
Chapitre 31.1 : Anne - Une sœur, un frère et sa fille
Ce chapitre est du point de vue d'Anne.
« Karl ! Comment ça, tu veux te marier avec cette femme ?! » M'étranglai-je.
Mes yeux verts le foudroyaient. Cette nouvelle m'énervait au plus au point. Je remis nerveusement l'une de mes mèches rouges derrière mon oreille, essayant de reprendre mon calme. Ce fut un échec complet.
« Anne... S'il te plaît, parle mieux d'elle. Je sais que tu l'apprécies peu, mais elle fera bientôt partie de notre famille... Soupira mon frère, attristé, passant nerveusement une main dans ses courts cheveux roses bonbon.
– Je "l'apprécie peu" ? Je la hais ! Cette femme ne t'aime pas ! Elle reste avec toi seulement parce que tu es riche, elle n'en a qu'après ton argent et tes contacts ! Elle ne fait que t'utiliser !!
– Anne ! S'énerva Karl, me lançant un regard noir. Je t'interdis d'être aussi irrespectueuse envers Élisa, ainsi que de remettre en cause ses sentiments envers moi. J'aimerais au moins que toutes les deux, vous puissiez vous entendre, ou au moins vous tolérer...
– Je ne la tolérerai jamais ! Karl, je te le dis tout de suite : c'est soit elle, soit moi. Si tu décides de finir ta vie avec elle, alors je ne veux plus avoir le moindre contact avec toi. »
J'espérai simplement que cela le ferait réagir. Qu'il tiendrait plus à notre lien fraternel qui était si fort, plutôt qu'à cette femme qui ne l'aimait même pas. Mais il aveuglé par son amour pour elle. Karl me lança un regard peiné.
J'eus comme un électrochoc. Sans même qu'il n'ouvre la bouche, je sus ce qu'il allait répondre. Comment cela était-il possible ? Mon cœur se brisa. Au bord des larmes, je me mis à courir. Je bousculai mon frère en passait à côté de lui. Il esquissa un geste pour me retenir. Je l'entendis appeler mon nom. Mais je ne m'arrêtai pas.
Il venait d'abandonner notre relation. Il venait de m'abandonner pour cette femme. Jamais je ne lui pardonnerai.
J'avais à peine une vingtaine d'années lorsque je m'étais disputée avec mon frère. Pendant toute ma vie, il avait été mon appui le plus solide, le seul qui avait toujours été là pour moi. Sans lui à mes côtés, mon monde s'était écroulé. J'avais mis du temps à le reconstruire.
Mais je réussis à me relever. Je rencontrai mon futur mari, Lucas. Je finis mes études, avec un excellent diplôme à la clé. J'obtins un bon travail et parvins à devenir une cadre respectée. Lucas et moi nous étions installés ensemble à Kickenham, ville où j'avais été mutée tôt dans ma carrière. Nous mîmes au monde une première fille, que nous nommâmes Viviane, "celle qui est pleine de vie". Quelques temps plus tard, nous quittâmes Kickenham pour emménager dans une petite maison dans la petite bourgade de Paddoxton, abandonnant la grande ville pour la campagne. Les trajets pour me rendre jusqu'à mon travail avait rallongé, mais le train me permettait de l'y rendre facilement. Alors que Viviane avait huit ans, sa petite sœur vint au monde : Alice, "celle qui est de noble lignée". A nous quatre, nous vivions notre petite vie heureuse.
J'étais si contente de voir mes deux enfants s'entendre si bien. J'espérais de tout cœur qu'elles ne deviendraient jamais comme Karl et moi. A chacun de mes anniversaires, et à chaque Noël, pendant une vingtaine d'années, je recevais des cartes de la part de mon frère. Je ne répondais jamais. Tiraillée entre mes regrets, ma fierté, ma douleur et ma rancœur, je ne pouvais le contacter. Je savais que je le ferai, un jour, mais je n'y arrivais juste pas.
Au fil des années, je pensais de plus en plus à recontacter Karl. Je finis pas me sentir prête à avoir au moins une discussion avec lui. J'avais enfin trouvé le courage de me réconcilier avec lui.
Cependant, cet avenir que j'avais espéré ne vit jamais le jour.
L'automne touchait à sa fin. Il était tard. Je reçus un appel.
Karl était mort. Karl s'était donné la mort.
Je fus tellement sous le choc que je passai les jours suivants dans un état second. Cette période reste très floue dans mes souvenirs. Je me souviens que je pleurais beaucoup, réconfortée par Lucas, tout en essayant de ne pas alarmer mes filles. Elles ne savaient même pas que leur mère avait eu un frère.
