Chapitre 22
Il est plus facile de dire que l'on veut s'enfuir que de le faire. Beaucoup plus facile.
Nous sommes enfermés dans une forteresse dont nous n'avons pas encore trouvé la faille. Ce n'est pas faute d'avoir cherché, d'avoir observé les allées et venues du personnel quel qu'il soit.
Tout est parfaitement rôdé, bien huilé. Rien ne semble se passer de travers.
Nous avons même demandé qu'on nous mène à l'extérieur pour connaître parfaitement les alentours, quittes à être menottés et coupés de notre pouvoir.
Mais tout cela n'a servi à rien.
Les jours passent. Encore et encore. Cela fait maintenant plus d'un mois que nous sommes là.
J'en ai assez. Assez qu'il ne se passe rien. Que les journées soient parfaitement identiques les unes aux autres.
Le rythme d'Aset conditionne le nôtre. Nous nous relayons auprès d'elle et quand elle dort, nous réquisitionnons la salle d'entraînement. Nous passons beaucoup de temps tous ensemble à parfaire nos techniques de combat et nos sorts.
La pratique sportive alliée à une meilleure alimentation améliore notre condition physique de façon considérable.
Nous étudions aussi. La bibliothèque de nos appartements et celle du château nous offrent de quoi assouvir notre besoin de connaissance.
Nous ne mangeons plus avec le général que trois fois par semaine et c'est largement suffisant. Il est toujours aussi charmant mais semble de moins en moins supporter que nous ne ployons pas, même s'il ne le montre pas ouvertement. Il y a des signes. La veine qui palpite sur sa tempe. Son sourire qui parfois, juste une seconde, se crispe. Ses doigts qui martèlent la table l'air de rien.
Notre compagnie ne doit pas être non plus la meilleure qui soit.
L'absence d'une quelconque issue est redoutable sur notre humeur. Nous sommes tous plus ou moins irritables et nous refermons sur nous-même.
Le temps a tourné progressivement. Petit à petit, le soleil de printemps a laissé place à la pluie. Juste des averses au début. Depuis quelques jours, une pluie fine et pénétrante nous tient compagnie. Je sais qu'elle est de mon fait.
Malheureusement, je ne peux rien faire pour l'arrêter. Personne n'arrive à me changer les idées. Même les éclats de rire d'Aset ne parviennent pas à me dérider totalement.
Pourtant, ce bébé est un rayon de soleil. C'est le seul qui nous reste maintenant que le vrai a tiré sa révérence devant les nuages.
Marley et Snow passent leur temps à se chercher. C'est à celui qui fera sortir l'autre de ses gonds en premier. C'est épuisant. Lassant. Énervant. Les portes claquent à tout va, l'air est chargé d'électricité à chaque fois qu'ils sont dans la même pièce.
Je crois bien que je vais finir par les enfermer dans une des chambres et attendre de voir ce qui en ressortira.
Une fois de plus, ils sont en train de se disputer sur un sujet sans intérêt. Comme d'habitude, ils nous prennent à parti.
Cela suffit.
— Vous avez fini ?
Ils ont tellement l'habitude qu'Uhane ou moi les interrompions qu'ils ne s'arrêtent même pas dans leur lancée. Cette fois-ci est celle de trop. Je suis prêt à être patient mais il y a des limites.
— Snow, Marley, maintenant, vous la bouclez et vous m'écoutez.
Le ton de ma voix est sans appel et les coupe net dans leur élan. Ils me dévisagent, le regard mauvais. Le tonnerre gronde à l'extérieur, signe de mon énervement.
— Ça fait des semaines que vous êtes incapables de vous comporter comme des adultes. Donc vous dégagez. Trouvez-vous un endroit pour parler, vous hurler dessus ou je ne sais quoi d'autre mais je vous ordonne de n'en ressortir que quand vous aurez trouvé un terrain d'entente.
— On n'a pas d'ordres à recevoir de toi.
— Vous voulez vraiment jouer à ça ?
Tour à tour, ils me dévisagent, cherchant quoi répondre. En vain. Marley sort la première de la pièce. Tout dans son attitude trahit sa colère. Snow hésite à la suivre mais devant mon regard, il fuit. Peut-être qu'il se dit que l'affronter elle est moins difficile que subir ma compagnie.
Les éclats de voix reprennent à l'autre bout du couloir. Les entendre étouffés par la distance est malgré tout une vraie bénédiction.
