J'ai tenu à parler à Rana tous les jours depuis ces deux dernières semaines. Chaque nouveau message était devenu un vrai soulagement. Quotidiennement nous parlons de tout et de rien. Beaucoup de banalité sur nos vies. Mais nous n'avons plus jamais reparlé d'Hélios ou des coups qu'elle reçoit, comme je m'y étais engagé. Certains jours j'ai peur que la situation n'évolue jamais. D'autres jours je me dis que chacun de mes SMS lui rappelle tout ce que je lui ai déjà dit. Mais dans tous les cas je ne sais pas.

Je meurs d'envie de lui demander des nouvelles mais je n'ai jamais osé le faire. Je me contente de banals « ça va ?» espérant qu'elle me réponde honnêtement et pas automatiquement.

Mes pensées sont constamment tournées vers Rana. La patience que Will a avec moi est phénoménale. Même lorsque nous sommes tous les deux je suis absent. Je me demande constamment si depuis la fermeture Hélios passe plus de temps chez eux, s'il est plus violent, si Rana a le droit à un peu de temps calme...

Emma aussi commence à travers le téléphone à me sentir distant. Mais tout comme Will je ne peux rien dire. C'est une vraie torture. Pour moi, pour eux. Même si évidemment ça ne peut pas être pire que ce que vit Rana. La seule qui réussit à me vider l'esprit malgré elle c'est Samaé. Elle me manque, et je sais que je lui manque, mais je ne suis pas allé à Lyon depuis que j'ai appris le secret de Rana. J'ai peur d'être totalement absent, peur de blesser ma fille. Et je sais également que j'inquiéterais grandement Emma, et je ne veux pas. Elle est enfin heureuse, je ne veux pas interférer avec ça.

Je n'ai pas encore pensé à chercher un nouveau travail, malgré ce que m'ont conseillé Emma et Will. Mais ils ne peuvent pas réellement comprendre pourquoi je n'ai pas la tête à ça.

Je suis terriblement seul et perdu. Je sais que je me suis isolé mais ce n'est pas simple quand même. Enfin, je tiens parce que je sais que cette fois, la situation n'est que temporaire.

Je soupire. C'est l'heure de ma sortie quotidienne. Pour ne pas devenir fou, j'ai pris l'habitude sortir. Je me stoppe devant la porte, les yeux fixés sur mon portable. Rana m'a expliqué qu'elle continue à faire régulièrement du jogging alors j'ai envie de lui demander de me rejoindre. Je me dis qu'elle ne m'a pas donné cette information au hasard. J'hésite pendant de longues secondes. Mais qui ne tente rien à rien.

Asher 14h57

Salut Rana ! Je sors pour m'aérer un peu la tête, si tu as envie de me rejoindre pour discuter. On pourra aller boire un café quelque part si ça te tente !

Je n'attends pas de réponse immédiate. Je range mon portable dans ma poche et je pars. Juillet et sa chaleur viennent de faire irruption dans nos vies. Et la canicule avec... Heureusement que cette dernière n'est prévu que pour la semaine prochaine. Bien que la température maximale prévu pour aujourd'hui soit quand même de 35 degré.

Je me dirige vers le parc. Je ne pense pas qu'il y aura grand monde, a part les quelques ados qui ne peuvent pas partir en vacances ou qui ne sont pas encore parti. Mais la plupart des gens ont quitté Saint-Biers pour un lieu bien plus attractif. Mon père et sa nouvelle famille sont allés à la mer, comme tous les ans il m'a proposé de l'accompagner. Comme tous les ans j'ai refusé. Je crois qu'il ne comprendra jamais que ce qu'il m'a fait est impardonnable, même si aujourd'hui il a changé.

Le soleil tapant rend le paysage magnifique. L'astre se reflète sur tout ce qu'il touche laissant apparaître des paillettes de lumière et faisant flamboyer les couleurs qui m'entourent. Le bleu du ciel et la verdure sont éclatants. Me plonger dans ce présent m'aide à garder éloigné les démons d'un avenir bien trop incertain.

Je m'assois dans l'herbe et j'observe les vas et viens des passants. Comme prévu je vois beaucoup d'adolescent. Avec Emma et Alia nous avons été longtemps comme eux. Jusqu'à notre Première du moins, avant l'arrivée de nos enfants. Nous avons tellement profité de ce parc, et nous ne le ferons plus jamais... Mon coeur est teint de nostalgie et d'une profonde mélancolie. Et alors que je commence à sombrer dans la tristesse, je me reprends. Je ne dois pas tâcher ses souvenirs. Ce n'est pas triste, la situation sera juste différente maintenant. Et ces bons souvenirs doivent rester des bons souvenirs. Je ne dois pas avoir le coeur brisé quand je pense à ces moments mais empli de joie et de gratitude. J'ai la chance immense d'avoir pu me créer du bonheur ici, je ne dois pas le faire disparaître parce que je ne sais vivre que dans un passé qui est terminé. S'imprégner du présent, ne pas se soucier de l'avenir, et ne pas ressasser le passé. Voilà ma nouvelle mission. Mon nouveau crédo.

