
30. Back to you
J'adore les soirées «Marine rencontre les amis d'Emma» parce que je suis invité à chaque fois et c'est toujours un sacré numéro. Marine est du genre à pouvoir être effrayante. Avec ses grands gestes, sa voix bien trop forte et ses paroles toujours hyperboliques, je sais qu'elle a déjà mis mal à l'aise certain de nos amis au lycée. Mais cette fois tout c'est bien passé. La soirée était sympa et je n'ai même pas trop bu. Je suis fier de moi. J'ai réussi à me contrôler seul. Ce qui est une grande première.
Je me réveille sans gueule de bois. Je ne sais pas comment qualifier cette sensation. C'est étrange, inhabituel pour moi. Mais putain ce que c'est agréable.
Il est tôt mais pour une fois je ne me sens pas fatigué, mon réveil n'a pas été particulièrement dur. Je me passe de l'eau froide sur le visage tout en soupirant devant mon reflet toujours déformé.
Il faut absolument que je change ce miroir, à chaque fois que je le vois il me rappelle mon coeur brisé et mon incapacité à aller de l'avant et à guérir. Et je veux aller de l'avant. Je ne sais pas ce qui s'est passé, ce qui s'est changé en moi, mais je veux faire des efforts. Certainement qu'inconsciemment je me suis dis que je ne pourrais pas aider Rana, si j'étais moi-même toujours cassé.
Comment relever quelqu'un quand on est nous-même à terre ?
Je ne sais même pas si je pourrais un jour l'aider.ça fait plus d'une semaine qu'elle n'est pas venue travailler et que je n'ai pas eu de nouvelle. Je n'ai pas osé me renseigner auprès d'Hélios, parce que si j'ai vraiment blessé Rana, ce serait non seulement inapproprié mais en plus j'ai eu peur de me prendre une droite. Si je ne la revois jamais, je ne pourrais jamais l'aider. Et j'ai l'impression que si je ne peux plus l'aider, je vais ressombrer. Et je n'en ai pas envie. Je commence à panser mes blessures et c'est agréable. Je n'ai plus l'impression constante que je suis à deux doigts de mourir. Je n'ai plus envie de boire ou de coucher pour oublier. Je n'ai même plus besoin d'oublier. Astéria commence à devenir un souvenir acceptable... Malgré tout ça, il reste dans mon coeur cette lame de culpabilité qui me déchire à chaque battement. Si elles ne me l'avaient pas confiée, je suis persuadé qu'elle serait encore en vie même si Emma, Astéria disent le contraire. Même si les médecins disent le contraire...
Je soupire en secouant la tête. Il faut que je me dépêche, je vais finir par être en retard au travail. Je passe rapidement sous la douche et enfile mes vêtements de la veille. Ils ne sont pas sales et je n'ai pas le temps de les changer. Jean et t-shirt noirs, rien de plus habituel. de toute façon je vais porter mon uniforme de travail toute la journée. Je l'attrape avant de filer.
Comme d'habitude, quand on commence au même horaire, Emma m'attend en bas de l'immeuble. Mais aujourd'hui elle n'est pas seule, Marine l'accompagne.
« Toi, levée si tôt ? je lui demande en me moquant.
— Ah. Ah. Figure-toi...
— Qu'elle n'a pas eu le choix, la coupe Emma en riant.
— Ouais... » bougonne-t-elle.
Elle doit probablement être en pleine gueule de boit puisqu'hier la seule chose qu'elle a ingurgité c'était de l'alcool alors que d'habitude elle n'y touche quasiment pas. Pour une fois que les rôles sont inversés, j'en profite. J'adore me moquer de Marine parce qu'elle part au quart de tour. Et elle répond justement à mes rires par des regards noirs tueurs. Ce qui a le don de doubler mes moqueries. Et ce qui intensifie ses regards. Nous sommes coincés dans un cercle dont je ne veux sortir.
