Ludester était une ville couverte de neige pendant presque toute l'année. Elle ne s'évaporait que fin printemps, et revenait à la charge dès le début de l'automne. Ce faisant, les couches de flocons et de glace en pleine hiver ne cessaient de s'empiler, et le budget pour le déblayage et le salage des route s'élevait haut. Les immeubles, d'un beige aux teintes rouges, étaient surplombés de tuiles noires, et de la fumée s'échappait de nombreuses cheminées. Partout à travers la ville se trouvaient des fontaines et des canaux transportant l'eau chaude des thermes naturelles. La source du héros, où le bassin principal se trouvait, sous un toit ouvert retenu uniquement par des colonnes finement sculptées.

Il s'agissait de la destination des deux enfants, qui s'étaient emmitouflés dans leurs vêtements d'hiver. Mais au niveau de la source thermale, la température s'adoucit, et Béatrix dénoua son écharpe, alors que Nabil retirait son bonnet. Ils regardèrent à droite et à gauche, cherchant leur rendez-vous du regard. Ils avancèrent un petit peu, et leurs yeux se posèrent sur la vapeur d'eau qui s'échappait des thermes.

« Que ça fait du bien de se poser... » Soupira Callum.

Il se baignait dans les thermes, assis, l'eau lui montant jusqu'en haut du torse. Il s'était adossé au rebord, un bras s'appuyant dessus, l'autre étant... absent. Un bandage enrobait sa plaie encore en pleine cicatrisation. Il lança un regard à Damian, dont un pansement recouvrait la moitié de son visage, cachant son œil perdu.

« Je ne te le fais pas dire... Quand je pense que deux pauvres forgerons comme nous allons devenir roi, cela m'échappe totalement, lâcha Damian, les sourcils froncés. Je ne suis pas sûr de vouloir ça.

– Moi non plus, mais le peuple a besoin d'être guidé par les héros qui l'ont sauvé. Le désastre a été beaucoup trop important. Ça nous fera du boulot en n'en plus finir !

– Toi, tu veux te plonger dans le travail pour oublier... » Marmonna Damian.

L'ambiance devint très lourd tout à coup. Callum détourna le regard, le cœur lourd et les yeux humides. Damian baissa la tête, une expression plus dévastée que jamais sur le visage.

« Ouais, grogna Callum, avant de secouer la tête pour chasser ses sombres pensées. Zacian, Zamazenta, vous serez à nos côtés pour nous aider à être de bons rois ?

– Que c'est étrange, fit remarquer Damian, alors que nous nous sommes toujours occupés de vous et que vous soyez plus jeunes que nous, les pouvoirs que vous avez obtenus vous ont donné sagesse et connaissance qui surpassera à jamais les nôtres... Alors nous comptons sur vous. »

Deux loups se trouvaient avec eux, l'un avait le corps écarlate et une touffe de poils outremer sur la tête, en plus de ses deux pattes avant et de sa queue, l'autre étant majoritairement bleu ciel avec deux tresses pêches partant de ses oreilles. Les deux Pokémon arboraient de nombreuses blessures, et chacun avait l'une de ses oreilles coupées. Ils se reposaient dans l'eau chaude, tout comme leurs partenaires humains.

« Malheureusement, ce ne sera pas possible, annonça par télépathie celui écarlate.

– Comment ? Zamazenta, pourquoi ? S'écria Callum.

– Nos corps ont trop subi en trop peu de temps. Nous devons partir en sommeil, expliqua le bleu ciel.

– Zacian... Que ferons nous si le monstre du désastre refait surface ? Nous ne nous en sortirons pas sans vous ! Il a disparu après le combat... Comment savoir où il se trouve à présent, et ce qu'il prépare ?

– Ne vous en faites pas. Il a besoin de bien plus de repos que nous, expliqua Zamazenta.

– Et le jour où il reviendra, nous serons toujours là pour arrêter sa folie destructrice. » Annonça Zacian.

« Béatrix, Nabil ! Qu'est-ce que vous faites à fixer le vide comme ça ? »

Les deux enfants sursautèrent, revenant à la réalité, et se tournèrent vers la personne qui les avait interpelés.

« Sonya ! S'exclama le garçon.

– En personne ! Comment allez-vous ? Ta tenue est très mignonne, Béatrix, ça te va bien.

– Oh, merci... »

La châtaine ne fit pas très attention à ce qui avait été dit. Elle se contenta de bouger un peu son bras droit, comme pour vérifier qu'il était encore là. Elle se frotta l'épaule, et Nabil comprit ce qui lui prenait. Lui aussi sentit le besoin de vérifier qu'il avait bien encore ses deux yeux.