Je crois que l'optimisme de Will déteint sur moi. Il faut bien avouer que ce n'est pas si mal.

Je m'allonge et un sourire aux lèvres et je ferme les yeux. Je m'attendrais presque à ce qu'une Emma me saute dessus pour me faire me lever, mais je sais que ça n'arrivera pas... Elle est à Lyon, j'en ai bien conscience. Mais je n'avais pas complètement tort parce que quelques minutes plus tar je suis dérangé par la vibration de mon téléphone. Et alors que je ne m'y attendais absolument pas, j'aperçois le nom de Rana dans mes notifications.

Rana 15:34

Avec plaisir ! Tu veux qu'on se rejoigne où ?

Asher 15:36

Où tu veux ! Là où ça t'arrange le plus !

Rana 15:37

Chez Marinette ?

Asher 15:40

Vendu pour Chez Marinette !

Chez Marinette est un petit salon de thé assez populaire en ville. Il est cosy et familiale. Bien plus petit que le Rayon de Soleil parce que situé dans une zone où la concurrence se fait rude, mais ce salon de thé n'a absolument pas à se plaindre. Je n'y suis pas allé souvent, mais les propriétaires étaient adorables à chaque fois.

J'arrive le premier devant l'enseigne. Je vérifie à travers la vitre l'occupation de la salle. Elle n'est pas trop pleine, je peux donc attendre mon amie dehors. Je sors une cigarette et je commence à marcher. Il faut, avant qu'elle arrive, que j'évacue tout mon stress. Je dois paraître normal. Je dois contenir mes pulsions pour ne pas avoir une envie subite de la supplier de ne pas y retourner. Je ne dois pas la braquer, je dois être conciliant et l'écouter.

Je fais les cent pas en même temps que des exercices de respirations, une clope à la main, très cocasse. Mais rien ne fait passer cette boule qui a élu domicile dans mon estomac. Il faudra donc que je prenne sur moi et que je supporte.

« Asher ! »

La voix de Rana est guillerette. Rien ne semble avoir changé. A part son t-shirt. Pour la première fois de ma vie, je la vois porter un t-shirt à manches courtes avec une col beaucoup moins haut que d'habitude.

Hélios laisse tranquille ses bras pour qu'elle ne meurt pas de chaud ? Quel gentleman... je ne peux m'empêcher de penser amère. Mais évidemment je ne dis rien. Je force un sourire et je la salue.

« ça fait longtemps ! s'écrie-t-elle.

— Depuis la fermeture du café, on n'a pas franchement eu le temps de se voir.

— Heureusement que les téléphones existent ! » plaisante-t-elle.

Mais j'ai beaucoup de mal à rire sincèrement. Faire comme s'il ne s'était jamais rien passé sonne terriblement faux et instaure un malaise. Alors je l'invite à rentrer. Espérons que tout ceci passe rapidement. La voir me faire plaisir, mais si je dois supporter le malaise en plus de mon stress je ne vais pas passer une très bonne après-midi.

Nous prenons une petite table de deux près de l'entrée. Cette dernière est décorée par une vieille théière collée sur un vieux livre. Cet élément de décoration est extrêmement mignon.

« Tu as vu ? me demande Rana, les yeux brillants. C'est magnifique ! Tu crois que j'ai le droit de le voler ? »

Je ris de bon coeur.

« Tu peux toujours demander, je réponds.

— Quoi ? Jamais de la vie ! panique-t-elle.

— Qui ne tente rien n'a rien ! »

Elle bougonne en m'offrant une mou moqueuse.

L'une des deux personnes travaillant vient rapidement prendre notre commande. Chocolat chaud pour Rana, Thé à la bergamote pour moi et une madeleine chacun.

« J'adore venir ici, c'est tellement... Je ne sais pas. On se sent en sécurité, on s'y sent bien. Les propriétaires on réussit à instaurer une vraie ambiance chaleureuse. On se sent chez nous alors que nous sommes dans un lieu public. »

On se sent en sécurité... A-t-elle conscience de ne pas être en sécurité chez elle ? Où subit-elle simplement tous ses sentiments de manière inconsciente ? Une telle parole, aujourd'hui, alors que je suis au courant pour sa situation ne peut pas être anodine ! J'ai envie de croire que ça ne l'est pas...

« Respire cette odeur Asher ! Elle me fait penser à une grand-mère en train de préparer avec amour des gâteaux pour ses petits enfants ! »

Elle soupire de bonheur les yeux fermés.

« C'est l'amour qui règne ! Ici tu ne trouveras clairement aucune violence ! »

Est-ce que j'hallucine ? Pourquoi utiliser ces mots, ce vocabulaire ?

