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Chapitre 6

Il ne devrait y avoir que le calme alors que tout n'est que douleur. Mon corps entier me fait souffrir. Mes poumons me brûlent. Chaque respiration est un supplice. Évidemment personne ne sait ce qui se passe une fois que la mort nous a cueillis. Mais au fond de moi, tout au fond de moi, j'avais imaginé autre chose. Je pensais voir Abby et Ada et qu'elles me sautent dans les bras.
Je ne m'attendais pas à avoir mal. À moins que... À moins que...
Il faut que j'en ai le cœur net.
J'essaie de bouger, d'ouvrir les yeux mais tout tourne aussitôt.

— Ne bouge pas.

Je tourne la tête vers la voix. Lentement. Une fois que je suis sûr que mon équilibre n'est pas perturbé, j'ouvre à nouveau les yeux.
Les images devant moi sont d'abord floues. Puis, petit à petit, les contours s'éclaircissent. Un homme se tient à mes côtés. Ses traits sont tirés. Ils mêlent la fatigue et le soulagement.

— Qui... Qui êtes-vous ?

Ma voix est enrouée.

— Ton sauveur.

Le désespoir m'envahit.

— C'était complètement inconscient de décider de faire trempette par une nuit d'orage.
— Peut-être que je ne voulais pas être sauvé.
— J'y ai pensé. Mais c'était plus fort que moi. J'aime la vie. Même si elle est moche la plupart du temps.

Un sourire apparaît sur ses lèvres. Un sourire engageant. Un sourire qui contraste avec ses dernières paroles, qui les souligne.

— Tiens, bois ça. Ça te fera du bien.

Le liquide sucré apaise le feu dans ma gorge. Je m'apprête à le remercier mais il est plus rapide que moi.

— Comment tu t'appelles ?

Je détourne la tête un instant. Depuis quand ne me suis-je pas présenté à quelqu'un que je ne vais pas soigner ? Je ne m'en souviens même plus. Il doit prendre mon silence pour une hésitation.

— Un nom ne changera rien, tu sais.

C'est à mon tour de sourire. Un sourire triste, marqué par les souvenirs. Un sourire qui lui dit qu'il a tort. Un nom, ça change tout. Ça change toujours tout. On donne de nous mais aussi un peu de notre histoire en le révélant. Et même si je ne suis pas ravi qu'il m'ait sauvé la vie, je lui dois bien ça.

— Joran. Je m'appelle Joran.
— Enchanté Joran. Moi, c'est Snow.
— Snow ?
— On m'a toujours appelé comme ça. Je crois que j'ai eu un autre prénom un jour mais je ne m'en souviens pas. Il y a même inscrit Snow sur mes papiers. Papiers qui ne me servent à rien ici.

Son débit de paroles est impressionnant et je ne vois que deux explications possibles. Soit il n'a pas parlé à quelqu'un depuis longtemps, soit c'est le contre-coup de mon sauvetage. Voire peut-être même les deux. Il parle tellement que j'en ai mal à la tête.  Je me frotte les yeux, le front et il s'aperçoit que ça ne va pas.

— Je te laisse te reposer. Je suis content que tu sois de nouveau parmi nous. Je n'aurais pas aimé avoir un cadavre sur les bras.

Il s'apprête à s'éloigner mais je le retiens par le bras.

— Où sommes-nous ?
— Dans les bois, à côté du lac. Je vis là depuis un an après le début de la guerre.

Je crois qu'il continue sa tirade mais je ne l'entends qu'à travers un brouillard qui me masque ses paroles. Pourtant j'essaie de lutter. En vain. La fatigue qui me terrasse est bien trop forte.

Le soldat se tient en face de moi. Il rit. Encore et encore. Il rit en pointant son arme sur moi. Il rit quand il tire et me rate volontairement.

— Je ne te ferai pas ce plaisir.

Je me jette sur lui, je lui assène des coups que je ne maîtrise pas. Je le frappe, je m'acharne et il ne se débat pas. Il rit toujours.

— Tu es comme moi maintenant.

Ses mots m'arrêtent. Je réalise mon geste et aussitôt, je culpabilise, je ne peux pas devenir comme lui. Je ne peux pas.

— Jamais.

J'ai hurlé. Je sens qu'on me secoue. Et peu à peu, des mots se faufilent dans les tréfonds de ma conscience.

— Joran. Joran, réveille-toi.

Snow est là, à côté de moi. Il me donne à nouveau à boire et peu à peu, je me sens partir à nouveau.