« Vous êtes sûrs que tout va bien ? Demanda Sonya face à l'étrange attitude des deux enfants.

– En fait... tu te souviens, la dernière fois qu'on est allé dans la Forêt de Sleepwood, Trixie et moi, on a fait un rêve commun ?

– Oui, bien sûr. Pourquoi ?

– Il se trouve que nous avons eu deux visions communes encore, depuis... »

La rousse écarquilla les paupières.

« Tous les deux, vous allez me raconter ça. Ça vous dit des beignets ? »

Le trio s'était posé sur des marches, dans un petit coin tranquille de Ludester. Sonya avait payé des beignets à la confiture tout chauds aux deux enfants, qui leur avaient raconté la vision qu'ils avaient eu à Kickhenham, puis celle qu'ils venaient d'avoir, en mangeant leur goûter.

« Ça fait... beaucoup d'informations d'un coup, dit Sonya. On dirait que vous voyez les souvenirs de quelqu'un d'autre... La première fois, cela a été causé parce que vous avez touché une épée et un bouclier ancien. La deuxième fois, c'était suite au tremblement de terre, et maintenant, c'est lorsque vous avez vu la source du héros. J'aurais aimé dire que ce sont des choses qui ont un rapport avec les héros de la légende, mais dans ce cas, je ne vois pas pourquoi vous auriez eu une vision à Kickhenham...

– C'est vrai... Pourquoi tu penses que c'est lié aux héros de la légende ? Demanda Nabil.

– Mon hypothèse est que vous voyez les souvenirs des héros eux-mêmes. Ils ont vu les étoiles Vœu tomber, les Pokémon commencer à Dynamaxer, et vu l'époque que vous avez décrite, cela pourrait très bien être la Nuit Noire. De plus, vous avez vu à côté des deux hommes deux Pokémon loups que vous avez dit s'appeler Zacian et Zamazenta. Je me souviens maintenant que vous avez dit ces noms lorsque vous avez vu les statuts des héros et de leurs Pokémon à Old Chister... Raison de plus pour penser que les deux hommes dont vous voyez les souvenirs sont les héros.

– Mais enfin... pourquoi ? Ça n'a pas de sens ! Comment ces souvenirs peuvent-ils apparaître comme ça dans notre tête ? Demanda Béatrix.

– Parce que vous avez été choisi par Zacian et Zamazenta. À moi de vous raconter ce que j'ai découvert dans la Forêt de Sleepwood. Comme l'endroit est rempli de Pokémon sauvages coriaces, j'ai demandé à Tarak de m'accompagner, et nous y sommes allées tous les deux il y a quelques jours...

– Avec Tarak ? Répéta Trixie en plissant les yeux. Vous avez passé un moment ensemble, Tarak et toi ?

– Je sais ce à quoi tu penses, et toi aussi, t'as des trucs à me dire. Ça m'a pas échappé que tu portes la veste de Nabil, là. »

Béatrix se sentit rougir, alors que le garçon regardait les deux filles d'un air perdu.

« C'est quoi le problème avec ma veste ? Et quel rapport avec le fait que vous avez passé du temps ensemble, Tarak et toi ? »

Sonya passa une main sur son visage, un sourire désabusé aux lèvres.

« Tu es bien son frère... Ne t'en fais pas, il n'y a pas de problèmes. C'est un secret entre Béatrix et moi.

– Et je peux vraiment pas savoir ?

– Tu ne pourras que si Béatrix accepte de te le dire ! Et je pense qu'elle n'est pas encore prête pour ça.

– Sonya ! Arrête ! S'exclama la châtaine, embarrassée.

– T'en fais pas, Trixie, je te forcerais pas à me dire si tu veux pas, dit Nabil. Mais c'est grave ?

– Non, pas du tout ! C'est juste un secret entre filles.

– Oh, O.K... J'imagine que je vais pas savoir de si tôt, dans ce cas.

– Non, effectivement, mais on a dévié du sujet, fit remarquer Sonya. Comme je disais, j'y suis allée avec Tarak pour avoir un peu de protection au cas où. Et nous avons été coincé dans la brume. Peu importe le chemin que nous prenions, nous revenions toujours à notre point de départ. Nous n'avons pas pu trouver du tout l'autel dont vous m'avez parlé.

– Hein ? Mais on te jure, il était là ! S'exclama Nabil.

