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Chapitre 1

— Papa ! Tu es enfin rentré !

J'ai à peine passé la porte qu'Ada me saute dessus. Comment à seulement cinq ans peut-elle être encore aussi en forme à cette heure-ci ?
Et même si elle devrait être couchée depuis longtemps, la voir me fait oublier l'horreur de ma journée.
Il y a encore eu trop de blessés que nous n'avons pas pu sauver.
La mort est partout. Dans les rues, les dispensaires de fortune créés ici et là parce que les hôpitaux sont surchargés.
Tous les jours, je me demande quand la guerre cessera. Quand nos dirigeants reconnaîtront que c'en est assez, que trop de civils meurent et que nous ne supportons plus tout cela.
Je ne le supporte plus.
Je suis devenu médecin pour aider à donner la vie. Bien sûr parfois, j'ai dû tout faire pour la sauver. Mais pas comme cela.

— Papa, tu veux bien me lire une histoire ?
— Bien sûr ma chérie. Laquelle tu veux ?
— Celle de la princesse...
— Ada, tu n'as que des histoires de princesses. Tu sais ce qu'on fait ? Tu prends ton livre, tu te mets au lit et j'arrive.

Elle me file entre les doigts sans me répondre pour aller chercher son livre. Je la regarde faire du coin de l'œil, un sourire aux lèvres.
Deux bras graciles m'enserrent la taille et un baiser vient effleurer mon cou. J'adore quand Abby fait ça. Je l'embrasse à mon tour sur la tempe quand elle vient se poster à côté de moi.

— Elle te ressemble de plus en plus.
— Je ne trouve pas. Elle a ta grâce, tes yeux, ton sourire...
— Elle ne sourit plus beaucoup ces temps-ci. Je n'arrive plus à lui changer les idées. Il n'y a que quand tu rentres qu'elle s'éveille un peu.

Sa voix nous parvient de l'unique chambre de l'appartement qui nous a été assigné il y a maintenant trois ans.

— Tu devrais y aller.

Je l'embrasse encore en lui murmurant que je reviens vite.
Ada est confortablement assise sur son matelas posé à même le sol. Elle a pris nos oreillers, les a mis derrière son dos et serre son doudou dans ses bras. Ce vieil ours ne ressemble plus à grand chose tellement elle l'a traîné partout.
Je m'installe à côté d'elle en faisant exprès de ne pas savoir comment me mettre. Je me tortille, râle, déplie et replie mes jambes bien trop longues pour son matelas et elle rit. Elle rit, effaçant la guerre et la mort qui rôde.
Elle reprend son sérieux et me tend son livre.
Bien évidemment, je le connais par coeur. Je m'amuse à changer ma voix à chaque personnage et l'intonation fluette de la princesse lui plaît particulièrement. Son rire envahit une fois de plus la pièce. Elle est coupée dans son élan par des coups tapés au mur.
Comme d'habitude, nos voisins n'aiment pas l'insouciance.

— Je crois que c'est l'heure de dormir, princesse.
— Encore un peu, s'il te plaît...
— Non. Tu devrais déjà dormir depuis longtemps.

Elle se jette dans mes bras et essaie de me serrer de toutes ses forces. Je feins de ne plus pouvoir respirer avant de l'embrasser, de lui souhaiter bonne nuit et enfin de sortir de la chambre.

Le sourire d'Abby disparaît quand je m'assois à côté d'elle. Elle se serre contre moi, appuie sa tête contre mon épaule. Maintenant qu'Ada dort, maintenant que nous n'avons plus à travestir la réalité pour embellir sa journée et son monde, Abby retrouve la tristesse qui ne la quitte plus.
Je hais cette guerre.
Nous étions heureux. Ma femme était la gaieté incarnée. Elle souriait tout le temps. Elle riait.

— Ça a été aujourd'hui ?
— On va dire que oui.
— Abby, parle-moi...
— Tu crois que la guerre va s'arrêter un jour ?
— Je ne sais pas. Des soldats disent que les traités de paix avancent. D'autres que nos chefs d'états se sont planqués quelque part et qu'ils se fichent pas mal de ce qui se passent dehors...
— Tu en penses quoi ?
— Que je préférerais que la première version soit la bonne.
— Moi aussi.