Combien d'heures ai-je dormi ? Je ne saurais le dire. Je peux juste constater qu'il fait nuit et que la pluie bat contre les parois de la chambre où je me trouve. Une pâle lueur semble provenir de la pièce d'à côté. Lentement, je m'assois. Je constate avec soulagement que je n'ai plus de vertiges. Je déploie mon corps avec difficultés. Je manque de forces.
Depuis combien de temps suis-je ici ?
Me tenant aux murs, je me dirige vers la lumière. Comme un papillon vers une flamme.
J'ai à peine mis un pied dans ce qui ressemble vaguement à une cuisine que Snow me parle déjà.

— Enfin, tu es debout ! Tu m'en vois ravi. Viens t'asseoir près de moi. Tu dois mourir de faim, j'ai réussi à pécher deux beaux ombles chevaliers et cueilli des baies et des épinards sauvages.
— Depuis quand n'as-tu pas parler à quelqu'un ?

Pendant une seconde, Snow me regarde d'un air légèrement ahuri. Celle d'après, il se met à rire. Entre deux hoquets, il réussit à articuler quelques mots.

— Je parle trop ?

Je me sens gêné tout à coup. Il m'a sauvé la vie, est resté à mon chevet pendant je ne sais pas combien de temps et nous a préparé un repas qui va certainement être ce que j'ai mangé de meilleur depuis des lustres. Je reste penaud face à lui qui rit toujours. Il finit par se calmer et d'une voix redevenue sérieuse et posée, il répond à ma question initiale.

— Ça fait quatre ans. Je n'étais personne alors pour devenir quelqu'un, je me suis engagé dans l'armée. Je pensais que je servirais une grande cause, que j'agirais pour une cause juste. Sauf que ce n'est pas ce qui est arrivé. J'ai vu la mort de près, j'ai vu l'horreur et tout ce qu'on nous demandait de faire pour l'honneur de notre pays. Où est l'honneur quand on vous demande de tirer dans le dos du soldat qui est un peu plus loin devant vous ? Quand on pose des bombes dans des immeubles de civils ? Bref, ce n'était pas pour moi. Au bout d'à peine six mois, j'ai déserté. J'ai parcouru je ne sais pas combien de kilomètres à pied pour m'éloigner des combats mais surtout pour qu'on ne me retrouve pas. Mais partout les routes grouillaient de soldats, d'un côté ou de l'autre. Je me suis éloigné des endroits fréquentés. Et un beau jour, je suis arrivé ici.

Il s'arrête pour reprendre son souffle.

— Allez, à table. J'ai encore trop parlé.
— Pas tant que ça.
— Et toi ? Tu es d'ici ?
— Oui. Tu étais dans quel camp ?
— C'est important ?
— Non.

C'est la stricte vérité. Savoir que, peut-être un jour, il s'est battu contre mon pays ne modifiera pas l'opinion que j'ai de lui. Si ce n'était pas quelqu'un de bien, il m'aurait laissé me noyer.
Je cherche à lui dire tout cela mais les mots ne sortent pas.
Il ne manque pas de le souligner.

— C'est sûr que par rapport à moi, tu n'es pas bavard.

Nous sourions tous les deux puis dégustons en silence le repas qu'il nous a préparé. Et comme je l'avais deviné, c'est excellent. Une fois notre dîner fini, il me raconte sa vie ici. Son rythme. Comme il dort le jour et s'active la nuit. À l'abri des regards même s'il sait que presque personne ne vient ici la journée. Que c'est grâce à cela qu'il m'a vu, qu'il m'a maudit de devoir le faire se baigner alors qu'il déteste ça. Et plus il parle, plus certaines questions me taraudent. Je finis par le couper.

— Ça fait combien de temps que je suis ici ?
— Quatre jours.