Elles l'apprirent lorsque je dus partir pour la région de Hoenn, pour mettre en place les affaires de mon frère. Il semblerait qu'Élisa s'indignait du testament laissé par son défunt mari et refusait de prendre en charge sa fille.
Sa fille. J'appris l'existence de Béatrix à ce moment-là.
Dans l'avion, je lus toutes les informations que j'avais pu récupérer. Il semblerait que, depuis de nombreux mois, plus rien n'allait dans la jolie famille que formait Karl, Élisa et Béatrix. La femme passait son temps à influencer sa fille, pendant que l'homme se distançait de plus en plus d'elle.
Je compris alors que mon frère avait décerné la vraie nature d'Élisa. Il avait réalisé qu'elle ne l'aimait pas et ne faisait que se servir de lui. Mes doigts se crispèrent sur mon clavier. Cette réalisation avait du le détruire. Si seulement j'avais repris contact avec lui plus tôt... Serait-il encore parmi nous aujourd'hui ?
Je retenais mes larmes à cette réalisation, ne souhaitant pas faire une scène en public. Karl avait eut une fille, Béatrix. Il semblerait qu'elle soit sous l'influence de sa mère, mais j'espérais me tromper. Après tout, elle était tout ce qui me restait de mon frère. Même si elle était aussi l'enfant de cette femme...
Je secouai la tête et me concentrai sur les autres informations. Il semblerait qu'Élisa fasse une scène car son mari ne lui avait rien légué. Tout revenait à sa fille, quelques autres proches... et moi. Bien que je sois restée froide avec lui ces vingts dernières années, que je n'avais jamais répondu à une seule de ses cartes... Il avait quand même décidé de m'offrir une part de ses biens. Alors que mes rejets étaient sans le moindre doute l'une des causes qui l'avaient poussé à se suicider !
Mais la cause principale était cette femme. Alors j'allais lui faire payer, et être certain que le testament de mon frère serait respecté : Élisa ne récupérera pas le moindre centime, pas la moindre babiole qui eut appartenu à Karl. C'était tout ce que je pouvais faire dans l'immédiat.
J'arrivai devant la maison où avait habité Karl, près de Nénucrique. Enfin, cette demeure s'apparentait plus à une villa, puisqu'elle avait été habitée par un PDG qui fut considéré comme un jeune prodige, et qu'une mannequin connue dans la région d'Hoenn y résidait également.
Normalement, Elisa ne serait pas là. J'avais un double des clés, que mon frère m'avait envoyé un jour. Je voulais faire un simple état des lieux. La confrontation avec mon affreuse belle-sœur aurait lieu plus tard.
Je poussai la porte de la maison. Et ma venue avait attiré une petite curieuse, qui m'avait vue arriver en taxi depuis la fenêtre de sa chambre.
Je croisai le regard doré, identique à celui de mon frère, de sa fille. J'écarquillai les yeux en la voyant. Cette enfant avait été capable de ressembler terriblement à la fois à son père et à sa mère. Elle semblait épuisée d'avoir trop pleuré, mais essayait de garder un sourire sur son visage.
« Excusez-moi, madame... Est-ce que vous êtes la sœur de mon père ? Demanda-t-elle.
– ... Oui. Mais comment le sais-tu ? »
Les yeux de la petite se mirent à pétiller.
« Alors vous êtes vraiment ma tante ! Papa m'a beaucoup parlé de vous, j'avais hâte de vous rencontrer ! »
La châtaine s'approcha de moi et essaya d'attraper ma main, sûrement pour m'embarquer à sa suite et me faire visiter la maison.
Mais, au moment où ses doigts allaient agripper les miens, j'eus un brusque mouvement de recul et rejetai son geste d'un coup sec.
L'enfant ramena alors ses mains contre sa poitrine, les yeux teintés de crainte. J'eus l'impression que quelque chose dans son regard s'était brisé, mais n'y portait pas attention. Cela ne devait qu'une impression.
Mais pourquoi avais-je eu une telle réaction ? Peut-être parce que ses deux iris dorées me rappelaient tant celles de mon frère, ainsi que tous mes regrets.
Alors que la petite restait paralysée devant moi pendant que j'analysai la situation, la porte derrière moi s'ouvrit. Le regard de la châtaine se voila de peur en voyant cette personne entrer.
Je me retournai donc, pour découvrir cette magnifique femme aux cheveux châtains raides qui lui arrivaient au milieu du dos, de beaux yeux rubis, à la peau de pêche, vêtue avec élégance. Lorsque nous nous vîmes, nous ne pûmes cacher notre dégoût l'une pour l'autre.