« Faut qu'on y aille, il ne faut pas qu'on soit en retard. » Nous rappelle Emma en nous ramenant à la réalité.
Je soupire. Je n'ai aucune envie d'aller là-bas. Ce travail commence tout bonnement à m'ennuyer. Le lieu me rappelle que j'ai foiré avec Rana, et puis me coltiner Octave tous les jours me tape sur le système. Mais j'ai un loyer un payer et l'estime de la mère de ma fille à retrouver. Ce travail est la stabilité que j'avais perdu et que me réclame Alia pour m'accorder à nouveau sa confiance.
Alors je me remets en route avec ma meilleure amie et sa soeur.
Quand nous arrivons, nous laissons Marine sur le trottoir. Elle doit retrouver une amie du lycée qui n'a pas quitter la ville. Emma et moi rentrons dans le café qui ne va pas tarder à ouvrir. Je reste figé sur le pas de la porte alors que cette dernière se ferme derrière nous. Elle est là, à la caisse, vivante. Rana est revenue.
Nos regards se croisent furtivement pendant que je la dévisage bouche bée. Je reste là planté, mes jambes refusent de bouger, et mon esprit s'est arrêté. Je sens une main m'agripper le bras et me tirer.
« Plus stupide de jour en jour, siffle Octave derrière moi.
— Ferme-là. » répondent Axelle et Emma en même temps.
Il vire au cramoisi et se renfrogne. Octave reste quelqu'un de mentalement faible, même s'il tente de nous faire croire le contraire. Plus le temps passe plus j'ai envie de le secouer pour qu'il arrête de se cacher derrière sa carapace de connard. Ce gars me fait de la peine et me donne envie de le gifler en même temps.
« On ne dévisage pas les gens comme ça, me rabroue Emma une fois dans les vestaires.
— Désolé, c'est juste que j'ai cru que jamais je ne la reverrai...
— Heureusement qu'elle est revenue alors. Mais la harcèle pas, si elle ne veut pas te parler n'insiste pas.
— Ouais, t'inquiète. »
Je prendrais sur moi si c'était le cas. Mais moi je n'ai qu'une envie c'est de me jeter dans ses bras et lui répéter à quel point je suis désolé pour mon indiscrétion...
Je soupir.
ça fait bien longtemps que je n'ai pas apprécié une personne au point de vouloir à tout prix son pardon...
« Change-toi, enfin. On a du travaille. »
Elle me lance un clin d'oeil avant de sortir.
« Oh salut Myrtille ! »
Cette dernière rentre et me salue.
« Tu comptes venir nous voir Samedi ?
— Je ne sais pas, il faut que je vois avec Hélios pour faire définitivement bouger mes heures, je ne peux pas trop poser d'heures comme ça
— Ouais je comprends, mais tu sais tu manques particulièrement à Will. » lance-t-elle avec un sourire en coin.
Pour une fois elle ne semble cacher aucun ressentiment. Je crois qu'elle s'est fait une raison, tant mieux pour elle.
« Dis lui qu'il peut passer chez moi s'il veut, il connait l'adresse de toute façon. Et qu'il peut également me passer son numéro si l'envie lui prends de m'appeler.
— Je vais te donner ça tout de suite, s'écrie Myrtille Pas besoin de sa permission. »
Elle sort son portable et m'épelle le numéro pendant que je le note. J'ai un sourire idiot affiché sur le visage, je le sens bien, mais je n'arrive pas à le réprimer. J'ai totalement oublié Rana et le café. J'ai envie de lui envoyer un message. Je me mords la lèvre en imaginant quelle idiotie je pourrais lui envoyer mais j'entends une porte calquée qui me ramène sur terre.
Je ne suis toujours pas changé, et Rana m'attend. Enfin, je ne sais pas si elle m'attend vraiment, en tout cas je sais que j'aimerai qu'elle m'attende. J'enfile en vitesse mon t-shirt et mon pantalon blanc qui ne me ressemble pas du tout. J'attends mon amie puis nous sortons tous les deux.
