gareth lâcha un bref sourire.

- Qu'est-ce qui vous fait sourire ? Demandai-je

Il ne répondit pas.

- Et la fois où je vous ai planté le couteau suisse là, votre blessure a rapidement guérie, anormalement ! Continua Eliot

L'hôte souleva son t-shirt blanc, et laissa apparaître son ventre, intact.

- En effet. 

- Bon alors ?! S'impatienta mon ami

- Je te laisse essayer de deviner ce que je suis. Proposa-t-il à Eliot

Ce dernier hésita durant quelques secondes.

- Un ... un loup-garou ?

L'homme ricana.

- Non.

- Un ... hum ... un vampire ?

- Tu es naïf toi hein ? Ce sont les deux sortes de créatures surnaturelles que tu connais le mieux je me trompe ?   

Un petit rictus apparu sur le visage d'Eliot.

- D'autres propositions ?

- Un démon ?

Gareth laissa de côté son air décontracté, et reprit un air un peu plus sérieux.

- Non plus.

- On ne joue pas aux devinettes là. Dis-je

L'hôte me fixa du regard.

- Je suis ce que l'on appelle un Désincarné.

- Un..un quoi ? Bredouilla Eliot

- Un Désincarné.

- Jamais entendu parler. Et toi Edwin ?

- Non plus. Répondis-je

- C'est parce que vous n'êtes pas censé en connaître l'existence.

- Et ça ... c'est quoi un ... dé ... désincarné ? Vous mordez les gens comme les vampires ou quelque chose comme ça ? Demanda Eliot

Gareth sourit à nouveau.

- C'est beaucoup plus complexe que ça. Tu connais certainement le concept de l'Homme et de son âme, et bien vois-tu, depuis des siècles et des siècles, certains pensent qu'ils ont une âme, d'autres pas. Certains disent que certaines personnes en ont, et d'autres non pour différentes raisons ...

- Mais encore ...?

- On a tous une âme, qui en gros, parce que je ne vais pas te faire un cours, englobe ton esprit. Avec elle, tu es ce que tu est, ton caractère, tes goûts, ta personnalité, ta façon d'être etc. Nous les désincarnés, avons une âme, mais qui chaque jours tente un peu plus de ... disons pour faire simple ...s'enfuir ...

- Pourquoi ?

- C'est ... le destin qui le veut ainsi. Et comme elle ne cesse de vouloir s'enfuir, nous devons tout faire afin de la garder, car sans elle nous ne sommes que des corps sans âmes, et cela nous transforme en une personne abominable. Une personne sans humeur, sans sensations, sans émotions, et le tout avec une personnalité extrêmement sombre. Ce qui nous amène à devenir un homme dont le seul but est de tuer pour le plaisir. Ou du moins c'est la seule occupation qui se dresse devant nous.

- ... Pourquoi ?

- Je ne sais pas pourquoi mais c'est ainsi.

- Et donc, comment vous faites pour ... l'empêcher de s'enfuir votre ... âme ? Demandai-je

- On aspire celle des autres.

Je fus brutalement pris d'étonnement.

- Co ... comment ça vous aspirez celle des autres ?

- Nous sommes obligé de siphonner l'âme des personnes normales pour continuer de préserver la notre.

- Mais ... cela engendre des conséquences sur les personnes que vous siphonnez non ?

Il grimaça.

- C'est un fait.

- Et donc ? Insistai-je

- Si on ne les siphonne qu'une seule et brève fois, elles n'auront que peu de ... séquelles.

- Et sinon ?

- Si on les siphonne trop régulièrement ... elle perdent peu à peu leurs âmes, leurs comportements changent, leurs personnalités les abandonnent peu à peu, et elle finissent pas être complètement déshumanisées et s'en prenne à quiconque se dresse sur leur chemin.

- C'est idiot ! Les ... désincarnés devraient les laisser tranquille alors ! Râla Eliot

- Sauf que contrairement aux hommes, les désincarnés possèdent des capacités qui leur permettent de causer bien plus de dégât.

- Comme quoi ? Grommela mon ami

- Nous avons une force qui est bien plus supérieure à la votre...

- M'ouais...

- Une vitesse bien plus supérieure...

- Hum...

- Et nous sommes immortels.

Eliot ne réagit pas. Son visage était figé, comme s'il n'avait pas compris. J'étais en réalité dans le même état que lui.

- Pardon ? Dis-je

- Nous sommes immortels.

