Chapitre 14 | Pris au piège
Assis sur mon lit, face à la fenêtre, le regard vide et les bras croisés, je me surpris en train de méditer.
Je suis censé faire quoi ? songeai-je
Je restais cloîtré chez moi, tout en sachant que quelqu'un pouvait potentiellement me vouloir du mal pour une raison qui m'échappait encore car, malgré la tournure des événements, j'avais toujours bien du mal à réaliser que tout ceci était réel. Je ne cessais de me poser des questions ; pourquoi nous ? Pourquoi tout ça ? Sommes-nous vraiment en sécurité ? Mais à l'heure actuelle, il y avait bien une seule question que je redoutais le plus.
Qu'est-il arrivé à Eliot ? Chuchotai-je intérieurement
C'était la première fois qu'une telle situation se présentait, et vu la tournure des événements j'en conclus le pire. Il me fallait absolument aider mon ami. Je me levai donc déterminé, pris ma veste, mon portable et me dirigeai à vive allure en direction de l'entrée.
- Où vas-tu comme ça ? M'interrogea ma mère
- Je ... je vais voir une amie.
- Ce n'est pas une bonne idée Edwin ...
- J'en ai pas pour longtemps ! Promis !
Je savais qu'elle était inquiète, juste avant que je ne rentre, le lycée l'avait appelé pour lui annoncer la situation comme pour beaucoup d'autres parents je suppose. Quand je suis rentré, elle m'avait serrée si fort dans ses bras que je pus ressentir tout le soulagement qu'elle avait en elle à ma vue. Et pourtant, je sortais dehors, m'exposant au danger ...
Je fermai la porte derrière moi, sortis de la propriété et n'eus pas le temps de faire trois pas qu'un jeune homme m'interpella.
- Euh ... excuses-moi, c'est bien toi Ed ... Edwin Reid ?
Surpris, je répondis.
- C'est ça, on se connait ?
- Pas vraiment, mais en fait j'ai un message à te faire passer.
- Ah oui ? De qui ?
- Je ne sais pas. Répondit-il le regard perdu
Je m'approchai de quelques pas
- C'est quoi ce message ?
- Il ... euh ... il est mort. Me dit-il brièvement
J'aperçus une silhouette se positionner derrière lui, et un écœurant bruit se fit entendre, au même moment, le jeune homme ouvra grand la bouche et eut comme un sursaut. Ses paupières se fermèrent, et il tomba lourdement au sol devant moi comme s'il venait instantanément de perdre le contrôle de tous ses membres.
Ma gorge se noua rapidement, devant moi se tenait M Warren. En regardant rapidement le corps du jeune homme couché sur le ventre, je vis comme un manche de couteau planté dans le dos, je restai figé.
- J'ai pas trouvé plus grand comme lame alors j'ai fais avec ce que j'ai pu, si tu savais comme c'est tellement plus ... magistral avec un sabre. Me confia-t-il cyniquement
- Vous ...
Les mots ne suffisaient pas, je venais tout juste de voir un mec de mon âge se faire poignarder dans le dos. Pris de panique, je fis deux rapides pas en arrière.
- Hop hop hop ! Tu ne files pas. J'ai deux trois trucs à te dire.
Ma seule envie était d'ignorer ses dires, et de m'enfuir à toute vitesse pour courir le plus vite possible jusqu'à l'entrée de ma maison, dont les limites de la propriété s'arrêtaient à peine à cinq mètres derrière moi.
- Que ... que voulez-vous ?! Bredouillai-je
- S'il-te-plaît arrêtes de me vouvoyez, ça me fait sentir vieillard. J'ai bien compris que j'avais encore mon rôle de professeur sur le dos mais là on arrête de jouer d'accord ? Et avant que tu ne m'appelles par mon nom, appelles moi Kurtis, avec un K.
Je ne savais quoi répondre.
- Bien, je vois que tu as compris la situation sourit-il, déjà, sache que ce brave jeune homme parlait de ton ami, Trevis ... Elvis ... enfin bon ...
- ... Eliot. Coupai-je d'une voix tremblante
- Peu m'importe. J'espère donc avoir été assez clair sur mes intentions, et tu va m'obéir.
Ma respiration s'arrêta net. Je n'avais pas tilté, mais il venait tout juste de dire que mon meilleur ami était mort. Ma gorge se noua à nouveau, des frissons me parcoururent le dos et ma bouche involontairement, restait béante. Je fis à nouveau deux pas en arrière.
- Bon je te préviens, si tu fais encore un seul pas, tu n'auras pas le temps pour aller sauver ta mère qui est ... oui, presque à deux doigts de finir comme ce corps là juste devant toi. Assura-t-il
- Pou ... pourquoi ?! Pourquoi tout ça enfoiré ? Criai-je emplis de rage et de colère
- C'est ça, exprimes ta colère. Maintenant arrêtes avec tes questions ennuyantes.
