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Chapitre 15

Cela fait maintenant plusieurs jours qu'Uhane est avec nous. Attend-elle un moment précis pour nous délivrer son message avant de disparaître ? Ou profite-t-elle juste de notre compagnie ? De ne pas être seule sans personne ?
Je ne saurais le dire.
Ce que je sais en revanche, c'est que sa présence nous a redonné espoir et courage. Le vent s'est peu à peu éteint. Les nuages se sont délités et avec eux, la pluie a cédé la place au soleil. Ses rayons sont de plus en plus chauds. Les jours rallongent. L'hiver s'effacera bientôt devant le printemps. Et la vie reprendra ses droits.
Nous avons exploré les environs et n'avons vu âme qui vive à des kilomètres à la ronde.
Uhane nous a assuré que nous ne risquions rien. Il est facile de la croire en sachant que son don repose sur les prédictions. Sur la connaissance de l'avenir. C'est un peu terrifiant aussi.
Outre les pièges que nous avons posés pour avoir de la viande fraîche, nous avons décidé de vivre un peu plus normalement. Nous avons fait du feu dans la cheminée. Nous dormons de nouveau la nuit sans tour de garde. Nous avons investi les chambres de la maison. Pour la première fois depuis notre départ du sanctuaire, nous ne sommes pas les uns collés aux autres.
Notre moral s'en ressent. Avoir un peu d'intimité nous fait du bien.

Notre visiteuse passe beaucoup de temps avec Marley et Snow. M'évitant le plus possible. Comme si se retrouver à proximité de moi la dérangeait. Pourtant, je vois bien que ses yeux passent leur temps à me chercher dès que nous sommes dans la même pièce. Que parfois, son corps vient effleurer le mien et que ce contact la trouble. La blesse. Elle se retire bien trop vite à chaque fois.
Elle m'intrigue à agir de la sorte.
Plus les jours passent, plus je m'habitue à sa présence. A sa bonne humeur, ses conversations toujours intéressantes. Sa grâce. Aux sourires qu'elle donne aux autres alors que j'aimerais que certains soient pour moi. Petit à petit, je sens que je m'attache. Ce qui est ridicule étant donné que d'un jour à l'autre, elle va effacer ma mémoire.

Plongé dans le livre que j'ai emporté sur les simples, je me laisse bercer par les voix de mes compagnons. Par la profondeur de celle de Marley, ses rondeurs et sa détermination. Par le timbre posé de Snow malgré son débit de paroles. Par la douceur un peu cassée et la résignation de celle d'Uhane. Elles m'apaisent. Comme seules celles d'Abby et d'Ada parvenaient à le faire.
Un détail dans mon livre attire soudain mon regard. J'ai déjà vu cette plante. Ici. Dans la forêt qui borde la maison. Je ne savais pas qu'elle avait une quelconque utilité.

« Gaalanta Seduma
Description :
Plante d'hiver herbacée vivace à bulbe, de dix à trente centimètres de haut.
Fleur solitaire le plus souvent blanche ou bleue à cinq pétales ovales arrondis à leur sommet.
Trois feuilles d'un vert franc.
Tige unique à section arrondie d'une taille équivalente à celle des feuilles.
Période de récolte : fin février-fin mars. La plante est alors en floraison et ses propriétés médicinales plus importantes. On peut néanmoins récolter les bulbes à toute période de l'année.
Propriétés médicinales :
- Bulbe séché et réduit en poudre : anti-vomitif
- Tisane de fleurs (séchées ou non) : favorise la circulation sanguine, stimule la mémoire
- Décoction de feuilles : cicatrisant et antiseptique sur plaies ouvertes »

Nous sommes pour le moment parvenus à ne pas nous blesser et les médicaments que nous avons me donnaient jusqu'à maintenant l'impression que nous étions hors d'atteinte. Mais les propriétés de cette plante me rappellent à l'ordre. En ramasser me permettrait d'économiser nos réserves mais aussi de remplacer certains produits quand ils viendront à être épuisés. Parce qu'ils le seront, je le sens.
Bien décidé à ne pas perdre de temps mais surtout à fausser compagnie à Marley, Uhane et Snow, toujours plongés en grande conversation, je me lève et pars enfiler quelques affaires plus chaudes. Mon livre en poche, je quitte la maison sans bruit.
Me retrouver seul à l'extérieur me fait un bien fou. L'air me réveille. Je respire à plein poumons, laissant le soleil réchauffer ma peau.
Petit à petit, je m'éloigne de la bâtisse. Chaque pas me rapproche de la forêt où j'ai repéré les Gaalanta. Bientôt un tapis de petites cloches blanches me fait face. Leur beauté, la finesse des pétales m'arrachent un sourire.