Un silence assourdissant nous rattrape. Il est rempli de toutes nos questions, de toutes nos peurs. De celles trop difficiles à extérioriser, à voir en face.
La flamme de la bougie posée sur la table vacille avant de s'éteindre. Cela faisait déjà plusieurs jours que je pensais qu'elle allait mourir, elle aussi.
Elle signe la fin de notre soirée. C'était la dernière que nous avions. Nous n'avons plus qu'à aller nous coucher. De toute façon, je me lève tôt demain matin.
Comme nous pouvons, nous nous préparons pour la nuit.
Nous rejoignons Ada qui dort paisiblement. Je l'imagine, serrant son ours contre elle. Rêvant aux princesses de ses livres.
Je m'allonge contre Abby et l'enlace.

— Je t'aime.

Ma voix n'est qu'un murmure.

— Je t'aime.

Malgré la guerre qui fait rage au dehors. Malgré les morts, les tickets de rationnement, la pénurie de la plupart des denrées. Même si elle sourit de moins en moins. Même si je rêve d'une autre vie. Je l'aime.
Je ne tiens que grâce à elles. Que pour elles.

Un bruit nous réveille en sursaut.
Les bombardements ne s'arrêtent même plus la nuit. Les sirènes hurlent. Elles appellent la population à se protéger. Mais où ? Où pourrions- nous aller ? Les abris sont détruits.
Heureusement, Ada ne s'est pas réveillée. Je me prends à l'envier.
Je sais que ma nuit est finie, je n'arriverai pas à me rendormir. Il y a trop de bruit au dehors. Trop d'ombres qui m'envahissent.
Est-ce qu'un jour, tout cela va cesser ?
Je serre Abby un peu plus fort dans mes bras. Petit à petit, je sens sa respiration s'apaiser et devenir régulière. Une vague de soulagement m'envahit. Elle doit se reposer. Elle doit être en forme pour mener notre mensonge de front chaque jour.
Peut-être devrions-nous arrêter de mentir à Ada. Peut-être... Je ne sais pas. La préserver de l'horreur nous est apparu naturel. Nous ne nous sommes posés aucune question au début. Elle n'était encore qu'un bébé. Puis elle a grandi et elle riait tout le temps. Elle continue à rire.
De quoi se rend-elle compte ? Les histoires qu'Abby lui raconte tous les jours suffisent-elles à lui cacher notre réalité ?
Parfois, j'en doute. 

Petit à petit, le ciel devient gris. Dès que le soleil pointe, je me lève sans bruit.
Je me lave à l'eau froide pour laisser aux femmes de ma vie le peu d'eau chaude auquel nous avons droit chaque jour, m'habille et pars sans manger.
Il y aura du café à l'hôpital. Il y en a toujours.
Je sors de l'appartement le plus silencieusement possible.
Une fois dans la rue, je me fonds comme une ombre au milieu des gens qui partent travailler eux aussi.
Tous les jours, je passe devant les mêmes affiches. La propagande est partout. Elle loue la patrie. La grandeur de notre armée. J'ai envie de vomir. Nos soldats ne sont pas comme sur ces photos. Ils sont épuisés, malades, au bord de la dépression. Loin de ces hommes forts et souriants.
Ils l'ont été certainement. Je ne les soignais pas au début du conflit.
Comme tous les jours, je passe devant ce vieil homme à l'allure étrange qui fait la manche. Comme tous les jours, il m'interpelle. Me dit des choses que je ne comprends pas. Qu'un autre monde existe. Qu'un jour, j'ouvrirai les yeux. Que la douleur est la clé. Pourquoi suis-je le seul à qui il adresse la parole ? Que signifient ses mots ? Je le prends pour un fou. Mais l'est-il vraiment ?
Je sens ses yeux dans mon dos bien après l'avoir dépassé. Ce n'est qu'en tournant au coin de la rue que l'impression disparaît. Je respire à nouveau.

