Marie Meyrert
Aduren se réveille au son de bâillements fatigués. La nuit, courte, annonce enfin l'arrivée de l'été. Partout, des hommes gaillards étirent leurs membres engourdis par le sommeil. Et pour chacun de ces réveillé, une est présente pour les contenter.
Marie Meyrert, fait sauter une énorme crêpe sur sa poêle rouillée. Celle-ci rejoint bientôt les cinq précédentes, sur l'assiette ébréchée. Encore une dernière, pense Marie, ensuite, je réveillerai les enfants. Mais le bruit d'une porte claquée se fait entendre à l'étage. Encore une dernière, pense Marie, ensuite, je prendrai ma douche. Mais le bruit d'un robinet enclenché se fait entendre à l'étage. Encore une dernière, pense Marie, ensuite, je pourrai me reposer. Mais le bruit de pas lourd se fait entendre à l'étage. Alors Marie dépose la septième crêpe sur les autres et va ouvrir la porte de la cuisine. Elle n'ira ni embrasser ses enfants, ni prendre sa douche, ni se reposer. Gustave Meyrert apparaît alors dans l'embrasure de la porte à peine ouverte. Il dépose un baiser sur le front de sa femme, un baiser plein de tendresse qui fait frémir Marie. Il m'aime, pense-t-elle. L'homme attrape le journal que Marie est allée récupérer sur le perron de l'entrée. Il feuillette les pages noircies de faits diverses, sans se laisser le temps de lire les articles qui défilent. Ce qui l'intéresse se trouve à la dernière page. Marie sait qu'il attend avec impatience le jour où M. Parmet décédera. Ce vieux voisin grincheux lui a légué trois quarts de sa maigre fortune, mais les temps sont durs et chaque retour d'argent est bon à prendre. Mme Parmet, une petite femme ridée des pieds à la tête sera envoyée dans une maison de retraite, son mari ayant vendu la maison familiale à un riche entrepreneur qui s'y installera aussitôt le propriétaire enterré. Marie ressent certaines fois une pointe d'empathie pour cette dame qui perdra son homme et ses biens dans la même journée, mais la réalité de l'argent la rattrape toujours. Ils en avaient trop besoin pour se laisser aller aux sentiments. La vie devait tourner, et ne pas s'arrêter pour regarder mourir ses enfants. C'est ainsi. Et ça le restera.
- Ce ne sera pas pour aujourd'hui, soupire Gustave en refermant le journal, je commence à croire qu'il ne passera jamais, ce vieux bougre.
- Espérons que la mort l'attrape avant que le commissaire ne relance notre facture mensuelle. Nous ne tiendrons pas une année de plus.
- Oui. Espérons le, répète-t-il, le regard rivé sur le ventre de sa femme, Priam ne doit pas voir que la rudesse du monde nous rattrape. Il doit grandir comme son frère, dans le confort et l'affection d'une mère qui ne se préoccupe pas des affaires d'argent.
Marie a senti le reproche avant qu'il ne franchisse les lèvres de son mari. Elle se contente pourtant de caresser amoureusement son ventre rond. Malgré deux grossesses rapprochées, sa silhouette est toujours forte, et elle se félicite de n'avoir pas succombé aux rondeurs de la maternité. Elle sait la chance qu'elle a. Elle a vu la plupart de ses amies se ternir après l'accouchement, mais pas elle. Je vois comme Gustave est fier de moi, se répète sans cesse Marie. Et cela la rend tellement heureuse qu'elle en oublie ses galères quotidiennes.
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