Ce matin là, je me suis levée avec la sensation que plus rien n'allait. En fait, cela fait des années que rien ne va. Mais ce matin là... Ce n'était pas comme d'habitude. Rien n'était comme avant. Tout avait changé. 

J'ai sauté le déjeuner, ce n'est rien, seulement un repas. Puis deux, puis trois, puis quatre, puis je n'ai juste pas faim. 

Ses mots résonnent dans mon esprit. Comme ci celui-ci était une boite vide, ne projetant que l'écho que je m'obstine à vouloir entendre. Ma tête va exploser, je la sens bouillonner. Il n'était qu'un simple inconnu. Comment nous sommes parvenus jusqu'ici ? C'est la question que je ne cesse de me poser. Pourtant, je devrais avancer, tout délaisser, ignorer mon passé, devenir la femme libre et aisée que j'ai toujours rêvé incarner. Cependant je n'y parviens pas. Il n'est plus là. A-t-il déjà été là ? Il ne me touchera plus ? M'a-t-il déjà touchée ? Je me le demande. Je veux des réponses. Alors que les seules réponses qui me viennent sont des cris de douleurs à la moindre pensée dirigée vers lui. Tout est flou, tout est fou, incertain ou lointain. Suis-je si faible ? Il m'a détruite, mon corps échoué sur le sol, un lac d'eau salée ruisselant mes joues rougies. La violence de ses mots, de sa manipulation et de ses allusions ont réussis à briser ma source vitale, ma féminité, mon humanité. Plus jamais aucun homme m'atteindra d'aussi près. Plus lui. Plus rien. Aussi loin qu'il puisse être, il sommeillera en moi pendant encore longtemps, je le sais. Jusqu'à ce que l'on accepte qu'il fut entré dans mon intimité, même derrière un écran. 

Je pleure d'être une proie dans le regard de certains hommes. 

Comme si c'était ma faute. Comme si j'étais salie par ce que j'avais vu, parce que l'on tentait de me faire faire. 

Il m'a fallu des années avant d'être capable de penser ces mots sans qu'ils ouvrent une abîme dans laquelle j'aurais chuté. 

Mes songes refont surgir des choses que j'aurais voulu oublier. 

Je vis chaque jour avec la peur que ce cauchemars redevienne réel. 

Pourquoi le mot "traumatisme" me ramène cruellement à ton visage ignoble et sale ? 

"C'est le seul homme au monde que je haïsse parce qu'il m'a fait un mal incalculable, m'ayant tatoué dans le cœur à l'âge le plus tendre, une incurable méfiance à l'égard de mes semblables, même les plus proches, même les plus chers."