– Je me doute que vous ne mentez pas. Et j'ai un sens de l'orientation bien meilleur que Tarak, je sais trouver mon chemin. Cela donnait plutôt l'impression que nous n'étions pas autorisés à aller plus loin dans la forêt.

– Comment ça... pas autorisés ? Je ne comprends pas...

– C'est exactement ce que cela veut dire. Nous n'avions pas le droit d'aller plus loin. Pourquoi exactement... je pense que c'est à cause de cet autel dont vous m'avez parlé, et de l'épée et du bouclier qui s'y trouvent. Tout le monde ne doit pas avoir le droit de s'y rendre, raison pour laquelle personne ne l'a trouvé jusque là.

– En plus du fait que la forêt est interdite d'accès...

– C'est vrai que ça n'aide pas, mais je pense que, malgré ça, depuis trois milles ans, des gens ont bien du essayer de s'y rendre.

– Et pourquoi est-ce que Nabil et moi, on serait autorisés à aller jusqu'à l'autel ?

– Parce que vous avez été choisi. Je pense que vous avez été laissé aller jusqu'à l'épée et au bouclier pour que vous les touchiez et puissiez commencer à avoir vos visions. Car c'est bien après cet évènement là que vous avez commencé à avoir des visions !

– Mais pourquoi est-ce qu'on aurait été choisi ? Dans quel but ? Pourquoi est-ce qu'on devrait voir ces souvenirs...

– Pourquoi vous avez été choisi, je n'en sais. Dans quel but, en revanche... je n'aime pas y penser, mais en sachant les prouesses des deux héros... Il est probable que vous soyez censés arrêté un évènement d'une ampleur inimaginable. Quant au vision... la pire hypothèse à laquelle je puisse penser est que c'est un avertissement.

– Un avertissement... de quoi ? »

Sonya se prit la tête entre les mains. Ce n'était pas quelque chose auquel elle voulait penser.

« Un avertissement contre la Nuit Noire. »

Les enfants furent estomaqués par cette annonce. Mais Sonya redressa la tête, un sourire peu convaincu sur le visage.

« Mais ce n'est qu'une hypothèse ! Cela dit, il y a quelque chose qui me turlupine dans votre dernière vision... L'un des deux hommes a parlé d'un "monstre du désastre". Si mon hypothèse est juste, le désastre qu'il évoque serait la Nuit Noire. Mais que serait le "monstre" ? Je dois faire des recherches là-dessus. Qu'est-ce qui a causé la Nuit Noire... ?

– Je dois avouer que... je ne m'attendais pas à ce que tu prennes nos visions au sérieux, dit Béatrix.

– C'est vrai que, la première fois, ça aurait pu n'être qu'une coïncidence, mais... considérant tout dans son ensemble, ce n'est pas quelque chose que je peux ignorer. Je vais commencer par aller écumer la bibliothèque de Ludester, comme les deux héros se sont reposer ici après leurs batailles, peut-être qu'il y a encore des textes qui relatent de se qu'il s'est passé. Donc si vous me cherchez, je suis encore en ville pour quelques jours, voire bien plus !

– Courage ! Ça a pas l'air facile, ton travail de recherche, compatit Nabil.

– Tu peux le dire. Vous avez dit que... Callum et Damian, c'est ça ? Ils avaient des Pokémon à leurs côtés, dans votre deuxième vision ?

– Oui, effectivement... Répondit Béatrix. Nabil, tu avais trouvé les Pokémon dont il s'agit, non ?

– C'est vrai. On avait cherché, Trixie et moi, et on a trouvé que c'est ce Pokémon-là. »

Nabil montra son Motismart à Sonya, affichant la page d'un Pokémon dans le Pokédex.

« Un Rocabot ?

– Oui. Celui de Callum était chromatique, et celui de Damian avait ses couleurs habituelles. Mais ils n'étaient pas avec eux à la Source... »

Nabil et Béatrix se lancèrent un regard, pensant au pire. La Nuit Noire était connue pour avoir été le désastre le plus dévastateur qui se soit abattu sur la région, et les expressions sombres qu'avaient eu Callum et Damian étaient de mauvais augure.

« Rocabot, le Pokémon Chiot, évoluant en Lougaroc, le Pokémon Loup... Et les deux statues, visiblement Zacian et Zamazenta, montraient des Pokémon clairement canidés...

– Tu as dit quelque chose ? Demanda Béatrix, qui n'avait rien entendu vu que Sonya parlait dans sa barbe.

– Oh, non, rien, je réfléchissais, c'est tout. En tout cas, merci beaucoup de m'avoir raconté tout ça.

