
35. Silent Night
Noël... Mon père a beau être juif il fête Noël et a arrêté de fêter Hanouca à la mort de ma mère. Moi... j'ai tout simplement arrêté d'être juif. Il n'y a pas de justice dans ce monde. J'ai donc décidé que je ne souhaitais pas me plier à des règles dictés par un «Dieu» si ça ne sert à rien.
La première fois que mon père a fêté Noël remonte à l'époque où sa copine a accepté de vivre avec lui. Quand je pense qu'il a décidé de se faire aider pour Valentin, mon demi-frère, alors que moi il me frappait... Cette idée ne fait que renforcer ma haine envers lui. Mais j'essaie de me dire qu'au moins le petit à un père. Même si c'est Charles... Parfois je me demande si le gosse ne vivrait pas mieux sans père. Je m'en suis bien sorti moi. Non... Quel mensonge.
Emma m'a prêté sa voiture pour que je puisse me rendre chez mon père. Avec sa nouvelle compagne, ils ont décidé de déménager loin de cette ville maudite. Tout le monde décide tôt ou tard de fuir Saint-Biers visiblement...
Sa soeur est venue la chercher pour l'emmener dans le chalet que leur famille loue tous ensemble chaque année pour cette période. Et moi je vais voir le géniteur, la belle-mère et le demi-frère. Dans le fond, Nathalie n'est pas une mauvaise femme. Elle est jeune, gentille et aimante. Elle ne cherche pas à remplacer ma mère et veut simplement que je me sente bien quand je viens les voir. Et je ne lui en veux pas à elle. Ce n'est pas sa faute si elle est tombée amoureuse et enceinte de mon abruti de père. Mais je ne comprends pas pourquoi elle est revenue vers lui.
Il a commencé à boire parce qu'il était dévasté par la mort de sa femme qu'il aimait. Je sais qu'il est allé la voir, totalement déchiré, pour lui dire qu'elle avait gâché sa vie. Qu'elle n'aurait pas du garder le bébé. Qu'avant elle il était heureux. Mais elle est revenue et surtout restée.
J'ai une heure de route avant d'arriver dans leur campagne pommée où l'air est pur et sain pour élever des enfants. Ils me précisent bien, des enfants. Je m'attends donc à un jour avoir d'autres demi-frères ou soeurs. Pauvres gosses...
Quand je vais chez mon père, je fais tout pour me vider la tête, histoire que je ne fasse pas demi-tour ou que je n'ai pas un accident, plongé dans mes sombres pensées. Alors je monte la musique à fond et je sors mon père de ma tête.
Je chante, hurle et m'amuse. Qu'est-ce que j'aime la musique. Plus le temps passe, et plus je me demande pourquoi j'ai arrêté. Mais surtout pourquoi je ne reprends pas. Jouer la ballade d'Astéria devant Will, Myrtille et le groupe a été extrêmement difficile, mais tellement revigorant. Je me suis rendue compte que j'ai vraiment ça dans la peau.
Les paysages urbains laissent petit à petit place aux champs et aux forêts.
L'ambiance apaisante qui s'en dégage commence à m'enivrer. Ce décor désert, de solitude me sied à merveille. Je suis dans mon élément et je me sens bien. J'en oublierais où je vais.
Le jour de ma retraite je déménagerais seul, en pleine campagne ou en pleine forêt. J'imagine ma vie future dans le calme et la sérénité d'avoir bien vécu et d'enfin pouvoir se reposer de la difficulté de vivre. J'imagine ce moment où je n'aurais à ne me soucier de rien d'autre que de mes probables petits enfants et du repas que je me préparerais pour le soir. Finie la peine et la douleur de voir partir les autres, de se faire abandonner. Finie la rage au ventre, la colère contre mon père, contre les intolérants, contre ceux qui souhaitent dicter ta vie, contre les cons. J'imagine cette vie où j'aurai enfin la paix. Et juste la paix. Plus de dépression. Plus de stresse. Moi et mon bonheur.