— Elles sont belles.

Je ne me retourne pas vers la voix. Je ne réponds pas non plus. Un instant, je pense que j'étais venu pour être seul et la seconde d'après, que je suis content qu'elle soit là. Un peu trop peut-être. Pour une fois, elle ne me fuit pas.
Je m'accroupis sans la regarder alors que je crève d'envie de me perdre dans ses yeux et commence ma cueillette. Je prends soin de ne pas arracher tous les bulbes. Il faut leur laisser une chance d'être encore là l'année prochaine.
Uhane me regarde faire quelques minutes puis s'agenouille à mes côtés.

— Je peux t'aider ?
— Bien sûr.

Nous accomplissons notre tâche en silence. Faire une activité manuelle, utile, me délasse. Après tous ces jours à tourner en rond et ne rien faire, à avoir l'esprit occupé par de sombres pensées et des voies sans issues, ramasser ces fleurs est un vrai cadeau.
Un moment hors du temps. En communion avec la nature.
Bientôt, j'estime avoir assez de plantes. Je lève mon corps endolori d'être resté trop longtemps accroupi. Uhane fait de même à mes côtés. Elle étire son corps longiligne comme une danseuse. Nous devrions rentrer...

— Tu voudrais te promener ?
— Pourquoi pas...

L'hésitation dans sa voix me touche.

— Je comprendrai si tu ne veux pas, tu sais.
— C'est compliqué.
— Pourquoi ? Explique-moi.

Elle a l'air gênée. Et je ne veux surtout pas la mettre mal à l'aise. Je fais quelques pas qui m'éloignent d'elle. Marchant entre les arbres. Ramassant ici et là des branches mortes pour alimenter le feu. Alors que je préférerais la prendre dans mes bras et la serrer contre moi pour tenter d'enlever sa peine et son trouble.
Elle me suit. Sans faire de bruit, sans dire un mot. Seules les feuilles qui crissent sous ses pas et sa respiration m'indiquent sa présence. Cette dernière est irrégulière.

— Joran...
— Oui ?
— Qu'est-ce que tu ferais si tu savais que tu allais perdre une personne qui compte beaucoup pour toi ? Tu profiterais des moments passés avec elle ? Tu ferais tout pour ne pas t'attacher ? Tu l'ignorerais ?

Sa question me prend au dépourvu.
J'arrête ma cueillette, pose les branchages au sol en un tas plus ou moins rangé. Puis me tourne vers elle. Son visage est dirigé vers le sol de sorte que je ne peux voir ses yeux, son expression. Tout ce qui pourrait me donner un indice de plus sur le sens de ses paroles.
Alors, je comble la distance qui nous sépare et d'une main, relève son menton lentement.
Sa peau est douce sous mes doigts. Ses yeux plein de larmes. Et mon cœur bat un peu trop fort.

— À quel âge as-tu eu ta première vision de moi ?

Je comprends que ma question est pertinente à son regard qui fuit le mien. Mais, même si ses yeux se dérobent, elle me répond.

— J'avais neuf ans. Depuis vingt ans, presque chaque jour, chacune des voies qui t'attendent m'apparaissent. Même maintenant. Je pensais qu'elles s'arrêteraient vu que tu étais à mes côtés. Mais non. Il y a tant de voies possibles, Joran... Certaines ont été décrites par d'autres. Les miennes ne font que les confirmer. D'autres me sont propres. Il paraît que jamais personne n'en a eu autant sur un seul et même être.
— Tu sais pourquoi ?