Les bombardements de la nuit ont laissé une trace. Les couloirs de l'hôpital débordent. Des civils essentiellement. Des femmes, des enfants. Beaucoup trop d'enfants.
Je salue mes collègues. Leurs yeux me renvoient leur soulagement de me voir arriver. Ils vont pouvoir partir. Se reposer un peu. Essayer de penser à autre chose pour quelques heures.
Je vais me changer. Les uniformes ont été teints en noirs. La lessive ne faisait plus partir les tâches de sang. Elles se voient moins.
Je suis à peine arrivé dans le service que déjà les gens viennent me voir. Mais je ne les écoute pas. Mon regard est attiré par quelqu'un d'autre. Une jeune femme assise un peu plus loin à même le sol. Son visage est tordu de douleur. Ses mains crispées sur son ventre. Son ventre prêt à donner la vie. Dans cet enfer.
Mes réflexes réapparaissent aussitôt. Je suis fait pour cela. Donner la vie.
Mes pas me portent vers elle. Je m'accroupis à ses côtés.

— Bonjour. Je suis le Docteur Meyer. Je suis obstétricien. Depuis quand avez-vous des contractions ?
— Depuis quatre ou cinq heures. Je ne sais pas.
— Sont-elles régulières ?
— Oui.
— Venez avec moi, je vais vous examiner. On va trouver un endroit où nous serons au calme.

Je la conduis loin des urgences. Dans une des chambres réservées aux officiers. Mais aucun n'est jamais blessé. Ils ne sont pas au coeur des combats.  Personne ne m'en voudra.
Comme prévu, la pièce est vide. L'odeur de mort ne rôde pas ici. Le linge est propre.

— Comment vous appelez-vous ?
— Soraya.
— D'accord Soraya. Allongez-vous sur le lit. Je vais procéder à mon examen.

Elle s'exécute en grimaçant. Chaque mouvement a l'air de la faire souffrir.
Un pâle sourire apparaît sur ses lèvres quand elle se retrouve sur le dos sur le matelas. Dans quelles conditions vit-elle ?
Je me lave les mains au petit lavabo présent dans la pièce. Enfile une paire de gants. C'est une des seules choses dont nous ne manquons pas.
Il ne me faut qu'un instant pour voir que son col est entièrement dilaté.

— Votre bébé va arriver Soraya.
— J'en veux pas.

Ses mots me choquent. Heurtent mon statut de père. Rien n'est plus précieux qu'un enfant. Que sa vie. Elle remarque mon changement d'attitude. Même s'il n'a duré qu'une seconde.

— J'ai été violée. J'ai essayé de m'en débarrasser. Son... Son... Cet enfoiré était un soldat ennemi. Ils ont fait une descente là où j'habitais. Ils ont tué mon père et mes frères sous mes yeux. Ils ont fait pareil avec tous les gens de mon quartier. Une fois les hommes morts, ils ont abattus les enfants et les vieillardes. Et ensuite... Ensuite, ils ont pris de force toutes les filles en âge d'être pubères. Certaines avaient tout juste douze ans. Ils sont partis en nous laissant pour mortes. C'était le cas pour la plupart.

Un frisson la parcourt. Je mets cela sur le compte de ce qu'elle vient de me dire. L'horreur de ses mots résonne en moi. Elle doit se lire dans mes yeux. Je m'apprête à lui poser une nouvelle question quand une contraction serre son ventre. Un cri de douleur brise le silence de la chambre.
Je l'examine à nouveau et voit son bébé prêt à venir au monde.

— Il est temps.

Elle comprend. Suit chacune de mes instructions. Je n'en ai oublié aucune. Elles font partie de moi. Étaient ma vocation. Soraya crie de toutes ses forces pour faire naître ce bébé dont elle ne veut pas. Pour l'expulser. Pour qu'il sorte d'elle.
Des gouttes de sueur perlent à son front.
Et enfin, enfin, le premier cri surgit. Celui qu'elle aurait dû attendre et non redouter.