Et je me rends compte que c'est la première fois que j'imagine un avenir où je peux être heureux. Où je mérite le bonheur...
Soudain, je vois la route se blanchir. C'est marrant, à Saint-Biers, la neige est à des années lumières de tomber sur la ville. Mais je monte en altitude, alors cette blancheur est tout à fait normal.
J'ai fait à peu près la moitié du chemin. Je regrette déjà. Je pourrais tout à fait faire demi tour. L'idée me traverse l'esprit chaque seconde. L'envie de rentrer dans mon petit chez moi me fait de l'oeil. Mais elle est loin d'être plus forte que le besoin de savoir que mon demi-frère va bien. Je ne supporterais pas qu'il lui fasse subir ce a quoi j'ai eu le droit...
Ce petit a six ans. Six ans qu'il vit avec un père merdique. Mais six ans qu'il a l'air heureux. Je n'ai rien remarqué d'anormal chez lui. Certainement parce que notre père ne lui fait rien. Mais c'est comme ça, je n'ai plus confiance en lui.
La demi heure qui me restait à parcourir m'a semblé de plus en plus longue. Une seconde me paraissait une minute, puis deux jusqu'à me paraître une heure et même une éternité... Et voilà bien dix minutes que je suis là, dans ma voiture, garé devant la maison à l'observer sans oser bouger...
Je crois que j'ai peur de voir ce que je vais trouver. Je n'ai pas envie de les retrouver heureux, comme chaque année. Parce qu'à chaque fois, leur bonheur me rappelle celui que j'ai perdu. Celui que mon père a brisé. Celui que j'ai laissé mourir à cause de mon inattention.
Tous les ans c'est la même chose. J'ai les mains cramponnées sur le volant. J'ai du mal a respirer. J'ai les larmes aux yeux. Je suis au bord de la crise d'angoisse. Mais cette année il y a quelque chose de différent. Tout d'abord j'ose regarde cette foutue belle maison. Et puis, je me sens quelque chose comme...plus libre. Depuis la dernière fois que je suis venu, ma colère c'est tout de même bien apaisé et je commence à être en phase avec moi-même. Depuis que je me suis mis en tête d'aider Rana, j'ai l'impression que je me suis un peu mis à m'aider moi-même. J'ai l'impression que je vais mieux, un peu. J'ai craqué le jour de l'anniversaire de mort d'Astéria, mais aujourd'hui j'ai la sensation que je pourrais le surmonter.
Alors je sors de la voiture, attrape le petit cadeau prévu pour mon frère et la ferme à clé. Je prends une grande inspiration et m'approche de la porte pour frapper.
Mais avant que je puisse apposer mon poing sur le bois, on m'ouvre.
« Ash ! Mon petit je t'attendais ! » s'exclame mon père.
Je grogne et grince des dents. Je déteste qu'il m'appelle Ash, ce privilège n'est réservé qu'à ma mère.
« Charles... je réponds alors.
— Tu sais que je n'aime pas quand tu m'appelles par mon prénom.
— Tu sais que je n'aime pas quand tu ne m'appelles pas par mon prénom. »
Il ne répond pas. Et ne bouge pas. Je suis là, sur le pas de la porte à le regarder, droit dans les yeux. Ma grande taille, je l'ai prise de lui. J'ai les bras croisés sur mon torse, le regard mauvais. Lui n'ose pas me fixer. Il a les yeux fuyant et une mine de chien battu. Sa culpabilité apparente, qui semble réelle et honnête le rend difficile à détester.
Il a changé, c'est évident, je ne peux pas le nier. Dès qu'il a cessé de me frapper, ses cheveux noir comme le jais sont rapidement devenus gris et ses rides m'ont semblé devenir plus apparente. Ses épaules se sont légèrement affaissé et son dos s'est arrondi. Son visage s'est adouci, toute la douleur et la crispation qui le définissait ont disparu au profit de la culpabilité et du deuil. Ses yeux d'un bleu quasiment turquoise se sont assombri. C'est comme si tout son corps comprenait ce qu'il avait fait. Comme si le poids du deuil et de la culpabilité flottait au dessus de lui pendant qu'il buvait et me frappait et qu'une fois tout ça terminé, tout lui était retombé dessus et s'était accéléré.