« Et c'est certain, ils sont toujours prêts à aider ceux qu'ils aiment...

— Rana, il y a un problème ? » je lui demande très sérieusement.

Enchaîner, «sécurité», «violence» et «aider» en quelques secondes à peine, ce n'est pas innocent ou inconscient.

Elle me dévisage. Parce qu'elle ne comprend pas ce que j'ai voulu dire ? Ou bien parce qu'au contraire elle a parfaitement compris ?

Elle prend une grande respiration.

« J'ai besoin de ton aide. »

J'attends. J'attends qu'elle m'explique, qu'elle continue. J'espère, j'espère qu'elle me demande de l'aide pour sortir de sa situation infernale. Et puis j'ai peur de mettre fait de fausse idée ou qu'elle se défile.

« Je... J'ai beaucoup réfléchi... J'ai réalisé que si je t'avais embrassé, c'est parce que je ne suis plus amoureuse d'Hélios... »

Elle s'arrête, attendant une réponse de ma part.

« Tu n'as réalisé que ça ? »

J'essaie de lui tirer les vers du nez. Elle m'a tendu une perche à laquelle je m'agrippe le plus fort possible, bien qu'à sa tête je remarque que ce n'était pas la réponse qu'elle attendait.

« J'ai... réalisé... que... peut-être... ce que me faisait Hélios n'était pas normal. »

Je voulais juste entendre ça. Être sûr de savoir, concrètement, pourquoi elle me demandait de l'aide. Les détails ne me regardent pas.

« Est-ce que tu veux bien m'aider ?

— Bien sûr. Demande-moi ce que tu veux. Je serais là pour toi.

— Merci. Merci. Tu es la personne la plus adorable que je connaisse.

— ça se voit que tu ne connais pas Will ! » je plaisante.

Mais elle a les larmes aux yeux, elle n'a pas le coeur de plaisanter. Ce qui est normal. Je crois qu'elle a réellement réalisé l'ampleur de la violence qu'elle subit et que tout lui retombe dessus : tout ce qu'elle avait refoulé, toute la douleur accumulée.

« Je suis là pour toi. Tu peux compter sur moi. Ne t'inquiète pas, tout ira bien pour toi. »

Je lui tends ma main, espérant qu'elle réponde. Timidement, elle hésite, mais elle finit par attraper la mienne. On se sourit. Et d'un coup la boule dans mon ventre diminue. La pression qu'elle exerçait sur mon corps se fait moins forte. Tout n'est pas encore fini, le combat sera long, mais au moins il a démarré.

« Je te remercie pour tout Asher. Même si au départ je n'ai pas apprécié, aujourd'hui j'ai ouvert les yeux grâce à toi. Et peut-être aussi parce que je ne suis plus seule... Mais il va falloir que je parte.

— Ne retourne pas chez toi, c'est dangereux.

— Non, t'inquiète, tout ira bien pour moi, tu l'as dit toi-même.

— Je t'en supplie, ne fais pas ça, c'est vraiment trop dangereux pour toi !

— Ok. Mais faut quand même que j'y aille, j'ai un entretien d'embauche.»

Nous payons et nous nous séparons. Étrangement la boule dans mon estomac à repris sa taille et sa douleur originelle. Mais je la place en arrière plan et je profite de mes souvenirs. Rana qui me demande de l'aide, c'était inespéré. Je vois désormais de l'espoir à l'horizon.

Je rentre chez moi, moins stressé. Jamais en envoyant mon petit message je n'aurais cru une telle chose aurait pu arriver. Je suis en parti soulagé. Jusqu'à ce SMS : « Je le quitte ce soir. »

Je fais un bond. Mais qu'est-ce qu'elle fait ? Je la harcèle de message pour tenter de la dissuader de faire ça. Pas seule. Pas sans protection ni solution de repli. Mais rien n'y fait. Pour une raison inconnue, elle tient à rompre avec lui seul. Alors sans réfléchir, je sors de mon appartement en courant.

Il faut que j'aille chez Rana et Hélios.

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Bonjour à toutes et à tous 😄
Je fais très peu de NDA parce que je ne suis pas très douée pour les faire 😊

Mais j'ai eu envie de vous écrire pour vous prévenir. La fin approche à grand pas, en fait elle est même toute proche puisqu'il ne reste que deux chapitres. Dans deux chapitres vous connaîtrez le dénouement de cette histoire qui est née dans mon esprit il y a 2 ans et demi 😱

Et puisque ces chapitres sont déjà écrit je pense les poster dans la semaine !

J'espère que l'annonce de la fin imminente ne vous rend pas trop triste et que vous avez hâte de connaître la suite !

En tout cas je tenais déjà à vous remercier de suivre l'histoire depuis tout ce temps ! Merci à toutes et tous 😍😍

Voilà, mon annonce étant faite je repars d'où je viens 😂

Bisouilles 💜