Jour-J, après trois ans d'attente. Qu'est-ce que trois ans dans une vie ? Pour un enfant de trois ans, cela est toute une vie, pour un homme qui approche la trentaine ce n'est qu'un dixième de tout ce qu'il a déjà vécu.

Trois ans passé à lire, écrire et peindre. Un long repos bien mérité. Seul regret, la musique. C'était une punition de plus. Ils ne l'aimaient pas beaucoup, pourtant lui ne leur portait aucune rancune, au contraire, il les félicitait d'avoir fait leur job un minimum correctement.

Arrestation pour vole, condamnation à cinq années de prison réduite à trois ans pour bonne conduite. Et le voilà qui quitte sa cellule. On lui retirera ses menotte et lui rendra ses affaires : des chaussures de ville vernies noires, un pantalon et un long manteau blanc, une chemise rouge et une cravate blanche à son tour, un chapeau blanc, des lunettes de soleil rondes teintées en rouge, un yo-yo en argent, une boite de tranches de banane séchée désormais périmée, une paire de gants en cuire noir et intérieur en peau de lapin, un lecteur de CD portable avec le disque qui va avec et, enfin, trois misérables pièces de monnaie européenne. Le tout lui est rendu et on lui laisse le temps de se changer.

Dernière ligne droite, littéralement, avant de sortir définitivement de là. Un chemin de gravier qui mène à la liberté, délimité par deux grillages qui gardent ses camarades enfermés. Avant de mettre un pied sur ces petits cailloux signe d'un nouveau départ, il enfonce dans ses oreilles les écouteurs de son walkman.

Premier titre : Dance of the Knights de Prokofiev. Il inspire en profondeur, ferme les yeux, et tandis que les premières notes de cette puissante mélodie résonne contre ses tympans, il gémit suavement, la tête jetée en arrière, puis se lance sur ce chemin tout tracé.

Ses yeux restent clos, un sourire grandit sur son visage et ses bras s'écartent comme pour accueillir et choyer cette délivrance nouvelle. Avec le bas de son manteau qui virevolte au gré du vent, l'ex-condamné avance d'un pas certain.

Sans surprise, de l'autre coté l'attend cet homme qui a causé son arrestation. Il s'arrête à sa hauteur, rouvre les yeux mais ne tourne pas une fois le visage en direction de l'inspecteur. Le sourire est tombé, mais se relève très vite, suivit d'un rire psychotique suite aux dires du vieil homme.

« Je te coincerai pour de bon la prochaine fois, Dragan. »