Il a changé, il s'en veut et je devrais lui pardonner. Mais il m'a fait changer aussi. Et je me sens totalement incapable de lui pardonner quoi que ce soit. Finalement moins parce qu'il a géré son deuil en me frappant, que parce qu'il a indirectement fait mourir Maman. Il s'est excusé des millions de fois pour le premier, mais a toujours nier le second fait.
Face à lui, je ne bouge pas. Je ne serai certainement pas celui qui fait le premier pas.
« Alors tu rentres ? se décide-t-il à me dire.
— Si tu me laissais passer peut-être. »
Il soupire et s'écarte de l'entrée. Quand il me laisse la voie libre, j'aperçois à l'autre bout de la pièce, dans l'encadrer de la porte de la cuisine, Nathalie. Elle a une tasse à la main et elle me sourit. Je ne peux contrôler la grimace qui s'affiche soudainement sur mon visage.
Ce n'est pas que sa vue me fasse grimacer. Nathalie est tout à fait humaine. Grande, élancée. Cheveux châtain, longs. Visage ovale, fins, doux. Yeux verts, en amande, éclatant et expressifs. Rien qui ne me fasse faire la grimace d'ordinaire.
Mais aujourd'hui, Nathalie est plus rayonnante que jamais. Son sourire atteint quasiment littéralement ses oreilles. Je n'ai jamais vu un sourire aussi grand. La raison ? Son ventre arrondi. Elle est enceinte...
Je... Je ne sais pas ce que je ressens réellement. Jalousie ? Fatigue ? Rien ? Peu importe, ça ne me regarde pas. Ce n'est pas mon problème si elle veut passer sa vie avec cet abruti.
« Tu aurais pu me prévenir, je reproche à mon père.
— Mais je l'ai fait ! Tu ne lis pas mes lettres ?!
— Il faut croire que non. » je réponds en hochant les épaules.
J'affiche un grand sourire, ignore les bras de mon père qui veulent m'accueillir et me dirige vers ma belle-mère. En réalité, je l'aime bien. Je lui offre une accolade sincère et la félicite.
Elle me sourit. Je crois qu'elle aime bien quand je ne la rejette pas. Quand je la considère comme un membre de ma famille -en quelque sorte-.
La seule personne que je déteste dans cette maison, c'est lui. Et il fait des efforts, il est patient. Peut-être que je ne passerai pas un Noël aussi terrible que je le pensais.
Je souris et je prends des nouvelles de Nathalie. Enceinte de six mois. Une petite fille. Elle est comblée. Et heureuse. Et tout ce que pourrait être une femme enceinte. Elle m'épargne les contes sur les nausées, les mots de tête, les vertiges et tout ce qui accompagne le bonheur. C'est marrant, sa joie à l'air contagieuse. Je me sens étrange bien. C'est bien la première fois qu'une de mes visites ne me donne pas envie de fuir.
« Je vois que tu a apporté un cadeau à Valentin, c'est très gentil de ta part !
— Si j'avais su j'aurai acheté quelque chose pour elle aussi !
— Oh non, ce n'est pas la peine. Va le mettre sous le sapin, m'intime-t-elle doucement. Valentin va être ravi.
— D'ailleurs, où est-il ? »
Immédiatement, un cri extrêmement aigu me répond. Et me saute dans les bras avant que je n'ai pu faire quoi que ce soit.
« Tu n'es pas venu pour mon anniversaire ! me reproche Valentin.