J'essaie de faire mon travail aussi bien que je le peux sans me stopper devant Rana et de la fixer sans arrêt. Mais elle m'obnubile, quand je lui adresse la parole pour lui demander quelque chose elle ne m'ignore pas, mais elle ne me parle pas de son plein gré. J'ai besoin de savoir si elle m'a pardonné ou non. Mais surtout, depuis que je l'ai vue de plus près, je m'inquiète. Elle a sur le visage des hématomes et des blessures. Qu'est-ce qu'il s'est passé Rana... ?
Je prends sur moi et je ne pose pas de question, j'attends qu'elle me parle, qu'elle vienne vers moi. C'est tellement dur, j'ai l'impression que mon coeur se déchire en deux. Dans mon esprit ça bouillonne et ça tourne en rond. J'ai tellement peur qu'elle aille mal, j'ai tellement peur d'avoir fait la plus grosse bêtise de ma vie, j'ai tellement peur...
Mais quand à la fin du service j'entends un «Asher» venant de sa voix, je sens que tout vas aller mieux.
« On peut parler s'il te plaît ? »
J'hoche la tête et la suit jusque derrière la boutique, là où on prend nos pauses.
« Ecoute, je suis vraiment terriblement désolé pour ce que j'ai fait la dernière fois, j'avais je n'aurai du, vraiment, pardonne moi ! » je lui lance immédiatement, ne tenant plus.
Un sourire timide se dessine sur ses lèvres et un court silence me permet de l'observer plus en détail. Son oeil droit est légèrement cerné de bleu ainsi que sa pommette du même côté. Elle a également une plaie fine et allongée dans le creux de la joue et une sur le front. Son nez est légèrement violacé, à la suite de l'hématome de son oeil.
J'ai envie de la prendre dans mes bras et de la consoler. Certainement n'en a-t-elle pas besoin puisque son sourire est sincère et que ses yeux ne cachent aucune tristesse. Enfin je crois...
« Je ne t'en veux pas, ne t'inquiète pas, souffle-t-elle.
— Merci. » je lui réponds soulagé.
Je soupir, heureux. La tempête dans mon cerveau cesse immédiatement et mon coeur se met à battre d'une manière différente, pour une autre raison.
Elle lève les yeux vers moi et nous nous dévisageons.
Je sens entre nous l'électricité passer. Notre complicité si particulière...
« Pourquoi tu n'as répondu à mes messages alors ? Et pourquoi tu ne venais plus ? »
Une lueur de je ne sais quoi traverse son regard et son corps pourtant elle ne répond d'un air décontenancé :
« J'ai fait un malaise, et en faisant ce malaise je suis tombée dans les escaliers et j'ai cassé mon portable et mon visage. » me répond-t-elle en le désignant.
Il y a quelque chose d'étrange dans sa réponse. De familier même je dirais.
« Et donc je suis allée voir le médecin qui m'a arrêté quelques jours et je n'ai toujours pas racheté de téléphone parce que se couper des réseaux sociaux c'est particulièrement agréable. Mais promis, bientôt je te répondrais de nouveau. »
Un grand sourire vient s'afficher sur sa face mais sa réponse ne me satisfait pas.
« Bon, je dois y aller et je crois que toi tu as une salle à nettoyer non ?
— Ouais. »
Je la raccompagne et la regarde partir en compagnie d'Hélios que me fait un signe amical de la main. Il passe son bras autour de l'épaule de sa petite amie et la serre fort vers lui. Trop fort peut-être parce que Rana réprime une grimace.
Emma me tend de quoi nettoyer mais je suis ailleurs.
Tombée dans les escaliers. C'est probablement vrai et pourtant ça sonne faux. Elle a toujours une excuse pour se justifier. Toujours.
Les escaliers... Cette réponse me semble être seulement un prétexte pour cacher autre chose... Autre chose... Exactement comme je le faisais à l'époque.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro