six
Le lendemain matin, Émilie se réveilla aux aurores. Après s'être préparée pour sa journée de travail, elle se rendit dans sa cuisine où le violon n'avait pas bougé depuis la veille. Elle regarda le petit étui et en eut un haut-le-cœur. Puis elle tourna un moment dans la pièce avant de se décider. Elle s'en empara, et s'en alla travailler.
La jeune femme se sentait exténuée et n'avait qu'une idée en tête : se débarrasser de l'instrument. C'est pourquoi elle avait décidé de partir plus tôt que d'habitude.
Lorsqu'elle arriva à la salle de spectacle, elle était déjà ouverte. Alex était là mais semblait seul. Elle le salua rapidement.
"Salut Émilie, dit-il. Tu vas mieux ? On s'est un peu inquiétés hier tu sais.
— Oui, oui, ça va. Encore désolée... Je vais me rattraper.
— Tiens ? Mais qu'est-ce que tu transportes avec toi ?"
Il regarda plus attentivement et une expression de surprise apparut sur son visage.
" C'est un violon !? "
Émilie trembla légèrement mais ne répondit pas et s'éloigna, en serrant l'étui contre elle.
Elle traversa les coulisses puis les loges, et se rendit dans un recoin du théâtre où personne n'allait jamais. Elle ouvrit une porte et se retrouva dans une vaste pièce, encombrée de cartons et d'objets en tout genre, qui servait de débarras. La lumière du jour y pénétrait par de petites fenêtres en hauteur.
Émilie regarda autour d'elle à la recherche d'une bonne cachette pour l'instrument de musique. Elle repéra alors une grosse caisse sur une étagère à l'autre bout de la pièce. En tentant de la soulever, ses mains glissèrent sous le poids de la malle qui s'écrasa par terre dans un vacarme assourdissant.
"C'est pas vrai, je suis vraiment manchote ! s'exclama Émilie en regardant ses mains qui tremblaient.
— Tu fais du rangement ? "
Émilie se retourna et découvrit Frédéric dans l'encadrement de la porte. Elle bredouilla une excuse inaudible tandis que son teint virait au rouge vif.
" Qu'est-ce... Que... Tu fais là ? réussit-elle à articuler."
Frédéric s'approcha d'elle et ses yeux se posèrent sur l'étui noir. Émilie crut alors percevoir de la tristesse dans son regard.
" Je t'ai vue passer devant ma loge avec le violon et j'ai décidé de te suivre. J'aimerais que tu m'expliques Émilie ce qu'il s'est passé avec le violon.
— Tu le sais, murmura la jeune femme en baissant la tête.
— Non. Je ne comprends pas. Explique moi, répéta Frédéric."
Émilie resta silencieuse.
Frédéric fit quelques pas en arrière et alla fermer la porte du débarras. Il s'adossa contre celle-ci et se laissa glisser jusqu'au sol. Assis, les jambes croisées, il regardait fixement Émilie.
Celle-ci comprit qu'elle n'avait pas le choix. Elle allait devoir raconter à nouveau cette histoire qui la déchirait tant.
" Tu sais ce qu'il s'est passé. Je me suis blessée avant l'audition pour intégrer l'orchestre national. Et je n'ai pas pu la passer.
— Mais pourquoi avoir tout abandonné ? "
Émilie se mit à sangloter et d'une voix agitée, dit :
" Tu ne comprends pas. Personne ne comprend ce que c'est. S'entraîner d'arrache-pied toute une année pour voir ses rêves détruits par un bête accident ! Ça avait été tellement de stress et de travail, j'étais incapable de recommencer ça encore une fois. Ça aurait été trop dur."
Elle respira profondément pour tenter de se calmer.
" Mais pourquoi avoir tout arrêté ? Le violon, c'était toute ta vie. "
Émilie releva légèrement la tête. Frédéric la regardait avec une telle bienveillance qu'elle sentit son cœur chavirer.
" C'était trop dur, répéta-t-elle dans un sanglot. Je m'en voulais tellement d'être aussi faible. J'ai préféré tout abandonner... Je suis vraiment une lâche, je le sais, mais maintenant c'est trop tard.
— Tu n'es ni lâche ni faible, répondit Frédéric d'une voix à la fois calme et catégorique. Et il n'est jamais trop tard. "
Il s'était levé et approché d'Émilie. Il la prit dans ses bras et elle laissa ses larmes couler doucement. Petit à petit, ses tremblements se calmèrent.
Elle se sentit rougir violemment et se dégagea lorsqu'elle réalisa, après plusieurs minutes, qu'elle était dans les bras de Frédéric et qu'elle pouvait entendre son cœur battre.
Celui-ci la regarda encore quelques instants puis fit demi-tour et se dirigea vers la porte. Avant qu'il ne l'atteigne, Émilie le rattrapa et saisit un de ses bras.
" Merci Frédéric. Pour tout. Et pardonne-moi. "
Frédéric s'était immobilisé.
" Te pardonner quoi ? demanda-t-il.
— Tu as toujours été là pour moi, reprit Émilie en serrant un peu plus ses mains autour du bras du jeune homme. Et moi, je t'ai laissé tomber. S'il te plaît, accepte mes excuses.
— Non.
— Quoi... ? fit Émilie, la voix éteinte, en lâchant son bras.
— Je ne les accepterais pas car je ne t'en ai jamais voulu. Je t'ai retrouvée, c'est ce qui compte pour moi.
— Frédéric...
— Essaie de te remettre au violon s'il te plaît. "
Puis il ouvrit la porte et s'en alla, laissant Émilie une nouvelle fois seule, avec son instrument.
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