— Merci.
— Je t'en prie.
— Sérieusement, s'ils ne t'écoutaient pas, je crois que j'aurais fait appel à mon pouvoir pour les y contraindre.
— Ça aurait pu être drôle.
— Pas pour eux.
Uhane aussi s'est entraîné ces dernières semaines. Pour ne plus subir l'influence du Prophète sans pouvoir rien faire. Elle n'a pas eu de nouvelles visions mais arrive désormais à contrôler sa magie. Elle n'est plus soumise. C'est elle qui mène la danse.
Elle nous a ainsi révélé bons nombres de choses qui étaient écrites.
La première fois, elle a dû lutter. Chaque mot qui sortait de sa bouche était une torture. Plus maintenant. Bien sûr, ses révélations ne nous ont apportés que peu de choses étant donné que la voie choisie a rendu le reste obsolète.
Mais en apprendre plus sur le général et ses troupes ainsi que sur les prophètes a été instructif. Très instructif.
Nous attendons malgré tout le retour de bâton. C'est évident qu'il y en aura un. Elle a trahi les siens. Elle a beau nous assurer que ce n'est pas grave, je sais qu'elle ment. Je vois bien qu'elle se renferme par moments, que ses yeux se perdent au loin. Même mes étreintes ne la ramènent pas toujours à moi.
Sa réplique me montre que, pour le moment, elle est entièrement avec nous. Avec moi. Pas à pas, je m'approche d'elle. Nous ne sommes seuls que rarement et je compte bien en profiter. Mes doigts viennent effleurer la peau découverte de sa gorge. Elle frissonne sous ma caresse.
— Joran...
Je sais ce qu'elle va me dire. Que nous sommes attendus. Que le général n'admettra pas notre retard. Je m'en moque. D'autant plus que les voix qui résonnent me prouvent que Marley et Snow n'ont toujours pas réussi à trouver un terrain d'entente.
— On doit y aller. Même sans eux. Tu le sais.
— Tais-toi...
— Tu sais bien que je le ferai pas. Je suis la voix de la raison.
— Je te déteste.
Elle se détache de moi. Se recule, un petit sourire malicieux accroché aux lèvres.
— Tu auras le droit de te rattraper.
— Je te prends au mot.
— J'espère bien.
Ma main reste posée sur ses reins pendant que nous quittons nos quartiers et que nous descendons les escaliers. Une fois en bas, nous nous séparons. Nous ne donnons plus aucun signe de notre attachement.
Ruth nous attend dans le hall. Son visage trahit sa surprise de ne pas nous voir au grand complet, mais elle n'ose pas nous questionner. Elle se met en marche et nous lui emboîtons le pas. Elle n'a plus besoin de nous montrer le chemin depuis longtemps mais comme nous ne voulons pas qu'il lui arrive quoi que ce soit, nous nous plions à la règle du maître des lieux.
Comme d'habitude, les créatures mythologiques qui ornent la porte me donnent la nausée. Voir les meurtres, les viols qu'elles perpètrent me fait baisser les yeux. À chaque nouvelle visite ici, je découvre un nouveau détail macabre. Je n'en peux plus.
Ruth frappe et la voix d'Aaron retentit instantanément de l'autre côté. Il n'a plus jamais été une seule fois en retard. Souvent, je me demande ce qu'il faisait. J'ai imaginé le pire comme les broutilles et à moins de lui poser directement la question, je n'aurai jamais de réponse. Sauf que je sais d'avance que ça ne lui plaira pas.
Après nous avoir annoncés, Ruth fait demi-tour.
Aaron remarque tout de suite que deux d'entre nous manquent. En tirant la chaise d'Uhane pour qu'elle puisse s'asseoir, il m'interroge du regard. Mon absence de réaction l'incite à prendre la parole.
— Comment se fait-il que Marley et Snow ne soient pas avec vous ?
— Un différent à régler.
— Dois-je faire enlever leurs couverts ?
— Il vaut mieux, oui.
Je m'attendais à ce qu'il soit contrarié. S'il l'est, il n'en montre rien.
Il fait la conversation, nous demande comme à chaque repas comment se porte Aset. Avant que je ne l'agresse, Uhane répond. C'est devenu un jeu. Il a toujours des questions qui m'énervent profondément et il le sait. Ma respiration, qui s'était un peu emballée, se calme. Bientôt, cela sera à moi de le piquer à vif. Je guetterai sa réaction. Qui sera minime, imperceptible et pourtant bien présente. Il se ressaisira plus vite que moi. Sa maîtrise est parfaite.