La réalité me heurte de plein fouet. Quatre jours. Quatre jours sans elles. La douleur qui était sous-jacente revient à la charge. Des hauts-le-coeur me prennent. Ma respiration devient erratique.
Je sors précipitamment de son abri. Me retrouver à l'extérieur me soulage un instant. L'air pénètre à nouveau dans mes poumons. Et je le maudis. Je le maudis d'oxygéner mon corps et me laisser vivre. Je maudis la Terre qui continue de tourner, les heures et les jours de s'égrener sans prêter attention à ma peine.
Je maudis Snow de m'avoir sauvé. Il n'aurait pas dû. Mieux vaut être mort que survivre sans elles.
Pour me soulager, je hurle. Je hurle dans la nuit noire qu'elles ne méritaient pas leur sort et que je les vengerai. Même si je sais que je serai incapable de tuer qui que ce soit. Je suis fait pour aider à donner la vie. Pas pour la prendre. Pas pour la prendre.
J'ai si mal. Tellement que je m'écroule. Les genoux dans la terre imbibée d'eau, je voudrais pleurer. Je me lacère les avant-bras, les cuisses. Pour que la douleur physique remplace celle qui me hante. Mais cette dernière s'accroche.
Je vais devenir fou. Je ne supporterai pas leur absence.
Je voudrais revenir en arrière, j'aimerais avoir pu les sauver. Avoir passé plus de temps avec elles.
J'essaie de revoir leurs visages mais on dirait qu'ils me fuient, qu'ils ne veulent pas me faire cet infime plaisir. Il n'y a que leurs corps allongés par terre. Que l'ours d'Ada.
J'essaie de me souvenir des derniers mots que je leur ai dit avant de partir travailler. Mais ils m'échappent. Je ne m'en souviens pas. Je ne m'en souviens pas et je m'en veux.
Et mes larmes qui se refusent à moi. Je voudrais pleurer. Pleurer mes amours mortes. Mais même là, je n'arrive pas à les honorer.
Seul le ciel semble partager ma peine. Avec la pluie incessante, lui seul compatit à ma douleur.
Alors je reste là, sous le déluge. Et grâce à lui, des torrents dévalent mes joues.

— Joran, tu devrais rentrer maintenant.
— Non. J'ai assez abusé de ton hospitalité. Je vais y aller.
— Où ça ?
— Avec elles.
— Attends au moins que le jour se lève.

Il a raison. Évidemment qu'il a raison. Je ne trouverai jamais mon chemin en pleine nuit et d'après la végétation autour de nous, nous devons être assez profondément enfoncés dans la forêt. À contre-coeur, je rentre à sa suite.
Sans lui dire un seul mot, je retourne sur mon lit de fortune.
Je ne ferme pas l'œil de la nuit et dès les premières lueurs de l'aube, je ramasse mes quelques affaires et m'apprête à quitter l'abri. Mais avant de partir définitivement, je veux lui dire au revoir, le remercier de ce qu'il a fait pour moi même si j'aurais préféré me noyer.
Je le cherche partout, à l'intérieur, au dehors mais il n'est nulle part. Comment se fait-il que je ne l'ai pas entendu sortir ?
Je me décide à lui écrire quelques mots. J'ai vu qu'il y avait du papier dans la cuisine.
Je vais pour en prendre une feuille et vois qu'elle est déjà utilisée.
Des pattes de mouche sont posées délicatement dessus.

« Merci Joran. Merci d'avoir donné pour quelques jours un sens à ma vie. Tu m'as redonné envie de la vivre. Je pars sans aucun regret. Tu peux rester ici. Tu y seras bien. Prends le temps qu'il te faut et un jour, un jour, comme moi, reviens vers la lumière. Nous nous reverrons, je le sais. Je suis désolé pour ce qui t'es arrivé.
Ton ami.
Snow
PS : si tu veux aller au bord du lac, suis les érables. »

Je tourne et retourne la feuille entre mes doigts.
Je ne sais pas quoi faire. Dois-je rester ici ou bien partir ? Mais pour aller où ? Pour aller où ?
Je n'ai plus rien. Plus de logement, plus de possessions. Tout est parti en fumée. Tout. Plus aucun souvenir pour me raccrocher à ma vie d'avant.
Alors à quoi bon y retourner ? À quoi bon retourner travailler quand je suis incapable de sauver mes patients ?
Personne ne m'attend. Autant rester ici.
Du bout des lèvres, je remercie Snow pour son geste. Sa logorrhée ne me manquera pas mais lui si. Dans une autre vie, nous aurions pu être amis.
Peut-être que je devrais détailler tout ce qu'il a laissé derrière lui mais j'ai plus important à faire.
Je suis donc ses instructions à la lettre et en à peine un quart d'heure, le lac apparaît devant moi.
À l'abri sous le couvert des arbres, j'observe sa surface et la pluie qui la martèle quelques minutes avant de replonger dans la tourmente. Dans ma tourmente. Je ne veux plus en sortir.
Je vais vivre avec elles. Avec leur souvenir. Loin des autres. Loin de tout.

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