Je sens qu'elle a une explication mais qu'elle ne voudra pas me la dire. Certainement parce qu'elle lui coûte trop. Certainement aussi parce qu'elle pourrait m'influencer et qu'elle n'a pas le droit. Je préfère orienter la conversation vers un terrain moins dangereux. Moins problématique pour elle.

— Est-ce que tout est écrit ?
— Oui. Enfin surtout les principaux événements. Parfois, ils peuvent paraître insignifiants pour la personne alors qu'ils ont une grande importance pour l'Histoire.
— Comment te viennent tes visions ?
— Ce n'est jamais pareil. Il y a toujours un déclencheur. Ce peut être un bruit, une odeur, une musique. Un regard. Mais le plus souvent, elles me viennent dans mes rêves.
— Comment sais-tu que ce ne sont pas seulement des rêves ?
— Je ne sais pas. C'est une évidence, c'est tout. Comme le soleil qui se lève à l'est et se couche à l'ouest.
— Tu avais vu notre conversation ?
— Non. Je ne suis jamais le sujet de mes visions. C'est impossible pour un prophète.
— Alors je peux répondre à ta première question.

Elle sourit et des larmes perlent à nouveau à ses paupières. D'un geste, je les efface. Et l'attire contre moi. Le réconfort que son contact me procure me bouleverse autant qu'il me fait du bien. Il implique beaucoup trop de choses. Beaucoup trop. Parce qu'envisager quoique ce soit est impossible et que je vais lui dire le contraire. Je me dois d'être honnête. En embrassant ses cheveux, je lui murmure ma réponse.

— Je profiterais, Uhane. Même si c'est dur après. Même si la perte est horrible. Et que toi seule resteras avec les souvenirs de l'être que tu as perdu. Parce que c'est bien de cela que l'on parle n'est-ce pas ?
— Oui.

Là, sa tête posée contre mon torse, elle reprend sa respiration. Elle hésite encore à parler. J'essaie de lui donner du courage en lui caressant doucement les cheveux, le dos, ses bras si frêles que je pourrais avoir peur de la briser.

— Je t'aime, Joran.

Je sais. Je l'ai compris. Juste avant que tu me le dises, je l'ai compris.
Et elle va effacer ma mémoire. Tous ces moments passés ensemble ne resteront gravés que dans son esprit à elle. Je ne la reconnaîtrai pas si jamais nos routes sont amenées à se croiser à nouveau.
Et j'en crève. Parce qu'elle m'attire aussi. Parce que je me rends compte que ces jours passés à ses côtés sont les meilleurs depuis bien longtemps alors qu'ils étaient sans intérêt. Je me rends compte que je cherche sa voix, sa présence et que je suis capable de dire qu'elle ne m'a pas quitté des yeux seulement parce que j'ai fait exactement la même chose qu'elle. J'ai cherché son regard, sa présence.

— Je sais. Et dans quelques jours, peut-être même dans quelques heures, tu vas effacer ma mémoire. Et toi seule resteras avec le souvenir de ce qu'on aura partagé.

Elle pleure de plus belle dans mes bras. Et sa peine se mêle à la mienne. Celle que je ressens au jour le jour, qui m'accompagne depuis la mort d'Abby et Ada. Cette amie dont je ne peux me séparer est rejointe par celle qui cherche son chemin vers mon cœur à cet instant. Ça fait mal. Mais comme je viens de le dire à Uhane, il faut profiter.
Pour la deuxième fois, je soulève son menton, pour la deuxième fois, ses yeux pleins de larmes se perdent dans les miens. J'arrête de réfléchir, je mets en pause ma raison qui me dit que je ferais mieux de ne pas lui donner de l'espoir alors qu'il n'y en a aucun et je pose mes lèvres sur les siennes.
Tout ne devient alors que sensations.
Il y a les bruits de la forêt autour de nous qui s'exacerbent, la magie en moi qui s'affole, comme si elle sautait de joie.
Il y a la douceur de sa peau, la tension de son corps contre le mien.
Le désir qui monte en moi.
Et son envie que je ressens à travers chacune de mes cellules comme ça n'a jamais été le cas avant. Sans doute parce que j'étais différent.
Sans doute parce que je ne pensais plus jamais ressentir une chose pareille.
Je me laisse aller. Je savoure l'instant.
Et finalement, quitte ses lèvres. Le jour tombe et nous devons rentrer. D'autant plus que Snow et Marley vont certainement s'inquiéter.
Je mêle ses doigts aux miens après avoir ramassé les branchages. Nous rebroussons chemin dans la pénombre. Sans parler. À quoi cela servirait-il ? Quels mots pourraient être à la hauteur de ce qui est en train de se passer ?
Sans lâcher sa main, je pénètre dans la maison. Sans lâcher sa main, j'affronte les yeux de mes amis. Sans lâcher sa main, je les défie de dire quoi que ce soit. J'abandonne le petit bois près de la cheminée et entraîne Uhane dans ma chambre.
Ce n'est qu'à ce moment-là que je m'arrête.
Je cherche dans son regard son accord pour ce que je m'apprête à faire. Mais je ne le vois pas. Je me détourne. Je suis un idiot. Je n'aurais jamais dû faire cela.