Mais pour le moment, j'ai envie d'être curieux.
— Pardonnez-moi d'avance ma curiosité mais vous ne nous avez jamais raconté comment vous êtes entré en possession de votre pouvoir. Voudriez-vous nous le dire ?
— Bien sûr. Ce n'est pas un secret.
Il dépose ses couverts à côté de son assiette vide, s'essuie la bouche avec sa serviette et boit une gorgée de vin rouge.
— Je suis né sourd. Mes parents ne le savaient pas. Nous vivions dans un coin reculé où les contrôles médicaux étaient peu fréquents. Je devais avoir deux ans quand ils s'en sont aperçu. Au lieu de m'aider, ils m'ont pris pour cible. Ils me battaient dès que je ne faisais pas ce qu'ils me demandaient. Ce qui arrivait très souvent même si j'avais appris très jeune à lire sur leurs lèvres.
Comme ils ne voulaient pas que les gens se moquent d'eux, ils m'ont caché, m'empêchant d'aller à l'école, en ne me donnant qu'une éducation rudimentaire. Ils m'ont juste appris à lire et à compter.
Un jour, je venais d'avoir treize ans, j'ai fugué. Je me disais que la vie serait forcément meilleure ailleurs. Ils m'ont retrouvé. Mon père m'a battu comme jamais il ne l'avait fait auparavant. Ma mère, qui préparait le repas à deux pas de nous, n'a pas réagi à une seule de mes supplications. Quand il en a eu assez, il m'a laissé, effondré sur le sol, et tous les deux se sont mis à table. Recroquevillé par terre, je me suis juré que j'allais les tuer.
Ils sont partis se coucher sans me jeter un coup d'œil. Pendant des heures, j'ai essayé de bouger. Quand j'y suis enfin arrivé, j'ai vidé toutes les bouteilles d'alcool que j'ai trouvées et j'y ai mis le feu. Depuis toujours, j'adorais jouer avec des allumettes. Les flammes m'attiraient.
Elles ont bientôt ravagé toute la maison. J'ai été pris de remords, j'étais quand même leur fils unique, alors je suis allé dans leur chambre. Ils me suppliaient de les aider alors qu'à peine quelques heures plus tôt, ils me battaient. Quelle ironie ! Je n'ai pas eu le temps de faire quoi que ce soit. Au pied de leur lit, le feu m'a englouti. Il m'a avalé. Formant une bulle protectrice autour de mon corps alors qu'il aurait dû me tuer. J'ai vu mes parents mourir sous mes yeux et au lieu d'en être horrifié, j'ai aimé ça. Les flammes me vengeaient. Je n'ai pas compris tout de suite ce qui s'était passé. Il m'a fallu un ou deux mois, peut-être plus. Et pendant tout ce temps, il me parlait. Et je l'entendais. Il me disait les choses grandioses que je pourrais accomplir. Mais pour cela, je devais apprendre à parler, m'instruire, le contrôler et gérer la magie.
Il m'a mené vers les bonnes personnes. Quand je surpassais mon maître, j'allais en trouver un nouveau. Cela a duré des années. Jusqu'à ce que j'entre dans l'armée. J'y ai appris d'autres choses mais ceci est une autre histoire.
Un bref silence plane entre nous. Il est brisé par Uhane.
— Pourquoi ne le montrez-nous jamais ?
— Comme Joran et sa sphère ?
— Oui.
— Le feu est sournois. Il est trop impulsif, trop imprévisible pour se contenir. Je n'ai envie de blesser personne.
— Ou alors, il a peur de l'eau...
Uhane semble regretter instantanément les mots qui sont sortis de sa bouche. Et finalement, se détend quand Aaron explose de rire.
— Peut-être aussi.
Je m'attends à ce qu'Uhane réponde mais aucun son ne sort de sa bouche. Ses yeux se perdent dans le vide avant de changer de couleur. Leur vert devient plus brillant. Plus intense. La voix qui reprend la parole n'est plus complètement la sienne, faisant cesser le rire d'Aaron.
— D'ici une heure, un homme se présentera à l'entrée du château. Qu'il soit accueilli comme il se doit. Son séjour sera bref mais qu'il ne soit pas dit que le Père n'est pas un hôte digne de ce nom.