Il s'approcha lentement de moi ; tétanisé par ses avertissements et malgré la tentation de fuir, je ne reculai pas.
- Je te préviens une seule fois, toi et moi on va passer un moment de folie dit-il le sourire aux lèvres, mais un mot ... un seul et unique mot à qui que ce soit, et tout tes proches vivent leurs dernières heures. Ce serait triste que tes amis du lycée qui sont pourtant innocents, meurent par ta faute n'est-ce pas ? Pire, ce serait égoïste de faire ça à la nouvelle arrivante non ?
Mon désir de lui coller mon poing dans la figure grandissait, mais malheureusement ma lucidité refit surface. Il ne fallait pas faire quelque chose de stupide auprès du désincarné.
- Donnes moi ton portable. Ordonna-t-il
Je fronçai les sourcils.
- C'est un premier pas vers l'obéissance à mon ordre, comme ça tu n'auras pas de moyens disons ... modernes pour appeler qui que ce soit.
Sans discuter, je m'exécutai.
- Bien. On va bien s'entendre toi et moi. J'ai des choses à régler, cela dit, tu va pouvoir faire quelque chose. Tu va rentrer bien sagement chez toi, avertir ta charmante mère que tu m'invites à dîner ce soir en me décrivant bien comme ton professeur d'histoire, qui à cause de l'incident au lycée aimerait bien rencontrer la mère du premier de la classe dans cette matière. Dit-il de son sourire narquois.
- Mais ... j'ai jamais été prem ...
- Je t'assures que ta précédente professeur n'est plus disponible pour contester cela, je le décrète moi-même. Maintenant vas-y, passes une bonne après-midi et surtout, pas un mot.
À contrecœur je fis demi-tour, fis deux pas, jetai un coup d'œil en arrière, et ne vis plus Kurtis ; seul le corps du jeune homme gisait au sol, mort.
Tétanisé, les jambes lourdes et les mains tremblantes, je titubais jusqu'à l'entrée de ma maison. En moins d'une demi-heure ma détermination à retrouver mon meilleur ami venait d'être détruire, réduite à néant. Je n'y croyais pas, je ne pouvais pas y croire ; c'était impensable ! Non, je refusais d'y croire, Eliot n'était pas mort. Kurtis bluffait. Tous les méchants dans ces histoires bluffent dans ce genre de déclarations, il voulait juste me détruire intérieurement. Je parvins tout de même à rejoindre le palier de la porte. Mais je restais là, immobile, attendant seul les bras tombants, le regard dans le vide. J'étais nu, humilié et désespéré. Et je ne pouvais rien y faire, prévenir Gareth ? J'ai obéis comme un idiot à donner mon portable à ce meurtrier. Prévenir ma mère ? Jamais elle ne me croirais, au mieux elle m'aurait envoyé illico-presto dans une cure de désintoxication. Toujours à contrecœur, comme forcé à subir, je toquai. Ma mère m'accueillit avec le sourire et referma la porte derrière moi.
Contrairement à d'habitude, je ne montai pas directement dans ma chambre, au contraire, je restai là, planter devant elle.
- Que fais-tu ? Me demanda-t-elle
Les mots ne sortirent pas. En une fraction de seconde, je devais peser le pour et le contre, la mettre en danger en lui racontant tout, ou obéir ? Le danger était présent dans les deux cas de toute façon.
- J'ai un truc à te dire ...
- Ah oui ?
- Je ... J ... J'ai mon prof' d'histoire qui veut venir ce soir ...
- Ce soir ? Co ... comment ça ? Ici ?
- Oui ... il euh ... veut venir dîner ici, pour ... pour "rencontrer" ma mère pour ... pour mes bons résultats.
- Je ... je vois. Peu habituel, pourquoi pas. Sourit-elle
À la seconde où elle eut finit, je montai dans ma chambre et m'allongeai directement sur mon lit. Immobile, je regardai le plafond blanc. Mes yeux me brûlèrent légèrement le temps de quelques secondes, ma vision se flouta et une goutte froide coula délicatement le long de ma joue droite. Une deuxième fit de même sur ma joue gauche et ainsi de suite. Sans m'en rendre compte, mon nez se bouchait peu à peu, me rendant la respiration de plus en plus complexe, je reniflai.
Il ment. Pensai-je
Je brûlait de colère, ma tristesse me déchirait et mon désespoir m'envahissait, je pleurais.
Il ment. Répétai-je
Je couvris mes yeux de mes mains afin d'essuyer mes larmes et continuai le mouvement jusqu'au menton pour tenter en vain de sécher toute la tristesse qui siégeait sur mon visage.
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