— Excuse-moi.

Je fais les cent pas à travers la pièce. Soudain, elle m'arrête. Ses doigts remontent le long de mon bras et abaissent ma capuche. Ils courent le long de ma mâchoire avant de redescendre dans mon cou.
Je la laisse faire. Je lui laisse prendre les devants. Je sens qu'elle en a besoin.
Et enfin, elle lâche prise. Ses lèvres rejoignent les miennes. Ses mains tremblantes, signe de son combat intérieur qui fait toujours rage, partent à la rencontre de ma peau.
C'en est plus qu'il ne m'en fallait pour que je réponde enfin à ses caresses.
Bientôt, nos corps ne font plus qu'un. Et notre étreinte a le goût du désespoir. Bientôt, le plaisir nous emporte. Et je sais, en la serrant contre moi, à la façon dont elle est à nouveau sur la défensive, que, demain, elle nous délivrera son message. Bientôt, le sommeil m'emportera comme il vient de le faire avec elle. Mais pour le moment, je grave chaque centimètre de sa peau dans ma mémoire, espérant trouver un moyen pour ne pas l'oublier.

Le jour se lève. Me tirant du sommeil. Sans bruit, je récupère mes vêtements, les passe et sors de la chambre. Avant de fermer la porte, je balaie des yeux le corps endormi d'Uhane. Elle est si belle. Un sourire triste effleure mes lèvres pendant que je quitte la pièce.
Du feu crépite déjà dans la cheminée. Évidemment.

— Salut.
— Tu l'abandonnes déjà ? Je te pensais plus résistant.

Cela ne vaut même pas la peine de répondre.

— Tu sais ce qu'elle va endurer après ? Tu aurais pu t'abstenir de sauter sur la première fille qui passe. La première prophète qui passe pardon.
— Tu peux garder tes remarques pourries pour toi pour une fois ?
— Joran, elle va effacer tous les moments qu'on aura partagés avec elle en dehors de ce qu'elle doit nous révéler. Quand elle l'aura fait, tu la regarderas sans même la reconnaître. Tu sais ce qu'elle va ressentir ? Tu sais la peine qu'elle va ressentir ?
— Oui.
— C'est tout ce que tu as à me répondre ? Un pauvre petit « oui » ?
— Oui.
— Bordel.
— Non mais sérieux, Snow, tu me prends pour un imbécile ? Tu crois sérieusement que je n'ai pas pensé à tout ça ? Tu crois que ça m'amuse ? Si c'est le cas, tu me connais vraiment mal.
— J'ai jamais dit que ça t'amusait mais que tu allais lui briser le cœur.
— C'était déjà fait. C'est fait depuis sa première vision sur moi. Depuis qu'on lui a confié cette mission parce que c'était la seule à pouvoir la réaliser.
— Pourquoi en rajouter une couche alors ?
— Je n'ai rien prémédité. Ça m'est tombé dessus à moi aussi. Et si tu crois que ça va m'amuser tout à l'heure quand elle va nous délivrer ses prédictions, tu te trompes. Tu te trompes... Ces quelques jours... J'ai... J'ai respiré. Je n'ai pas pensé en permanence à cet homme qui a tué ma femme et ma fille sous mes yeux. Je n'ai pas vu leurs cadavres. Je ne me suis pas revu en train de m'effondrer. Alors oui, je ne me souviendrai de rien. Je ne saurais plus que ma peine s'est provisoirement allégée. Mais tu sais quoi, tant pis. Parce que là, là avec elle, même si ce n'était qu'un instant, presque qu'une illusion, je me suis senti bien.