Il demandera à parler au fantôme et sa requête ne souffrira aucun refus, de la part de ce dernier comme de ses compagnons ou du maître des lieux.
Il devra également voir l'élue et personne ne devra l'en empêcher.
Hâtez-vous.
L'étonnement se lit sur les traits du général mais il se retient de dire quoi que ce soit. Je jubile intérieurement. Il ne se souvient de rien. Il ne sait plus qu'il a déjà reçu ce type de message et doit être persuadé d'y assister pour la première fois.
Est-ce pour se redonner contenance qu'il boit une gorgée de vin ? Il nous regarde tour à tour et s'adresse enfin à Uhane.
— Savez-vous, ma chère, qui est cet homme ?
— Certainement l'un de mes semblables.
— Qui est le fantôme ?
— Moi. C'est la traduction littérale d'Uhane. Vous ne le saviez donc pas ?
— Non. C'est un détail fort intéressant. Une signification très forte.
— Effectivement.
— Que vient-il faire ici ?
— Je suppose que, comme je ne suis pas rentrée à l'université après ma dernière mission, ils ont dû envoyer quelqu'un sur mes traces.
— Comme c'est intéressant. Vous devez savoir que le château est normalement introuvable. Il est protégé par de puissants sorts indétectables. Votre magie échappe vraiment à tout contrôle.
Peut-être que notre chance est là. Peut-être que nous pourrons fuir avec le prophète. Et si c'est impossible, peut-être pourrons-nous lui demander de porter un message à Eolas et réussir à avoir enfin cette aide que nous n'attendons plus. Que nous n'espérons plus.
Perdu dans mes pensées, je n'écoute plus la conversation. J'échafaude des plans et regrette que Snow ne soit pas là. C'est lui le tacticien.
L'arrivée de Tahar devant son supérieur me surprend.
— Colonel, un homme va se présenter sous peu à l'entrée du château. C'est un prophète. Qu'il soit amené ici dès que son arrivée et qu'il soit traité avec la plus grande déférence. Dites également à la gouvernante de préparer une chambre.
— Bien, mon général. Autre chose, mon général ?
— Non. Merci. Vous pouvez disposer.
Aussi rapidement qu'il est arrivé, le voilà reparti. Il n'a encore pas passé la porte qu'Aaron s'exclame.
— Quelle merveilleuse surprise ! Peut-être pourrais-je en apprendre plus sur vous et vos semblables.
— Nous sommes très secrets. Je ne pense pas que celui qui va arriver soit plus loquace que moi. Et dans tous les cas, si nous le jugeons nécessaire, nous pouvons à tout moment effacer vos souvenirs de nous.
— Seriez-vous prête à le faire ?
— C'est toute ma vie. Je n'hésiterais pas une seconde si j'en percevrais le besoin.
— Quelles pourraient en être les raisons ?
Il cherche à en apprendre plus sur elle et les siens. Elle n'en avait jamais dit autant en sa présence. Sait-elle qui arrive ? Sait-elle qu'elle ne risque rien ? Ou au contraire tente-t-elle le tout pour le tout parce qu'elle sent le danger venir ? Je voudrais l'interroger mais cela m'est impossible ici.
— Elles sont multiples ou bien uniques. Et n'auraient aucune signification pour vous.
— Effaceriez-vous la mémoire de Joran ? Il me semble que vous êtes proches.
Il est perspicace et extrêmement observateur. Pouvons-nous seulement cacher ce que nous ressentons l'un pour l'autre ?
— Je l'ai déjà fait.
Je fais mine d'être surpris. D'être outré. Pour qu'il ne sache pas que cela n'a pas marché. Qu'on peut lutter contre.
— Le referiez-vous ?
— Si la survie de notre monde en dépend, sans aucune hésitation.
Je sais qu'elle dit vrai. La vie est trop importante pour elle. Plus que ses sentiments. Évidemment, le faire maintenant serait une torture plus grande que celle de la dernière fois.
J'entends encore sa litanie... Son chant triste et solitaire.
Aaron s'apprête à lui demander autre chose quand les yeux d'Uhane changent à nouveau de couleur.
— Il est là.
Patiemment, nous attendons le visiteur. Il ne faut que quelques minutes à Tahar pour le mener jusqu'à son supérieur.