— Je sais mon grand, je suis désolé, je n'ai pas pu me libérer. »
La vérité c'est que je n'ai pas pu me résoudre à revenir le voir. Je l'aime, c'est mon petit frère. Mais il ne comprendra jamais que je vois plus en lui que mon frère. Quelque chose qui me pousse à rester loin de lui si je ne veux pas me mettre à le détester. Quelque chose qu'encore une fois, mon père a produit.
Il ruine tout.
Je repose Valentin qui se met à courir de partout et soudain aperçoit le cadeau sous le sapin très coloré et décoré. La maison est à l'image de ce sapin. Coloré et décoré. Je n'ai jamais vu ma propre maison ainsi. Mon père n'a jamais fait aucun effort. Même lorsqu'il était fou amoureux de sa femme.
Je sais qu'il l'aimait, mais tout ça me donne l'impression qu'il ne l'a jamais aimé. Ou qu'elle n'était pas l'amour de sa vie et que Nathalie l'est. A moins que la culpabilité le fasse agir de cette façon.
« J'AI OUBLIÉ UN CADEAU ?! hurle-t-il.
— Non mon coeur, c'est Asher qui l'a apporté, explique la mère calmement fasse à son démon de fils.
— OH ASHER TU ES LE MEILLEUR GRAND FRÈRE ! »
Il me saute dans les bras un court instant et se précipite vers le sympa. Merci pour la culpabilité Valentin...
« Il est toujours comme ça ou bien c'est Noël qui le rend surexcité ?
— J'ai bien envie de te répondre Noël... mais ce serait mentir. »
Elle soupire, exténuée, mais elle couve Valentin d'un regard tellement rempli d'amour qu'elle me fait sourire.
« Il est pas facile à vivre ce gamin. Il est ton total opposé. »
Et mon sourire s'évanouit immédiatement. C'était bien trop beau pour duré. Lui qui se tait.
« C'est ton fils. Comment tu peux oser dire ça ? je commence à m'énerver.
— Pardon, ce n'est pas méchant, c'est la vérité. Mais ça n'enlève pas l'amour que je lui porte. Ou celui de Nathalie. ça ne change absolument rien !
— Hum. »
Je lui tourne le dos pour observer Valentin, qui exulte devant les légos que je lui aie acheté.
« Maman ! Est-ce que je peux aller les construire dans ma chambre ?
— Non, pas tout de suite mon ange, on va manger pour l'instant. Ok ?
— Ok ! je vais juste les y poser. »
Il n'attend aucune réponse et se lève instantanément pour aller grimper les marches de l'escalier qui mène à l'étage quatre par quatre. Valentin est de retour au salon en un éclair, comme s'il n'était jamais parti.
Nous nous mettons à table. Mon père n'a pas perdu la main en cuisine. C'est toujours aussi bon. Je pourrais lui dire, faire un effort. Mais je n'en ai pas envie. Alors je mange et apprécie mon repas en silence. Et étrangement ce repas n'est pas si pénible que ça. Entendre Valentin et Nathalie rire rend la voix de mon géniteur bien plus supportable.
« Je suis obligé de prendre du dessert ? se plaint mon frère.
— Non mon grand, va jouer c'est bon. »
Ni une, ni deux, il disparaît comme une fusée. Ce qui m'arrache un sourire. Et dès cet instant, je n'ai qu'une envie c'est le rejoindre. Parce que je suis venu ici pour lui, m'assurer qu'il allait bien, que personne ne lui faisait du mal. Alors je finis mon dessert rapidement et je m'éclipse, comme un ado qui ne supporte plus les repas de famille.
Je monte à l'étage et je n'ai pas besoin de chercher longtemps la chambre de Valentin, les cris de ses jeux me guident à lui.
« Hey mon grand !
— Asher ! Tu veux jouer avec moi ?
— Avec plaisir ! »
J'ai pris une boite de lego, un peu au hasard avant de venir. Je n'ai pas eu le temps d'aller lui acheter quoi que ce soit avant et je ne voulais pas venir les mains vides. J'ai pris une grosse boîte, en me disant que ça lui durerait longtemps, qu'il aurait plus à construire.