— C'est une fille.

Cela a l'air de l'étonner. Son expression change. Son regard plein de haine il y a à peine une minute s'adoucit. Ne serait-ce qu'un tout petit peu.

— Une fille ?
— Oui.
— Je peux la voir ?
— Bien sûr.

Délicatement, je pose l'enfant sur son ventre. Elles se regardent. Essaient de se comprendre. Et moi, je les observe. J'essaie de me dire que la vie sera plus forte que l'horreur. Qu'elle acceptera sa fille, qu'elle l'aimera. Il lui faudra certainement du temps.

— Comment voulez-vous l'appeler ?
— Je ne sais pas. J'étais persuadée que ce serait un garçon et qu'il serait un jour comme son père.
— Je vous laisse réfléchir. Je vais chercher une infirmière. Je reviens.

Je veux juste leur laisser un peu de temps. Elles en ont besoin.
De retour aux urgences, je suis tout de suite interpellé par l'un de mes collègues.

— Joran, mais t'étais passé où ? C'est pas vraiment le moment de se planquer.
— J'ai fait un accouchement. Tu ne sais pas où est Marley ?
— Dans la 4.
— OK. J'ai besoin d'elle. Trouve quelqu'un pour la remplacer.
— Pourquoi je ferais ça ?
— Parce que c'est la seule qui est maman ici. Et j'ai besoin d'elle. Point.
— Tu es insupportable quand tu fais ça...
— Tu t'en remettras.

Marley ne tarde pas à arriver. Comme à chaque fois, son sourire m'interpelle. Comment arrive-t-elle à rester positive ? Comment arrive-t-elle à illuminer nos journées ?
Après l'avoir rapidement saluée, je lui explique la situation pendant que nous retournons dans la chambre.
Évidemment, elle comprend. Je sais qu'elle utilisera les mots justes.
Je la présente à Soraya et les laisse après avoir attendu la délivrance.
Tout s'est bien passé.
Je retourne aux urgences, reprends mon nouveau rôle. Je ne suis plus le Dr Joran Meyer, obstétricien de son état. Je redeviens le médecin qui soigne chaque nouvelle personne qui arrive.
Là, un enfant et sa mère. Ici, un soldat. Puis un autre.
Ma journée est un long défilé de blessés, de patients souffrant de malnutrition ou des conditions d'hygiène qui se dégradent de jour en jour.
Plusieurs fois, je vois Marley retourner vers la chambre des officiers. Je suis contente qu'elle le fasse. Je n'ai pas une minute à moi.
Et enfin, il est l'heure pour moi de partir.
Mes collègues viennent à leur tour prendre la relève.
Je leur fais mes transmissions.
Je passe voir Soraya avant de quitter l'hôpital.

— Tout va bien ?
— Oui. Merci.
— Vous lui avez trouvé un prénom ?
— Oui. Elma.
— C'est très joli. Je repasse vous voir demain. N'hésitez pas à appeler mes collègues s'il y a quoi que ce soit.
— D'accord. Merci Docteur.

Comme tous les soirs quand je rentre, je me repasse ma journée. J'en fais le bilan. Il y a des jours où je ne trouve rien de positif. Et y repenser avant de rejoindre Ada et Abby me permet de tout repousser le plus loin possible de moi. Même si la plupart du temps, je n'y arrive pas vraiment.
Aujourd'hui est différent. Aujourd'hui, j'ai donné la vie. Une vie au goût amer peut-être. Mais une vie quand même.
Je passe à nouveau devant les affiches qui ornent les murs. Devant le vieil homme. Comme d'habitude, il m'interpelle. Comme d'habitude, je le prends pour un fou et passe devant lui sans m'arrêter.
Je l'ai à peine dépassé quand sa voix me force à me figer.

— Il faut protéger l'enfant. Elle est importante.

Comment ? Comment peut-il savoir ? Je me retourne pour lui demander mais ne le vois nulle part. Il a disparu. J'essaie de le chercher à travers les passants. En vain.
Qui est-il ?

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