Nous entendons la porte s'ouvrir et comme un seul homme, nous nous levons. Aaron, altier dans son costume immaculé, s'avance vers le visiteur tandis qu'Uhane reste en retrait. Elle s'est approchée de moi et furtivement, serre ma main. Comme pour me rassurer. Pour me dire que tout ira bien.
Je cherche ses yeux du regard pour avoir une confirmation mais elle les garde fixes devant elle.
Le général salue le nouveau venu avec les paroles d'usage. Ces mots de l'ancienne langue qui régit le monde des sorciers.
Enfin Aaron s'écarte.
Je devine immédiatement qui est l'homme qui nous fait face. Et tout s'éclaire. Les mots qu'Uhane a dit tout à l'heure me reviennent en mémoire. « Il demandera à parler au fantôme ».
Ils ne se ressemblent pas mais leur attitude, leur façon de se tenir sont identiques.
Ils ne bronchent ni l'un ni l'autre, ne se permettent aucun geste qui pourrait les trahir.
Aaron et moi-même assistons à un salut comme peu de personnes ont dû en voir. Uhane et son père récitent ensemble une sorte d'ode à la connaissance. Un mantra souhaitant longue vie aux prophètes et à la conservation du savoir. À chaque mot qu'ils prononcent, leur magie envahit la pièce et prend possession d'eux. Les yeux du père ne cillent pas quand ceux de sa fille ne virent pas au noir. Je crois même qu'un sourire, un infime sourire étire ses lèvres. Symbole de sa fierté.
Le pouvoir est tellement fort que nous reculons de quelques pas sans le vouloir.
Bientôt, ils appellent les éléments qui font partie de nous. Une flamme vole vers eux tandis que la sphère vient se placer sur l'épaule d'Uhane.
Encore une fois, son père sourit.
Ada s'incline la première devant le prophète qu'elle ne connaît pas, suivie aussitôt après par le feu. Ce dernier peine à se courber.
Cela ne m'étonne pas. Aaron est droit et fier. Son pouvoir est comme lui.
La magie qui envahissait la pièce s'efface soudainement.
Le général rappelle à lui sa flamme et la fait disparaître tandis que de mon côté, la sphère revient au dessus de mon épaule.
L'homme se tourne vers moi et s'adresse à moi dans la langue des mortels.
— Nous vivons des temps troublés. Chacune de nos décisions impacte le cours des choses. La voix que tu as choisi est floue, obscure, incertaine. Mais il est maintenant de notre devoir de faire avec. Que le flux te protège, toi, le Protecteur. Qu'il amène la paix, sur toi et les tiens. Qu'il te guide quand les heures seront sombres.
Comme Aaron ne cille pas, j'en conclue qu'il a dû lui dire la même chose. Il reste neutre pour le moment.
— Que le flux vous protège également.
Je m'incline légèrement.
Je ne suis pas encore tout à fait relevé que la voix du prophète emplit à nouveau la pièce.
— Je dois maintenant m'entretenir avec ma consœur, seule à seul. Merci de nous conduire à ma chambre.
— Bien sûr.
Aaron demande à Tahar de nous raccompagner. Il s'arrête un étage plus bas que nos quartiers et fait entrer Uhane et son père à sa suite.
Je finis le chemin seul.
Pas un bruit ne résonne dans l'appartement. Comme le salon et la bibliothèque sont vides, je me rends dans ma chambre. Après m'être mis à l'aise pour la nuit, je m'allonge sur mon lit et attends. J'attends qu'Uhane revienne. Combien de temps s'écoule avant qu'elle n'ouvre enfin la porte et vienne se glisser contre moi ? Je n'en sais rien. Je la serre dans mes bras et embrasse son front.
— Il t'aime beaucoup.
Je sens le soulagement dans sa voix et son sourire contre mon torse.
— Il a le droit de prendre parti ?
— Non. Enfin, le prophète n'en a pas le droit. Mais mon père, si.
— J'ai tout de suite su que c'était lui. Tu te tiens exactement de la même manière.
— Je sais. On nous l'a toujours dit.
— Comment s'appelle-t-il au fait ? Il ne nous l'a pas dit...
— Kaleo. Ça veut dire « la voix ».
— C'est bien choisi.
Elle sourit.
— Tu as le droit de me raconter ?
— Non.
— D'accord...
— Je le ferai quand même. Mais pas ce soir. Pour ce soir, je veux juste te sentir contre moi.
— Vos désirs sont des ordres.
Je la serre un peu plus contre mon corps.
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