Je me mets à l'aider. C'est un peu mesquin, ce que je fais c'est le mettre en confiance pour lui faire ensuite subir un interrogatoire. Non pas que je ne souhaite pas passer du temps avec lui, mais ce n'est quand même pas la raison principale de ma venue ici.
Alors je l'aide à construire une première partie de «la cabane dans l'arbre», puis une seconde partie et une troisième avant de m'arrêter et de lui demander :
« Est-ce que Papa te fait du mal ? »
Le petit s'arrête instantanément. Il me regarde les yeux ronds et interrogateurs. Il ne comprend pas, normal.
« Hein ?
— Je veux dire, quand tu es avec Papa, est-ce que tu as mal ? Est-ce qu'il te fait des choses qui te font mal ?
— Non. Je suis bien avec Papa ! Il est gentil avec moi ! Il m'achète plein de choses et il me fait plein de compliments et il me félicite quand je fais quelque chose de bien !
— Donc Papa ne t'as jamais frappé ?
— Non ! Pourquoi il ferait ça ? Il m'aime ! »
L'innocence s'entend dans ses réponses. Il ne comprend pas. Mais au moins mon père ne lui fait rien. Et le fait qu'il soit en manches courtes me conforte dans l'idée que mon petit frère va bien.
« Dis mon grand, si un jour Papa te fait quelque chose qui te fait mal, que tu ne veux pas qu'il te fasse, promets-moi d'en parler. A moi, ou à Maman ok ? »
Il me regarde sans bouger, la tête un peu penchée sur le côté.
« Ok !
— Promets le moi.
— Promis. On peut recommencer à jouer maintenant ? »
Je hoche la tête. Et je recommence à l'aider à construire. Il me parle comme si cette conversation n'avait jamais eu lieu. Demain ou après demain il ne s'en souviendra pas. Mais s'il devait lui arriver quelque chose. Si mon père venait à lever la main sur lui, il se rappellera de ce moment. Alors à cet instant je prie pour qu'il n'ait pas à s'en souvenir. Je prie pour que mon père soit redevenu un homme bien et un bon père.
Lorsque ces pensées se forment dans mon esprit, je sens que je vais craquer. Il faut que je parte, pour calmer cette jalousie naissante, pour calmer la douleur qui grandie en moi. La douleur d'avoir perdu le même jour ma mère et mon père.
Je redescends et m'apprête à leur souhaiter de bonnes fêtes puis à m'enfuir, mais quelque chose me retient. L'ambiance peut-être. Je me sens bizarrement en paix ici. Et le sourire de Nathalie me calme.
Je m'installe sur le canapé. Je ne dis rien. Je reste silencieux. Un peu gêné. Nathalie à ma droite. Mon père en face de moi. Il me sourit. Ce sourire me gêne encore plus.
« Quoi ? je m'écrie soudainement pour rompre ce silence gênant.
— Ok, on a une bonne nouvelle à t'annoncer, me répond Charles
— Oui je sais, vous allez avoir un enfant. Je l'ai vu, on en a déjà discuté. Tu as la mémoire courte ? je réplique assez sèchement.
— Non, non. Ce n'est pas ça. C'est autre chose. »
Je les regarde à tour de rôle. En attendant qu'ils me révèlent cette «bonne nouvelle».
« Est-ce que tu voudrais bien être mon témoin ? demande soudainement mon père.
— Pardon ? »
Tout autre sentiment qui ne soit pas de la colère et de la haine disparaissent instantanément à cette demande. Je serre les poings pour essayer de me contrôler. J'ai le souffle coupé et un poids sur la poitrine.
« On ne voulait pas te l'annoncer comme ça. Aussi brusquement désolé... Je pensais qu'après toutes ses années tu ne m'en voudrais pas que je me remarie...