« Anne. Je peux savoir ce que tu viens faire chez moi ?
– Oh, mais ce n'est plus chez toi, non ? Répondis-je avec un sourire froid. Après tout, dans son testament, Karl me lègue cette magnifique villa.
– N'importe quoi ! Ce testament ne peut être qu'un faux !! Jamais mon mari ne m'aurait rien laissé !
– Il a dû réaliser à quel point tu étais fausse, écoute. » Ricanai-je.
Élisa fulminait. Elle remarqua sa fille, et afficha un sourire doucereux, faussement tendre. Elle tendit les bras vers Béatrix. Je ne vis pas le mouvement de recul que celle-ci esquissa. Ou plutôt, je me persuadai que je l'avais imaginé, vu comment la petite se précipita vers sa mère ensuite, un grand sourire joyeux sur le visage.
Alors Béatrix est du côté de cette femme, pensai-je, ignorant les signes.
Je me battis pendant plusieurs jours avec Élisa, jusqu'à ce que celle-ci soit forcée d'accepter le verdict : rien de ce que mon frère avait possédé ne lui reviendrait.
Elle abandonna sa fille à ma charge. Je ne compris par pourquoi, puisqu'elles semblaient proches, mais cela ne me surprenait pas vraiment non plus : cette femme devait sans le moindre doute penser que sa propre enfant était un poids. Peut-être aussi qu'elle voulait que sa fille me surveille, pour une raison ou une autre. Après tout, de ce que j'avais vu, la petite était aussi fausse que sa mère. Cela me répugnait.
Ce fut ainsi que je ramenai Béatrix chez moi. J'avais mis Lucas au courant, pour qu'il puisse prévenir nos filles. Viviane ne sembla pas le moins du monde intéressée par cette nouvelle arrivante, tandis que Alice était terriblement excitée à l'idée de faire connaissance avec sa cousine.
Tout se dégrada en un mois seulement. Béatrix ne cessai de me rappeler mes erreurs, mon frère, cette horrible femme et son caractère hypocrite, que le petite avait hérité. Plus les jours passaient et moins je supportais sa présence. Je pleurais souvent seule, et la fille de Karl et Élisa m'empêchait de me remettre. Je me mis à la détester de tout mon être.
C'était injuste, je le savais. Elle n'avait rien fait. Mais je ne contrôlais pas ce que je ressentais, et j'étais persuadée que cette petite était l'une des raisons pour laquelle mon frère s'était suicidé.
Au départ, je l'ignorais juste. Je ne répondais pas quand elle m'appelait, ou je lui parlais sur un ton froid et agacé. Si elle voulait quelque chose qui ne lui était pas vital, je refusai. Puis je commençai à lui faire faire les tâches ménagères. Je me mis à l'utiliser comme bonne à tout faire. Je l'empêchai de fréquenter Alice : j'étais terrifiée à l'idée que l'influence d'Élisa ne vienne ternir ma plus jeune fille. Viviane commença également à s'en prendre à Béatrix. Sans pourtant inciter l'adolescente, je ne la punissais jamais et prenais toujours son parti. J'espérai que, malgré l'horreur de ce traitement, cela me permettrait d'apaiser les horribles sentiments qui étreignaient mon cœur à longueur de temps et qui m'étouffaient.
Très rapidement, Béatrix se mit à fuir la maison. Elle passai le plus de temps dehors possible, et ne revenait que pour la nuit. D'abord seule, elle se fit un ami, qui l'a fit s'éloigner encore plus de la maison. J'aurais dû me sentir mieux qu'elle ne soit plus là, mais étrangement, ce n'était pas si net. Je me sentais presque mal de la savoir en danger dehors. C'était sûrement parce qu'elle restait la fille de mon frère, et qu'elle me le rappelait.
Et voici pour aujourd'hui ! Le début d'un chapitre un peu spécial, puisqu'il est du point de vue de quelqu'un que vous détestez tous : Anne. Je la déteste aussi, mais je trouvais cela important d'avoir son point de vue, et c'était intéressant à écrire. Ce chapitre me permet aussi de préciser quelques trucs qui pourraient être utile, comme les prénoms des parents de Béatrix, par exemple...
La deuxième partie de ce chapitre arrivera jeudi prochain, et après ça, j'aurais encore deux chapitres qui seront du point de vue d'autres personnages. Après ça, je reprendrai mon écriture habituelle. Je me demande si vous allez pouvoir deviner de qui seront les points de vue des deux prochains chapitres...
Bref, le reste de l'histoire d'Anne arrive la semaine prochaine, et j'espère que ça vous plaira ! :3
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