- Vous voulez dire que... que vous ne pouvez pas mourir ?

Il eut un temps d'hésitation.

- Non.

Eliot pointa le ventre de Gareth avec son index.

- Ça explique la blessure ?

L'homme fit oui de la tête.

- Et de ce fait, il est donc préférable qu'un désincarné garde son âme afin de préserver son côté humain qui lui permet de ne pas décimer tout le monde sur son passage.

- Au prix de la vie d'une personne ... Déduis-je

- Et pour quelle raison déjà vous nous dévoilez toute cette face cachée de notre beau monde ? Demanda Eliot ironiquement

- Diana Turn.

- Quoi ? Qu'est-ce qu'elle a à faire là elle ?

- Avec tout ce que je viens de te dire, tu ne fais pas le lien ?

Eliot baissa les yeux, réfléchit le temps de quelques secondes et répondit :

- C'est vous qui l'avez fait devenir comme ça ?!

- Non, mais l'homme qui vous a agressé tout à l'heure, oui. Du moins je pense.

- Attendez, coupai-je, vous voulez-dire qu'un autre désincarné, en plus de vous, se balade à Lancaster ?

- C'est très probable.

- Il y en a d'autres...? Demandai-je inquiet

- Ici ?

- Dans le monde ? 

Il fronça les sourcils.

- Tu ne voudrais pas entendre la réponse.

- Et pourquoi on n'est pas au courant ?

- Il y a beaucoup de choses qui sont encore très complexes à expliquer, des choses qui sont bien au dessus de vous, et également bien au dessus de moi. Mieux vaut que vous n'en sachiez pas trop.

- Comment on les reconnaît ? 

- On ne peut pas. Il faut qu'ils se dévoilent d'eux même, soit avec leurs capacités, soit comme ceci.

Son visage se métamorphosa, ses yeux devinrent sombres, des veines noires se formèrent sous ces derniers et le blancs de ses yeux passèrent du blanc au noir intense.

- Woaw ! Cria Eliot, tes yeux là ! 

- Cela est plutôt discret puisque c'est ainsi que se montrent nos yeux quand on siphonne quelqu'un.

- Et ... et tout à l'heure ... vous aviez les yeux illuminés ... Fis-je remarquer

- Comme ça ?

En l'espace de quelques secondes, ses pupilles s'illuminèrent de la même couleur jaune-orangée qu'auparavant.

- Oui ! 

- Cela se fait généralement tout seul quand on utilise nos ... capacités. Ça montre également à quel point on est hum ... rassasié d'âmes.

La façon dont il parlait me faisait un peu peur, on aurait dit qu'il prenait les âmes et les gens comme de la nourriture.

- Plus ils sont lumineux, plus on est nous même, moins ils le sont, et moins on est contrôlable, ce qui sous-entend également que nous n'avons siphonné personne depuis un certains temps.

Suite à ces explications, je m'attardai un peu plus sur l'intensité de ses yeux, et constatai qu'ils n'étaient ni trop lumineux et ni trop sombres.

- Bon. Je viens de vous expliquer beaucoup de choses, des choses qui pourraient vous mettre en danger. Je vous les ai dit afin que vous ne vous embarquiez pas dans un mauvais train, à vouloir chercher encore et toujours plus d'indices à propos de Diana. Ne répétez rien à personne. Vous m'avez compris ? À personne.

- Et donc ... hum .. et maintenant ? Marmonna Eliot

- Vivez votre petite vie tranquille, rentrez chez vous, allez au lycée demain et tâchez de ne plus trop vous immiscer dans cette affaire jusqu'à ce que ce soit réglé. Conclu-t-il en se levant du fauteuil

Je me levai également, suivis d'Eliot, et me dirigea vers la porte d'entrée. Une fois sur le porche, prêt à partir, Gareth insista sur ses paroles.

- Ne vous mettez pas en danger pour rien, restez à l'écart de tout ça.

Alors que nous étions toujours dans la petite ruelle qui menait à la demeure de Gareth, en plein jours cette fois-ci, Eliot s'interrogea.

- On met quoi alors sur notre site...?

- Comment ça on met quoi ? On abandonne Eliot ! 

- Non mais je veux dire ... bon laisse tomber.

- Ouais c'est mieux ! 

- Je ne m'en remettrai jamais... Me confia-t-il

- Je suis aussi ... bouleversé que toi. Et le pire de tout ça, c'est qu'on ne peut que le croire avec tout ce qu'on a déjà vu...