— Je n'en ai absolument rien à foutre que tu te remaries. C'est ta vie ! Tu en fais ce que tu veux. J'ai cessé d'en faire partie il y a bien longtemps, je n'ai donc aucun avis dessus. Je n'en ai vraiment rien à faire, tu ne peux pas savoir à quel point ! »
Je me suis levé d'un bond et j'ai les larmes aux yeux. Etrange réaction pour quelqu'un qui n'en a «rien à foutre».
« Mais que tu oses me demander d'être ton témoin ?! Je savais qu'au royaume de l'indécence et de l'irrespect tu étais haut placé, tu as bien trompé Maman alors qu'elle était malade et qu'elle avait besoin de soutien. Je ne me doutais pas que tu en étais le roi. »
Je vois toute la tristesse qui traverse son regard qui, j'ai l'impression, devient plus sombre. Etrangement ses cheveux me paraissent encore plus gris et ses épaules encore plus affaissées que lorsque je suis entré quelques heures plus tôt. Mais je n'en ai rien à foutre. Je suis aveuglé par ma haine, ma rancoeur, et peut-être un peu de jalousie.
Je tourne les talons d'un mouvement sec et je me dirige vers la porte, bien décidé à partir et ne jamais revenir.
« Quand est-ce que tu me pardonneras ? » me hurle-t-il.
Je m'arrête brutalement. Je suis fou de rage. Je fais demi tour et fonce sur lui, prêt à...je ne sais quoi.
« Jamais ? je vocifère à plein poumon. Tu ne l'as toujours pas compris ? Je ne te pardonnerais jamais ce que tu m'as fait ! Ce que tu as fait à Maman ! A notre famille ! Tu es une pourriture qui ne me mérite pas ! »
Je suis hors de moi, je respire comme un boeuf. Je me tourne une nouvelle fois vers la porte, plus lentement. En passant vers Nathalie je la garde et lui déclare :
« Tu n'es qu'une idiote si tu crois qu'avec toi ce sera différent. Il a trompé ma mère et il m'a frappé. S'il l'a fait une fois, il recommencera. Qu'est-ce qui pourrait bien l'en empêché ? »
Je ne sais pas si j'attends une vraie réponse. Elle est horrifiée par ce que je suis, par ce que je dis. Elle est paralysée par ce dont elle est témoin. Mais dans sa tourmente elle trouve la force de murmurer :
« Il m'aime...
— Parce que ma mère et moi il ne nous aimait pas, c'est ça ? »
Je n'ajoute rien et je vais vers la porte. Lorsque je pose la main sur la poignée mon père s'écrie :
« Et l'esprit de Noël ? »
Je lui offre un dernier regard, une dernière parole et un dernier rire moqueur.
« Comme si on avait déjà fêté Noël dans cette famille...»
Je ne sors pas tout de suite. Les yeux fixés sur ma main je murmure :
« Vous direz au revoir à Valentin pour moi...»
Je me précipite vers ma voiture et je démarre. J'ai le coeur en miette. Je suis exténué. J'ai la haine.
Je hurle et frappe mon volant. Les pleures m'empêche de voir correctement la route. Mais je n'en ai rien à foutre. Qu'est-ce qu'il pourrait m'arriver de plus ? J'ai presque cru, un instant que je pourrais construire avec eux un semblant de famille. J'y ai presque cru. Mais je foire tout, tout le temps à chaque fois ! Je suis un putain d'aimant à problème. Si ça se trouve je viens de foutre en l'air leur bonheur et mon père va redevenir un salopard par ma faute.
Je n'ai même pas tenu une putain de journée avec eux. Comment j'ai pu espéré réussir à fonder quoi que ce soit avec eux ? Avec mon père ?
Je ne fais pas attention à la route. Il neige. Je n'ai pas mis mes feux. De loin je n'aperçois pas cette forme, ce quelque chose sur la route. Je n'ai pas le temps de freiner. Je doute un coup de volant pour l'éviter. La voiture par dans le décor et...
Noir.
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