Snow me dévisage sans rien dire. Peut-être le temps d'assimiler mon petit discours. Peut-être le temps de trouver la remarque cinglante qu'il me dira après. Je n'en sais rien.

— Si seulement, il y avait un moyen...
— De ?
— De ne pas oublier.
— Je ne pense pas qu'on puisse faire quoi que ce soit contre sa magie. Elle est trop différente.
— Oui... Et si justement, on n'utilisait pas la magie ?
— Comment on pourrait le faire sans la magie ?
— Je ne sais pas. Si tu l'écrivais quelque part ?
— Je suis sûr qu'elle le trouverait. D'autres ont dû essayer avant nous.

Je réfléchis à sa proposition. Pourquoi fait-il cela pour moi ? Pourquoi oserait-il bravé le destin, les écrits qui contrôlent nos vies ? Est-ce la part de libre arbitre dont m'a parlée Eolas ? Ou bien un événement si insignifiant pour l'Histoire qu'il n'a pas été consigné ? Est-ce seulement qu'il est « l'homme à l'espoir » comme l'a appelé Uhane ?
Je n'en sais rien.

— Je sors. Prendre l'air va me faire du bien. Peut-être que je trouverai une idée. Retiens-la un peu, OK ?
— D'accord. Si tu trouves quelque chose, fais-le seulement pour toi, tu veux bien ?
— Pourquoi ?
— Parce que tu vas nous le proposer aussi, je te connais. Et que c'est trop dangereux. La magie est forte et trois personnes qui la contre en même temps, je suis certain que ce n'est pas une bonne idée. Promets-le-moi.
— Promis.

L'air matinal me prend au visage. Même si certains signes annoncent le printemps, il n'a pas encore pris ses quartiers. L'hiver fait de la résistance. Je fais les cent pas autour de la maison. Tentant de trouver une solution. Mais rien. Je ne trouve rien.
Tourner en rond ne menant à rien, je décide de me rendre utile en allant relever les pièges. Mes pas me portent vers le premier, le second puis le troisième. Le troisième... Placé là au pied d'un arbre entouré de fleurs.
Des petites cloches blanches et d'autres bleues.
Des Gaalanta.
Je nous revois en train de les ramasser hier. Je me revois la prendre dans mes bras et la serrer contre mon cœur au milieu des fleurs.
Je me revois découvrant dans mon livre cette plante aux nombreuses indications médicinales.
« Stimule la mémoire ».
Peut-être... Peut-être que ça pourrait marcher. J'aimerais avoir une confirmation mais à qui puis-je en demander une ?
Une idée me vient.

— Ada. Eleja Ada.

La sphère se forme dans ma main. Puis ondule, s'agite. Elle me salue. J'ai l'impression qu'elle est contente de me voir.Moi aussi. Comme s'il s'agissait d'un être humain, je m'adresse à elle.

— Tu as dit que tu serais toujours avec moi.
— Oui.
— Même si je veux contrer la magie ?
— Oui.
— Nous ne faisons qu'un. Je suis avec toi.
— Tu peux m'aider ?
— Oui. Je ne sais pas si ça marchera mais il faut essayer.
— Pourquoi ?
— Parce que c'est la meilleure voie possible.
— Comment tu peux le savoir ?
— Tu ne te trouves pas apaisé depuis que tu as une solution, même si ses chances de réussite sont minces ? Tu n'as pas l'impression d'être en harmonie avec la nature depuis que tes yeux se sont posés sur ces fleurs ?

Elle a raison.