– C'est rien. Merci à toi de les prendre au sérieux !

– Mon instinct me dit que c'est la bonne chose à faire. Oh, au fait, ça n'a rien à voir, mais... faites très attention à vous. Depuis quelques temps, il y a eu des personnes qui se sont faites agressées et dont on a volé le Poignet Dynamax.

– Hein ? Le poignet Dynamax ? Pourquoi ?

– Aucune idée. Ça aurait pu être pour saboter le Défi des Arènes, mais il n'y a pas que des challengers qui se sont faits voler... Qu'est-ce que ça pourrait être ? Pour collectionner des étoiles Vœu ? Je n'en ai aucune idée.

– Des étoiles Vœu ? C'est vrai que c'est à partir de ça que les Poignets Dynamax sont faits... » Se souvint Béatrix.

La châtaine fronça les sourcils. La collection d'étoiles Vœu, ça lui disait quelque chose, mais elle ne savait plus quoi... Elle secoua sa tête de droite à gauche, chassant cette pensée. Ça n'avait probablement rien à voir, de toute façon.

Le lendemain, l'angoisse réveilla Béatrix très tôt. Après s'être habillée et avoir attrapé ses affaires, elle demanda à son Motisma :

« Tu veux bien envoyer un message à Nabil pour lui dire que je suis allée m'entraîner sur la route 8.

– Très bien, je fais ça !

– Merci beaucoup. »

La jeune fille quitta sa chambre d'hôtel et se dirigea jusqu'au lieu de son entraînement. Une fois arrivée, elle sortit tous ses Pokémon et leur offrit à chacun de quoi manger, et se permit de grignoter son petit déjeuner.

La nourriture, qu'elle aimait pourtant beaucoup, lui donna horriblement mal au ventre. Elle savait que c'était le stress. Dans trois jours, elle allait combattre à l'arène et potentiellement voir sa mère. Rien ne pourrait la rendre plus malade. Surtout que, même s'il y avait clairement des avancements dans son entraînement avec Spirit, mais ils étaient encore loin d'être sûrs la même longueur d'onde. Elle avait beaucoup réfléchi pour faire des stratégies plus offensives, et l'Élecsprint lui obéissait parfois, mais tout autant de fois qu'il refusait de l'écouter.

Alors qu'elle était en pleine réflexion, elle vit quelque chose passer juste devant elle. Une touffe de poils taupe attrapa le paquet de biscuits que la jeune fille avait laissé à côté d'elle. Surprise, elle suivit sa direction. La touffe de poils s'arrêta et se retourna. Béatrix put alors voir qu'il s'agissait d'un Pokémon félin au pelage irsute, avec de grandes griffes noires et une pièce de cette même couleur sur le front. Il la fixa un instant, en profitant pour manger un biscuit, comme jaugeant sa réaction.

« Motisma ! De quelle espèce est ce Pokémon ?

– Alors... Il s'agit d'un Miaouss, forme de Galar, le Pokémon Chadégout, de type acier. Après avoir longtemps vécu avec une tribu de barbares des mers, il est devenu plus musclé, et des éléments métalliques lui ont poussé ici et là. Plus la pièce de son front est sombre, plus elle est dure et inspire le respect à ses congénères. Il est aguerri et ne connaît pas la peur. »

Béatrix le fixa. Cela ne la dérangeait pas trop qu'il lui vole un paquet de biscuits, même si ça l'ennuyait un peu, mais il allait peut-être l'attaquer. Au lieu de ça, il poussa un puissant cri, rauque, et pourtant avec un bruit de grincement suraigu en fond. Béatrix posa ses mains sur ses oreilles, ses tympans souffrants le martyre.

Il s'arrêta. La jeune fille retira doucement ses mains de sa tête, inquiète des futures actions de ce Pokémon. Mais à la place, un autre Miaouss arriva, se posant à côté de son camarade.

Béatrix réalisa que ses Pokémon et elle étaient encerclées par une horde de Miaouss de Galar.

Et voilà le chapitre du jour ! Qu'est-ce que vous en pensez ?

Encore une fois, je suis heureuse de vous dire que j'ai de l'avance... mais cette fois, non pas de un, mais de deux chapitres ! Et je suis en vacances à la fin de la semaine, donc j'espère en profiter pour prendre beaucoup d'avance :3

C'est donc, comme toujours, avec un grand plaisir je vous dis... à jeudi prochain ! (ﾉ◕ヮ◕)ﾉ*:･ﾟ✧