— Tu as encore beaucoup de choses à apprendre, Joran. Mais retiens celle-ci aujourd'hui. La nature sait ce qui est le mieux pour elle. Avant les écrits, les prophéties, avant la magie. Elle sait. Apprends. Apprends à l'écouter.
— Est-ce que ma décision a été écrite ?
— Oui. Une seule fois. Elle n'a donc pas été retenue comme possible.
— Pourquoi ?
— Il faut qu'elle apparaisse au moins trois fois avant d'être une voie acceptable.
— C'est Uhane qui l'a eue ?
— Non. Elle en est le sujet principal. Elle ne peut pas le voir. Bien sûr, elle en a rêvé. Elle le fait en ce moment même. Mais elle l'oubliera dès qu'elle ouvrira les yeux.

Cela me rassure. La mettre dans l'embarras aurait été difficile pour moi.

— Ada ?
— Oui ?
— Tu sais tout ? Tout sur moi ? Sur l'avenir ?
— Non. J'interprète les signes. Je te vois dans le flot de la magie parce que j'y suis pour toi, avec toi. Je vois comme tu l'influes. Et c'est beau, Joran.
— Je ne vois rien de beau, ici.
— Un jour, je te montrerai. Je t'emmènerai avec moi. Mais pour le moment, tu dois y retourner.

J'ai envie de lui demander comme les autres fois si elle reste avec moi. Juste pour qu'elle me réponde « toujours ». Mais ne le fais pas. Elle s'est déjà placée au dessus de mon épaule.
Je ramasse les lièvres qui se sont pris dans les pièges et retourne à la maison. Dès que j'y entre, Snow comprend à la présence de la sphère que j'ai trouvé un moyen.
Je lui donne notre butin. Il s'éloigne pour les dépecer. Il sait que je déteste quand il fait ça. Pendant ce temps, je nous prépare de quoi déjeuner. Je fais bouillir de l'eau et y fais infuser les fleurs de Gaalanta. Je prie pour que ni Marley ni Uhane ne se réveillent et viennent me déranger maintenant.
La tisane a un petit goût subtil me rappelant la bergamote. Abby adorait ça.
Je finis ma tasse au moment où Uhane entre dans la pièce.  Ses yeux me fuient. Je m'approche d'elle et la serre contre moi.

— Tu vas partir, c'est ça ?
— Oui.
— Ça ira, tu sais.

Des sanglots secouent ses épaules. Je préfère changer de conversation.

— Comment se passe la transmission de ton message ? Dois-tu suivre un ordre précis ?
— Oui. Je dois parler à Marley d'abord. À Snow ensuite. Puis à vous trois réunis. Et enfin, à toi en dernier.
— D'accord. Mais avant, petit déjeuner. Tu veux bien aller réveiller Marley, s'il te plaît ?
— Pas la peine, je suis déjà là.

Elles s'installent toutes les deux autour de la table bancale. C'est à ce moment-là que Snow revient de sa tâche ingrate. Il se laisse tomber sur une chaise sans ménagement et manque de tomber. Il a fallu qu'il choisisse la seule cassée. Des rires fusent. Je le soupçonne de l'avoir fait exprès pour détendre l'atmosphère. Tout en trempant un bout de pain dur comme la pierre que nous avons fait avec les moyens du bord dans sa tasse ébréchée, Marley prend la parole.

— On part aujourd'hui, c'est ça ?
— Oui. À la tombée de la nuit.
— Dormir dans le froid entre deux ours mal léchés me manquait.
— Un seul. L'autre monte la garde.
— Ah oui, c'est vrai. Dommage, l'idée de dormir avec vous deux est tellement alléchante.

Nous rions. Tous. De bon cœur. Jusqu'à ce que le rire d'Uhane se bloque dans sa gorge et que ses yeux s'égarent. Loin. Très loin. Devenant tout à coup aussi noirs que la nuit. Nous comprenons aussitôt qu'elle doit avoir une vision.
Combien de temps restons-nous à la regarder ? J'ai l'impression que ça dure une éternité. Et soudain, ses yeux retrouvent leur teinte verte et se rivent aux miens.
La voix qui sort de sa bouche énonce ces mots que je ne voulais pas entendre.

— Il est temps.

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